Pour ce nouvel épisode de Chocs du monde, Edouard Chanot reçoit Alexis Tarrade, expatrié français à Moscou et animateur du podcast Divergence politique.
C’est une photographie qui fera date : celle de la rencontre ce matin à Riyad entre Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et Marco Rubio, Secrétaire d’Etat américain. Donald Trump et Vladimir Poutine ont discuté au téléphone le 13 février pour régler la tragédie ukrainienne sans Kiev et sans les Européens. Moins d’une semaine plus tard, les chefs de leurs diplomaties se sont assis à la même table à Riyad pour préparer la rencontre des présidents.
C’est une photographie qui fera date : celle de la rencontre ce matin à Riyad entre Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, et Marco Rubio, Secrétaire d’Etat américain. Donald Trump et Vladimir Poutine ont discuté au téléphone le 13 février pour régler la tragédie ukrainienne sans Kiev et sans les Européens. Moins d’une semaine plus tard, les chefs de leurs diplomaties se sont assis à la même table à Riyad pour préparer la rencontre des présidents.
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00:00Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises de la perspective internationale de TVL.
00:27C'est une photographie historique, la photo de la rencontre ce matin entre Sergeï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères,
00:35et Marco Rubio, le patron du département d'État américain, ce matin à Riyad.
00:39Trump et Poutine ont discuté au téléphone le 13 février pour régler la tragédie ukrainienne sans Kiev et sans les Européens.
00:47Et moins d'une semaine plus tard donc, les chefs de leur diplomatie se sont assis à la même table en Arabie Saoudite pour préparer la rencontre de leur président.
00:57Alors pour comprendre comment la Russie et peut-être surtout les Russes voient les choses, je reçois ce soir Alexis Tarade,
01:03expatrié français à Moscou et cofondateur du média Divergences Politiques. Alexis Tarade, bonsoir.
01:10Bonsoir.
01:11Merci beaucoup d'avoir répondu encore une fois présent à l'appel de Choc du Monde.
01:16Dites-nous Alexis Tarade, comment les Russes vivent-ils ce dégel avec, j'ai envie de dire, l'ennemi américain ?
01:22Un dégel attendu depuis au moins trois ans, si ce n'est peut-être plus.
01:27Alors si ce n'est plus, Moscou vit actuellement une vague de froid extrêmement forte,
01:33donc le dégel ce n'est pas pour tout de suite en Russie et au-delà de ma plaisanterie,
01:38ce n'est probablement pas pour tout de suite non plus sur le volant diplomatique.
01:42Certes, côté Russe, il y a une volonté des citoyens russes d'avoir des meilleures relations avec les États-Unis d'Amérique.
01:51Certes, côté gouvernement russe également, il y a cette volonté peut-être de séduire,
01:56de revenir à des relations avec l'Amérique beaucoup plus normalisées,
02:02je dirais même sur un volant économique principalement.
02:04Mais ce qui en résulte, ce qui est certain, c'est qu'il y a quand même une méfiance,
02:10il y a une fracture qui s'est créée au fur et à mesure de ces nombreuses années.
02:15Ça ne remonte pas uniquement à trois ans en arrière, ça remonte à plus longuement que ça.
02:20Véritablement, les Russes sont, je dirais en tout cas, prudents sur l'avancée de ces premiers pas, de ces premiers dialogues.
02:30Alors Alexi Tarad, revenons si vous le voulez bien sur les éléments les plus importants
02:35ayant précédé cette rencontre entre Lavrov et Rubio dans cette rencontre russo-américaine.
02:41« Aucune date n'a été arrêtée, mais cela pourrait être très bientôt »,
02:46a répondu Donald Trump à la presse le 16 février,
02:49alors qu'il était interrogé sur une rencontre avec Vladimir Poutine.
02:53Leur discussion téléphonique de 90 minutes la semaine passée a d'ores et déjà bousculé l'ordre mondial.
03:00Et l'entrevue tant attendue, synonyme de mise au banc des dirigeants européens et de Zelensky,
03:05pourrait avoir lieu en Arabie saoudite.
03:08Le département d'État américain a aussi confirmé un appel téléphonique
03:12entre Marco Rubio et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le 15 février.
