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Le 30 septembre 2015, la Russie intervenait dans la guerre civile syrienne, répondant ainsi à une demande officielle du président syrien Bachar el-Assad d’une aide militaire. Il s’agissait là de la première intervention de la Russie en dehors des frontières de l’ancienne Union soviétique depuis la guerre d’Afghanistan. Cette intervention fut un succès car elle a permis d’atteindre son objectif politique premier, qui était de sauver le régime syrien alors en grande difficulté, lui accordant ainsi un sursis de 10 ans. Cette opération marque également le retour sur la scène internationale, dans le concert des Nations selon l’expression consacrée, de la Russie et de son armée modernisée. Explications avec notre invité, Antoine de Lacoste.

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00:00– Générique de fin –
00:21Bonjour à tous.
00:22Il y a presque dix ans, le 30 septembre 2015,
00:26la Russie intervenait dans la guerre civile syrienne.
00:29Répondant ainsi à une demande officielle du président syrien Bachar el-Assad
00:34d'une aide militaire.
00:35Il s'agissait là de la première intervention de la Russie
00:38en dehors des frontières de l'ancienne Union soviétique
00:41depuis la guerre d'Afghanistan.
00:43Cette intervention fut un succès
00:45car elle a permis d'atteindre son objectif politique premier
00:48qui était de sauver le régime syrien, alors en grande difficulté,
00:52lui accordant ainsi un sursis de dix ans.
00:55Cette opération marque également le retour sur la scène internationale
00:58dans le concert des nations, selon l'expression consacrée,
01:01de la Russie et surtout de son armée modernisée.
01:05Explication avec notre invité Antoine Delacoste.
01:07Antoine Delacoste, bonjour.
01:09– Bonjour.
01:10– Les téléspectateurs de TVL vous connaissent bien maintenant,
01:13vous intervenez régulièrement dans cette émission
01:16quand il s'agit de géopolitique.
01:18Vous êtes l'animateur du site internet geocronique.fr
01:23et vous signez la rubrique de géopolitique dans la revue d'histoire européenne.
01:27Et j'ajoute, vous êtes un moteur de littérature,
01:31que vous tenez également un autre site internet
01:33qui s'appelle les livres d'Antoine.
01:34– Tout à fait.
01:36– Donc l'objet de votre intervention aujourd'hui
01:39est l'arrivée décisive des troupes russes
01:42sur le théâtre d'opération de la guerre civile syrienne en septembre 2015.
01:48Alors, cette guerre civile a commencé en 2011,
01:52dans le contexte des printemps arabes.
01:55En 2015, quelle est la situation sur le front ?
01:59– Alors sur le front syrien, la situation est assez mauvaise pour l'armée syrienne.
02:04Les premiers mois de la guerre, les deux premières années,
02:072011 mais surtout 2012-2013, ont été sanglants pour l'armée syrienne
02:11qui a subi en outre de très nombreuses désertions
02:13de ses soldats et de ses officiers sunnites.
02:16Il ne faut jamais oublier que la Syrie est un pays majoritairement sunnite,
02:19donc dans l'armée syrienne, si l'encadrement général
02:23était majoritairement halawite, voire chrétien,
02:26les sunnites quand même existaient et surtout parmi l'ensemble
02:31de l'armée syrienne, les sunnites étaient majoritaires.
02:34Parce que les effectifs chrétiens et halawites auraient été
02:36de toute façon insuffisants pour constituer une véritable armée.
02:38Beaucoup de ces sunnites ont déserté avec armée-bagages
02:43pour rejoindre les rangs de l'insurrection.
02:45Et cette insurrection, progressivement, s'est islamisée.
02:50Au début, il y a eu très succinctement des rebelles dits modérés,
02:56une armée syrienne libre, financée par l'Occident,
03:00qui étaient des opposants, qui n'étaient pas trop marqués islamistes.
03:03Mais très vite, cette fiction s'est évanouie
03:05et les islamistes ont pris en main cette rébellion.
03:11– Des islamistes syriens ?
03:12– Des islamistes syriens au début, et puis petit à petit,
03:16eh bien, ça va venir du monde entier.
03:18Et c'est un grand djihad international qui va faire passer
03:22le concept de guerre civile, le concept de guerre internationale.
03:25Et l'armée syrienne aura beaucoup de mal à juguler cela.
03:30En plus, toute une partie de ses meilleurs cadres vont mourir
03:33dans ces premiers mois de guerre 2012-2013.
03:37Ils auraient été vaincus s'il n'y avait pas eu une aide
03:40très substantielle du Hezbollah libanais.
03:43Amitié chiite, les halawites étant proches des chiites,
03:45envoyés par l'Iran, c'est à sur honte de l'Iran
03:48que le Hezbollah est intervenu.
03:49Et l'Iran elle-même, avec ses gardiens de la révolution,
03:52ce sont au moins, dans chaque cas, plus de 10 000 hommes.
03:54Et ces 10 000 hommes ont aidé l'armée syrienne,
03:57et même dans certains cas, supplé l'armée syrienne
04:00qui, parfois, s'était débandée.
04:02Et ça a permis de tenir jusqu'en 2015.
04:07Mais en 2015, se passe une bataille emblématique,
04:11la bataille d'Alep, qui tient Alep, tient tout le nord de la Syrie.
04:15Les islamistes avaient pris Idleb.
04:18Ils se rapprochaient aussi du pays halawite,
04:21juste au-dessus d'Idleb, donc tout ça dans le nord-ouest de la Syrie,
04:24proche du pays halawite, donc Latakie, Tartus,
04:27où il y a une base navale russe.
04:30Et puis autour de Damas, les combats foragent,
04:32dans la banlieue des vergers, notamment de la Houta,
04:36là où le roi Louis VII avait perdu son armée lors de la deuxième croisade.
04:40Et il y a une visite décisive du général Soleimani,
04:46l'homme qui commandait les gardiens de la révolution iranien, à Moscou.
04:50Les Russes avaient beaucoup d'informations.
04:52Eux-mêmes commençaient à se préparer à cette intervention.
04:55Et Soleimani vient, quelques semaines avant l'intervention russe,
04:59pour dire le front va craquer.
05:01Et si la Russie n'intervient pas,
05:03si l'aviation russe, notamment, n'intervient pas,
05:06eh bien les islamistes fêteront Noël, si on peut dire, à Damas.
05:11Déjà, on va revenir un petit peu en arrière.
05:13Les relations et la bonne entente entre Russie et Syrie,
05:17ça ne date pas d'hier.
05:19Il y a une histoire commune.
05:20C'est une vieille amitié, en réalité.
05:23L'expédition de Suez en 1956,
05:25quand les anglo-franco-israéliens vont attaquer l'Égypte
05:29pour récupérer le Canada de Siège,
05:31qui venait d'être nationalisé par Nasser,
05:34ont permis à la Syrie de se tourner un peu
05:37vers l'Union soviétique de l'époque,
05:39en disant, bon, les Occidentaux se recroient à la période coloniale,
05:44on va se rapprocher.
05:45Le rapprochement a eu lieu progressivement,
05:47mais c'est surtout à partir des années 60,
05:49lorsque le parti basse syrien prend le pouvoir.
05:53C'est un parti socialiste, laïque,
05:57qui, naturellement, est anti-américain.
06:00Donc, le rapprochement avec l'Union soviétique est facile,
06:03et c'est le moment où l'armée syrienne
06:05va intégralement commander ses armes à l'Union soviétique.
06:08Et après la prise de pouvoir de Hafez el-Assad en 1970,
06:12là, l'amitié devient très étroite,
06:14avec des milliers de conseillers soviétiques envoyés en Syrie
06:17et des milliers d'étudiants syriens qui viennent étudier à Moscou.
06:21Il y a un grand brassage, la sovieto-syrien,
06:25qui donnera lieu d'ailleurs à beaucoup de mariages,
06:28des mariages mixtes, comme on dit, mais la sovieto-syrien.
06:30Et ce qui fait que l'interprénétration russe et syrienne
06:35est très forte à l'époque.
06:37– Et la disparition de l'URSS n'a pas entamé cet équilibre ?
06:44– Alors, il y a eu une sorte de parenthèse,
06:46puisque la chute de l'URSS en 1991 va entraîner, pendant 10 ans,
06:51une catastrophe économique, démographique et militaire,
06:55dans l'ex-Union soviétique.
06:58D'ailleurs, la première guerre de Tchétchénie,
07:00qui a lieu de 1994 à 1996, se solde par un échec.
07:04Et Boris Helsin, de plus en plus encombré par la vodka,
07:08a beaucoup de mal à diriger la Russie,
07:13qui s'enfonce lentement mais sûrement.
