1. La lettre

  • il y a 8 mois
En août 2018, Olivia Ronen, jeune avocate pénaliste de 28 ans, reçoit la version scannée d’un mystérieux courrier. Des courriers qui proviennent de la prison, Olivia Ronen en a l’habitude, c’est son métier. Pourtant, celui-ci n’a pas été envoyé par un détenu comme les autres. Le papier est signé du nom du détenu le plus surveillé d’Europe à ce moment-là : Salah Abdeslam, le dernier membre encore en vie du commando des attentats du 13 novembre 2015. Il souhaite la rencontrer. Comment Salah Abdeslam a-t-il entendu parler d’elle ? Pourquoi l’a-t-il choisie pour sa défense ? Pour répondre à ces questions, l’avocate décide de prendre le bus en direction de la prison de Fleury-Mérogis, afin de rencontrer celui qui, peut-être, sera son futur client. Lorsqu’elle arrive à la maison d’arrêt, Me Olivia n’a prévenu personne. L’atmosphère est lourde, les cliquetis des serrures résonnent entre les murs et le personnel s'empresse autour d’elle. C’est l'ébullition dans le quartier d’isolement de la prison de Fleury-Mérogis. Un technicien entre dans le parloir, puis en ressort. Les doutes s’installent chez Olivia Ronen : la salle a-t-elle été placée sur écoute ? Néanmoins, il en faut davantage pour déstabiliser l’avocate. Après quelques minutes d'attente, la porte du parloir s’ouvre, c’est Salah Abdeslam. Olivia Ronen va-t-elle accepter de défendre un tel dossier ?  Me Olivia Ronen raconte pour la toute première fois son histoire, celle de l’avocate qui a choisi de défendre Salah Abdeslam, au micro de Noémie Schulz, journaliste judiciaire.

Le podcast "Le terroriste" est produit par Europe 1 Studio.

[Le 29 juin 2022, Salah Abdeslam a été condamné par la cour d’assises spéciale de Paris pour sa participation aux attentats terroristes du 13-Novembre 2015. Il n’a pas fait appel. Sa peine, la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, est définitive. Ce podcast n’a donc pas vocation à refaire le procès. Il s’agit de le raconter avec un point de vue inédit, celui de l’avocate de Salah Abdeslam, Me. Olivia Ronen.]