03:19Les deux diplomates ont convenu de « coopérer » sur l'Ukraine, selon Moscou.
03:23De son côté, Marco Rubio a réaffirmé la volonté de Donald Trump de trouver une issue au conflit.
03:30De quoi inquiéter Vladimir Zelensky.
03:33« Il ne faut pas de décision sur l'Ukraine sans l'Ukraine, pas de décision sur l'Europe sans l'Europe,
03:39sinon nous perdons tous », a-t-il fait valoir.
03:42Seule garantie obtenue, le dirigeant ukrainien se rendra à son tour à Riyad,
03:47mais mercredi, 24 heures après la rencontre Rubio-Lavrov.
03:55Donc Zelensky semble écarté des négociations, les Européens aussi.
03:59Nous allons revenir là-dessus.
04:00Je veux aborder d'abord des révélations potentielles apportées par RT,
04:04qui cite Sergueï Lagodinsky, un député allemand des Verts.
04:09Selon lui, citant ses propres sources, l'administration de Trump proposerait trois choses.
04:14D'abord un cessez-le-feu, ça on le sait, Trump l'a déjà évoqué depuis plusieurs mois.
04:18Il veut un cessez-le-feu en Ukraine, mais ensuite il voudrait désormais des élections en Ukraine,
04:24et ensuite cela déboucherait sur un accord final entre Washington et Moscou bien sûr,
04:29mais surtout entre Kiev et Moscou.
04:31Cette piste-là vous semble-t-elle crédible, Alexis Tarad ?
04:34Mais surtout, à votre avis, la diplomatie russe et le Kremlin
04:38accepteraient-ils dans ces étapes-là cette proposition de Trump ?
04:45La Russie a été extrêmement claire.
04:47D'ailleurs, son porte-parole aux Nations Unies a pris la parole je crois hier ou avant-hier
04:53pour rappeler quels sont les éléments indiscutables préalables à des négociations de paix en Ukraine.
05:00Il y a cette question de libération totale des régions que les Russes considèrent désormais
05:07comme faisant partie de la Fédération Russie.
05:09Rappelons qu'aujourd'hui sur l'intégralité de ces régions,
05:13il y a à peu près entre 25 et 30 % de ces régions qui sont toujours sous contrôle de l'Ukraine.
05:20Donc ça sous-entend que l'Ukraine accepterait de céder foncièrement du terrain
05:25qui n'a pas été pris militairement, c'est une première des choses.
05:28Deuxième chose qui a été rappelée par le représentant de la Russie aux Nations Unies,
05:34c'est forcément le statut de neutralité que devrait avoir l'Ukraine à l'avenir,
05:41c'est-à-dire non affiliée ni à un camp ni à l'autre,
05:45avec en toute et à la de cause absolument aucune vérité de rejoindre l'OTAN,
05:51ce qui était quand même l'une des revendications ukrainiennes majeures
05:55avant même le début du conflit.
05:57Et puis dernier point, je pense qu'effectivement il y a la question des normalisations des relations internationales,
06:04on pense aux sanctions, on pense effectivement aux relations économiques entre les Etats-Unis et la Russie,
06:10entre l'Europe et la Russie, là c'est des points véritablement qui sont, je dirais,
06:14des casus belli s'ils n'étaient pas mis en place sur la table pour pouvoir ouvrir le dialogue.
06:20Alors j'ai évoqué Zelensky, Zelensky manifestement n'a plus l'oreille des Américains,
06:25on se demande s'il ne va pas être lâché par Donald Trump,
06:29les Russes perçoivent-ils cela, mais surtout espèrent-ils cela ?
06:34Je pense que tout le monde ici en Russie l'espère véritablement,
06:38je ne suis même pas certain qu'il faille uniquement voir ça sous le prisme d'un espoir,
06:44mais peut-être même d'une réalité, factuellement on voit quand même depuis quelques mois
06:51et même quelques mois en amont de la prise de l'investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche,
06:57on voit qu'il y avait un désengagement annoncé de Donald Trump des Etats-Unis d'Amérique
07:05vis-à-vis de la question ukrainienne.