07:15Et donc, c'est pour ça qu'il va y avoir l'appel des oligarques
07:19qui veulent sauver leur fortune et qui vont faire appel à Poutine,
07:23croyant pouvoir le manœuvrer facilement.
07:25C'est l'inverse, évidemment, qui va se produire, l'histoire est connue.
07:28Et donc, à partir de 2000, Poutine reprend les choses en main
07:32et va renouer cette alliance syrienne qui n'avait pas été dénoncée,
07:37mais qui a été mise entre parenthèses,
07:38parce que l'influence américaine a été forte sur le pouvoir d'Helsin
07:43pendant ces 10 années catastrophiques, 1991-2002.
07:46– Bien. Donc, le 28 septembre 2015, Vladimir Poutine
07:50prononce un discours à l'Assemblée Générale des Nations Unies,
07:54où il prévient que la Russie va proposer une résolution pour mener,
08:00je cite, une véritable coalition mondiale contre le terrorisme,
08:04semblable à la coalition anti-Hitler.
08:06Donc là, la décision est prise d'intervenir.
08:09– Là, la décision est prise, c'est deux jours avant l'intervention,
08:11donc tout est prêt pour l'intervention.
08:14Ce discours est, en quelque sorte, le point de départ de l'intervention russe.
08:20Mais il faut voir aussi que c'est l'aboutissement d'un long processus.
08:23– Oui, j'imagine qu'elle est planifiée depuis longtemps.
08:25– Elle est planifiée depuis longtemps et, par ailleurs,
08:28il y a discordance de plus en plus marquée entre la politique américaine,
08:32notamment d'élargissement de l'OTAN vers la Russie,
08:35et les diverses interventions américaines
08:37qui ont provoqué des changements de régime,
08:38c'est la doctrine des néo-conservateurs,
08:40change regime, quand ça ne convient pas.
08:42Donc, il y avait eu l'intervention yougoslavique
08:44qui avait profondément déplu à la Russie,
08:47il y avait eu l'affaire du…
08:49qui s'était soldée par, finalement, l'affaire du Kosovo,
08:51on avait bombardé les chrétiens serbes pour installer des mafieux musulmans,
08:55tout ça organisé par les Américains et Bill Clinton.
08:59Et puis, il y avait eu l'intervention en Irak, en 2003,
09:01qui avait également laissé beaucoup de traces.
09:03Et Poutine a averti, en 2007, son fameux discours de Munich,
09:10devant tout l'aéropage occidental, qui s'entendait bien,
09:15qui disait, formidable, c'est la fin de l'histoire,
09:17il y a l'Amérique qui domine et la démocratie,
09:19on en est parti pour la démocratie mondiale et une mondialisation heureuse.
09:23Et Poutine a dit, maintenant, ça suffit,
09:26vous êtes en train d'élargir l'OTAN contre les frontières de la Russie,
09:29nous nous sentons menacés.
09:31Et la réponse de l'Amérique, c'est par George Bush,
09:34l'année suivante au sommet de l'OTAN, à Bucarest,
09:37ça a été de dire, nous souhaitons faire adhérer l'Ukraine et la Géorgie à l'OTAN.
09:44Donc, c'était quasiment, ça ne s'est pas fait,
09:46parce qu'Angela Merkel s'y est opposée violemment,
09:49et elle a bloqué ce processus.
09:52Mais donc, entre les États-Unis, et plus largement l'Occident et la Russie,
09:56il y a une lente dégradation qui fait que lorsque la guerre éclate en Syrie,
10:01les Russes observent ça de très près, ils sont aux premières loges,
10:04ils ont leur base navale à Tartus, ils ont leur base aérienne,
10:09et ils voient bien que les islamistes,
10:12qui ont mis la main sur l'insurrection très vite,
10:14au bout de quelques mois, sont armés, financés,
10:18non seulement par les pays du Golfe, Arabie Saoudite et Qatar en tête,
10:22Turquie par le nord, donc Arabie Saoudite et Qatar par le sud,
10:27mais également les services secrets occidentaux sont très présents.
10:30La CIA en tête, mais les services secrets français, anglais, allemands,
10:34sont là pour donner des armes à des islamistes dits modérés,
10:38alors on les appelle les remèles modérés dans les médias,
10:41les grands médias traditionnels occidentaux,
10:43personne n'est dupe, et tout ça aboutira à la création de Daesh,
10:48aux exactions du front al-Nusra,
10:50et donc la décision russe à ce moment-là est prise dans le cadre,
10:54non pas seulement de sauver son allié syrien,
10:56mais dans le cadre de la lutte contre l'islamisme aussi.
10:59– Est-ce qu'il y a aussi une volonté de faire une démonstration de puissance
11:02de la nouvelle armée russe ?
11:04– Alors on peut penser avec le recul que c'est au fond le premier,
11:07le premier sujet de Poutine et la première cause de son intervention.
11:12Bien sûr, il faut sauver l'allié syrien,
11:14la Russie veut montrer qu'elle n'est pas comme l'Amérique,
11:16elle ne lâche pas ses alliés.
11:18Et puis, il y a des chrétiens orthodoxes nombreux…
11:22– Oui, il y a une influence du patriage de Moscou.
11:25– Alors le patriage de Moscou, Kirill, très lié à Poutine,
11:29allait le voir régulièrement, il avait table ouverte au Kremlin,
11:32allait le voir régulièrement Poutine en lui disant
11:34c'est ton devoir d'aller aider nos frères orthodoxes syriens.
11:37Mais, c'est un jouet, tout ça est un jouet.
11:40Mais l'argument numéro un qui sera utilisé par Lavrov
11:45après le ministre des Affaires étrangères,
11:46qui éclairera un peu les objectifs géopolitiques de la Russie
11:50et que Poutine confirmera, c'est en effet de faire revenir la Russie
11:54en tant que grande puissance dans le concert des nations.
11:57Avec l'effondrement de l'Union soviétique,
11:59les Américains avaient espéré que dorénavant,
12:03la Russie soit une puissance secondaire.
12:06Il y a la grande puissance mondiale, les États-Unis,
12:09et tout le reste ne sont que des puissances secondaires
12:11qui sont là pour servir l'Amérique, au fond.
12:14Et compte tenu de tout ce qui s'était passé,
12:17que j'ai rappelé à partir de la Yougoslavie jusqu'au printemps arabe,
12:22et l'intervention également en Libye de l'Occident
12:25où ils ont trompé les Russes,
12:26et Poutine avait fait un discours en disant une fois de plus,
12:29une fois de plus c'est le chaos qui a été engendré
12:32par une intervention occidentale.
12:35Et donc Poutine, au bout d'un moment a estimé que son armée,
12:38son économie était prête pour revenir dans le grand concert des nations
12:43et pour se réaffirmer à nouveau comme une grande puissance.
12:46– Vous êtes une armée qui est en voie de modernisation
12:49depuis une dizaine d'années, il y a eu vraiment…
12:51– Oui, les échecs en Tchétchénie ont beaucoup servi pour ça,
12:53le premier échec a été absolument flagrant,
12:56et lorsqu'il y a eu la deuxième guerre de Tchétchénie, 99-2000,
13:00lorsque Poutine arrive au pouvoir,
13:02il se rend compte que ça ne va pas du tout à nouveau,
13:05c'est moins catastrophique qu'en 94-96,
13:08mais quand même ce n'est pas terrible,
13:09il imoge plusieurs dizaines de généraux,
13:12il innove des généraux de 35 ans, 40 ans, qui en veulent,
13:16il s'aperçoit qu'il y a un niveau de corruption
13:18au sein de l'armée considérable,
13:19que des armes sont vendues au Tchétchène,
13:22comme fera l'armée syrienne au Tchétchène,
13:24aux islamistes tchétchènes, de la propre armée russe.
13:28Il est terriblement humilié de constater cette situation,
13:31et donc il va moderniser non seulement technologiquement,
13:33mais aussi humainement.
13:35Il va y avoir un grand chambardement dans l'armée russe à ce moment-là.
13:39Et en 2015, il estime que son armée maintenant,
13:44en tout cas au niveau de l'aviation et de l'artillerie,
13:47a atteint un niveau de technologie très important,
13:49un niveau professionnel très important,
13:51qui permet de prendre le risque majeur de cette intervention.
13:56– Vous parliez, je vais revenir sur ce que vous disiez sur les orthodoxes,
13:59en Syrie, comme ça pouvait l'être également en Irak,
14:02les minorités chrétiennes, voire juives, vivaient correctement ?
