• hier
Les clefs d'une vie avec Jacques Forgeas

🗝 Découvrez plusieurs dates-clefs de la vie des plus grands artistes, auteurs et personnalités aux côtés de Jacques Pessis.
---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

________________________________________

🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

________________________________________

🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr

☀️ Et pour plus de vidéos des clefs d’une vie : https://youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQVk_MxJ_jFc3Az4Aqy_giC

##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-04-03##

Catégorie

Personnes
Transcription
00:00Merci d'avoir regardé cette vidéo !
00:30La vidéo de ce soir est sur ThisIsMyLife et vous pouvez la regarder en cliquant sur le lien de la vidéo en bas à droite.
00:37Si l'avenir de l'action est bien, d'ailleurs, n'hésitez pas à la regarder !
00:41Et si vous avez aimé la vidéo, n'hésitez pas à la partager avec vos amis et à vous abonner !
00:45Merci à eux pour leur soutien !
00:47Et merci à eux pour leur soutien !
00:49Merci !
00:51Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessisse
00:54Les clés d'une vie, celles de mon invité.
00:56Vous avez beaucoup écrit pour le cinéma sans jamais en faire.
00:59Vous êtes un homme de l'ombre qui aujourd'hui signe un roman se déroulant au temps où Paris est devenue la ville-lumière.
01:05Bonjour Jacques Forgeas.
01:07Bonjour.
01:07Alors, on connaît votre nom, mais on ne connaît pas votre parcours qui est assez particulier dans le cinéma-littérature.
01:13Publiez un roman, Le fantôme de Versailles chez Albin Michel, qu'on va évoquer,
01:17car c'est l'histoire de l'invention de la police moderne, en même temps qu'une enquête policière.
01:22Mais vous avez effectivement ce parcours assez particulier de l'homme de l'ombre, car vous avez beaucoup écrit.
01:28Mais, quand je dis sans jamais en faire, c'est que vous êtes assez anonyme dans tout ce que vous avez fait.
01:33Donc, un petit peu quand même.
01:35Un petit peu, oui, c'est vrai.
01:36Donc, on va aujourd'hui vous mettre en lumière à travers des dates clés.
01:40Et la première que j'ai trouvée, c'est le 15 avril 1982, sortie de votre premier roman qui s'appelait Caméra Carnage.
01:47Oui.
01:48C'était un roman policier, je crois.
01:49C'était un roman policier qui avait été publié à l'époque par Fleuve Noire.
01:53Ça appartenait un petit peu à une mode des polars de l'époque, qui étaient les néopolars.
01:59C'est-à-dire ?
02:00C'est-à-dire, c'était des polars assez violents, avec des connotations souvent politiques, extrémistes.
02:09Et j'avais bien aimé écrire ce roman policier qui se passait aux Etats-Unis.
02:14Oui.
02:14Et qui se passait, pour ainsi dire, vraiment précisément à Hollywood.
02:21Et j'avais repris l'idée, je ne sais pas si vous vous en souvenez, c'était assez lointain même dans l'esprit de ceux qui écoutent,
02:28mais c'était à l'époque où il y avait eu des otages américains qui avaient été faits prisonniers à l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran.
02:35Oui.
02:36Et on se souvient que les Américains, les services spéciaux avaient organisé une opération pour essayer de libérer les otages américains.
02:44Et ça avait été un fiasco total.
02:46Et alors j'avais imaginé une grosse colère des politiques de l'époque qui ne comprenaient pas du tout ce fiasco et qui avaient dit
02:54« On ne comprend pas, on est capables de faire la guerre des étoiles, on est capables de faire en compte du troisième type, Hiti,
03:00et on est lamentables pour organiser ce que vous ne pouvez pas construire, un scénario. »
03:05Vous les grands scénaristes et vous les réalisateurs américains, donc c'était Lucas, Spielberg, Coppola,
03:11pour imaginer une situation où on pourrait sortir de là les otages.
03:16Et c'était ça le polar.
03:18C'est fou, hein ?
03:18Et ça marchait parce que la vraie histoire c'est que les Américains ont fait une opération où ils ont été dans un désert
03:27et après les hommes qui devaient intervenir n'ont pas pu faire redémarrer les hélicoptères parce que le sable de ce désert
03:37était, en Iran, était beaucoup trop fin, était rentré dans les pales et n'avait pas pu faire redémarrer les hélicoptères.
03:45Alors que la répétition aux Etats-Unis s'était faite dans un désert où les grains de sable étaient beaucoup plus épais
03:52et ça permettait le redécollage.
03:54Mais pour savoir tout ça, il faut mener une enquête, Jacques Forgeas.
03:57Oui, il faut mener une enquête, il faut d'abord être passionné, voilà.
04:00Parce que je pense que ça doit être quand même le trait commun de votre émission.
04:04C'est-à-dire que vous devez rencontrer des gens qui, quelle que soit leur formation, quel que soit ce qu'ils font en ce moment,
04:11sont tous portés par quelque chose.
04:13Et moi, c'est vrai que le cinéma a déjà pointé en moi et je m'étais dit, faire un polar avec cette histoire-là,
04:19ça serait formidable parce que ça me permettrait de retrouver le cinéma.
04:23Alors, Le Fleuve Noir, effectivement, c'est une nouvelle collection dans laquelle vous entrez en 82, en Grenage,
04:28mais Le Fleuve Noir doit beaucoup à celui dont vous allez reconnaître la voix.
04:33D'abord, je considère qu'à notre époque, il n'est pas possible de se désintéresser de la politique.
04:37Frédéric Dard, sans lui, il n'y aurait jamais eu Le Fleuve Noir.
04:40En 49, il écrit par hasard un San Antonio pour parodier les Américains.
04:44Ça marche et c'est devenu, ça a lancé Le Fleuve Noir et ses éditions.
04:49J'ai beaucoup de respect pour lui parce que c'est un pionnier.
04:54Il a vraiment fait des avancées formidables.
04:58Puisque j'aimais surtout, c'était quelqu'un qui s'intéressait à la langue.
05:02Et je crois que c'est ce qui peut pécher parfois dans les polars et qui me gêne.
05:08C'est que même ceux qui l'écrivent le maltraitent un peu le polar.
05:12C'est-à-dire que même dans leur esprit, ça peut leur paraître un genre secondaire.
05:16Et Duhamel, vous savez, quand il avait construit la série Noire chez Gallimard...
05:21Et les séries Noires n'ont été trouvées par Jacques Prévert ?
05:24Bien sûr, ce sont des gens qui ont d'abord, bien sûr, été intéressés par l'histoire qu'on leur racontait.
05:29Mais c'est qu'ils trouvaient la langue en adéquation avec les situations.
05:34Et c'est ça la force.
05:35Et Dard, évidemment, il est là-dedans.
05:37Il se mettait à la machine à écrire, il avait une machine à écrire dans chaque maison, avec des boules, parce que c'était des machines à boules à l'époque.
05:44Il se mettait à 9h du matin devant sa machine, il écrivait d'une traite.
05:47Ça partait dans tous les sens.
05:49Et ça se voit.
05:50Ça se voit que ça pétille de partout.
05:53On voit qu'il est porté par sa langue.
05:55Et je ne vais pas dire qu'on ne s'intéresse pas à l'histoire.
05:58Mais on s'intéresse surtout aux mots d'esprit, au calembour, à la langue populaire.
06:04Et même à ses inventions.
06:05Et son beau-père était Armand de Caro, qui dirigeait les éditions du Fleuve Noir.
06:09Et je me souviens d'une interview de lui.
06:11Il était le premier à avoir des gadgets invraisemblables dans son bureau.
06:14Il avait un magnétoscope alors que personne n'en avait.
06:16On ouvrait un tiroir, il y avait un enregistreur.
06:18C'était aussi un avant-gardiste.
06:21Ah oui, oui, oui.
06:22Moi, j'en suis persuadé.
06:23Alors, le roman Policier, ça vous passionne depuis vos jeunes années, Jacques Forgeat ?
06:27Il n'y a pas que le roman Policier.
06:29Mais le roman Policier me passionne, bien sûr.
06:32Parce que c'est des ouvertures sur des mondes très intéressants.
06:38Puis on est en liberté.
06:40Moi, j'ai d'abord commencé par faire, vous le direz certainement à un moment,
06:44mais des études plutôt classiques.
06:46Vous avez grandi à Angoulême, je crois ?
06:48Oui, oui.
06:49Et vous avez fait des études au collège Michelet ?
06:51Oui, oui.
06:52Et après, je suis allé à Bordeaux.
06:53Et après, je suis monté à Paris.
06:54Parce qu'à Angoulême, à l'époque, il n'y avait pas d'université.