07:07Alors ça s'est renforcé par effectivement des éléments extrêmement forts
07:12en termes diplomatiques ces dernières semaines et ces derniers jours,
07:15on vit quand même une période qui est extrêmement majeure,
07:19je pense dans l'histoire moderne mondiale,
07:24et ce qui est certain c'est qu'effectivement les Russes, sans doute à juste titre,
07:29considèrent qu'on a des éléments tangibles qui montrent un désengagement diplomatique,
07:35militaire et progressif et majeur des Etats-Unis d'Amérique vis-à-vis de l'Ukraine.
07:40Il y a quand même un paradoxe, permettez-moi d'y aller,
07:43vous dites qu'il y a un désengagement américain,
07:45mais Trump est clairement en train d'accélérer les choses
07:49et peut-être d'aboutir en tout cas, de permettre des négociations et d'aboutir à la paix.
07:54Est-ce que est-ce vraiment un désengagement
07:56ou est-ce déjà un début de victoire diplomatique pour Donald Trump ?
08:00Alors, victoire diplomatique, ça dépend de ce qui va en advenir, je dirais, des négociations.
08:08Je pense que les Etats-Unis d'Amérique, et ça c'est mon analyse personnelle,
08:12je pense que les Etats-Unis d'Amérique ont la volonté, en toutes les dates de cause,
08:17de rediriger cette question ukrainienne plutôt sur un volant économique que militaire,
08:24c'est-à-dire de parvenir à un cessez-le-feu, à défaut d'un accord de paix,
08:30je fais bien la différence entre un cessez-le-feu et un accord de paix,
08:33qui permettrait aux Etats-Unis de normaliser leur relation avec la Russie,
08:38ce qui est très important pour plein de sujets extrêmement sensibles,
08:43notamment sur les terres rares, etc.
08:45Et en même temps, de pouvoir justement avoir un début, je dirais,
08:52de rapprochement économique et commercial avec l'Ukraine,
08:56justement également sur ces terres rares.
08:57Donc, en gros, de gagner sur les deux camps.
09:00Et en parallèle de ça, de se dire que cette paix ou cette future paix
09:04ou ce cessez-le-feu qui pourrait survenir en Ukraine
09:09puisse être assumée non plus par les Américains,
09:12mais par l'Europe économiquement et éventuellement militairement par une présence.
09:16C'est ce qui a été discuté hier soir, notamment à l'Élysée,
09:19entre certains dirigeants européens,
09:22puisqu'on pourra remarquer que beaucoup de dirigeants n'étaient pas présents,
09:25et notamment ceux les plus hostiles à la question ukrainienne actuellement.
09:29Alors, nous allons revenir sur les aspects commerciaux d'éventuel ententre
09:34Moscou et Washington.
09:35C'est un élément très important et des informations ont fuité
09:39depuis moins de 24 heures de Riyad.
09:41Mais vous évoquez aussi très justement, Alexis Tarad,
09:45la rencontre hier entre un certain nombre de dirigeants européens
09:48à Paris à l'invitation d'Emmanuel Macron.
09:51Alors, pour résumer, les capitales européennes jouent ou essaient de jouer le tout pour le tout.
09:56On demande s'ils y parviennent.
10:00En tout cas, ils sont divisés.
10:01La Grande-Bretagne s'est dit prête à déployer des troupes en Ukraine
10:04après un accord de paix afin de fournir, je cite,
10:07des garanties de sécurité à Kiev.
10:09Mais, mais, mais, avec l'aide américaine, bien sûr,
10:12Londres, encore une fois, est incapable de faire les choses sans Washington.
10:15Ce matin sur France Info, Jean-Noël Barraud, ministre français des Affaires étrangères,
10:19a annoncé un 16e train de sanctions européennes contre la Russie.
10:24En parlant de trains, on a l'impression vraiment
10:26que les Européens ont un certain nombre de trains de retard.
10:30Ils ont un certain nombre de trains de retard,
10:31ça, ce n'est pas une nouveauté.
10:33Ils sont à la traîne depuis le début du conflit, finalement.
10:36Ils ne sont, je ne dirais pas, proactifs sur la résolution du conflit.