14:08Il n'y avait pas de persécution ?
14:09– Oui, alors les juifs, il n'y en avait vraiment quasiment plus.
14:12Ils étaient partis dans les années 50-60,
14:15au moment de la grande explosion avec Israël.
14:18Et après la Nakba, quand les Israéliens ont expulsé tout le système…
14:22– Oui, qu'il faudrait passer de l'autre côté du jour au lendemain.
14:25– Voilà, les juifs, à ce moment-là, ont été expulsés de Syrie, d'Iran, d'Irak.
14:29Par contre, il y avait des chrétiens, à la huit, mais ça c'est une minorité musulmane,
14:35on pouvait considérer que sur une population de 22 millions d'habitants,
14:38il y avait entre 10 à 15% de chrétiens, mettons 3 millions, avant la guerre.
14:43– Ce qui est beaucoup.
14:44– Ce qui est beaucoup, ça a malheureusement considérablement diminué.
14:48Et dans ces chrétiens, vous avez 70% d'orthodoxes et 30% de catholiques.
14:53Il y a une toute petite minorité protestante, mais toute petite,
14:56parce que les protestants ont été convertis essentiellement
14:58par des missionnaires américains, qui n'avaient plus très bonne presse en Syrie.
15:02Donc, ça a plafonné.
15:04Et donc, Poutine, qui est très lié à l'orthodoxie,
15:10pour des raisons essentiellement patriotiques et culturelles,
15:13avant d'être des raisons religieuses, même si ça joue aussi,
15:17a toujours eu un œil pour la protection de ces chrétiens.
15:20Et le régime bassiste d'Afez el-Assad, puis de Bachar el-Assad à partir de l'an 2000,
15:27aura toujours un œil sur ces chrétiens, qui ne seront jamais persécutés, jamais.
15:33Quand il y a des chrétiens en prison, c'est parce que ce sont des opposants politiques.
15:37Ils ne sont jamais en prison parce qu'ils sont chrétiens.
15:40– Donc, l'intervention militaire est décidée, elle est planifiée depuis quelques mois.
15:44– Plusieurs mois.
15:45– Quel type d'intervention est prévue ?
15:49– Alors, l'intervention est essentiellement aérienne et par l'artillerie.
15:54Poutine estime à ce moment-là, et son chef d'état-major de l'armée le confirme,
15:59estime à ce moment-là qu'envoyer des troupes au sol, ça n'aurait pas de sens.
16:06Avec l'appui du Hezbollah et avec l'appui des gardiens de la révolution iranienne,
16:10en réalité, les effectifs de Fantassin sont suffisants.
16:14Alors, il envoie quelques forces spéciales,
16:16on peut estimer qu'il y a à peu près 5 000 hommes
16:20qui vont venir par l'intermédiaire de la base aérienne de Memim, à côté de l'attaqué.
16:26Mais l'essentiel, ça va être une intervention aérienne
16:29et une intervention par l'artillerie.
16:31Alors, une artillerie de très haut niveau.
16:33C'est-à-dire, ça va être les premiers bombardements
16:35qui vont stupifier les Américains par leur précision.
16:38Les Américains s'étaient gaussés au début en disant…
16:40– C'est une artillerie sol-sol.
16:42– Alors, c'est une artillerie sol-sol.
16:45Il va y avoir évidemment une artillerie air-sol.
16:48Mais les premiers vrais bombardements qui vont décimer les islamistes
16:52qui sont regroupés autour d'Idleb, autour de Damas et autour d'Alep,
16:57dans un premier temps, vont être lancés depuis la Russie.
17:00Et notamment depuis la mer Caspienne.
17:02Vous allez avoir des sous-marins, notamment,
17:04qui vont lancer des centaines de missiles en une journée.
17:08Et l'avancée des islamistes,
17:10notamment du front Al-Nosra dans le Nord-Ouest, est stoppée nette.
17:13Ils ont des milliers de morts, hachés par l'artillerie russe.
17:17Parallèlement, vous avez l'aviation russe qui intervient.
17:20Alors, c'est un peu facile.
17:22Ce sera plus facile que la guerre en Ukraine.
17:24Parce qu'il n'y a pas beaucoup de défense anti-aérienne.
17:29Et cette défense anti-aérienne,
17:31elle est essentiellement aux mains de l'armée syrienne.
17:32Les islamistes ne sont pas très dotés en ça.
17:34Les Américains n'ont pas été, jusqu'à l'heure donnée…
17:37Bon, ils auraient pu. En Ukraine, ils l'ont fait.
17:39Mais à l'époque, ils ne l'avaient pas fait.
17:41Et ils n'avaient pas anticipé l'intervention russe.
17:43Et donc, en quelques semaines, la situation est retournée.
17:46Le moral est revenu dans les rangs syriens.
17:49Les échanges se font constamment avec le Hezbollah et avec les Iraniens.
17:54Et les services secrets occidentaux sont très embarrassés.
17:57Les islamistes, on considère qu'entre septembre et novembre,
18:01perdent 20 000 à 30 000 hommes.
18:03Ce qui est beaucoup, même s'il y avait un grand djihad international.
18:07Mais perdent 20 000 à 30 000 hommes dans ces bombardements.
18:10Et ensuite, les Russes peuvent s'atteler à la grande bataille,
18:14une fois qu'ils ont arrêté la progression des islamistes,
18:17à la grande bataille d'Alep, qui va être le tournant de la guerre.
18:19– Alors, ils ont participé de quelle manière à cette bataille d'Alep ?
18:23– Alors, ils ont utilisé une méthode simple.
18:28Les effectifs de l'armée syrienne, même aidés par le Hezbollah,
18:31ne permettaient pas de se lancer dans une guerre de rue.
18:33Il faut voir que la moitié d'Alep avait été conquise par les islamistes
18:36par l'Est, venant des campagnes.
18:39En réalité, le fer de lance des islamistes syriens,
18:42pas étrangers, mais syriens, venaient des campagnes.
18:45Les sunnites citadins, eux, avaient pris parti pour le régime
18:49parce qu'ils voulaient continuer leur activité économique
18:51permise par le régime et ils se sont dit que les islamistes,
18:54ça ne va pas être possible.
18:55Alors que ceux qui venaient des campagnes, donc très pauvres,
18:58très peu éduqués, ceux-là ont basculé dans l'islamisme assez facilement
19:03et ont pris Alep par l'Est.
19:06L'Ouest, avec notamment les quartiers chrétiens,
19:09était donc tenu par l'armée syrienne et le Nord par les Kurdes.
19:12Donc vous aviez trois fronts, en réalité.
19:15Et pour reprendre cette partie Est,
19:18des combats de rue auraient duré des mois et des mois,
19:21ça a duré des mois et des mois,
19:22mais surtout les pertes auraient été considérables.
19:24Rien de pire que des combats de rue, ça aurait été Barkhout,
19:28où les Russes ont quand même eu beaucoup de mal à déloger les Ukrainiens
19:31qui étaient solidement installés.
19:33Et donc, ils ont entrepris de bombarder massivement Alep Est.
19:37Et quand on s'y promène, c'est saisissant,
19:39il n'y a plus un immeuble debout.
19:41Donc, la population restée à Alep Est
19:45a été considérée comme une population gagnée aux idées islamistes.
19:48Tous ceux qui étaient contre, de toute façon,
19:49avaient largement eu le temps de partir.
19:51Et au bout du compte, il y avait finalement assez peu de civils.
19:54Donc contrairement à ce qu'on a dit,
19:55ça n'a pas été un grand massacre de civils,
19:57mais un grand massacre de combattants islamistes.
19:59– Donc une grande précision, des frappes chirurgiques.
20:01– Il y avait toujours une précision qui, là encore,
20:04avait vraiment étonné les Occidentaux.
20:06Ils ont réalisé que technologiquement,
20:08et la guerre en Ukraine le confirmera, technologiquement,
20:12les Russes, maintenant, en missiles,
20:14étaient au sommet mondial de la technologie.
20:17Ça les a stupéfiés.
20:18Ils étaient capables de repérer dans une cave d'immeubles,
20:21comme le feront les Israéliens, par exemple, au Beyrouth,
20:23pour tuer Nasrallah et l'état-major du Hezbollah.
20:26Ils étaient parfaitement capables d'envoyer,
20:28depuis 50 kilomètres de distance, un missile
20:31qui, précisément, va détruire l'immeuble
20:33où sont installés des combattants islamistes.
20:38Donc, grande précision dans les bombardements.
20:40Jamais de bombardement aveugle.
20:43Il faut raser Alep-Est pour que les combattants islamistes
20:47soient tués ou se rendent.
