"C'est beaucoup de responsabilités pour un enfant…"
À 13 ans, Abdulah Sissoko a été envoyé par ses parents dans une école coranique au Mali. Cette histoire, c'est aussi celle du personnage qu'il incarne dans "Le jeune Imam" de Kim Chapiron. Il raconte, loin des clichés.
À 13 ans, Abdulah Sissoko a été envoyé par ses parents dans une école coranique au Mali. Cette histoire, c'est aussi celle du personnage qu'il incarne dans "Le jeune Imam" de Kim Chapiron. Il raconte, loin des clichés.
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Court métrageTranscription
00:00À 13 ans, mes parents m'envoient au Mali, à Bamako,
00:03avec mes deux petits frères,
00:04pour apprendre le Coran, pour apprendre la religion.
00:06Donc je vais là-bas, adaptation très difficile,
00:10un peu comme dans le film.
00:11Pourquoi on t'a envoyé au village ?
00:13C'est quoi la très grosse bêtise que t'as faite ?
00:15Moi, j'étais élevée ici dans la tradition et dans la foi.
00:19C'est ça que je veux pour lui.
00:31C'était un internat où il y a plein d'élèves,
00:34plein de garçons à chaque fois.
00:36On commence le matin, on prie le matin,
00:38puis on lit le Coran.
00:39Ensuite, on se repose un peu, on prend le petit-déj.
00:41Ensuite, on a les cours de français,
00:42on a les cours de théologie, cours de jurisprudence.
00:45Et voilà, c'est vraiment que du travail.
00:47On est dans un internat.
00:48Je me retrouve là-bas avec mes deux petits frères.
00:50Et quand je suis là-bas, je remarque qu'il y a plein de gens
00:53qui viennent de France, de partout en France.
00:55Corbeil-Essone, Bobigny, Sarcelles, Blanbinil.
00:58Et là, on a un peu ce groupe de Français,
01:00parce que là-bas, on nous appelle comme ça, les Français.
01:02Quand on est là, on nous appelle les Africains,
01:04et là-bas, c'est les Français.
01:05Franchement, j'avais 13 ans à l'époque.
01:07Et ouais, tu considères ça comme une punition
01:10ou comme un abandon.
01:11À cette époque-là, franchement, je...
01:13Et moi, j'étais l'aîné, j'étais avec mes deux petits frères.
01:15C'est beaucoup de responsabilité, quoi.
01:17Pour un enfant de 13 ans, c'est sûr.
01:19Au début, j'ai dû pleurer, c'est sûr.
01:20Franchement, après, je m'y suis fait
01:22au bout d'un mois, peut-être.
01:24J'étais quasiment un petit de Bamako, quoi.
01:27Et comme j'avais grandi là-bas,
01:29j'avais toujours été élevé là-bas.
01:32Et tu y es resté combien de temps ?
01:33J'y suis resté un an et demi.
01:35Je pense, comme j'ai dit, de base,
01:37je devais rester plus longtemps,
01:38peut-être mémoriser le Coran.
01:39Mais j'étais avec un petit frère
01:41qui avait souvent des problèmes.
01:43Il était un peu malade.
01:44Du coup, mon père, à un moment, il s'est dit
01:46« Oh, c'est bon, j'en ai marre de payer des médicaments. »
01:49Mais peut-être...
01:50Je sais pas, c'est ce qu'il m'a dit à cette époque-là,
01:52mais peut-être c'est autre chose.
01:54Peut-être c'est parce que...
01:56Il nous manquait, on lui manquait.
01:58Et qu'il a pas voulu nous dire complètement ça.
02:01T'aurais pu devenir imam ?
02:03Je sais pas.
02:04J'ai déjà été imam,
02:05dans le sens où j'ai déjà dirigé une prière.
02:07Mais après, devenir imam, je sais pas.
02:10Est-ce que ça a été plus facile pour toi,
02:12Abdoulah, d'incarner Ali avec ton histoire ?
02:15Oui, pour ce rôle-là, peut-être.
02:17Peut-être que...
02:18Mais je sais pas s'il cherchait forcément un musulman.
02:20Mais c'est sûr que c'est plus facile
02:22de trouver de ce côté-là, quoi.
02:24Quelqu'un qui sait psalmodier le Coran,
02:26qui sait lire des sourates,
02:27qui a une expérience de ce genre-là,
02:29c'est sûr que...
02:30Moi, oui, oui.
02:31Du coup, mon expérience m'a beaucoup aidé pour ça.
02:33C'est une coïncidence que le héros,
02:36donc Ali Diallo,
02:38ait la même histoire que toi.
02:39C'est le film, l'écriture du film
02:41a été légèrement modifiée.
02:43J'aime beaucoup l'idée de synchronicité.
02:45Ce film a été un enchaînement de synchronicités.
02:49À chaque fois qu'on arrivait dans un décor,
02:50c'était le bon.
02:51Les personnages qu'on rencontrait, c'était les bons.
02:53On les voyait, tu seras habillé comme ça
02:54pendant le tournage.
02:55Abdullah, on était en train de faire un casting
02:57qui était assez spécial,
02:58parce qu'on demandait un acteur
02:59qui soit capable à la fois de psalmodier,
03:02de réciter le Coran,
03:03d'avoir des connaissances religieuses
03:05et en même temps d'être bon en dramatique.
03:08Donc là, Abdullah, lui, a joué Shakespeare,
03:11a joué des grandes pièces de théâtre,
03:13donc il avait un vrai bagage théâtral
03:15et il avait aussi ce bagage dont il parle, religieux.
03:18Donc nous, quand on l'a vu,
03:19c'était une évidence pour nous.
03:21Ça a été une évidence.
03:22Et le travail a été, justement,
03:24de prendre tout ce qu'Abdullah, lui,
03:27avait pu puiser dans sa vraie histoire aussi.
03:30Ce film est étroitement lié, je dirais,
03:33au parcours de vie des acteurs qui les incarnent.
03:36On a beaucoup choisi les acteurs tels qu'ils étaient,
03:40c'est-à-dire qu'il y a eu un grand travail de casting sauvage.
03:42Le réel, je dirais, moi, en tant que spectateur de cinéma,
03:46est un des meilleurs outils
03:48pour que le spectateur ne se méfie pas de mon histoire.
03:51Donc là, en l'occurrence,
03:52Abdullah Sissoko, qui interprète Alidji Allo,
03:55va complètement épouser, je dirais,
03:58le personnage fictif d'Alidji Allo.
04:00Et rentrant justement dans cette réalité quasi-documentaire,
04:03on va pouvoir, nous, infuser
04:05de tout ce qu'on a envie de raconter
04:07et pour être le plus crédible possible.