10:41Ils sont dans une, je dirais, dans un suivisme américain depuis le début.
10:47Donc, ça, ce n'est pas un scoop.
10:48Ceci étant, ce qui est très intéressant de voir,
10:51c'est que la réunion qui a eu lieu hier, déjà, c'est ce que je disais,
10:54elle ne réunissait finalement pas un certain nombre d'acteurs européens
10:59aujourd'hui qui sont quand même des acteurs,
11:00même si leurs états ne sont pas aussi importants que la France et l'Allemagne,
11:03bien entendu, mais qui sont quand même des acteurs importants
11:05aujourd'hui dans le dialogue et qui sont, eux, en opposition à,
11:11clairement et défini, à un maintien,
11:14à un prolongement de cette guerre en Ukraine,
11:16coûte que coûte, avec les fonds européens.
11:19Je pense notamment à la Hongrie, je pense à la Souvaikie,
11:21mais je pense à d'autres pays, bien entendu.
11:23Je pense à l'Autriche également.
11:25Sur ceux qui étaient présents, là encore,
11:27il n'y avait pas une homogénéité du dialogue,
11:30vous l'avez rappelé à juste titre.
11:33Que ce soit l'Allemagne, que ce soit l'Angleterre,
11:36on n'a pas les mêmes approches, on n'a pas la même vision des choses,
11:39que ce soit la Suède, que ce soit la France.
11:41Là, il y a peut-être un rapprochement, mais en toute et à toute cause,
11:43il y a quand même un certain nombre de pays qui se sont opposés,
11:45clairement, à une présence militaire qui revient,
11:48c'est un petit peu l'Arlésienne, qui refait surface dans ces négociations.
11:52Donc ça, c'est assez surprenant.
11:53Et puis, dernier point qu'il faudrait peut-être rappeler,
11:58c'est que ces acteurs européens, finalement, quel poids ont-ils ?
12:02Ils n'ont aujourd'hui pas la capacité économique
12:05de continuer en lieu et place des États-Unis d'Amérique,
12:10si on imagine que les États-Unis d'Amérique se désengageaient totalement.
12:14Et puis, deuxièmement, ils n'ont pas la capacité militaire non plus
12:16de prendre la suite des États-Unis d'Amérique.
12:19Donc, c'est-à-dire, quel soutien finalement ? De quoi parle-t-on ?
12:22Et là, je pense qu'il y a quand même véritablement un doute
12:25qui peut s'instaurer très clairement sur notre capacité à être un acteur majeur.
12:30Et c'est peut-être pour ça, d'ailleurs, que nous, Européens,
12:32tristement, malheureusement, ne faisons pas partie des négociations.
12:36Et dernier petit point que je me permets,
12:38je vais relativiser l'intervention de Scholz.
12:40Scholz a dit qu'effectivement, la question de l'envoi de troupes au sol
12:46nécessiterait des fonds qui devraient, dans ce cas-là,
12:49être compensés par moins de projets d'infrastructures et moins de projets sociaux.
12:55Mais il a dit juste derrière que cela n'était pas entendable
12:58puisque les Allemands n'en voulaient pas, quoi qu'il arrive.
13:01Donc, je nuance un petit peu son propos.
13:05Le ministre russe des Affaires étrangères a quant à lui qualifié, hier 17 février,
13:09d'agressif les discours des dirigeants européens
13:12lors de la conférence de Munich sur la sécurité.
13:14Je rappelle qu'elle s'est tenue du 14 au 16 février.
13:16Pour lui, pour Lavrov, les Européens veulent continuer la guerre.
13:20Alors, il est inutile donc de les inviter à une conférence de presse, pardon de paix.
13:26Les Russes, évidemment, ont beaucoup de rancœur vis-à-vis des dirigeants européens.
13:30Cela peut-il changer ?
13:31Selon vous, Alexis Tarade, que faudrait-il pour que cela change ?
13:35Ce qu'il faudrait, c'est du temps, déjà, pour que ça passe.
13:39Je crois qu'effectivement, côté Russe, il y a beaucoup d'amertume
13:43concernant les pays européens pour une raison simple.