20:49Ça prend un an, encore, et fin 2016, la bataille est gagnée.
20:54– Il y a aussi la prise de l'autoroute M5.
20:57– Alors, il y avait eu, oui, la reprise de l'autoroute,
20:59parce que l'autoroute qui reliait Damas à Alep
21:02avait été coupée par les islamistes.
21:04Donc, les Syriens, avec l'un des Russes,
21:06en avaient construit une en catastrophe un peu plus à l'Est.
21:09Enfin, c'était mal fichu.
21:11Et donc, dans le même temps, en effet, avec la reprise d'Alep,
21:14il y a eu une offensive concomitante vers Idleb.
21:17Malheureusement, ils ne sont pas allés jusqu'au bout.
21:19Ils n'ont pas eu la volonté d'aller jusqu'au bout.
21:21Mais, au moins, ils ont libéré l'autoroute.
21:23Et ensuite, dès 2017, mettons 2018, le temps de la démuner,
21:29eh bien, les trajets entre Damas et Alep pouvaient reprendre.
21:33– Pourquoi pas la volonté d'aller jusqu'à Idleb ?
21:35– Parce que, assez vite, les Russes se sont rendus compte
21:39que les effectifs de l'armée syrienne avaient tellement fondu
21:42que si chaque bataille se terminait par une rédition complète des islamistes,
21:47voire massacre complet des islamistes,
21:49parce qu'il faut voir ce que l'armée syrienne avait subi
21:51quand les islamistes ont pris Palmyre,
21:53les centaines de prisonniers syriens ont tous été égorgés,
21:56un par un, dans le théâtre antique de Palmyre.
21:59On peut voir les photos, c'est terrifiant.
22:02Donc, les Syriens savaient ce qui les attendait, l'armée syrienne,
22:04et ils faisaient pas de quartier aux islamistes non plus,
22:06ils les abattaient sur place.
22:08Simplement, c'était très coûteux en homme, toutes ces batailles.
22:10Alors, les Russes ont échafaudé le plan suivant,
22:13ça consistait à dire aux islamistes,
22:15vous vous rendez, on vous épargne,
22:18on vous escorte jusque dans le Nord-Ouest,
22:21dans la province d'Idleb, encore tenue par les islamistes,
22:24et vous serez protégé de l'armée syrienne
22:26qui ne vous égorgera pas en cours de route
22:28parce que vous serez encadré par les Russes,
22:30et à ce moment-là, une fois dans cette province d'Idleb,
22:32suite à un accord passé entre Poutine et Erdogan, le Turc,
22:36eh bien, vous serez sous contrôle de la Turquie.
22:39Et c'est ce qui s'est passé, et il y a eu,
22:41et c'est ce chaudron qui va ensuite exploser,
22:44et qui va, n'anticipons pas,
22:45mais qui va permettre la reprise de la guerre par les islamistes,
22:49qui comprenaient au moins 40 000 combattants islamistes,
22:52qui étaient là, regroupés au sein du front Al-Nusra.
22:56Alors, comme les Occidentaux, notamment les Américains,
22:58surveillaient tout ça de près,
22:59ils ont convaincu le front Al-Nusra de changer de nom,
23:02pas de doctrine, pas d'idéologie,
23:05mais de changer de nom parce qu'Al-Nusra était quand même
23:08associé à trop de massacres, trop d'égorgements de chrétiens,
23:11d'Alawites, de tout le monde en réalité.
23:14Et donc, à partir de ce moment-là,
23:16s'est retrouvé à Idleb tout le bataillon des djihadistes
23:20qui avaient accepté de se rendre, y compris les étrangers,
23:23c'est-à-dire les multiples Tunisiens, Français,
23:26Belges venus de nos banlieues, des Ouzbeks, des Tajiks,
23:30des Ouïghours chinois, ça venait du monde entier en réalité.
23:35Il y a eu plus de 100 nationalités représentées dans ce djihad.
23:38C'est unique dans l'histoire.
23:40C'est le plus grand djihad international de l'histoire.
23:44– Alors, vous dites escorté par les forces russes,
23:47donc il y avait bien des troupes au sol ?
23:49– Alors oui, il y a eu 5 000 hommes.
23:515 000 hommes, c'est monté jusqu'à 10 000.
23:53– C'était quoi ? Ce sont des…
23:54– Alors, il y avait des forces spéciales.
23:55– Des blindés également ?
23:57– Il y a eu très peu de Russes qui conduisaient des blindés.
24:00C'était les Syriens, c'était toujours des blindés russes,
24:02mais c'était les Syriens qui les conduisaient.
24:04Donc, les Russes avaient leurs propres blindés,
24:07mais la plupart du temps, ce n'était pas des blindés de combat,
24:09c'était des blindés légers pour se déplacer.
24:11Donc, ils étaient encadrés en effet par 2 ou 300 soldats russes.
24:15Vous aviez des colonnes de cars de 50, 60, 100, 200 cars
24:20qui partaient vers Idleb et encadraient par des Russes,
24:24donc armés dans des blindés légers.
24:26Et il y avait des images assez saisissantes,
24:29notamment quand les banlieues de Damas sont tombées autour de la Houta
24:35et que les islamistes montaient dans les cars avec leurs armes légères.
24:39Ils avaient le droit de garder leurs armes légères,
24:41mais rendaient leurs armes lourdes.
24:43C'est un risque important qu'ont pris les Russes à ce moment-là.
24:45Ils partaient avec leur famille et envoyaient les soldats syriens
24:48qui les regardaient partir, qui leur faisaient des petits au revoirs ironiques
24:52pendant que les islamistes baissaient la tête.
24:54Mais on voyait aussi parmi les soldats syriens la frustration de ne pas les tuer.
25:00Certains ont dit, si on ne les tue pas, ils reviendront.
25:02Malheureusement, c'est ce qui s'est passé,
25:04parce que Erdogan n'a pas tenu sa parole,
25:06ce qui était tout de même un tout petit peu prévisible.
25:09– Sinon, à partir de ces 5 000 hommes,
25:11est-ce qu'il y a eu l'envoi des troupes de Wagner sur le terrain ?
25:15– Alors, assez vite, Wagner est venu aider ces 5 000 hommes
25:17parce que dans ces 5 000 hommes,
25:19il y avait aussi tous ceux de la maintenance aéronautique,
25:21tous ceux de la maintenance aérienne.
25:23Les pilotes étaient russes pour la quasi-totalité.
25:26Donc ça, il y avait plusieurs centaines de pilotes.
25:28On n'a jamais su exactement leur nom, mais plusieurs centaines de pilotes.
25:31Et tous les 5 000 russes envoyés dans un premier temps
25:35étaient là pour assurer la maintenance et de l'artillerie et de l'aviation.
25:39Il y a eu des troupes au sol, donc sous forme de commandos.
25:42Ce sont notamment eux qui ont délivré Palmyre dans un premier temps.
25:46Il y a eu d'ailleurs plusieurs Russes tuées.
25:49Il y a eu un capitaine qui s'était sacrifié,
25:52qui était célèbre dans toute la Russie,
25:54où il avait son portrait dans tous les restaurants patriotiques russes.
25:59Donc, mais tout ça ne suffisait pas tout à fait.
26:02Et en effet, assez vite, Prigojine a été voir Poutine pour lui dire
26:06c'est le moment pour moi d'essayer mes gars de Wagner au combat au sol.
26:12Et les gars de Wagner sont allés au combat au sol.
26:14Donc il y en a, on ne sait pas très bien combien il y en avait.
26:17C'est toujours un peu secret.
26:19Au minimum 2 ou 3 000, ça n'a jamais dépassé 5 000 non plus.
26:22Ça ne pouvait pas dépasser le nombre de soldats russes non plus.
26:25Alors déjà, ça ne pouvait pas pour des questions de principe.
26:28Mais donc, il n'y a jamais eu énormément de troupes au sol russes.
26:31Alors, on l'a vu, c'est une guerre qui est très, très compliquée.
26:34C'est même plus une guerre asymétrique.
26:36On est pris de tous les côtés.
26:38C'est une guerre plutôt mosaïque, si l'on peut dire.
26:41Il y a vraiment plusieurs camps qui s'affrontent
26:43avec des objectifs différents, des objectifs communs.
26:45Des objectifs communs, mais avec des objectifs…
26:50Comment va s'insérer l'intervention russe là-dedans ?
26:55Notamment, comment vont-ils, s'il faut y aller avec grande prudence,
26:59comment vont-ils travailler avec les Américains, avec les Occidentaux ?
27:02Est-ce qu'il y a un dialogue entre les deux armées ?