06:56Non, il n'y avait même pas de festival de cinéma.
06:58Il y avait le festival de la BD.
07:00Absolument, le festival de la BD.
07:02Et il n'y avait pas ce qu'a monté maintenant Dominique Besnard,
07:05c'est-à-dire un festival de la francophonie.
07:08Voilà.
07:09Et c'est vrai que le festival de la BD, vous l'avez connu à Angoulême ?
07:11Oui, moi, je l'ai connu.
07:12Et j'ai même eu la chance de rencontrer Hugo Pratt.
07:15Qui était un des premiers à aller là-bas.
07:17Qui était un des premiers à aller là-bas.
07:19Et qui était d'un abord très facile.
07:21Et j'aimais beaucoup, évidemment, ces BD.
07:23Ça me parlait, quoi.
07:25Et le premier festival, d'ailleurs, a été fait, je crois,
07:28dans un coin du musée d'Angoulême.
07:30Oui.
07:31C'est Claude Moliterny qui avait fait un festival avant.
07:33Et il y a Gotlib, il y a Franquin, Payot et quelques autres qui sont venus.
07:36Ah oui, il y avait toute la bande de pilotes.
07:38Bien sûr.
07:39Qui étaient là.
07:40Et puis après, Métal Hurlant, enfin, tous ces gens-là.
07:42Mais au début, il y avait dix mille personnes.
07:44Et quand François Mitterrand est venu inaugurer Angoulême,
07:46ça a pris une autre dimension.
07:48Ça a pris une dimension.
07:49Mais vous savez, la parenthèse sur Mitterrand, elle est pas mal.
07:52Parce que lui aussi, enfin...
07:55Regardons nos distances par rapport au parcours de l'un et de l'autre.
07:58Mais lui, il a fait ses études au lycée Saint-Paul à Angoulême.
08:02Il habite à Jarnac.
08:04Et il a fait jusqu'au bac, il a fait ses études.
08:09Et après, il est monté à Paris.
08:11Et donc, ce n'était pas étonnant qu'il vienne inaugurer la BD à Angoulême.
08:16Alors, il se trouve aussi que vous, vos études vous ont mené au départ, Jacques Forgeat,
08:19à devenir professeur de lettres.
08:21Oui, je suis devenu professeur de lettres à Angoulême.
08:25Et puis, j'y suis resté pendant pas mal d'années.
08:27J'étais en lycée.
08:28Après, j'ai été en UFM.
08:31C'est-à-dire qu'à l'époque, ça s'appelait les écoles pour les instituteurs et les institutrices.
08:38C'est-à-dire l'école normale.
08:39En même temps, c'était une autre époque quand on était professeur.
08:42Ça se passait plutôt bien.
08:43Il y avait un respect des professeurs.
08:45À cette époque-là, si vous voulez,
08:48les élèves vous attendaient et s'asseyaient quand vous étiez installés vous-même à votre bureau.
08:53Maintenant, évidemment, on est sur une autre planète par rapport à ça.
08:56En même temps, vous êtes arrivé à une époque où on manquait déjà d'enseignement.
09:00On manquait déjà d'enseignement, oui.
09:02Il y avait des postes sur certaines matières
09:05qui avaient beaucoup de mal à trouver les professeurs.
09:08En même temps, les lettres, il y avait une orthographe,
09:12il y avait des tas de choses qui fonctionnaient encore.
09:14Moi, quand j'ai fait mes études et après, quand je suis devenu professeur,
09:19l'orthographe, évidemment, était une matière très exigeante.
09:23Et moi, je me souviens même qu'on avait un professeur
09:26qui corrigeait le faute d'orthographe dans les travaux d'histoire-géographie.
09:31Parce qu'il disait qu'en orthographe, on faisait attention
09:34et qu'en histoire-géographie, comme c'était soi-disant pas de l'orthographe,
09:37l'orthographe était relâchée.
09:39Le collège Jules Michelet d'Angoulême, où vous avez fait vos études,
09:42est un collège où les élèves peuvent vivre des expériences.
09:45Je me suis un peu renseigné.
09:47Il y a deux classes qui participent au concours d'éloquence départementale
09:50et deux classes qui participent à l'écriture d'une oeuvre théâtrale.
09:53C'est très bien pour faire évoluer l'esprit.
09:56Bien sûr, de toute façon, moi qui ai été prof de lettres,
09:59je peux vous dire que les enfants qui faisaient du théâtre
10:02avaient une longueur d'avance sur les autres.
10:04Or, ils étaient très bons à l'oral,
10:06c'est-à-dire qu'ils avaient confiance en eux,
10:08ils savaient qu'ils avaient une force avec la parole,
10:11et puis ils étaient très attentifs au public,
10:14aux gens qui venaient les regarder,
10:16et donc il y avait de vrais échanges.
10:18Et puis ceux qui avaient une timidité au départ,
10:20c'est-à-dire ceux qui ne levaient jamais la main,
10:22quand les parents faisaient l'effort de les inscrire au théâtre,
10:26ils faisaient des progrès gigantesques.
10:29Alors, il y a des professeurs qui sont devenus célèbres,
10:31comme Jean-Paul Sartre, comme Guillaume Musso,
10:33qui ont écrit aussi, ou Roger Caroline, qui était au départ professeur.
10:36Comment avez-vous passé le cap pour devenir romancier
10:39et écrire ce roman policier, Jacques Forgeat ?
10:42C'est une...
10:44D'abord, je pense que quand on est un lecteur,
10:47et moi j'étais un grand lecteur,
10:48parce que j'en étais quand même devenu prof de lettres,
10:51arrive un moment où on a envie de passer un petit peu
10:54à l'expérience de l'écriture par soi-même.
10:58Donc il y a d'abord un travail où on écrit,
11:01où c'est pas très bon au départ, c'est normal,
11:04et puis au fur et à mesure,
11:06on essaye de faire des progrès,
11:08on se cherche des modèles,
11:10on essaye de glisser dans leur sillage,
11:12et petit à petit, on est dans un mimétisme avec eux,
11:16et après, le travail supplémentaire,
11:19ça sera le second étage de la fusée,
11:22c'est-à-dire essayer de démarrer soi-même
11:24et d'écrire avec son propre style et ses expériences.
11:27C'est ce que vous avez fait ?
11:28C'est ce que j'ai fait.
11:29Mais vous pensiez abandonner un jour l'enseignement ?
11:32Oui, parce que c'est un travail qui me plaisait beaucoup,
11:37mais je ne me voyais pas continuer le Lagarde et Michard
11:41pendant toute ma vie.
11:43Alors arrivait un moment, vous savez,
11:45quand le printemps arrivait, je disais,
11:46ah ben ça y est, on va commencer Jean-Jacques Rousseau.
11:49Vous voyez ce que je veux dire ?
11:50Il y avait une habitude qui s'était installée,
11:52et j'avais envie d'aller voir ailleurs.
11:54Et le roman est venu ?
11:56D'abord, il y a eu l'expérience du cinéma.
11:58Comme ça, on va en parler après.
12:00Mais c'est ça qui m'a mis un petit peu en confiance.
12:04Et je me suis dit,
12:05bon ben puisque tu travailles un petit peu dans le cinéma
12:07avec des réalisateurs et tout,
12:09essaye d'avoir confiance en toi,
12:10parce que eux, apparemment, ils ont confiance en toi,
12:13alors vas-y.
12:14Eh ben justement, vous êtes allé,
12:16et on va évoquer une date importante de votre vie,
12:18le 12 avril 1989.
12:20A tout de suite sur Sud Radio avec Jacques Forgeat.
12:23Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
12:26Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Jacques Forgeat,
12:29pour ce roman « Les fantômes de Versailles »
12:31chez Albin Michel, qu'on va évoquer longuement tout à l'heure.
12:33Mais on en revient à votre parcours d'homme de l'ombre,
12:35parce qu'on a évoqué vos débuts d'enseignant
12:37et puis votre premier roman.
12:39Et le 12 avril 1989,
12:41sortie d'un film auquel vous avez largement collaboré.
12:48« Roseline et les lions » de Jean-Jacques Benex.
12:51Car on a reçu, lors de la sortie de ses mémoires,
12:55Jean-Jacques Benex, un peu avant ses disparitions.
12:57C'est un film auquel il tenait beaucoup.
12:59Oui.
13:00Oui, c'est un film auquel il tenait beaucoup.
13:03Et on s'était retrouvé à Marseille,
13:07parce qu'on avait filmé au zoo de Marseille.
13:10Et pour lui, c'était un exercice sur l'apprentissage.
13:14Et c'est ce qui lui plaisait beaucoup.
13:17Et il avait rencontré un jeune dompteur.