Crédits

Journaliste : Noémie Schulz

Réalisation : Christophe Daviaud avec Clément Ibrahim

Production : Fannie Rascle avec Camille Bichler

Rédaction et diffusion : Lisa Soster

Musique Originale : Sandy Lavallart

Supervision Musicale : The Supervision

Visuel : Sidonie Mangin avec Axelle Maurel

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Transcription
00:00 [Musique]
00:05 Alors c'est une journée d'été d'août 2018
00:09 que je reçois par mail alors que je suis en vacances.
00:13 Je reçois un courrier scanné, un courrier qui vient de sa lab' d'Islam, il semble,
00:19 puisque celui-ci se présente et aimerait me rencontrer.
00:24 Cette voix, c'est celle d'Olivia Ronen. Elle est avocate pénaliste.
00:28 Donc je vous avoue que je suis assez incrédule
00:31 parce que je m'attends peu du tout à recevoir un courrier comme celui-là.
00:36 Je ne suis pas sûre de savoir bien quoi penser. Je me demande si c'est une blague.
00:39 Au moment où elle reçoit cette lettre, elle a 28 ans.
00:42 C'est un courrier manuscrit parce que rares sont les détenus qui ont accès à un ordinateur
00:46 pour pouvoir faire leur courrier. C'est un courrier avec tous les éléments
00:51 qu'on a dans un courrier détenu, avec ses feuilles quadrillées, très souples, très fines.
00:57 Et je vois que sur l'enveloppe, il n'y a pas de nom, il n'y a pas de prénom.
01:03 Il y a simplement le numéro d'écrou.
01:05 Donc je décroche mon téléphone, j'appelle le greffe de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis
01:10 et je leur demande quelque chose d'un peu pas très pourrant,
01:17 c'est-à-dire essayer de voir s'ils peuvent me donner le nom qui correspond au numéro d'écrou.
01:21 Donc ils me disent tout de suite qu'ils ne pourront pas me donner le nom.
01:23 Ils me demandent malgré tout quel est le numéro d'écrou.
01:26 Ils me demandent qui je pense que c'est au bout de ce numéro d'écrou.
01:29 Je leur dis, ils rigolent et ils disent "allez, écoutez, pas du tout, pas du tout".
01:33 Je raccroche. Mais en même temps, je ne me dis pas que c'est complètement une blague.
01:41 Quelques jours plus tard, je vais à ma rentrée et je vais directement au greffe du juge d'instruction
01:48 qui, je sais, est saisi du dossier du 13 novembre 2015 avec mon courrier.
01:54 Et une fois que je suis au greffe, on m'indique que oui, c'est bien le courrier de Salah Abdeslam.
01:59 En fait, Salah Abdeslam s'est trompé en écrivant son propre numéro d'écrou.
02:03 C'est pour ça qu'il y a eu une confusion.
02:06 Je vous décris Olivia Ronen en quelques mots.
02:08 Silhouette gracile, teint mate, dans sa chevelure noire se détache une mèche, déjà grise.
02:14 C'est une jeune femme discrète et la convaincre de me parler n'a pas été facile.
02:19 Il y a un an, je lui envoie un message WhatsApp.
02:22 A l'intérieur, je glisse le lien pour écouter mon premier podcast.
02:25 Il s'appelle "Le coupable", c'est un long témoignage de l'avocat Alain Jakubowicz
02:29 qui a défendu Nord-Alles-Lolandais.
02:31 Dans la foulée, je lui demande l'air de rien, si elle serait partante pour être la prochaine.
02:36 À ce moment-là, c'est encore un peu prématuré, m'explique-t-elle.
02:40 Et puis elle pose des limites.
02:41 Elle ne veut pas se pencher sur ce client sur lequel tant de choses ont été dites.
02:46 Pas question non plus pour elle de trahir le secret professionnel
02:48 qui protège les échanges qu'elle a eus avec lui.
02:51 Et ça me tombe bien. Ce n'est pas ce que je veux.
02:53 Pour son implication dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris,
03:02 Salah Abdeslam a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible.
03:07 L'idée de ce podcast n'est pas de refaire un procès qui a duré près d'un an.
03:11 Salah Abdeslam a été reconnu coupable, il n'a pas fait appel, sa condamnation est définitive.