27:06C'est vrai que c'est une guerre d'une grande complexité.
27:08Il y a plusieurs guerres dans la guerre, en effet.
27:10Comme au Liban, de 1975 à 1990,
27:12c'est presque aussi compliqué que la guerre du Liban.
27:14On n'est pas dans le principe, les amis de mes ennemis sont de mes ennemis.
27:18Non, pas toujours.
27:19C'est au-delà de ça.
27:20Pas toujours.
27:21Alors, il y a effectivement les milices islamistes qui changent de camp,
27:23assez régulièrement.
27:24Certaines qui étaient pro-turcs deviennent pro-Qatari
27:26parce qu'ils sont mieux payés.
27:28C'était vraiment la prime.
27:30Les primes pouvaient atteindre 5 000 dollars par semaine.
27:32Ce qui est alors absolument considérable.
27:34Vous imaginez le Ouïghour qui débarque de l'extrémité de la Chine
27:37et qui gagne 5 000 dollars par semaine.
27:39C'est absolument considérable pour lui.
27:41Donc, il va y avoir ces milices islamistes
27:45qui, quelquefois, vont s'entretuer d'ailleurs entre elles.
27:48Et puis, vous avez les Kurdes qui sont très présents
27:53dans le nord-est de la Syrie.
27:55Et comme les Turcs, vieille habitude, veulent casser la figure aux Kurdes,
27:59les Américains vont, à leur tour, s'installer en Syrie,
28:02prendre les puits de pétrole du nord-est
28:04et en confier la garde et les revenus aux Kurdes,
28:07les volant ainsi aux Syriens.
28:09Et c'est une façon de dire aux Turcs,
28:10vous avez envahi une partie du nord de la Syrie
28:13pour empêcher les Kurdes de créer leur propre pays,
28:15qu'on appelait le Rojava.
28:17Vous avez fait ça, vous n'irez pas plus loin.
28:19Et vous n'allez pas attaquer les Kurdes parce qu'on est là.
28:22Alors, les Russes s'installent également dans le nord-est
28:24après discussion avec les Américains,
28:26avec des bases plus petites, plus légères.
28:29Mais tout de même, vous avez des patrouilles russes
28:31et des patrouilles américaines
28:33qui vont se croiser pendant plusieurs années.
28:35Il y aura des incidents répétés entre elles.
28:39Pas de tir, mais il y avait des images très distrayantes
28:42de voir tout à coup un blindé américain
28:44qui faisait un détour pour envoyer dans le fossé
28:46le blindé léger russe qu'ils venaient de croiser.
28:49Et donc, quelques jours après, il y avait une vengeance des Russes
28:52qui envoyaient dans le fossé un blindé léger américain.
28:54Bon, assez vite, au plus haut niveau,
28:56on était intervenu en disant, ils vont finir par se tirer dessus.
28:59Donc, ça a calmé le jeu.
29:00Mais il y avait une cohabitation assez complexe.
29:03Et donc, pour les Russes,
29:05c'était d'observer les Américains et les Turcs,
29:08dans lequel ils avaient une confiance modérée,
29:10mais avec qui, malgré tout, il y avait un accord.
29:12Et pour les Américains, il s'agissait de protéger les Kurdes.
29:14Parallèlement, les Américains ont installé une autre base
29:17dans le sud de la Syrie, le long de la frontière jordanienne,
29:19la base d'Al-Tanf,
29:22près de laquelle les hommes de Wagner
29:25se rapprocheront à un moment donné
29:26et prendront une volée d'obus, donc ils ne reviendront plus.
29:29Et les Américains s'installent là pour surveiller
29:32les distributions d'armes entre le Hezbollah et l'Iran.
29:36En réalité, ça leur permet d'observer tout le champ de bataille
29:38et c'est ça qui va leur permettre de récupérer des islamistes
29:42avant qu'ils soient éliminés ou faits prisonniers
29:44par les Russes et les Syriens,
29:45et de les garder au chaud dans cette base d'Al-Tanf.
29:49Et ce sont eux qui, en décembre dernier,
29:51vont prendre Palmyre, notamment,
29:52qui dépend de l'armée syrienne.
29:55Donc, il y a tout ce jeu-là et les Américains, de leur côté,
29:58vont essayer de contrôler ces milices islamistes
30:01avec de plus en plus de difficultés,
30:03surtout avec l'apparition de Daesh.
30:05Et donc, tout le programme d'armes mis au point par la CIA
30:08pour armer et entraîner ces milices islamistes,
30:12c'est Barack Obama qui y mettra fin
30:14quand des gens du Pentagone, furieux de l'intervention de la CIA,
30:18parce qu'il faut voir la concurrence entre le Pentagone et la CIA,
30:21la CIA qui agissait parfois sans ordre en plus,
30:23ont démontré à Obama qu'un certain nombre d'armes formées par les États-Unis
30:27s'étaient retrouvées entre les mains de Daesh.
30:29Donc là, Obama a dit, ça suffit et on met fin à l'aide aux milices islamistes.
30:35Mais il y avait toujours la Turquie derrière.
30:38– Oui, parce qu'avec la Turquie, donc la Russie discute avec les Turcs.
30:41– La Russie discute avec les Turcs.
30:43Les Saoudiens se sont retirés, comprenant que l'affaire était perdue.
30:46Les Qataris continuent à donner de l'argent
30:48parce que les Qataris sont très liés aux Turcs,
30:50donc ils n'ont pas voulu lâcher les Turcs,
30:52vu qu'ils n'avaient pas tant d'argent que ça.
30:53Donc, eux ont continué.
30:55Mais grosso modo, ce sont à partir d'un moment donné,
30:58les Russes et les Américains qui regardent, qui discutent
31:02et qui, tous les jours, s'envoient les coordonnées des avions
31:06pour être sûrs qu'il n'y ait pas d'incident aérien
31:08entre les avions russes et les avions américains.
31:10– Et la France, dans tout ça ?
31:11– Et la France a quelques forces spéciales discrètes et puis les services secrets.
31:18Et les forces spéciales françaises profiteront de l'occasion,
31:21surtout à la fin, au moment de la débâcle de Daesh,
31:24notamment dans le sud-est de la Syrie, dans une ville qui s'appelle Abu Kamal.
31:29Là, vous avez des milliers d'islamistes de Daesh qui sont retranchés.
31:34Et petit à petit, méthodiquement,
31:37les Français vont les bombarder depuis l'Irak avec des canons César.
31:42Et dans le même temps, vous avez des forces spéciales qui vont,
31:45avec l'autorisation de François Hollande,
31:48qui vont abattre un certain nombre d'islamistes français
31:51– Une fameuse opération.
31:52– Identifiés et réfugiés là-bas.
31:55– On peut dire que la fin de l'opération russe, on la date…
32:00Enfin, Poutine décide de désengager à quel moment ?
32:03– À partir du moment où les islamistes sont vaincus.
32:05Ils se sont rendus partout.
32:07La dernière ville reconquise avec quelques combats,
32:11c'est sur l'Euphrate, à l'est, c'est la ville de Derezor,
32:14qui avait subi un siège terrible de plusieurs années.
32:16Il y a des photos très émouvantes sur Internet
32:19des paroissiens chrétiens de Derezor
32:22qui pénètrent dans leur église ravagée
32:25pour une première messe depuis trois ans,
32:28après que les islamistes aient été vaincus.
32:31Donc là, on est en 2018.
32:34On peut considérer qu'à ce moment-là, la guerre est finie.
32:36Il y a juste la province d'Idleb qui reste
32:38avec ses 40 000 islamistes et leurs familles.
32:40– Non, nous allons parler.
32:43Donc, 2018, Poutine retire ses troupes ?
32:50– Alors non, parce qu'elles n'étaient pas si nombreuses.
32:53Donc, il y a toujours quelques milliers de Russes.
32:54Il y a toujours l'aviation russe sur la base de Memim.
32:57Et il y a toujours la base navale de Tartus
33:01qui a été considérablement modernisée depuis 2011.
33:04– Cette fameuse base navale, elle représente quoi
33:07en termes d'accueil de bâtiments ?
33:09– Alors ça, c'est très important parce que dans les années 70-80,
33:13cette base navale, c'était rien du tout, c'était une jetée, point.
33:17Petit à petit, ça va s'étendre.
33:19Mais sans plus.
33:20Et c'est vraiment à partir de 2011, à partir du début des printemps arabes,
33:24que les Russes vont comprendre qu'ils sont partis
33:27pour un conflit assez long en Syrie.