13:20Et ce jeune dompteur lui avait ouvert les portes
13:24de sa ménagerie et du lieu où il travaillait avec les fauves.
13:30Et d'un seul coup, j'y suis allé avec Jean-Jacques
13:34et on a vu travailler cet homme,
13:35qui plus tard a travaillé avec Jean-Jacques Hano,
13:37parce que c'est lui qui a fait l'ours, après.
13:39Qui a failli coûter la vie à Jean-Jacques Hano, d'ailleurs.
13:41Absolument.
13:42Et on l'a vu travailler avec les fauves
13:44et on a appris énormément de choses.
13:46Même sur le rapport des hommes avec les hommes.
13:48Parce qu'on les a vus approcher, nous regarder,
13:51avoir peur, prendre confiance, s'habituer à nous.
13:55Il y avait un vrai langage intéressant.
13:58Et Jean-Jacques, évidemment, on le retrouvait en plus,
14:00à ses tigres et à ses lions,
14:02une telle beauté qu'au cinéma, dès qu'ils apparaissent,
14:06j'ai envie de dire qu'ils dévorent l'homme, quoi.
14:08Parce que leur façon de se déplacer,
14:10la façon d'avoir des yeux qu'ils ont
14:12et de nous voir, c'était extraordinaire.
14:14Et votre rencontre avec Jean-Jacques Benex, Gilles Franger ?
14:17Alors là, c'est une histoire incroyable.
14:21C'est une histoire qui devrait donner confiance à beaucoup de gens
14:25parce que c'est une rencontre que je n'ai pas cherchée.
14:29Alors qu'à l'époque, il était quand même très poursuivi
14:33par beaucoup de gens qui voulaient travailler avec lui.
14:35Il venait de faire Divas, il a fait La Lune dans le caniveau,
14:39il venait de faire 37-2,
14:41donc c'était un peu une star quand même
14:43dans les jeunes réalisateurs.
14:45Et quand je venais à Paris,
14:47je faisais l'Institut France Presse,
14:49qui était rue Saint-Guillaume,
14:50qui était jumelée avec Sciences Po.
14:52À Paris, je restais 2-3 jours, pas plus,
14:55puis je redescendais un peu en Goulême.
14:57Mais j'avais un correspondant, c'était Richard Boringer.
15:00Richard Boringer, quand je venais à Paris,
15:03il faisait partie des copains chez qui je pouvais dormir.
15:06Et un jour, il me dit
15:08« Écoute, je ne vais pas pouvoir déjeuner avec toi
15:09parce que j'ai un déjeuner avec quelqu'un
15:11qui me propose un projet. »
15:14Je dis « C'est embêtant ! »
15:16Il me dit « Oui, mais moi, c'est mon travail ! »
15:19Alors, il me dit « Écoute, j'ai rendez-vous avec lui
15:22au Club 13, le club de Lelouch.
15:27Je ne sais pas comment on peut faire. »
15:29Alors le téléphone sonne,
15:31et il y a une voix qui dit
15:33« Bon ben, on se retrouve donc chez Lelouch à 13h. »
15:35Et Richard Boringer, alors vous voyez
15:37comment le miracle s'organise.
15:39Richard Boringer dit « C'est embêtant,
15:40parce que j'ai un ami qui est chez moi,
15:42je vais profiter de déjeuner avec lui. »
15:44Et Jean-Jacques Bennex dit
15:46« Mais il s'appelle comment, ton copain ? »
15:48Alors je donne mon nom, Jacques Forgeas.
15:50Il dit « Mais ça, c'est un nom du péricord ! »
15:52« Et bien, dis-lui de venir ! »
15:54Et alors, je viens,
15:57et il me donne un scénario à lire.
15:59En disant « Tu fais quoi dans la vie ? »
16:01Je dis « Je suis prof, voilà. »
16:03Alors il dit « Du coup, on ne peut pas se parler.
16:05Je vais parler avec Richard, mais lis ça. »
16:08Alors je pars avec un scénario,
16:10je vais prendre une petite bière dans un coin avec un sandwich,
16:12et je vois dans les yeux de Richard
16:14l'idée de dire « Écoute,
16:16t'as intérêt à dire que c'est bien. »
16:18Et je reviens, et j'ai eu le scénario,
16:20et il me dit « Alors, qu'est-ce t'en penses ? »
16:23Je dis « C'est pas bien du tout. »
16:26Alors dans Richard, je vois dans ses yeux
16:28que c'est fini, je ne dors plus jamais chez lui.
16:30Et il me dit « Mais pourquoi alors ? »
16:32C'était d'Iva.
16:34Et je dis « Écoute,
16:36c'était l'adaptation du bouquin de De La Corta.
16:38Et j'ai dit « Écoute,
16:40ça me semble un peu léger
16:42comme histoire et tout,
16:44mais dans ton film, il y a une couleur.
16:46Formidable.
16:48Ce qui sera la couleur de ton film,
16:50je lui dis c'est le bleu.
16:52Et ça sera le bleu d'un peintre
16:54qui s'appelle Monori,
16:56parce qu'il a écrit un polar qui se passe
16:58à l'intérieur du Palais Garnier,
17:00et il y a du bleu dans toutes les images.
17:02Et il s'en est souvenu parce que dans son film d'Iva,
17:04on ne voit que du bleu,
17:06et c'est le bleu de Monori.
17:08Et ensuite, pour vos retrouvailles, pour que vous travailliez ensemble.
17:10Alors après,
17:12il a fait une première d'un film à Paris,
17:14qui était « 37-2 ».
17:16Je me glisse à la première,
17:18et à la fin,
17:20je vais le rencontrer,
17:22je ne sais pas si vous vous souvenez, il me dit « Je vous cherchais ».
17:24Ah bon ?
17:26Et à partir de ce moment-là, j'ai travaillé avec lui.
17:28Le cinéma était tout à fait nouveau pour vous à l'époque ?
17:30Ah oui, oui.
17:32D'abord, j'adore le cinéma,
17:34j'ai été pensionnaire,
17:36et dans les lycées, à l'époque,
17:38il y avait le Ciné-Club, qui était très important.
17:40Donc j'avais vraiment une formation de cinéma,
17:42j'aimais ça, j'étais abonné au Cahiers du Cinéma,
17:44positif, donc j'étais vraiment dedans.
17:46Et là, pour moi,
17:48c'était formidable, parce que
17:50on ne disait jamais non sur les projets de Jean-Jacques.
17:52Donc dès qu'il avait un projet,
17:54quelque chose, c'était Gaumont, son producteur,
17:56tout de suite, il était pris,
17:58et le film se faisait, c'était une chance.
18:00Et vous arriviez avec lui derrière,
18:02il vous avait presque adopté ?
18:04Oui, oui, oui, j'étais avec lui,
18:06il avait une maison de production qui s'appelait Cargo Films,
18:08et j'étais
18:10embauché, et c'est là où je donne ma démission
18:12à l'Education Nationale, mes parents
18:14ont été fous, parce qu'ils avaient dit
18:16« mais t'es trop con, t'es prof dans un lycée,
18:18et maintenant tu vas travailler dans un cirque ! »
18:20Parce que le cirque, c'était Roselyne et Léon,
18:22donc ils ne comprenaient pas.
18:24Mais vous aviez le sens de l'écriture, comment c'est né,
18:26Jacques Forgeas, c'est vous ?
18:28Oh, les...
18:30Je vous l'ai dit déjà tout à l'heure,
18:32c'est à force de lire et relire,
18:34et puis avoir des goûts,
18:36c'est-à-dire préférer celui-ci
18:38à celui-là, et dire pourquoi.
18:40Et puis quand on est prof de lettres dans un
18:42lycée avec des élèves,
18:44on essaye de leur faire aimer la lecture,
18:46aimer l'écriture,
18:48et donc tout ça aussi, ça me boostait moi-même.
18:50Oui, mais de là à dire à Jean-Jacques Bennext
18:52« ce film ne va pas, et voilà la solution ».
18:54Parce que moi j'avais une liberté de prof,
18:56vous voyez ce que je veux dire, j'étais pas assistant,
18:58je voulais pas travailler
19:00comme ça, donc...
19:02J'ai dit la vérité, et je crois que c'est ce qui l'a touché.
19:04Et ensuite il y a eu IP5,
19:06ça aussi, au départ c'était
19:08une idée de vous ?
19:09Oui, ça c'était une idée de moi, j'avais très envie
19:11de faire un film, et c'était la relation
19:13père-fils. Parce que je voyais
19:15beaucoup de films sur la relation
19:17du fils avec sa mère.
19:19Et je...
19:21Moi je voyais bien comment j'avais vécu,
19:23comment j'étais parti en pension, tout ça.