13:46Une amertume, d'ailleurs, qu'on ne retrouve pas vis-à-vis des États-Unis d'Amérique
13:49puisqu'il y a toujours eu, historiquement, des relations russo-américaines
13:55qui étaient tendues, qui étaient, je dirais, méfiantes de la part des Russes.
14:04Mais ces relations-là avec l'Europe, je rappelle que la Russie a toujours voulu
14:07être l'un de ces grands pays d'Europe qui puissent avoir des relations
14:13avec ses voisins européens et, un petit peu comme un amoureux transit,
14:17s'est toujours retrouvée, finalement, la Russie dans une situation
14:21où l'Europe la dédaignait ou, en tout cas, la rabaissait ou la considérait
14:26avec une stature moins importante que la Russie estime le devoir.
14:32Donc, il y a sans doute plus de frustration du côté russe vis-à-vis de l'Europe
14:36que, bien entendu, il y en a vis-à-vis des États-Unis
14:39pour lesquels les Russes n'attendaient finalement pas grand-chose.
14:42Maintenant, soyons factuels, effectivement, la réunion d'hier à Matignon à l'Élysée
14:48en est exactement le symbole.
14:50Les Européens, en tout cas ceux qui étaient présents autour de la table,
14:53ne cherchent pas la paix, ils cherchent à prolonger la guerre.
14:57Et, en ce sens, ils ont bien rappelé hier soir qu'ils feraient tout
15:02pour continuer à soutenir l'Ukraine jusqu'à la fin de cette guerre.
15:07Donc, que ce soit militairement, que ce soit économiquement,
15:10l'Europe ne souhaite pas se désengager.
15:12Donc, il n'y a pas de volonté de négociation de paix.
15:15Et ça, les Russes voient.
15:16Côté américain, il y a effectivement une volonté par cette rencontre à cinq,
15:22puisqu'il y avait trois personnes du côté américain et deux du côté russe,
15:26de trouver justement, en tout cas, une ouverture au dialogue.
15:30Donc, c'est véritablement la légitimité américaine qui se crée par l'action
15:36et l'illégitimité européenne qui se crée justement,
15:39là, encore une fois, malheureusement, par l'action, mais dans un sens négatif.
15:43Alors, vous évoquez la délégation russe.
15:45Elle est emmenée évidemment par Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.
15:49Il est épaulé par le conseiller de Vladimir Poutine,
15:51Sergei Uchakov, qui est moins connu.
15:53Ils sont aussi accompagnés de Kirill Dimitriev,
15:56qui dirige le Fonds russe des investissements directs.
16:00Selon les médias russes et selon le New York Times,
16:02il a déjà évoqué ce matin à Riyad des pistes d'accords commerciaux
16:06entre les États-Unis et la Russie,
16:08notamment le retour des compagnies pétrolières américaines en Russie
16:12et le développement de nouveaux projets communs en Arctique.
16:15On a déjà le sentiment que les plus réalistes, les Américains, les Russes,
16:19vont trouver des terrains d'entente.
16:21Le commerce peut-il, selon vous, adoucir les mœurs entre les deux puissances,
16:25entre ces deux nouveaux géants, Trump et Poutine ?
16:28Alors, il y a une obligation entre ces deux superpuissances,
16:32effectivement, de bien s'entendre sur un volant économique, finalement.
16:35C'est positif pour les deux économies, et russes et américaines.
16:39Je rappelle qu'il y a beaucoup d'enjeux américains qui dépendent de matériaux
16:46ou de terres précieuses ou d'hydrocarbures russes.
16:50Donc, inévitablement, il faut garder le dialogue.
16:53Ça, c'est une certitude.
16:55Trump est un businessman, donc il ne s'en privera pas,
16:58assurément si ça va dans le sens des intérêts américains.
17:00Deuxièmement, ce qui est intéressant,
17:02et on peut ramener un petit peu au parallèle ukrainien,
17:06c'est justement que Trump a préempté une protection américaine,
17:11en tout cas une défense des intérêts ukrainiens par l'Amérique
17:15lors de négociations, justement à des accords commerciaux sur les terres rares.