03:16 Dans ce qui m'intéresse, c'est elle, l'avocate, Olivia Ronen.
03:20 Pourquoi a-t-elle accepté de défendre le seul membre encore en vie des commandos du 13 novembre ?
03:25 Comment a-t-elle construit la défense d'un homme jugé pour la mort de 131 personnes ?
03:30 Et comment a-t-elle fait face à la souffrance des victimes et au traumatisme de tout un pays ?
03:36 Olivia Ronen a accepté de répondre à toutes ces questions.
03:40 De raconter sa vie d'avocate pénaliste et puis sa vie tout court.
03:44 Avec ses doutes parfois et ses regrets.
03:47 Un témoignage qu'elle avait gardé pour elle jusqu'à présent.
03:50 Je m'appelle Noémie Schultz, vous écoutez Le Terroriste, un podcast produit par Europe 1 Studio.
03:56 Épisode 1, La Lettre.
03:59 Je parle de ce courrier que j'ai reçu très très peu.
04:11 Mais j'en parle malgré tout parce que je ne peux pas garder une telle chose pour moi.
04:14 Donc à l'époque j'étais en vacances avec mon copain.
04:18 Et forcément, qui est avocat aussi, forcément que j'en discute avec lui.
04:22 Et forcément que c'est quelque chose d'énorme qui arrive.
04:25 Donc je suis obligée de le partager.
04:27 Je suis obligée de le partager aussi avec ma mère.
04:31 Parce que je suis très proche de ma mère.
04:33 Et que voilà, quelque chose d'aussi gros, j'ai envie de lui dire.
04:39 Et en même temps, je me dis bon, il va peut-être falloir faire un peu de pédagogie.
04:44 Pour lui expliquer pourquoi j'aurais envie d'aller sur un tel dossier.
04:47 Et pourquoi ce serait une vraie opportunité pour moi.
04:49 Et pourquoi ça me plaît.
04:51 A l'époque, Olivia Ronen exerce depuis moins de 3 ans.
04:55 C'est une jeune avocate brillante.
04:57 Elle est arrivée 9ème au concours d'éloquence du Barreau de Paris.
05:00 Qui distingue chaque année 12 jeunes pénalistes de talent.
05:04 Pendant un an, elle est secrétaire de la conférence.
05:07 Ce titre lui permet d'accéder à ses premiers dossiers terroristes.
05:10 Dans le milieu, on dit terreau.
05:12 Moi, j'ai eu l'occasion de la croiser 2 ou 3 fois sur les plateaux de CNews.
05:16 La chaîne d'information où je suis spécialiste justice.
05:19 Il lui arrive d'être appelée pour décrypter une actualité judiciaire.
05:22 Mais on ne peut pas dire qu'elle soit connue du grand public.
05:26 Alors comment Salah Abdeslam a-t-il entendu parler d'Olivia Ronen ?
05:30 C'est le premier mystère de cette affaire.
05:35 Ce qui est sûr, c'est que dans certains dossiers terreau,
05:38 elle obtient ce qu'on appelle de bons résultats.
05:40 Pas forcément des acquittements, mais des condamnations moins lourdes
05:43 que celles requises par le parquet antiterroriste.
05:46 Peu à peu, elle se fait un nom, dans les tribunaux, en prison aussi.
05:50 Jusqu'au jour où Salah Abdeslam lui écrit cette fameuse lettre.
05:53 Elle décide d'aller lui rendre visite à la prison de Florimerogis.
05:57 C'est un matin un peu particulier,
06:00 parce qu'on sent qu'il y a peut-être quelque chose d'important qui va se jouer.
06:03 Je pense que je réfléchis à la manière dont je m'habille.
06:06 Mais j'ai réfléchi pour me dire qu'il faut que je m'habille normalement,
06:11 et qu'il ne faut pas que j'ai un truc particulier.
06:13 Parce que, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'intuition
06:17 que ce lien, s'il doit advenir, il faut qu'il soit sincère.
06:26 Donc je n'ai pas envie de me déguiser.
06:28 J'ai envie de faire comme d'habitude.
06:30 Avec un jean et une chemise.
06:33 Et puis je prends le bus des familles, je crois,
06:35 pour aller jusqu'à Florimerogis, parce que je n'ai pas le permis de conduire.
06:38 Ce qui n'est pas anodin, quand on est vocapennéliste,
06:42 forcément ça complique un peu les choses.
06:44 Mais je prends le bus des familles,
06:46 c'est celui qui part de la Porte d'Orléans,
06:48 et qui va directement à Florimerogis.