19:25Je voyais bien que du côté du père-fils,
19:27il y avait toujours un déficit.
19:29Il y avait toujours une difficulté
19:31de se parler, de se comprendre.
19:33Alors qu'avec sa mère, on a toujours
19:35une confidence à faire, ou alors elle a toujours
19:37un peu d'avance sur nous-mêmes.
19:39Avec le père c'est plus sévère, c'est plus compliqué.
19:41Donc j'avais envie de faire un film où
19:43Yves Montand serait le père,
19:45avec un enfant qui traîne,
19:47et d'avoir cette relation. Ça tombait bien
19:49parce que c'était l'année où il avait eu
19:51son fils, le petit Valentin.
19:53Et résultat, le film est fait, malheureusement
19:55Montand meurt à la fin du tournage.
19:57Alors on a raconté beaucoup de choses,
19:59on a raconté que Benex lui a fait prendre un bain.
20:01Quelle est la vérité de tout ça ?
20:03La vérité, je crois que
20:05Yves Montand n'était peut-être
20:07pas en super forme quand il a
20:09commencé à faire ce film.
20:11Il devait peut-être avoir des problèmes
20:13de santé, je sais pas.
20:15En tout cas, c'est pas sur
20:17le film, parce qu'il avait une doublure
20:19quand même, faut pas s'imaginer.
20:21Yves Montand plongé...
20:23Y'avait une doublure, je pense qu'il y avait une fatigue,
20:25y'avait un stress, et puis c'était quelqu'un
20:27qui voulait préparer l'Olympia, parce qu'il
20:29voulait absolument que son fils le voit sur scène.
20:31Il préparait Bercy, en fait,
20:33pour son fils, Valentin,
20:35parce qu'il voulait que son fils le voit sur scène.
20:37Oui, donc si vous voulez, les week-ends,
20:39c'était pas les week-ends pour lui. Là où il aurait dû
20:41se reposer, il travaillait
20:43son tour de champ, il faisait des claquettes,
20:45enfin, je ne sais même pas
20:47s'il n'était pas plus fatigué le week-end
20:49que fatigué pendant le tournage de la semaine.
20:51En même temps, c'était quelqu'un de très professionnel,
20:53de très précis. Ah là, je dois dire que
20:55moi, j'ai vu travailler,
20:57s'il fallait refaire la scène,
20:59y'avait aucun problème,
21:01tout était préparé, le texte était
21:03au cordeau, alors vraiment,
21:05Yves Montand, c'était hyper professionnel.
21:07En même temps, son fils, aujourd'hui,
21:09qui est plus grand que lui, travaille
21:11dans les effets spéciaux, je crois, du côté de Montpellier,
21:13c'est vraiment le
21:15portrait du père craché.
21:17Alors, il se trouve que,
21:19Benex aussi, c'était un cas particulier,
21:21Benex s'est sans doute
21:23passé à côté d'une très grande carrière,
21:25en refusant des films américains. Absolument.
21:27Il avait plusieurs propositions de films américains,
21:29il n'a pas voulu y aller.
21:31Bon, parce que, c'est...
21:33Les Etats-Unis,
21:35tourner là-bas,
21:37c'est quand même une autre planète, quoi,
21:39c'est très compliqué. On lui a quand même proposé
21:41Au nom de la Rose, Evita,
21:43il a refusé, et quand je l'ai reçu
21:45dans les clés d'une ville, il m'a dit qu'il avait regretté,
21:47finalement. C'est possible,
21:49qu'après il ait regretté, mais dans l'instant,
21:51moi je sais que j'étais avec lui,
21:53et il voyait pas comment il allait faire, parce que,
21:55je vous dis, travailler à l'étranger, c'est compliqué,
21:57même quand il a fait La Lune dans le caniveau,
21:59il a tourné à Cinecitta,
22:01moi j'avais été le voir sur le tournage,
22:03et il m'avait dit, écoute,
22:05c'est compliqué à l'étnir,
22:07parce que les techniciens
22:09étaient des Italiens, qui avaient souvent
22:11l'habitude de travailler avec Fellini,
22:13qui avait carrément
22:15ses bureaux à Cinecitta,
22:17et il disait, ces gens-là, j'ai du mal à les étenir.
22:19Et vous avez véritablement appris,
22:21Jacques Forgeas, le métier du cinéma,
22:23avec Jean-Jacques Benex.
22:25Qu'est-ce qu'il vous a appris ?
22:27Lui, il m'a appris la rigueur,
22:29il m'a appris
22:31aussi
22:33la liberté
22:37de faire exploser certaines règles,
22:39c'est-à-dire que, si on a une idée
22:41qui peut paraître folle ou dingue,
22:43et bien, c'est pas grave, justement, il faut y aller.
22:45C'est-à-dire qu'il essayait de sortir des sentiers battus,
22:47aussi bien sur les castings
22:49que sur ses réalisations.
22:51Donc, vous avez vraiment débuté dans le cinéma,
22:53et poursuivi l'aventure grâce à Benex.
22:55Absolument.
22:57Et l'aventure, elle a continué avec une autre date,
22:59qu'on va évoquer dans quelques instants,
23:01elle ne vous concerne pas, je vous rassure,
23:03c'est le 10 août 1895.
23:05A tout de suite, sur Sud Radio, avec Jacques Forgeas.
23:07Ça ne me concerne pas.
23:09Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
23:11Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Jacques Forgeas.
23:13Nous parlerons tout à l'heure des Fantômes de Versailles,
23:15ce roman,
23:17chez Albain Michel, où vous évoquez,
23:19dans une enquête policière,
23:21l'invention de la police moderne.
23:23On a évoqué vos débuts de professeur,
23:25d'auteur d'un roman policier,
23:27Jean-Jacques Benex, qui a été très important pour vous.
23:29Et si je parle du 10 août 1895,
23:31c'est le jour
23:33où Léon Gaumont rachète le comptoir général
23:35de photographie,
23:37dont il était le fondé de pouvoir,
23:39la première société cinématographique du monde,
23:41Gaumont. Et Gaumont, c'est aussi
23:43une partie de votre vie.
23:45Oui, Gaumont, c'est juste
23:47après l'aventure avec Jean-Jacques Benex
23:49à Cargofilm.
23:51Et à l'époque, il y avait
23:53le directeur général qui s'appelait Patrice Ledoux,
23:55qui venait juste
23:57de remplacer Toscan Duplantier.
24:01Il venait évidemment sur les tournages de Jean-Jacques.
24:03À l'époque, il y avait Luc Besson,
24:05qui était aussi un auteur Gaumont.
24:07Et on s'est rencontrés
24:09comme ça. Et il m'a fait une proposition
24:11pour entrer chez Gaumont.
24:13Il vous a repéré ? Il m'a repéré.
24:15Je ne sais pas, c'est peut-être parce que
24:17je riais ou je n'en sais rien.
24:19Je ne sais pas sur quel critère.
24:21Probablement le fait que je travaillais avec Jean-Jacques
24:23et que Jean-Jacques n'était pas un homme facile
24:25de caractère,
24:27plutôt dur.
24:29Et il s'est dit, si il a
24:31survécu à Jean-Jacques, peut-être qu'il va
24:33pouvoir survivre à Gaumont.
24:35Qu'est-ce qu'il te propose alors ?
24:37À l'époque,
24:39le cinéma est en train de bouger beaucoup.
24:41Il y a Jean-Jacques Hanot, c'est vrai.
24:43Il y a Luc Besson, il y a Carax,
24:45il y a Benex.
24:47Ça pétille un peu partout. On voit des jeunes
24:49cinéastes qui commencent à arriver
24:51et qui font leur premier film,
24:53leur deuxième. Et Gaumont a envie
24:55de renouveler un petit peu son cinéma.
24:57Parce qu'à l'époque, c'était
24:59Poiret qui s'occupait de ce cinéma-là.
25:01Qui avait créé des tas de films.
25:03Qui avait fait des tas de succès.
25:05Et qui avait
25:07tous ses acteurs avec lui.
25:09On peut parler de Venture.
25:11On connaissait l'histoire.
25:13Et là, il fallait,
25:15tout en essayant de garder un peu
25:17ce cinéma-là, ce qu'on appelait à l'époque
25:19un cinéma familial,
25:21essayer de faire entrer un cinéma
25:23plus jeune, de teenagers,
25:25qui ressemblait un petit peu à ce qu'on écoutait en musique.
25:27Essayer de trouver des cinéastes
25:29de cette envirgure-là,
25:31de cette modernité-là, s'adressant aux jeunes.
25:33Donc, il me
25:35confie
25:37un bureau
25:39qui va s'appeler l'Accueil des
25:41projets. Et c'est un bureau
25:43qu'on va avoir à deux
25:45avec celle qui est devenue aujourd'hui
25:47la directrice générale de Gaumont,
25:49c'est-à-dire Mme Sidoni-Dumas.