17:20Mais une énorme partie de ces fameuses terres rares ukrainiennes
17:23sont déjà de facto sous contrôle russe, puisqu'elles sont majoritairement
17:27dans les parties est de l'Ukraine, c'est-à-dire celles
17:31détenues par la Russie.
17:33Donc, je dirais qu'il y a un pas facile à franchir que d'imaginer
17:38que dans un terrain d'accords, de négociations, de diplomatie
17:42entre la Russie et les États-Unis, il puisse y avoir des accords commerciaux
17:45avec des avantages, des tarifs avantageux pour les États-Unis d'Amérique,
17:50notamment sur ces fameuses terres rares sur lesquelles les États-Unis
17:54d'Amérique lorgnent tant en Ukraine.
17:57Donc, l'ensemble des relations économiques et commerciales entre la Russie
18:02et les États-Unis sont une priorité très claire pour les États-Unis d'Amérique.
18:09Alors, vous évoquez les intérêts russes.
18:12Il est très tôt pour être catégorique sur une victoire russe.
18:15Alors, victoire militaire, bon, visiblement, il y en a une,
18:18comme nous pouvons le voir d'ailleurs sur les cartes du conflit.
18:21Mais même d'ailleurs, si les choses n'ont pas toujours été faciles
18:24ou simples pour Moscou sur le front, parce qu'une guerre, évidemment,
18:26n'est jamais facile ni simple, mais après une victoire militaire,
18:30il y a toujours la victoire politique qui est en jeu et que Moscou essaie d'obtenir.
18:34Alors, nous avons évoqué, vous avez évoqué les conditions exigées par Moscou.
18:39Elles sont très élevées.
18:40Rappelons évidemment l'OTAN hors de l'Ukraine, l'Ukraine hors de l'OTAN
18:43et évidemment la reconnaissance des terres, des régions, du Donbass,
18:47de Karsen et Zaporozhye.
18:49Mais pensez-vous que Moscou serait, pourrait, accepterait
18:54de revoir à la baisse ses exigences vis-à-vis de Donald Trump,
18:59si peut-être la confiance s'est rétablie entre deux égaux ?
19:05Alors, je ne suis pas certain que de toute façon les Russes souhaitent aller vers,
19:09je dirais, des prétentions à la baisse, puisqu'il me semble que ce sont déjà
19:13des prétentions de base sur ces pourparlers.
19:19Donc là, très clairement, je pense que ce sera difficile pour les Russes
19:23de faire moins que la question de la démilitarisation et, je dirais,
19:29du côté non affilié de l'Ukraine.
19:32Ce sera difficile de rendre le moindre territoire qui a été conquis par les Russes.
19:37Et la question des sanctions est inéluctable finalement, puisque de toute façon,
19:42il y en a aussi question sur le SWIFT, sur effectivement, vous l'avez rappelé,
19:46les questions du business entre les grandes entreprises mondiales énergétiques.
19:52Donc ça, ce sont des points sur lesquels je ne vois pas comment la Russie
19:55pourrait aller en dessous de ses objectifs, très clairement.
19:58Par contre, effectivement, s'il n'y a pas d'accord assez rapide qui puisse se trouver,
20:03effectivement, le conflit sur le terrain continue.
20:06Vous l'avez rappelé, la Russie avance.
20:08Et là, effectivement, peut-être que la Russie pourrait,
20:11ou même est-ce qu'elle n'est pas d'ailleurs en train d'espérer
20:14que ces négociations n'aboutissent pas directement,
20:17pourrait augmenter d'ailleurs éventuellement ses désidératas
20:21en fonction de l'évolution sur le terrain.
20:24Moi, je ne suis pas certain qu'un accord de paix ou un cessez-le-feu en l'état
20:30tout de suite maintenant soit finalement le plus favorable pour la Russie,
20:34pour les intérêts russes, au vu de l'évolution.
20:36Et pourtant, ils ont envoyé sur le terrain diplomatique à Riyad
20:40deux personnalités les plus influentes de la diplomatie russe,
20:44donc Sergueï Lavrov, qu'on connaît très bien,
20:46et une autre personne qui, elle, est beaucoup plus…
20:50Discrète.