33:30Ils n'ont pas encore décidé d'intervenir à ce moment-là
33:31parce qu'ils ne savent pas comment ça va tourner.
33:33Mais il est certain qu'ils veulent préserver leur base navale,
33:36qui est leur seule base navale importante en Méditerranée.
33:40Et donc, c'est à ce moment-là qu'ils vont la grandir,
33:42la moderniser et pouvoir y envoyer plusieurs bâtiments à la fois.
33:46À certains moments, il y avait plus de 15 bâtiments de guerre russes
33:49qui étaient présents dans cette base navale de Tartus.
33:51Les islamistes essaieront de s'en approcher une fois.
33:55Ça a été un peu cuisant.
33:57Et ensuite, les Russes ont fait savoir aux islamistes qui venaient d'Idleb,
34:01pour essayer de se rapprocher de cette base navale.
34:03Les Russes ont fait savoir aux islamistes d'Idleb
34:06que s'ils voulaient qu'ils s'occupent sérieusement d'Idleb,
34:09qu'ils continuent comme ça, ils allaient s'occuper sérieusement d'Idleb.
34:12Et là, ça aurait été extrêmement violent.
34:14Et on peut regretter aujourd'hui que ça n'ait pas été fait.
34:16Oui, parce que profitant finalement, on va faire un petit saut en avant,
34:20mais profitant du relâchement dû à la guerre en Ukraine,
34:24là, les milices vont reprendre du poil de la bête.
34:26Alors, c'est le vrai tournant, la guerre en Ukraine.
34:27Parce que jusqu'en 2022, il ne se passe plus grand-chose en réalité.
34:32À partir de 2022 et de l'intervention russe en Ukraine,
34:36ce n'est pas tellement que l'aviation russe a été envoyée directement de Syrie en Ukraine.
34:42Il en est toujours resté suffisamment.
34:42Oui, ils avaient les moyens de gérer les deux.
34:44Ils avaient les moyens de gérer les deux.
34:45Et d'autant que le nombre d'appareils en Syrie,
34:48ça ne nécessitait pas qu'il y en ait des dizaines comme en Ukraine.
34:52Donc, ce n'est pas tellement ça,
34:54mais c'est quand même toute la tension stratégique, géopolitique, économique
34:59qui a été mise sur la guerre en Ukraine.
35:01Mais c'est surtout à partir de ce moment-là que les Israéliens vont commencer,
35:07sachant que par la distraction russe, entre guillemets,
35:11ils bénéficient d'une certaine immunité.
35:14C'est eux qui vont bombarder massivement les installations du Hezbollah libanais
35:17et des gardiens de la révolution iranienne pendant deux ans.
35:20Et lorsque l'offensive depuis Idlib va être déclenchée à l'automne dernier,
35:25eh bien, il n'y a plus assez de membres du Hezbollah.
35:27Il n'y a plus assez d'installations.
35:29Il n'y a plus assez d'Iraniens.
35:30Il n'y a plus assez d'Irakiens.
35:31Il n'y a plus assez de chiites afghans,
35:33parce que là aussi, c'était venu un peu du monde entier à la demande des Iraniens.
35:37Et lorsque les Israéliens attaquent le sud du Liban,
35:42eh bien, les derniers milliers de combattants du Hezbollah présents en Syrie,
35:47eh bien, descendent au sud et vont s'installer dans le sud du Liban
35:51pour se défendre contre les Israéliens.
35:54Et donc, il n'y a plus de Hezbollah.
35:56Et il n'y a plus de gardiens de la révolution iranienne.
35:59Et au début de l'offensive, lorsque les Irakiens et les Iraniens
36:02veulent envoyer des milices chiites en catastrophe
36:05pour essayer d'empêcher la prise d'Alep,
36:08notamment, toujours le verrou stratégique,
36:11les Israéliens préviennent qu'ils bombarderont massivement,
36:15et l'aviation israélienne est d'une efficacité redoutable,
36:17ils bombarderont massivement tout ce qui sortira des frontières de l'Irak et de l'Iran.
36:22Et donc, l'armée syrienne s'est retrouvée à ce moment-là,
36:25livrée elle-même avec le résultat que l'on sait.
36:27– Parce que contrairement à ce qu'on peut croire,
36:29Israël ne se contentait pas de Bachar el-Assad.
36:33C'est dans le principe, on sait ce qu'on a, on ne sait pas ce qu'on aura.
36:35– Non, ça, ça a été beaucoup dit, mais je n'ai jamais adhéré à cette thèse-là.
36:40La Syrie est alliée de l'Iran, donc par définition, c'est un ennemi d'Israël.
36:44Et donc, les Syriens de Bachar el-Assad, en quelque sorte,
36:48sont considérés comme des ennemis par Israël,
36:51qui n'arrêtera pas de bombarder la Syrie, comme le Liban d'ailleurs.
36:54Tout ce qui est chiite ou allié des chiites, pour Israël, c'est un ennemi,
36:58surtout depuis Netanyahou, qui a développé cette doctrine jusqu'au bout.
37:02Son rêve était de déclencher une guerre contre l'Iran,
37:05mais les Américains lui ont fait savoir qu'il n'en était pas question,
37:09et donc il a dû se calmer un tout petit peu,
37:11malgré les multiples provocations de bombardements,
37:13notamment du consulat iranien à Damas,
37:16qui a été détruit par une frappe israélienne.
37:19Bon, donc les provocations ont été multiples,
37:21mais en réalité, ils ne se contentaient pas de ce régime syrien.
37:24Le régime islamiste sunnite actuellement en place, depuis le 8 décembre,
37:31fête de l'Immaculée Conception, c'est trop triste pour les chrétiens de Syrie,
37:35eh bien ce régime islamiste sunnite correspond alors parfaitement à Israël.
37:41– Et aux Américains également ?
37:43– Et aux Américains, alors les Américains sûrement plus que Bachar el-Assad,
37:47bien évidemment, ils ont pour l'instant laissé leur base dans le nord-est,
37:52toujours pour protéger les Kurdes et voler le pétrole syrien,
37:55leur base dans le sud est demeurée intacte,
37:58et pour le reste, les dirigeants islamistes syriens
38:03disent aux Américains, lever les sanctions, qu'on puisse reconstruire la Syrie,
38:06et les Américains attendent un peu, veulent regarder,
38:11en plus de ça, il y a eu la passation de pouvoir entre Biden et Trump,
38:14donc aucune décision stratégique n'avait été prise.
38:17Pour l'instant, les sanctions ne sont pas levées,
38:19les Américains observent, et puis Trump prendra une décision
38:22dans un sens ou dans l'autre, à un moment donné.
38:25– Est-ce qu'on peut dire que Poutine a lâché Bachar el-Assad ?
38:30Est-ce qu'il n'y a pas que la fuite du Hezbollah ?
38:32Est-ce qu'il a eu les moyens quand même de faire venir ?
38:35– Oui, c'était quand même compliqué,
38:36parce qu'à partir du moment où il n'y a plus suffisamment de troupes au sol,
38:38et où les troupes au sol ne sont plus encadrées comme elles l'étaient jusqu'à présent,
38:42on rappelle qu'indépendamment du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution,
38:45les meilleurs cadres de l'armée, les Alaouites, les Chrétiens,
38:48sont morts dans les combats de 2012-2013,
38:50donc l'armée syrienne a tendance à s'enfuir assez facilement,
38:54même s'il restait un certain nombre d'officiers de valeur,
38:57et même s'il y avait des soldats de valeur, notamment des Alaouites,
39:00parce qu'ils savent bien qu'ils risquaient de se faire égorger assez facilement.
39:04Mais tout de même, il y avait un problème de motivation général,
39:07ça a été une des grandes erreurs de Bachar el-Assad,
39:09dont on dit qu'il a gagné la guerre mais qu'il a perdu la paix,
39:13il n'a pas su réformer son pays.
39:14– Il n'a pas su profiter du sursis.