25:51Et tous les deux, nous allons recevoir
25:53à peu près entre 600 et 700
25:55projets de films par an.
25:57Alors, il se trouve que Sidoni-Dumas, c'est la famille,
25:59c'est la fille de Nicolas Seydoux,
26:01qu'on a reçue dans « Les clés d'une vie » pour son livre,
26:03qu'elle n'aimait pas le cinéma au départ,
26:05mais quand elle a été stagiaire sur le tournage
26:07du Grand Bleu de Luc Besson, elle a découvert
26:09cet univers. Absolument, c'est vrai.
26:11Elle me l'a répété souvent.
26:13Quand elle dit qu'elle n'aimait pas le cinéma,
26:15je pense que
26:17à la maison, elle lui en parlait quand même assez souvent.
26:19Je pense, oui. Surtout avec son
26:21parrain, etc. et tout, parce que
26:23les trois frères, quand même, font du cinéma.
26:25Donc, peut-être que
26:27c'était une pente qui lui paraissait un peu
26:29facile, alors elle n'a peut-être pas voulu tout de suite
26:31y plonger. Mais
26:33c'est quelqu'un qui adore le cinéma,
26:35qui a beaucoup de compétences pour le cinéma.
26:37Et là, elle a voulu, et je trouve
26:39que c'est formidable,
26:41elle n'a pas voulu rentrer directement
26:43en étant l'héritière.
26:45Son père et elle se sont mis d'accord
26:47sur un parcours et lui a dit
26:49« Tu vas commencer par aller voir des courts-métrages
26:51à Clermont-Ferrand et à Brest.
26:53Tu vas essayer de repérer des talents.
26:55Tu vas apprendre à lire
26:57des scénaris.
26:59Apprendre à lire, c'est aussi
27:01avoir en soi une capacité d'imagination
27:03et de voir soi-même ce que ça peut
27:05devenir. Parce qu'un scénario, ce n'est qu'une
27:07écriture au départ.
27:09Il faut essayer de voir ce que Patrice
27:11Chéreau appelait « la verticalité
27:13du texte ». C'est-à-dire, d'un seul coup,
27:15il se dresse devant vous et
27:17que va-t-il devenir ? »
27:19Il se trouve donc que vous recevez 600 à 700 projets par an,
27:21chaque forge à ce que vous lisez.
27:23Et il faut, derrière, trouver
27:25les bons auteurs.
27:27D'abord, c'est comme dans les maisons d'édition,
27:29il y a des lecteurs. On recrute
27:315, 6, 7 lecteurs.
27:33Chaque semaine, ils partent avec
27:352 ou 3 scénarios et ils ont
27:37une fiche de lecture à nous remettre.
27:39Moi, ce que j'aime beaucoup, parce que
27:41c'est l'ancien prof,
27:43j'aime bien l'oral aussi. Parce que parfois, à l'oral,
27:45on déborde et on dit plus qu'à l'écrit.
27:47Là, on recevait à chaque fois
27:49les lecteurs qui nous faisaient un commentaire sur le scénario
27:51et dans ces fiches de lecture,
27:53il y avait une sélection
27:55exigeante, mais on recevait
27:57souvent des premiers jets
27:59écrits par des jeunes.
28:01Donc, ils ne maîtrisaient pas toujours
28:03l'écriture, mais on pouvait déjà avoir
28:05une personnalité. Et c'est comme ça
28:07qu'on en a reçu quelques-uns.
28:09Et parmi eux,
28:11il y avait quand même des gens qui sont devenus très connus.
28:13Oui, tous ceux qui sont
28:15venus. Après, on a reçu
28:17des propositions de Michel Blanc,
28:19on a reçu des propositions de tout le monde.
28:21Tout le monde est venu derrière avec
28:23ces projets.
28:25Ça veut dire aussi avoir un sens précis de ce que doit être
28:27le cinéma et le rebondissement.
28:29Attention, on peut se tromper.
28:31C'est-à-dire que, ça aussi,
28:33c'est une parole pour ceux qui écoutent,
28:35c'est que les comités de lecture
28:37ne sont pas forcément
28:39les meilleurs. On peut se tromper,
28:41on peut trouver un truc formidable
28:43et puis, à l'arrivée, ça s'écrase.
28:45Et puis, on peut passer à côté d'un truc
28:47qu'on n'a pas su lire ou su comprendre.
28:49Et il faut aussi voir beaucoup de films. Vous avez
28:51arpenté pendant des années tous les festivals
28:53possibles et imaginables, Jacques Forgeas.
28:55Oui, bien sûr. Alors là aussi, c'est très compliqué
28:57parce que juger un court-métrage,
28:59il faut savoir qu'il y a des jeunes
29:01qui font leur cours avec des bouts de
29:03ficelle, avec rien. Et puis, il y en a
29:05d'autres qui ont les moyens parce qu'ils ont fait
29:072-3 pubs et on leur paye
29:09un court-métrage, etc.
29:11Il y en a qui font des courts-métrages, à l'époque, ça pouvait
29:13aller jusqu'à 40 minutes.
29:15Et il y en a qui ont les moyens que de faire 5 minutes.
29:17Vous voyez, il faut essayer de
29:19voir en peu
29:21de temps le talent.
29:23Et puis, surtout, il faut rencontrer la personne.
29:25C'est ça qui est très important.
29:27Parce que là,
29:29on aborde
29:31une culture,
29:33une façon de voir les choses, peut-être
29:35un oeil neuf. Et puis, quand on les rencontrait,
29:37par exemple, à Clermont-Ferrand,
29:39ils avaient 22, 23, 24 ans.
29:41Donc, ils étaient au début.
29:43Et c'est ça qui est difficile.
29:45C'est déjà le percevoir, au début, celui
29:47qui peut se lancer sur ce chemin.
29:49Et donc, vous avez, vous, repéré des gens
29:51et vous avez parfois dit, ça, ça
29:53ira loin ?
29:55Non, on dit ça, ça peut aller loin.
29:57Exactement. Mais en plus,
29:59le cinéma, quand vous arrivez chez Gaumont,
30:01Jacques Forgin, ça a évolué.
30:03Le rythme n'est plus celui des films de Gabin
30:05avec Audiard au scénario.
30:07De toute façon, il y a eu un basculement
30:09qui s'est fait vers l'image.
30:11Des gens comme Jean-Jacques Benex,
30:13des gens comme Hanon,
30:15des gens comme Besson, c'est pas tellement
30:17le scénario qui est le plus fort
30:19de leur entreprise. C'est surtout
30:21la lumière,
30:23comment on travaille
30:25les décors, comment on
30:27donne des ambiances. Vous voyez ce que je veux dire ?
30:29Des gens comme Audiard,
30:31c'est formidable,
30:33comme plus tard a fait
30:35Bertrand Billet dans certains de ses films,
30:37où la réplique, quand même, elle est exceptionnelle.
30:39Ça, ça s'abandonne un peu
30:41parce qu'il n'y a pas ces talents-là.
30:43Ça a changé beaucoup.
30:45On ne parle plus de la même façon au cinéma ?
30:47Absolument. Plus du tout de la même façon.
30:49C'est-à-dire ?
30:51Maintenant, c'est devenu
30:53très spectaculaire.
30:55Quand vous voyez, même les James Bond,
30:57souvenez-nous les premiers James Bond que vous avez vus.
30:59On est très proche
31:01de Ian Fleming. Il y avait l'espèce
31:03d'élégance anglaise.
31:05Il n'y avait pas ce qu'on voit maintenant
31:07dans les James Bond, où pendant
31:09une heure et demie, vous avez 45 minutes
31:11de cascades.
31:13Là, ça a changé. C'est-à-dire qu'il y a un langage
31:15qui a changé.
31:17Moi, je me souviens de Francis Débert, travaillant ses scénarios,
31:19il écrivait un premier jet,
31:21il le jetait parce que c'était fini,
31:23il passait à autre chose, il appelait des copains
31:25pour dire « qu'est-ce que t'en penses ? »
31:27et il finissait chez le kiné parce qu'il était épuisé.
31:29Ce n'est plus la même époque.
31:31Et quand vous voyez le dîner de cons, oui, mais c'était des gens
31:33qui pouvaient faire des exercices
31:35sur les matières. Ils pouvaient travailler pour le théâtre,
31:37ils pouvaient travailler pour le cinéma.
31:39Vous voyez ce que je veux dire ? C'est quelqu'un
31:41qui était porté d'abord
31:43par l'écriture.