06:50 Et ça c'est le bus qui facilite la vie,
06:55 parce que sinon, aller à Florimerogis en transport de Paris,
06:59 c'est quand même à la croix et à la bannière.
07:01 Mais ce bus-là, c'est le bus que prennent toutes les familles,
07:04 qui vont voir un proche qui est détenu,
07:08 avec les gros sacs de linge,
07:11 avec cette peine aussi qu'on doit porter,
07:15 en plus de son sac, quand on va visiter quelqu'un qui est détenu.
07:20 Donc je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'avocats dans ce bus-là.
07:23 Mais je passe plutôt inaperçu,
07:25 et je me mets dans mon petit coin,
07:27 et je me fais chier à ma rencontre,
07:29 avec mon espèce de secret, on va dire.
07:31 Parce que moi je sais quelque chose,
07:33 je sais qu'il va se passer quelque chose d'un peu important,
07:35 et les autres ne le savent pas.
07:37 Pour être très sincère, les maisons d'arrêt m'angoissent beaucoup,
07:40 parce que l'atmosphère est très pesante,
07:43 parce qu'on entend sans arrêt le click-click
07:48 des serrures qui se ferment et qui s'ouvrent.
07:51 Il ne faut pas trop être claustrophobe,
07:53 parce que sinon ça devient rapidement infernal.
07:55 Puis il y a une atmosphère,
07:57 il y a un air qui est un peu lourd,
07:59 il y a des odeurs,
08:01 parfois de vieilles javels,
08:04 ou parfois des odeurs de trucs pas lavés.
08:07 Et c'est surtout que,
08:10 en fait, j'ai toujours l'impression que je laisse les personnes que je vais voir.
08:15 Et j'ai souvent beaucoup de mal à me dire que moi je sors,
08:20 et qu'eux restent à l'intérieur.
08:23 Et par ailleurs, deux ou trois mois avant,
08:26 justement à Fleury,
08:28 j'assistais une personne qui avait mis fin à ses jours.
08:31 Donc Fleury c'est encore très chargé pour moi.
08:34 L'homme qu'elle s'apprête à rencontrer à 29 ans,
08:38 quatre mois de plus qu'elle.
08:40 Le 13 novembre 2015, c'est lui qui dépose en voiture
08:42 trois kamikazes devant le Stade de France.
08:45 Puis il laisse sa Clio portière ouverte dans le nord de Paris,
08:48 pas loin de la porte de Clignancourt,
08:50 dans le 18e arrondissement.
08:52 Il traverse la capitale en taxi,
08:54 et il abandonne sa ceinture explosive à Montrouge.
08:57 Alors a-t-il renoncé à l'actionner ?
08:59 Était-elle défectueuse ?
09:01 Deux versions s'affrontent,
09:03 mais ça, nous aurons l'occasion d'en reparler.
09:05 Dans la nuit qui suit les attaques,
09:07 Salah Adeslam réussit à prendre la fuite.
09:09 Des amis viennent le chercher et le ramènent à Bruxelles.
09:12 Il est traqué par toutes les polices,
09:14 puis il finit par être arrêté quatre mois plus tard.
09:19 De retour en France, il est incarcéré,
09:21 à Florimerogis donc.
09:23 Pendant deux ans et demi,
09:25 il refuse de répondre aux questions des magistrats.
09:27 Son silence pousse d'ailleurs
09:29 ses deux premiers avocats,
09:31 Franck Berton et Sven Marie, à jeter l'éponge.
09:33 Au moment où Olivia Ronen s'apprête à faire sa connaissance,
09:36 il n'est donc plus défendu par personne.
09:39 Je pense que n'importe quel avocat
09:42 aurait essayé de border un peu la chose
09:44 en envoyant un mail au directeur
09:47 ou peut-être ce qu'on fait à Fleury,
09:49 c'est qu'on envoie un email
09:51 pour réserver des parloirs,
09:53 dire qui en veut voir quand.
09:55 Là j'avoue, j'y suis arrivée mais sans rien.
09:57 Je pense un peu...
09:59 Voilà, c'était peut-être inconscient,
10:01 mais j'avais envie qu'il y ait une certaine...
10:04 Enfin, j'avais pas envie de créer la surprise,
10:06 mais en tout cas, j'avais pas non plus envie
10:08 que ce soit su trop à l'avance.
10:10 Je voulais pas qu'on discute
10:13 de qui vient voir Salah...
10:15 J'avais pas du tout envie de ce genre de choses.
10:17 Donc j'y vais, je ne préviens personne.
10:19 Alors là, je me rends compte à chaque étape,
10:23 parce qu'à chaque fois, il faut montrer sa carte,