39:16– Exactement, il n'a saisi aucune occasion,
39:19ses soldats étaient horriblement mal payés,
39:21aucun effort n'a été fait dans ce domaine-là,
39:23la corruption était endémique,
39:26des sections entières vendaient leurs armes aux islamistes,
39:30et donc pour les Russes, l'intervention a été très compliquée,
39:33à partir du moment où le Hezbollah n'est plus là,
39:35les gardiens de la Révolution ne sont plus là,
39:37il aurait fallu qu'ils envoient pas mal de troupes au sol,
39:39ça n'en était plus question,
39:40et par ailleurs, Poutine a été extrêmement agacé par Bachar el-Assad,
39:45il lui avait dit d'accepter l'ouverture des négociations avec Erdogan,
39:50Erdogan avait fait une approche auprès de Bachar el-Assad
39:53en disant, rencontrons-nous, ce qui était quand même une ouverture,
39:56pas une passion pour Erdogan mais il faut reconnaître,
39:58c'était une ouverture, et Bachar el-Assad a fermé la porte en disant,
40:02tant que vous occupez le nord de la Syrie, c'est hors de question,
40:06Poutine avait insisté, Lavrov aussi, les affaires étrangères de Poutine,
40:09avait insisté en disant, les Turcs sont là, ils partiront pas de sitôt,
40:13ne mettez pas ça comme condition numéro un, ça ne marchera pas,
40:17discutez avec Erdogan,
40:19et Bachar a toujours refusé de discuter avec Erdogan,
40:23c'est un peu le même syndrome avec les Arméniens,
40:25quand Poutine disait aux Arméniens, discutez avec les Azéries,
40:30les Arméniens ont refusé, c'est une longue histoire, on n'a pas le temps là.
40:33– On en a parlé dernièrement d'ailleurs avec vous.
40:36– Oui c'est vrai, et donc les Azéries ont attaqué et ont vaincu les Arméniens,
40:40et là c'est un peu la même chose qui s'est passée,
40:43Bachar n'a voulu écouter personne,
40:45et puis parallèlement, l'effondrement de l'armée syrienne
40:48est quand même éminemment étrange,
40:50parce que même s'il y avait tous les points que je viens de souligner,
40:54Alep a été prise par 350 islamistes,
40:57en face il y avait au moins 15 000 fantassins syriens,
41:00ils ne se sont pas battus, ils se sont enfuis,
41:03et on dit, à vérifier, mais on dit que beaucoup d'officiers
41:08ont reçu sur leur portable l'ordre de se retirer,
41:11personne ne sait qui a donné cet ordre, qui n'était pas signé,
41:14un lieutenant alaouite a raconté ça à un de ses cousins,
41:17ça c'est le petit monde alaouite, un de ses cousins général,
41:20qui l'appelle en disant,
41:22je viens de recevoir l'ordre de me retirer,
41:25c'est insensé, de qui est signé cet ordre ?
41:28Il n'est pas signé,
41:30donc certains officiers à ce moment-là se sont retirés,
41:34les hommes voyant ça ont déposé les armes,
41:36ils sont partis, les officiers qui voulaient se battre
41:38se sont retrouvés tout seuls,
41:39donc ils sont partis eux aussi,
41:40ou alors ils sont morts pour certains dans un dernier baroude d'honneur,
41:45mais l'affaire a été perdue contre 350 islamistes,
41:48alors que la citadelle d'Alep avait résisté pendant plusieurs années
41:52à un contre cent,
41:54et les dizaines de milliers d'islamistes
41:55qui avaient voulu prendre la citadelle d'Alep
41:57n'ont jamais réussi,
41:59donc entre l'héroïsme des années 2013-2017
42:04et l'effondrement là,
42:05on peut penser que dans l'entourage de Bachar el-Assad,
42:08il y a eu des trahisons au plus haut niveau.
42:10– Alors quelles conséquences pour la Russie
42:12de l'effondrement du régime de Bachar el-Assad ?
42:15– Alors pour l'instant les Russes observent sans précipitation,
42:18on connaît Poutine, il n'y aura jamais de précipitation.
42:21Pour l'instant ils discutent avec les islamistes,
42:23avec le nouveau venu Al-Jolani,
42:26enfin le nouveau venu, le chef de la milice Ayat Tahrir al-Sham,
42:31vieux combattant islamiste depuis 15 ans,
42:34presque blanchi sous le harnais de l'islamisme,
42:36mais nouveau venu à la tête de la Syrie,
42:39sans aucun mandat de quoi que ce soit, de qui que ce soit,
42:41mais bon c'est la milice islamiste qui a gagné la guerre, voilà.
42:44Alors ils discutent avec lui pour obtenir le maintien de leur base,
42:48la base aérienne de Memim, la base navale de Tartus.
42:51Et pour l'instant les discussions ont échoué,
42:54parce que les islamistes ont dit, d'accord on peut regarder ça,
42:57mais vous nous livrez d'abord Bachar el-Assad.
43:00Alors les Russes ne peuvent pas faire ça,
43:02ils se déconsidéraient, ce serait se rabaisser au niveau des Américains
43:06qui ont permis aux chiites irakiens de mettre à mort Saddam Hussein.
43:13C'est une scène qui a horrifié le monde, c'était lamentable.
43:16Donc ils ne le feront sûrement pas, Bachar el-Assad,
43:20et donc pour l'instant les discussions sont suspendues.
43:22Alors les Russes sont en train d'examiner en Libye,
43:26avec le maréchal Haftar qui dirige l'Est de la Libye,
43:30qui est un ami des Russes,
43:31l'installation d'une base aérienne au milieu de la Libye,
43:35en plein désert, et une base navale sur la côte libyenne.
43:39Mais c'est quand même compliqué, il faut repartir quasiment à zéro,
43:42puis la Libye est un pays extrêmement instable,
43:45mais les Russes ont absolument besoin de bases
43:47pour approvisionner leur nouvelle amitié avec tous les pays africains
43:52qui nous ont joyeusement mis à la porte.
43:54Le Niger, le Mali, le Burkina Faso, maintenant le Tchad, le Sénégal,
43:59l'implantation russe se renforce, notamment l'implantation militaire,
44:03et donc il y a besoin tout près d'une base navale, d'une base aérienne,
44:06c'est à ça que servaient notamment les bases syriennes.
44:10Donc les Russes sont sûrement un peu embarrassés,
44:14ils n'ont pas du tout envie de perdre la base aérienne de Tartus,
44:17qui leur a quand même coûté un bras à moderniser et à agrandir,
44:23et on va attendre de voir ce que vont donner les discussions avec les islamistes,
44:27tout le monde regarde aussi s'il va y avoir des massacres ou pas.
44:30Oui, parce que ça va être notre conclusion,
44:32est-ce qu'il faut céder à l'angélisme ambiant,
44:34ou bien on peut s'attendre qu'on vous dicte des massacres ?
44:38Je ne vois pas du tout pourquoi des islamistes, tout à coup,
44:42par la grâce d'une éventuelle levée des sanctions américaines
44:44et d'une aide budgétaire, ne seraient plus islamistes.
44:47Donc pour l'instant ils sont à peu près sages,
44:49mais attention, à peu près seulement,
44:51vous avez eu quand même plusieurs dizaines d'exécutions et de lynchages
44:55d'hommes liés au régime de Bachar el-Assad ou simplement d'officiers.
44:59La semaine dernière...
45:00– Et on peut dire que c'est une simple épuration
45:01et puis les choses vont se calmer ?
45:03– Peut-être, peut-être, peut-être pas.
45:06Il y a quand même eu 2-3 chrétiens égorgés,
45:08à chaque fois Jolani s'est excusé en disant c'est pas nous, c'est des étrangers,
45:12alors dans un cas c'était un Ouïghou, dans l'autre c'était un Ouzbèque,
45:15dans le troisième cas c'était un Turkmen, donc c'est pas des Syriens,
45:18bon, peut-être, on peut toujours le croire, on n'en est pas sûr.
45:23Il y a en tout cas un Maki al-Aouïd qui s'est formé au sud de l'Attaqué,
45:27ils ont tendu une embuscade au moment de Noël à des troupes islamistes
45:33qui venaient arrêter un général syrien,
45:36et donc ils sont arrivés dans le village,
45:38ils ont fracassé toutes les maisons, ils n'ont pas trouvé le général,
45:41ils sont repartis non sans quelques exactions et quelques meurtres,
45:44et sur le chemin du retour, ils sont tombés dans une embuscade al-Aouïd,
45:48il y a eu 12 morts, donc ça les a calmés,
45:51donc pour l'instant ils ne reviennent pas.
45:53Donc on voit bien que tout n'est pas stabilisé entre les Turcs au nord,
45:57les Kurdes au nord-est, les Américains au nord-est et au sud,
46:01les islamistes partout, enfin partout, sauf ce que je viens d'indiquer,
46:06plus le réduit al-Aouïd,
46:08dont on ne sait pas si c'est un feu de paille ou s'il va durer,
46:10la situation n'est absolument pas stabilisée.
46:13C'est sûrement ce que les Américains et les Russes attendent
46:15avant de prendre des décisions stratégiques,
46:18la Syrie étant considérée quand même comme un pays stratégique au Proche-Orient,
46:22surtout dans le contexte actuel.
