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Avec Arnaud de Saint-Rémy, avocat au barreau de Rouen, responsable du groupe de travail Droit des enfants du Conseil national des barreaux (CNB)

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2025-03-27##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04La justice des mineurs évolue.
00:07La proposition de loi portée par Gabriel Attal, déjà adoptée à l'Assemblée Nationale,
00:13a été cette fois adoptée par le Sénat.
00:15Arnaud de Saint-Rémy, bonjour.
00:18Bonjour Jean-Jacques Bourdin.
00:19Merci d'être avec nous.
00:20Vous êtes, je le rappelle, avocat au Barreau de Rouen,
00:23responsable du Groupe de Travail Droit des Enfants du Conseil National des Barreaux.
00:27Bien, Arnaud de Saint-Rémy, regardons le texte adopté par le Sénat.
00:33Première précision, la comparution immédiate sera effective dans certains cas.
00:42C'est-à-dire que la comparution immédiate spécifique aux mineurs a été rétablie.
00:48Elle concernera les jeunes récidivistes âgés d'au moins 15 ans.
00:51Ça veut dire qu'un mineur pourra comparaître immédiatement s'il a 15 ans.
00:56En cas de fait grave, j'imagine.
00:59Oui, tout à fait.
01:01C'est une mesure qui est à la fois inutile, dangereuse et inefficace.
01:04Inutile parce que le Code de justice pénale des mineurs prévoit déjà des procédures à délai rapprochées.
01:10Et le cas échéant, lorsque le mineur présente un danger pour autrui ou pour lui-même,
01:14il peut être placé sous écrou, en détention.
01:19C'est dangereux parce que ça empêche de pouvoir établir ce qu'on appelle
01:24le recueil de renseignements socio-éducatifs,
01:25c'est-à-dire une évaluation des mesures les plus appropriées
01:29adaptées à la fois à la gravité des faits, mais également le projet éducatif de l'enfant.
01:34Et puis c'est inefficace parce que dans des petites juridictions
01:39où nous manquons déjà de juges des enfants, je pense en particulier à Rouen.
01:42Savez-vous que nous n'avons que cinq juges des enfants pour une agglomération aussi importante que Rouen ?
01:46On va peut-être nous en supprimer un alors qu'on demandait un sixième poste.
01:50Et que dans des juridictions encore plus petites, je pense à celle d'Alençon,
01:53il n'y a qu'un seul juge des enfants.
01:54Les audiences de comparution immédiate dans les tribunaux pour enfants ne pourront pas se tenir,
01:59d'autant qu'en plus la proposition de loi passée au Sénat
02:02entend doubler le nombre d'assesseurs devant le tribunal pour enfants.
02:06C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir deux assesseurs plus un magistrat, il y en aura quatre plus un magistrat.
02:10C'est totalement ubuesque.
02:11Je suis, Jean-Jacques Bourdin, sidéré par l'incompréhension.
02:17Et surtout ce qui est extraordinaire, c'est qu'en commission des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat,
02:22nous les professionnels de la justice, que ce soit magistrats, greffiers, éducateurs, PJJ et avocats,
02:28nous avions alerté sur les dangers de ces mesures-là.
02:30Et la commission des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat avait retoqué un certain nombre de dispositions
02:34dont la comparution immédiate.
02:35Et c'est en séance publique.
02:37Je suis assez déçu par la qualité du débat.
02:41J'y ai assisté évidemment en direct.
02:44Et j'appelle tous les auditeurs à regarder le replay,
02:46parce que c'est assez édifiant de voir qu'on navigue à vue.
02:50On navigue à vue pour la comparution immédiate concernant les mineurs.
02:53À un moment donné, on a imaginé que ce soit une comparution immédiate pour les mineurs de 13 ans.
02:57Puis finalement, le garde des soies a dit lui-même, 13 ans, c'est inconstitutionnel.
03:03Envisageons 16 ans.
03:05Et finalement, le texte, c'est on coupe la poire en deux, 15 ans.
03:09Et le rapporteur Francis Spiner a dit, est-ce que c'est votre dernier mot, Jean-Pierre ?
03:13C'est hallucinant de voir cette ignorance de l'état du droit.
03:20Deuxième chose, atténuation de l'excuse de minorité.
03:25Ça aussi, ça a été voté.
03:28Ça a été voté, mais vouloir rapprocher la justice des mineurs de celle des adultes,
03:32c'est la négation même de la spécificité de la justice des mineurs.
03:36Il y avait déjà, dans le Code de justice pénale des mineurs, depuis les lois Sarkozy,
03:40la possibilité d'écarter l'excuse de minorité.
03:44Moi, ce que j'appelle d'ailleurs dans la loi, on n'appelle pas l'excuse de minorité,
03:48on appelle ça l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.
03:51Et on n'est pas dans la culture de l'excuse.
03:53On est simplement dans les principes institutionnels, constitutionnels, internationaux,
03:57qu'un mineur doit être jugé comme un mineur et ne peut pas être jugé comme un mineur.
04:01Moi, je me souviens qu'on avait, le 14 février dernier,
04:07pris l'engagement de respecter les idéaux de Robert Ballinter,
04:12qui disait qu'un mineur n'est pas un adulte en réduction.