31:45Et en même temps, il y a votre rôle,
31:47Jacques Forgeat, c'est aussi
31:49ensuite faire prendre des risques aux producteurs
31:51parce qu'un film, ça coûte cher.
31:53Oui, et puis moi, ça peut aussi me coûter cher.
31:55Parce que si on se trompe trop souvent,
31:57ça peut quand même poser des problèmes.
31:59Pardon, je vous ai coupé, mais
32:01il peut y avoir aussi le fait qu'on refuse
32:03un projet. Il peut être
32:05pris ailleurs et avoir
32:07un grand succès ailleurs.
32:09Alors ça, c'est le pire qui puisse vous arriver.
32:11C'est comme si Gallimard refuse un projet
32:13et que ce projet va chez
32:15Albin Michel, par exemple, et qu'il fait un triomphe
32:17chez Albin Michel. Gallimard a le droit de
32:19vous téléphoner en vous disant, bah dis donc,
32:21tu as laissé échapper quelque chose.
32:23Il y a eu ce travail-là et puis il y a eu un autre
32:25travail, Jacques Forgeat, que vous êtes devenu
32:27ce qu'on appelle en français un script doctor.
32:29Ça, c'est aussi un métier tout à fait
32:31différent et assez nouveau, finalement.
32:33Ah bah oui, c'est nouveau.
32:35D'un seul coup, on passe
32:37maintenant à un travail d'équipe.
32:39Alors que l'écriture, si vous voulez, c'est d'abord
32:41un travail, la plupart du temps,
32:43de solitaire,
32:45quelqu'un qui partage
32:47son exercice qu'avec lui-même.
32:49Alors que là, d'un seul coup, il faut tout mettre sur la table
32:51et travailler ensemble et avoir suffisamment
32:53de psychologie pour savoir qu'il faut
32:55faire travailler et comment le faire travailler,
32:57dans quelle direction il faut aller.
32:59Puis ça aussi, il faut avoir des allers-retours
33:01avec le producteur, qui peut avoir un projet
33:03qu'il trouve plutôt bien,
33:05mais auquel il trouve encore beaucoup,
33:07beaucoup de travail à faire.
33:09Et il peut vous dire, par exemple, c'est pas assez drôle
33:11ou alors ta fin, elle est ratée
33:13ou cette histoire d'amour, je n'y crois pas.
33:15Donc il faut travailler là-dessus.
33:17Et comment vous travaillez dans ces cas-là ?
33:19Avec des équipes particulières ?
33:21On essaye de trouver des gens
33:23avec qui on peut s'entendre
33:25et puis il y a des gens qui sont plutôt spécialistes
33:27des films d'action
33:29ou des films policiers, parce qu'eux-mêmes
33:31ont été policiers, vous voyez ce que je veux dire.
33:33On a ce travail.
33:35Et il y a même vos activités particulières
33:37et personnelles, et vous avez écrit pour le théâtre
33:39et il y a une chanson qui évoque
33:41un personnage que vous avez traité
33:43trois fois.
33:45Monsieur Jean, Monsieur Jean, Monsieur Jean de La Fontaine
33:47Chantal Goyard...
33:49C'est bien ça !
33:51Et c'est vrai que vous avez écrit trois pièces de théâtre
33:53et chaque fois il y a Racine et La Fontaine.
33:55Rien à voir avec le côté script-doctor.
33:57Absolument. Mais parce que
33:59on y reviendra certainement quand on va parler
34:01des fantômes de Versailles, mais
34:03parce que le XVIIe siècle,
34:05c'est un siècle que j'aime.
34:07Quand j'étais professeur,
34:09les élèves avaient une grande admiration
34:11pour le XVIIIe siècle.
34:13Parce que c'était le siècle
34:15pré-révolutionnaire ou révolutionnaire,
34:17c'est un siècle libertin,
34:19c'est un siècle
34:21où ça explose
34:23dans tous les sens avec des auteurs formidables.
34:25Mais je leur disais, attention,
34:27le XVIIe siècle,
34:29c'est le siècle du théâtre.
34:31Et là, il y a
34:33tous les plus grands.
34:35Et votre première pièce, Le Corbeau et le Pouvoir,
34:37vous évoquiez La Fontaine et Racine,
34:39qui étaient cousins éloignés, ce qu'on ne sait pas toujours.
34:41Et oui. Beaucoup de gens, à la sortie,
34:43quand cette pièce est passée
34:45au luciennaire, m'arrêtaient et me disaient
34:47« Mais vous en êtes certain ? »
34:49Je disais « Faites vos recherches et vous verrez bien. »
34:51Et effectivement, ils découvraient que
34:53les deux étaient cousins.
34:55D'ailleurs, ça a été après l'objet
34:57de la deuxième pièce
34:59que j'ai faite et qui avait
35:01encore La Fontaine et Racine,
35:03les deux cousins.
35:05C'est la pièce où
35:07La Fontaine apprend que son cousin
35:09Racine va devenir l'historiographe
35:11du roi. Et il y a aussi
35:13Molière, car Molière,
35:15sa gloire est liée à celle de La Fontaine.
35:17Absolument.
35:19C'est lui qui a fait l'épitaphe
35:21sur la tombe de Molière,
35:23l'épitaphe et de La Fontaine.
35:25C'est lui qui lui a écrit
35:27et allé sur la tombe.
35:29Et ils passaient des soirées ensemble tout à fait joyeuses et festives.
35:31Oui, alors c'est incroyable.
35:33Quand j'ai lu ça, j'ai trouvé ça incroyable.
35:35C'est qu'ils avaient deux cafés dans Paris.
35:37Il y avait
35:39le Mouton Blond, où ils allaient souvent.
35:41Il y en avait un
35:43deuxième qui va me revenir.
35:45Et on retrouvait le soir Racine,
35:47Molière,
35:49Mignard. Alors, parfois,
35:51Molière passait
35:53et ils étaient là.
35:55C'est que des génies qui étaient à cette table
35:57et c'est très impressionnant.
35:59On se dit maintenant,
36:01on pousserait la porte et on découvrirait
36:03ces personnages-là.
36:05Ça devait être bien, quand même.
36:07Et ce siècle, effectivement, il est au cœur
36:09de ce roman, Les fantômes de Versailles,
36:11qu'on va évoquer à travers la date
36:13de sa sortie, le 30 janvier
36:152025. A tout de suite sur Sud Radio
36:17avec Jacques Forgast.
36:19Sud Radio, les clés d'une vie,
36:21Jacques Pessis. Sud Radio, les clés d'une vie,
36:23mon invité Jacques Forgast. On connaît
36:25un peu votre parcours maintenant avec
36:27Jean-Jacques Benex, avec ce côté script
36:29docteur chez Gaumont. Et puis, il y a
36:31le romancier, parce que vous publiez
36:33le 30 janvier 2025, Les fantômes
36:35de Versailles. C'est un roman où vous
36:37mêlez vos deux passions, l'enquête
36:39policière et l'histoire
36:41du XVIIe siècle. Comment est venue
36:43cette idée ?
36:45Alors, je voulais faire
36:47un peu l'art sur le XVIIe
36:49siècle, parce que comme je vous l'ai
36:51dit tout à l'heure, c'est un siècle qui me passionne.
36:53D'abord, il y a un roi
36:55qui est le roi Soleil.
36:57Ensuite, il y a quand même Versailles.
36:59Ensuite, il y a
37:01des artistes de premier plan
37:03et qui sont aujourd'hui dans tous les domaines.
37:05Que ce soit la musique avec Lully,
37:07que ce soit la sculpture
37:09avec tous les gens qu'on connaît, Puget, tous les
37:11autres. Et puis, il y a aussi
37:13les, comme je l'ai dit, Corneille,
37:15Racine, Molière, Rotrou,
37:17tous ces gens-là qui sont autour de lui.
37:19Et puis, il y a les grands architectes,
37:21il y a les grands jardiniers. Alors,
37:23je me suis dit, ça serait bien de faire une histoire qui
37:25se passe dans ce siècle avec une intrigue
37:27qui se promènerait entre
37:29Versailles, mais dans Versailles
37:31et Paris et dans Paris.
37:33Et là, je fais des allers-retours
37:35avec une police, qui est celle
37:37de la police du Châtelet, qui est la police
37:39de Paris. Et puis, des choses
37:41qui se passent à Versailles.
37:43Il se trouve qu'au départ, il y a deux inspecteurs
37:45qui découvrent le corps d'une jeune femme
37:47assassinée on ne sait pas par qui
37:49et les lèvres ont été cousues de fil de soie.
37:51C'est assez particulier.
37:53Oui, c'est assez particulier, mais je ne veux pas trop en révéler
37:55quand même, parce que la difficulté
37:57de parler d'un polar, c'est que si on
37:59évente tout, on
38:01connaîtra déjà la fin.