10:26 son permis de libre communication,
10:28 dire où on va, c'est très balisé.
10:30 Et à chaque fois que je montre mon permis
10:32 de libre communication pour aller voir
10:34 Salah Abdeslam au quartier d'isolement,
10:36 à chaque fois je vois la tête des surveillants
10:38 qui vraiment... Ils ont la mâchoire
10:40 qui se décroche un peu en se disant
10:42 "Mais alors, qui vient voir Salah Abdeslam
10:44 déjà, et puis qui sait que cette petite
10:46 jeune femme là, qui arrive,
10:48 et qui vient voir le détenu le plus
10:50 surveillé de France, et peut-être d'Europe ?"
10:52 Il y a des hasards étranges dans cette histoire.
10:55 Si vous le voulez bien, je vais revenir
10:57 un tout petit peu en arrière.
10:59 Il se trouve que par deux fois déjà,
11:01 Olivia Ronen a failli défendre Salah Abdeslam.
11:04 Enfin, disons que leurs chemins
11:06 ont été à deux doigts de se croiser.
11:08 La première fois, c'est juste après
11:10 l'arrestation de Salah Abdeslam en Belgique.
11:12 Olivia Ronen vient de décrocher son premier poste
11:14 comme collaboratrice d'un très grand avocat
11:16 pénaliste, Thierry Lévy.
11:18 Il est pressenti, comme d'autres, pour prendre
11:20 la défense de Salah Abdeslam.
11:22 Mais ce n'est finalement pas lui qui est choisi.
11:24 La deuxième fois, c'est quelques mois plus tard.
11:26 Entre temps, Olivia Ronen
11:28 s'est installée à son compte.
11:30 Grâce à son titre de secrétaire de la conférence,
11:32 elle est désignée pour s'occuper
11:34 d'une procédure pour renvoyer temporairement
11:36 Salah Abdeslam en Belgique.
11:38 Mais vous l'avez compris aussi,
11:40 Thierry Lévy ne veut pas d'avocat.
11:42 Olivia Ronen n'a donc
11:44 jamais vu Salah Abdeslam.
11:46 Jusqu'à ce matin de septembre.
11:48 - J'arrive au quartier d'isolement.
11:50 C'est un quartier spécifique à Fleury,
11:52 qui est au Détroit.
11:54 Donc, en 3e division.
11:56 Et ce qui est spécial
11:58 dans le quartier d'isolement, c'est que lorsqu'on va
12:00 voir une personne détenue, et qu'on va
12:02 avoir un parloir avec une personne détenue,
12:04 on va directement dans le bâtiment.
12:06 À l'inverse,
12:08 on a des personnes détenues lambda,
12:10 où on a un lieu spécifique
12:12 de parloir, et où chaque personne
12:14 part de son bâtiment pour aller au lieu de parloir.
12:16 Là, on rentre dans le bâtiment,
12:18 et je vais voir le surveillant en chef.
12:20 Il n'y a pas
12:22 beaucoup de bruit dans ce couloir.
12:24 Et donc je lui dis que je viens voir Salah Abdeslam,
12:26 je lui montre mon permis.
12:28 Là aussi, c'est un peu
12:30 "Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'il y a ?
12:32 Depuis quand il y a un avocat ? Qu'est-ce qu'il..."
12:34 Et je vois que ça s'organise.
12:36 Alors d'un coup,
12:38 il y a une nouvelle ébullition.
12:40 Il y a une ébullition parce qu'on se dit
12:42 "Oh là là, mais on n'est pas habitués
12:44 à avoir un avocat qui vient voir Salah Abdeslam."
12:46 Salah Abdeslam, il est très surveillé,
12:48 donc il faut ramener
12:50 une armada de personnes pour pouvoir
12:52 envisager d'ouvrir la porte de sa cellule,
12:54 voir ce qui se passe, et éventuellement
12:56 le ramener jusqu'à la salle de parloir si toutefois il accepte.
12:58 Et là,
13:00 il y a un avocat qui vient voir Salah Abdeslam,
13:02 et il est très surveillé.
13:04 Toutefois il accepte.
13:06 Et on m'installe dans une petite salle,
13:08 et on me dit qu'on va le prévenir.
13:10 Et puis on va voir s'il veut venir ou pas.
13:12 Et je sens que ça s'agit de
13:14 beaucoup autour, qu'on ferme la porte
13:16 pour pas que je sois trop au contact de l'agitation.
13:18 Et alors je vois une petite
13:20 personne arriver avec
13:22 une petite mallette noire,
13:24 une personne qui avait l'air un peu geek,
13:26 bon je sais pas, peut-être que je projette, mais