04:15Le chef de l'État avait dit, je respecterai, je fais le serment de respecter cet engagement.
04:20Eh bien là, on a complètement oublié cela.
04:23J'ai la faiblesse de constater que le serment n'est plus partagé,
04:30peut-être par effet d'ignorance ou satisfaire une certaine opinion publique ou politique.
04:36Les lois ne sont pas faites pour satisfaire l'opinion publique.
04:40Deux autres points pour terminer, avant d'analyser globalement ce texte.
04:45Les amendes sont instaurées pour les parents défaillants,
04:49et puis autre chose, sanctions si la mesure éducative qui doit primer n'est pas suivie.
04:55Amende civile pour les parents qui ne comparaissent pas.
04:59C'est totalement ignorer les raisons pour lesquelles il y aurait une différence des parents,
05:03s'il y a un juge des enfants qui intervient.
05:05C'est parce que le mineur est en danger ou maltraité.
05:07C'est aussi parce qu'il y a une carence parentale.
05:09C'est inhérent, Jean-Jacques Bourdin, aux difficultés auxquelles les enfants
05:15qui bénéficient d'une assistance éducative sont confrontés.
05:18Cela ne marchera pas.
05:19C'est aussi mettre les parents devant leurs responsabilités, Arnaud de Saint-Rémy.
05:22La responsabilité des parents peut passer par une décision du juge des enfants
05:27de supprimer tout droit de visite, voire même de retirer l'exercice de l'autorité parentale
05:32en la délégant à un service gardien.
05:34C'est quand même beaucoup plus impressionnant de se dire
05:37je risque de ne plus pouvoir voir mon enfant
05:39et je risque de ne plus pouvoir exercer l'autorité parentale
05:42que de payer une amende civile qui ne sera encore, Jean-Jacques Bourdin, pas recouvrée
05:46parce que ce sont des personnes qui sont parfois et très souvent
05:49dans des situations financières extrêmement fragiles.
05:51Savez-vous quel est le taux de recouvrement de l'amende forfaitaire ?
05:5328%.
05:55Oui, très bas.
05:56Arnaud de Saint-Rémy, j'ai une dernière question plus générale.
05:59Comment, que proposez-vous pour mieux lutter contre la délinquance des mineurs ?
06:04Écoutez, les professionnels...
06:06Puisque la délinquance des mineurs est en augmentation
06:09et que les mineurs sont de plus en plus jeunes dans la délinquance, non ?
06:13Non.
06:14Oui ou non ?
06:15Alors, ça part d'un mauvais postulat.
06:17Il y a une diminution de 31% de la délinquance entre 2017 et 2023
06:20mais c'est vrai, une augmentation concernant l'ultra-violence.
06:24Il faut répondre à la question de la violence.
06:27Et qu'est-ce qu'on enseigne dans le Code de justice pénale des mineurs
06:30depuis l'ordonnance de 45, c'est que l'esprit est conservé.
06:32L'éducatif, la prévention et évidemment la sanction qui peut être prononcée.
06:37Nous ne sommes pas contre les sanctions, nous sommes pour des sanctions adaptées.
06:40Ce que demandent les professionnels de la justice, ce sont des moyens.
06:44Et lorsque vous avez, pardon de dire ça comme ça, mais des trous dans la raquette
06:47qui consistent à ce que les mesures éducatives judiciaires provisoires
06:50ne soient pas respectées par les enfants ou par les adolescents qui y sont confrontés,
06:55c'est parce qu'il n'y a pas assez d'éducateurs PGJ.
06:58Pour que la mesure éducative judiciaire provisoire soit mise en oeuvre,
07:02il faut attendre généralement un délai de 4 mois.
07:05Pourquoi ? Parce que les éducateurs, ils ont un nombre considérable de dossiers à traiter.
07:09Les juges des enfants traitent 600 situations d'assistance éducative
07:14par chaque cas réel.
07:16Donc vous êtes clair, ce n'est pas en durcissant la loi qu'on réglera la violence des mineurs ?
07:22Bien sûr que non, c'est de l'affichage, c'est de l'incantation,
07:25c'est de répondre à une opinion publique pour regarder ce que l'on fait.
07:29Vraiment j'invite vos auditeurs à regarder le replay sur le Sénat.
07:34Il y avait des sénateurs qui disaient, oui peut-être que cette solution qu'on envisage
07:38elle n'est peut-être pas bonne, mais on fait quelque chose.
07:41C'est une loi qui n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact.
07:44Quand le code de justice pénale des mineurs a été créé,
07:46savez-vous qu'on a commencé les premières concertations à partir de 2018
07:51pour une mise en oeuvre en 2021 ?
07:53Vous vous rendez compte qu'après le rapport d'André Varindard de 2008,
07:57c'est un travail de fond.
07:59Là, c'est un peu comme, j'ai envie de me gratter,
08:02je vais tout de suite me gratter parce qu'on en a besoin.
08:06Ça n'a aucun sens.
08:08Bien, merci Arnaud de Saint-Rémy.
08:10Merci, ça vous fait réagir.
08:12Merci à vous.

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