38:03En même temps, il faut savoir qu'il y a une enquête qui est
38:05confiée à un lieutenant général,
38:07Gabriel Nicolas de Larigny, qui est
38:09un homme qui a été le premier lieutenant
38:11général de police de Paris, qui a été le
38:13préfet de police. Alors ça, ça m'a
38:15passionné. Et puis,
38:17j'ai eu la chance de rencontrer
38:21dans un déjeuner comme ça,
38:23assez proche, un petit peu familial,
38:25Renaud Vandruenbeck.
38:27Et Renaud Vandruenbeck,
38:29qui est décédé maintenant,
38:31quand il a appris que j'étais dans Goulême
38:33et que je me plongeais dans un palard du
38:357e siècle, il m'a dit
38:37« Est-ce que vous savez que Larigny
38:39a été en Goulême
38:41pendant un an au présidial
38:43d'en Goulême, c'est-à-dire avant
38:45l'ancien régime, c'était le tribunal,
38:47parce qu'avant de partir à Bordeaux, il avait fait
38:49ses études de droit à Limoges, il s'est arrêté
38:51un an en Goulême, avant de filer
38:53à Bordeaux et après de remonter à Paris. »
38:55J'ai dit « Non, je ne le savais pas ». Donc, d'un seul
38:57coup, j'ai travaillé
38:59Larigny un peu plus, pour en savoir
39:01un peu plus sur lui et lui donner, pour ainsi dire,
39:03un des premiers rôles.
39:05Oui, car en fait, il a fait des réformes
39:07tout à fait nouvelles et qui sont à l'origine
39:09de la police d'aujourd'hui.
39:11Absolument, c'est-à-dire que Paris était
39:13une ville qui était, à l'époque,
39:15au 17e siècle, la ville
39:17la plus peuplée d'Europe.
39:19Il y avait 600 000 habitants à Paris
39:21et il y avait, on les avait à peu près
39:23répertoriés, 40 000 mendiants.
39:25C'était une ville sale,
39:27qui sentait très mauvais,
39:29tous les étrangers qui venaient à Paris n'avaient
39:31l'envie, c'était de fuir, ou alors d'aller
39:33tout de suite à Versailles, sans s'arrêter à Paris.
39:35Oui, bon, on a Agnalgo aujourd'hui,
39:37c'est à peu près pareil.
39:39Alors, ça ne plaise évidemment
39:41pas au roi, qui n'aimait pas beaucoup
39:43de toute façon Paris, parce que depuis l'épisode
39:45de la Fronde, il avait quand même
39:47quelques mauvaises pensées
39:49sur eux, mais
39:51avec Colbert, ils disent, tous les deux,
39:53« C'est pas possible, ça ne peut pas durer. Il faut qu'on
39:55essaye d'abord d'éclairer cette ville,
39:57qui n'a pas du tout de lumière,
39:59et puis deuxièmement, il faut quand même
40:01mettre de l'ordre, il faut travailler
40:03sur les quartiers, etc. Il y a un plan. »
40:05Et Colbert, qui avait
40:07rencontré l'araignée à Bordeaux,
40:09parce qu'il avait travaillé pour lui
40:11sur des affaires maritimes,
40:13s'est dit « Mais moi, j'ai peut-être quelqu'un. »
40:15Le roi a dit « Votre proposition
40:17sera la mienne. »
40:19Et à ce moment-là, il lui souffle le nom
40:21de l'araignée. Et l'araignée
40:23rencontre le roi,
40:25et le roi lui dit « Bon, ben voilà,
40:27c'est pas une petite affaire. Il y a
40:29la cour des miracles qui est encore en place du côté
40:31de la tour Saint-Jacques. Il va falloir
40:33arranger Paris, lui faire des
40:35trottoirs, etc. Et l'araignée
40:37dit « Je m'en occupe. Plus
40:39la police des jeux, plus la police
40:41des mœurs, plus surveiller
40:43les imprimeurs, etc.
40:45Une grande police, la police des jeux,
40:47parce qu'on jouait beaucoup à Paris, à Versailles. »
40:49Et l'araignée a cette
40:51immense tâche. Il se trouve que la
40:53cour des miracles, je sais pas si vous le savez,
40:55ça vient, le nom vient
40:57des mendiants qui se déguisaient en invalides
40:59dans la journée et retournaient
41:01le soir dans les bidonvilles
41:03miraculeusement guéris. — Oui, bien sûr.
41:05Il y avait des miracles dans la rue de Paris.
41:07— Et il se trouve donc
41:09qu'il va y avoir ce travail
41:11de l'araignée, effectivement, la ville-lumière.
41:13La ville-lumière, le nom a été donné par les Anglais quand ils ont
41:15vu à Paris qu'il y avait,
41:17qu'on pouvait éclairer les rues sombres, alors que
41:19avant, on faisait des
41:21troussers à chaque point de rue. — Oui, oui. C'était assez
41:23compliqué à installer, parce que
41:25on en voulait à peu près
41:276 000. Et
41:29il fallait les mettre à certaines hauteurs
41:31parce qu'évidemment, il y a des gens qui passaient leur temps
41:33à les éteindre.
41:35Parce qu'il faut savoir qu'à Paris,
41:37c'était tellement dangereux qu'à partir
41:39de 7h, 7h30 du soir, tout le monde
41:41se barricadait chez lui. — Oui.
41:43Il se trouve en même temps que c'était la ville où la corruption
41:45était très forte. Vous voulez-vous qu'elle en suive ?
41:47— La corruption était très forte à tous les niveaux.
41:49Aussi bien dans l'artisanat
41:51que dans la banque,
41:53que dans la justice,
41:55etc. — Alors quand on parle de
41:57la police moderne, et dans ce livre,
41:59un personnage peut faire penser à la police d'aujourd'hui
42:01parce que les portraits robots,
42:03ils sont nés finalement
42:05au XVIIe siècle. — Oui, parce que
42:07vous le verrez dans le roman,
42:09il y a un personnage qui est intéressant,
42:11je trouve,
42:13par son originalité, c'est que c'est un peintre italien.
42:15Ce peintre italien
42:17quitte l'Italie pour
42:19aller en Hollande, parce que
42:21il a vu des tableaux hollandais
42:23et il pense que la nouvelle
42:25peinture se passera
42:27du côté d'Amsterdam. Alors quand
42:29on lui demande pourquoi, il dit
42:31« Je suis écrasé par la beauté italienne,
42:33mais ceux qui m'ont précédé,
42:35que ce soit Michel-Ange, que ce soit
42:37Leonardo da Vinci,
42:39Botticelli, tout ça, sont
42:41trop loin de moi, sont trop forts pour moi,
42:43et puis surtout, ils n'ont qu'une peinture
42:45religieuse. Moi, ce que je voudrais,
42:47c'est avoir une peinture quotidienne.
42:49Et d'un seul coup, on voit Vermeer
42:51dans notre esprit,
42:53et chez Rembrandt, et d'un seul coup, on se dit
42:55« Ah ben oui, je vois par quoi il a tiré ».
42:57Mais il s'arrête à Paris, et à Paris,
42:59il va travailler un petit peu dans les théâtres,
43:01il prend des croquis, et à un moment,
43:03il a l'idée, par un policier,
43:05de venir faire des portraits
43:07des morts, à la morgue.
43:09Alors là, il dessine les corps,
43:11et d'un seul coup,
43:13l'araignée qui va visiter
43:15la morne, le surprend,
43:17et l'interpelle violemment, en disant
43:19« Mais que faites-vous ici ? »
43:21Alors il dit « Je dessine les morts. »
43:23« Mais c'est interdit ! »
43:25« Mais en Italie, on a le droit, il n'y a que comme ça
43:27qu'on arrive à bien travailler
43:29les anatomies. » Et d'un seul coup,
43:31va venir cette idée
43:33que c'est pas bête,
43:35parce que si on fait le portrait des morts,
43:37et si on travaille bien sur les visages,
43:39peut-être que ce portrait-là,
43:41si on est capable de le produire
43:43aux voisins de la victime,
43:45ou à ceux qui ont passé le même lieu,
43:47peut-être qu'on en apprendra
43:49beaucoup sur l'enquête. Et ça démarre comme ça.
43:51Voilà. C'est à l'époque, il n'y avait pas
43:53le test ADN,
43:55et c'est les premiers portes-aérobots
43:57qui ont permis d'arrêter des criminels.
43:59Et ça marche. Alors il y a aussi un tableau
44:01qui est très important, parce que vous évoquez
44:03un mélange d'art et de politique,
44:05là aussi, c'est une clé du roman, Jacques Forgeat.