13:28 voilà, une petite personne qui arrive avec sa petite
13:30 mallette et qui va s'installer dans le parloir
13:32 qui est juste à côté. Je fais pas plus
13:34 attention que ça, je vous avoue, mais bon.
13:36 Et donc j'attends,
13:38 j'attends de longues minutes
13:40 pour que, je sais pas,
13:42 10-15 minutes plus tard, on dise "Ah, écoutez,
13:44 maître, il faut changer de parloir."
13:46 Alors que le petit bonhomme
13:48 à la mallette noire vient de
13:50 quitter cette salle, et que je
13:52 m'y installe, et que je trouve ça peut-être un peu
13:54 surprenant. Voilà.
13:56 - La conviction d'Olivia Ronen,
13:58 c'est que ce parloir a été sonorisé,
14:00 c'est-à-dire placé sur écoute.
14:02 - C'est pas légal, normalement.
14:04 Puisque la confidentialité
14:06 des échanges entre un avocat
14:08 et son client doit être garantie,
14:10 donc ça c'est le genre de pratique que je
14:12 réprouve au plus haut point. Bon, là,
14:14 je pense qu'on est dans des intérêts, qu'on
14:16 était dans des intérêts tellement
14:18 graves, tellement sérieux
14:20 et périlleux que, bon.
14:22 Puis de toute façon, je vais pas commencer à faire des histoires,
14:24 j'ai juste envie qu'une rencontre puisse avoir
14:26 lieu, et puis je sais bien que, de toute
14:28 façon, à ce moment-là,
14:30 y'a pas forcément des choses...
14:32 Comment dire...
14:34 C'est pas à ce
14:36 moment-là qu'on va se dire les choses les plus secrètes,
14:38 à mon avis.
14:40 [Musique]
14:44 Le parloir, c'est une
14:46 petite pièce avec
14:48 une fenêtre. Une fenêtre
14:50 sur la cour de promenade, où de temps en temps,
14:52 du coup, y'a beaucoup de bruit,
14:54 parce que les détenus
14:56 peuvent un peu profiter de se
14:58 décourdir les jambes et d'être à l'air libre.
15:00 Donc, on a cette
15:02 fenêtre sur la cour,
15:04 on a deux chaises, une table,
15:06 c'est assez sommaire,
15:08 un ordinateur dont on sait pas exactement
15:10 à quoi il peut servir, et donc,
15:12 cette porte s'ouvre sur
15:14 sa lame d'Islam,
15:16 avec lequel je vais pouvoir
15:18 m'entretenir un long moment.
15:20 [Musique]
15:22 Avant de vous raconter la suite
15:24 de cette histoire, je voudrais vous redire ce qui
15:26 se joue ici. Les Etats-Unis ont
15:28 eu le 11 septembre 2001, la France
15:30 le 13 novembre 2015.
15:32 Mais les victimes américaines n'ont jamais été confrontées
15:34 aux terroristes dans un tribunal.
15:36 La plupart étaient morts, les autres ont fini à Guantanamo.
15:38 En France, il y a eu
15:40 un procès. Un procès avec
15:42 pour tous les accusés, le droit à une défense.
15:44 C'est l'un des piliers de notre démocratie.
15:46 Mais vous allez le voir,
15:48 défendre un terroriste, c'est évidemment plus compliqué
15:50 que défendre un criminel de droit commun.
15:52 [Musique]
15:54 [Musique]
15:56 Vous venez d'écouter "Le Terroriste",
15:58 un podcast européen produit
16:00 par Europe 1 Studio. Réalisation,
16:02 Christophe Daviau avec Clément Ibrahim.
16:04 Production, Fanny Rascl avec
16:06 Camille Bichler. Diffusion
16:08 et rédaction, Lisa Soster.
16:10 Musique originale, Sandy
16:12 Lavallart, The Supervision.
16:14 Je vous donne rendez-vous dès maintenant pour
16:16 l'épisode 2, au Parloir.
16:18 - Je dis "C'est pas vrai, tu as refusé
16:20 et...
16:22 "Ah bah non, moi je fais ce métier
16:24 et c'est pour ça que je fais ce métier,
16:26 c'est extraordinaire ce qu'il m'avait dit.
16:28 C'est extraordinaire, oui.
16:30 Mais difficile,
16:32 difficile à imaginer.
16:34 "Le Terroriste" est disponible sur toutes les plateformes
16:36 ainsi que sur le site et l'application
16:38 Europe 1. Si vous avez aimé, je vous laisse
16:40 en parler autour de vous, à vos amis,
16:42 à vos collègues, à vos proches ou sur les
16:44 réseaux sociaux. A bientôt.
16:46 [SILENCE]

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