20:51Voilà, beaucoup plus discrète, beaucoup moins connue,
20:54en tout cas moins connue du grand public,
20:57mais qui est sans doute une personne beaucoup plus importante,
21:01finalement, même éventuellement, que Lavrov.
21:04Sergueï Uchakov, donc, le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine.
21:09Je pense qu'il est même probablement un peu plus que ça.
21:12Uchakov, effectivement, c'est une personnalité qui n'est pas du tout connue
21:16des Russes ou même des Européens.
21:19C'est un homme de l'ombre, comme on pourrait dire,
21:21mais ceci étant, c'est un diplomate de carrière.
21:24C'est un homme qui est né dans la région de Moscou,
21:27dans cette après-Seconde Guerre mondiale,
21:29qui a fait toutes ses études à Ingimaud,
21:31qui a été ambassadeur notamment aux États-Unis d'Amérique pour la Russie.
21:36C'est une des personnes dont on dit
21:39qu'il a plus que l'oreille de Vladimir Poutine,
21:41qu'il est même éventuellement le grand architecte
21:44de la diplomatie russe de ces dernières années.
21:47Donc, c'est une personne extrêmement influente.
21:50Et alors, là, sans en avoir, moi, d'éléments concrets,
21:54il se dit en toute et à la de cause qu'il est même probablement
21:57plus influent que Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères.
22:02En effet, peut-être le praticien, la face visible,
22:05mais évidemment, que se passe-t-il derrière le rideau ?
22:08Vous avez évoqué les intérêts russes qui pourraient accroître avec le temps.
22:12Moscou a joué sur le temps depuis le début du conflit.
22:15Ils n'ont pas la même notion du temps que les Européens, que les Occidentaux.
22:18On sait d'ailleurs peut-être que les démocraties ont du mal
22:21à faire la guerre à cause de cela, parce qu'elles ont le chronomètre dans la main.
22:25Pensez-vous que Moscou, ici, est en mesure encore de laisser traîner les choses ?
22:32Je pense que très clairement, c'est ce que Moscou devrait faire.
22:36Si j'étais russe, que je ne suis pas, je pense que je jouerais la montre,
22:40puisqu'effectivement, l'action sur le terrain est favorable à la Russie.
22:45Donc, le temps passant continue de jouer positivement pour la Russie
22:50dans son expansion territoriale et la récupération de l'intégralité des territoires,
22:57qui sont ceux, les quatre territoires annexés par la Russie
23:01et sur lesquels Vladimir Poutine ne souhaite pas entendre parler d'un retour côté ukrainien.
23:07Deuxièmement, économiquement, la Russie tient bien.
23:11Elle tient parfaitement bon.
23:13Elle a renforcé son industrialisation.
23:16Elle a renforcé de grands pans de son économie.
23:19Et aujourd'hui, il n'y a rien qui la presse à trouver un accord.
23:23Elle n'est pas, je dirais, d'accord de coup, économiquement,
23:27contrairement à ce que pouvait espérer Bruno Le Maire.
23:31Elle n'est pas à genoux.
23:33Et donc, elle peut laisser voir encore une période de conflit.
23:39Donc, si vous voulez, effectivement, trouver un accord maintenant.
23:43Finalement, ça arrangerait probablement plus les États-Unis,
23:46certainement pas l'Europe, ça, c'est très clair.
23:49Concrètement, pas du tout l'Ukraine,
23:52puisque ça sous-entendrait aussi pour Zelensky de mettre en place des élections,
23:57ce qui pourrait être extrêmement dangereux pour lui.
23:59Et puis, ça arrange, je dirais, modérément la Russie,
24:02parce qu'effectivement, ça gèlerait le conflit,
24:05mais ça ne permettrait pas foncièrement d'obtenir peut-être tous les buts
24:09de cette opération spéciale qui avait été lancée par le président russe en février 2022.
24:16Un temps qui joue donc encore pour la Russie,
24:19mais Trump est à l'offensive.
24:20La suite, évidemment, sur la chaîne de TVL.
24:23Surtout, surtout, n'oubliez pas de commenter cet épisode de Chocs du Monde,
24:26le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL.
24:30Merci à tous et merci surtout à vous, Alexis Tarade.
24:33Merci à vous.