44:07Oui, parce que
44:09ça m'intéressait de voir
44:11l'histoire d'amour qu'avait vécue le roi
44:13avec la duchesse de la Vallière,
44:15qui était un joli personnage,
44:17qui a été une de ses premières maîtresses,
44:19même peut-être la seconde, on va dire.
44:21Et elle va être
44:23remplacée évidemment par beaucoup,
44:25mais surtout par la Montespan.
44:27Et voyant que maintenant, elle est écartée,
44:29et que malgré la naissance
44:31de tes deux... Elle a eu quatre enfants.
44:33Deux sont restés vivants, et le roi les
44:35reconnaîtra. Deux autres sont morts
44:37en très bas âge. Elle va donc
44:39partir au couvent, mais avant de
44:41partir au couvent, elle décide
44:43de faire un tableau
44:45par le grand peintre portraitiste de l'époque,
44:47qui était Mignard, qui a fait beaucoup
44:49de portraits du roi, de La Fontaine,
44:51etc. Donc,
44:53elle dit, bon ben voilà, vous allez
44:55faire mon portrait, et puis après je rentrerai
44:57chez les Carmelites. Mais je n'ai
44:59qu'une exigence.
45:01Alors Mignard, elle écoute,
45:03et demande laquelle. Alors elle dit
45:05que personne ne le sache.
45:07Que personne ne connaisse
45:09ce qu'il peut y avoir de peint sur
45:11ce tableau. Forcément, il y aura moi,
45:13mais comment
45:15ne le dites à personne. Donc,
45:17d'un seul coup, le roi, bien sûr,
45:19va apprendre par ses services
45:21que la duchesse de la Vallière, qui va partir,
45:23a décidé de
45:25faire un portrait
45:27par Mignard.
45:29Ce qui est très embêtant pour lui, parce que
45:31aujourd'hui, autant de réseaux sociaux,
45:33ce serait partout sur Internet.
45:35Et puis alors, il a une crainte.
45:37C'est comment va-t-elle partir ?
45:39Que va dire ce tableau ? Va-t-il
45:41parler de lui ? Lui qui a tellement
45:43peur des artistes.
45:45Parce qu'il les craint. Pourquoi les craint-il ?
45:47C'est parce qu'il traverse le temps.
45:49Un portrait du roi
45:51en mauvaise position,
45:53avec un vilain sourire, avec
45:55des yeux durs, va traverser
45:57tous les siècles et viendrait jusqu'à nous.
45:59Alors il ne veut pas ça. Mais il ne veut pas demander.
46:01Parce que, comme il respecte les artistes,
46:03il laisse carte blanche
46:05Liberté à Mignard. Mais il a peur.
46:07Et ce qui en fait encore plus peur,
46:09c'est les maîtresses, et en particulier
46:11la Montespan. Vous voyez,
46:13si elle se faisait représenter
46:15avec le roi, ça serait terrible
46:17pour elle. Ça veut dire que pour toujours,
46:19dans l'esprit des gens,
46:21ça serait elle, la Duchesse de la Vallière,
46:23à côté du roi.
46:25Ce qu'on dit aujourd'hui et ce qu'on voit
46:27dans les séries de cinéma, ça existait
46:29déjà au XVIIe siècle. Absolument.
46:31Alors, ce tableau
46:33existe. Bien sûr. Donc vous
46:35partez de fait authentique pour imaginer
46:37une histoire, Jacques Forger. Oui.
46:39C'est-à-dire que quand vous écrivez
46:41un roman historique, en particulier
46:43dans des siècles
46:45qui sont abordables,
46:47je veux dire, c'est-à-dire qu'on trouve des documents,
46:49on est obligé
46:51d'avoir plusieurs conduites.
46:53La première, c'est être absolument
46:55respectueux
46:57de tout ce qui est de l'ordre de
46:59l'histoire proprement dite.
47:01C'est-à-dire que sur le roi, on ne peut pas dire n'importe quoi.
47:03Sur Colbert,
47:05non plus. Sur tous ces personnages-là,
47:07très connus, y compris sur La Fontaine,
47:09sur Racine, on connaît parfaitement
47:11leur vie. Il n'est pas question
47:13de dire qu'ils allaient à la piscine
47:15le matin. Donc ça, on ne peut pas y aller
47:17là-dedans. Donc ça, c'est sûr.
47:19L'imaginaire, il rentre
47:21dans les deuxièmes personnages.
47:23C'est-à-dire que mes deux inspecteurs,
47:25par exemple, Laruche et Torsac,
47:27qui enquêtent, sont des personnages
47:29imaginaires, mais qui ont au dos
47:31ces costumes de l'époque. Donc je leur fais
47:33faire un parcours que celui d'une vraie enquête,
47:35mais sur leur vie privée,
47:37sur leur formation, sur ce qu'ils sont,
47:39c'est de l'imaginaire.
47:40Alors, ça veut dire aussi que vous appliquez dans un roman,
47:42et ce n'est pas si fréquent, Jacques Forgeas,
47:44les principes du cinéma, ou plusieurs
47:46histoires, ce télescope ?
47:48Oui, parce que je trouve que c'est...
47:50Moi, je suis parti dans ce polar
47:52sur plusieurs ouvertures.
47:54La première ouverture, vous l'avez
47:56dit tout à l'heure, c'est un meurtre.
47:58A partir de ce moment-là, on sait ce qui
48:00va se passer. C'est-à-dire qu'on est sur
48:02ce que j'appelle l'autoroute du polar.
48:04On part de l'obscurité
48:06et du mystère pour finir, dans la
48:08dernière page, sur la lumière
48:10et la découverte du mystère. On a réussi
48:12l'enquête. Ça, c'est le polar.
48:14Et la deuxième
48:16ouverture, c'est celle de l'histoire.
48:18Et à partir de ce moment-là, j'essaye
48:20de mêler dans cette histoire-là
48:22des phénomènes vrais
48:24qui ont existé, mais que je
48:26tresse avec l'autre. C'est-à-dire que
48:28les victimes, on va s'apercevoir
48:30qu'il y en a
48:32quelques-unes. C'est presque déjà un serial
48:34killer. On va déjà s'apercevoir
48:36qu'elles ont
48:38comme cause, il y a aussi des
48:40raisons historiques.
48:42On va s'apercevoir que Colbert aussi
48:44a un rôle à jouer dans cette
48:46aventure. Et puis, j'ai aussi
48:48l'art. C'est-à-dire que la peinture,
48:50j'en parle quand même beaucoup.
48:52Et puis, Louis XIV était
48:54un artiste au fond de lui-même.
48:56Absolument. Louis XIV,
48:58vous savez, quand on...
49:00Il assistait d'abord
49:02à beaucoup de travaux, à Versailles.
49:04Il regardait les plans avec
49:06les architectes, il donnait son avis.
49:08Sur le jardin,
49:10il donnait vraiment tout ce qu'il
49:12voulait parce qu'il avait des fruits
49:14et des légumes qu'il adorait.
49:16Il adorait les petits pois,
49:18il adorait les asperges, il adorait les poires.
49:20Et quand il avait
49:22son jardinier particulier,
49:24son nom...
49:26Le nôtre.
49:28Et puis, il y en avait un autre aussi.
49:30Et puis, il disait...
49:32Le jardinier disait
49:34« Qu'est-ce que vous voulez ? » Il disait
49:36« Faites de ce jardin ce que vous
49:38voulez, mais laissez-y
49:40un peu ma part d'enfance. »
49:42Et effectivement,
49:44tous ces passages sont là
49:46et ils vont revenir parce que ce
49:48livre est le premier d'une autre série.
49:50Je l'espère. Vous avez écrit d'autres
49:52romans déjà ? Oui, d'autres romans
49:54qui ont été écrits
49:56sur
49:58les mêmes personnages, mais évidemment
50:00à chaque fois avec une enquête
50:02divéante. Ça pourrait devenir une série télé ?
50:04Je vous remercie d'y avoir pensé.
50:06Non mais c'est vrai, bien sûr que ça pourrait.
50:08Mais il y a eu dans le temps, une série comme ça
50:10qui est passée sous Louis XV
50:12et c'était le lieutenant général Sartin,
50:14c'était avec Le Floc.
50:16Vous vous souvenez, il y avait une série
50:18qui avait été faite avec lui.
50:20Voilà, ça c'est votre connaissance du cinéma
50:22et on va découvrir votre connaissance de l'écriture
50:24d'un roman avec ces « Fantômes de Versailles »
50:26et « Chez Albin Michel », qui est une première
50:28mais pas une dernière pour vous. Merci beaucoup.
50:30Merci Jacques Forgeat. Au revoir, merci à vous.
50:32Merci, « Les clés d'une vie », c'est terminé.
50:34Pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt.
50:36Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

Recommandations