46:24Antoine Delacoste, merci beaucoup pour cet éclairage très précis, très clair,
46:30dans un coin du monde qui, lui, ne l'est pas du tout.
46:34Ah non, rien de compliqué.
46:36C'était Passer présent, l'émission historique de TVL
46:40réalisée en partenariat avec la revue d'Histoire Européenne,
46:44revue d'Histoire Européenne dont le numéro 22 vient de sortir,
46:49avec un gros dossier consacré au crime du FLN
46:53pendant la guerre d'Algérie,
46:55et il est augmenté de 16 pages car nous y avons également consacré
46:59un dossier spécial Jean-Marie Le Pen.
47:01Voilà, vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et sa petite histoire,
47:05mais avant de nous quitter, n'oubliez pas bien sûr de cliquer
47:07sur le pouce levé sous la vidéo
47:09et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
47:11Merci et à bientôt.
47:23Ah, aujourd'hui on va parler de Napoléon.
47:48On va parler de Napoléon et d'un attentat terroriste, méchant, pas beau l'attentat,
47:53de la rue Saint-Niquez, la nuit de Noël, 1800, c'est pas beau, c'est pas beau.
47:57Par cet attentat, les comploteurs royalistes ont voulu assassiner
48:02le premier consul, le nouveau premier consul qu'ils appelaient déjà l'usurpateur.
48:07Usurpateur de quoi ? Ta couronne tu l'as perdue,
48:09il l'a ramassée dans le ruisseau, il t'a tout expliqué.
48:12Ok, ok, j'arrête, je ne rentre pas sur ce terrain-là, c'est énervant,
48:16personne n'y gagnera, surtout pas vous, les royalistes et les jacobins.
48:21Pour comprendre les origines de cet attentat de la rue Saint-Niquez
48:24contre le premier consul Bonaparte, il faut remonter un an auparavant.
48:29Le 26 décembre 1789, Haïde de Neuville, qui est le chef de l'agence royaliste de Paris,
48:35a été introduit auprès du premier consul par Talleyrand.
48:38Il lui a fait rencontrer le général Dandinier qui commandait les troupes royalistes de l'Anjou
48:42pour négocier avec Napoléon le rétablissement de la paix.
48:45Mais les négociations ont échoué.
48:47Oh, quelle surprise ! Pourquoi ? Que demandait-on à Napoléon ?
48:51Eh bien tout simplement de se destituer lui-même pour faire place à Louis XVIII
48:55avec la garantie qu'il serait lui, Bonaparte, inconnétable du nouveau régime.
49:00Comme ils sont gentils.
49:02Évidemment, Bonaparte a dit non, évidemment,
49:04et donc pour les royalistes, il ne restait plus qu'une seule solution, le tuer.
49:08On imagine tout un tas de moyens pour l'assassiner,
49:11le coup de pistolet dans le dos, classique, le baril de poudre dans la cave des Tuileries,
49:16mais il y en a un parmi eux qui est particulièrement déterminé,
49:18il s'agit du chevalier Joseph de Limoéland.
49:21C'est un ancien officier de la marine royale, un breton,
49:24il est installé actuellement à Paris et d'après ses dires,
49:27il est tout à fait rangé, il veut mener une vie tranquille.
49:30Néanmoins, Fouché, à l'œil, Fouché, on l'échangerait bien aujourd'hui,
49:34même si c'est un curieux personnage et sinistre à bien des égards,
49:37eh bien Fouché, moi je l'échangerais bien contre n'importe quelle case neuve ou l'euro,
49:42enfin, on joue pas dans la même catégorie.
49:44Il fait semblant d'avoir une vie rangée,
49:46mais il complote en secret, il change ses vêtements très régulièrement,
49:49et ça on le remarque, il complote avec un certain François Carbon,
49:53qui lui, était un domestique avant la Révolution
49:56et a été transformé par la Révolution en bandit de grand chemin.
49:59Ouais, la Révolution a changé pas mal d'hommes en bandit, ça c'est pas nouveau ça.
50:03Mais pour le moment, ils pataugent un peu,
50:05ils savent pas trop comment s'y prendre pour parvenir à assassiner l'usurpateur.
50:09Et ce sont leurs pires ennemis, les républicains extrémistes montagnards,
50:13qui vont leur inspirer leur méthode d'attenter à la vie du premier consul.
50:18Parce que les jacobins, évidemment, eux aussi ils voulaient tuer Napoléon,
50:21parce qu'ils avaient été mis à l'écart et ils murissaient une certaine rancœur à l'égard de Napoléon.
50:25Bah oui, Napoléon, être bonapartiste, c'est toujours être entre deux feux.
50:30En plus, ce que ces républicains haïssaient par-dessus tout,
50:33outre le fait d'avoir été mis à l'écart,
50:35c'est que Napoléon incarnait un retour à l'ordre,
50:37et ça, l'ordre, ils aiment pas ça.
50:39Et donc, à l'initiative d'un certain chevalier,
50:42eh bien, on met en place une machine infernale,
50:45un baril rempli de poudre, de balles, de clous, de matières inflammables,
50:49enfin, toutes les saloperies qu'on peut trouver.
50:51Mais ces républicains revanchards se font trop peu discrets sur leur projet,
50:55ça arrive aux oreilles des indicateurs de Fouché,
50:58et ils sont tous arrêtés le 7 novembre 1800.
51:12***
51:31Mais ce plan tué dans l'œuf est parvenu aux oreilles des milieux royalistes,
51:35et eux aussi vont s'y mettre,
51:36y'a pas de raison que ce soit que les républicains qui soient des terroristes.
51:39Ainsi, le 17 décembre, Carbon va acheter une charrette et une jument,
51:44très vieilles toutes les deux,
51:45en se présentant comme un marchand forain qui doit se rendre à Laval.
51:48Le 20 décembre, il garde sa charrette dans une écurie aux 19 rues de Paradis.
51:53Le 22, il se rend chez le tonnelier Barou et lui fait mettre 4 cerceaux de fer autour de son baril.
51:59Pendant ce temps, un autre complice du nom de Saint-Réjean
52:02fait quelques essais pyrotechniques et choisit le bon vieux système de la mèche.
52:06Bon vieux système, mais pas très fiable quand même,
52:08selon la longueur de la mèche, la durée de combustion,
52:11l'allure des chevaux du premier consul, c'est compliqué.
52:15On apprend alors que le 24 décembre au soir,
52:17Napoléon doit se rendre à l'Opéra pour écouter un Ontario,
52:21et on choisit donc de placer cette machine infernale sur sa route.
52:24On choisit la rue Saint-Niquez, qui est un passage obligé du cortège.
52:29Les trois complices s'habillent tous d'une blouse bleue,
52:32ils mettent quelques derniers cailloux par-dessus le tonneau,
52:35histoire qu'il y ait le maximum de projectiles possible,
52:38et ils sont en place dès 19h le soir du 24 décembre.
52:41Le passage du premier consul est prévu pour 20h.
52:44Ainsi, peu avant 20h, on place la charrette de travers,
52:47de sorte qu'elle barre la moitié de la route.
52:49À 20h, le premier consul sort des Tuileries avec son cortège.
52:54Lorsqu'il approche, et lorsque Saint-Réjean entend le bruit des chevaux,
52:57il prépare sa pipe pour allumer la mèche,
53:00qui a une combustion de 6 à 7 secondes.
53:02Mais là, ça ne se passe pas comme prévu.
53:05Ça a foiré.
53:05La voiture du premier consul a largement le temps de passer,
53:09elle est presque arrivée rue Saint-Honoré lorsque le baril explose.
53:35Napoléon n'a rien, certes, les vitres de sa voiture ont explosé,
53:39mais sur place, les dégâts sont colossaux, les dégâts matériels.
53:43Il y a aussi 4 morts et plus d'une soixantaine de blessés.
53:46Alors, que s'est-il passé ?
53:47Peut-être que Saint-Réjean n'a pas vu le signal de son complice au bout de la rue,
53:51peut-être que la combustion de la mèche a été plus lente que prévu,
53:55ou peut-être encore, a-t-il hésité car il y a eu un coup de feu ?
53:59Quoi qu'il en soit, Napoléon décide de ne rien changer à son programme
54:02et il ordonne qu'on se dirige toujours vers l'opéra.
54:05D'ailleurs, il arrive à l'opéra et le public,
54:07qui a été au courant de cet attentat raté, lui fait une immense ovation.
54:11Ensuite, lorsqu'il rentre aux tuileries, il faut passer à l'acte.
54:15Napoléon est convaincu que ce n'est pas le moment de se faire chier.
54:18Il a donc décidé d'aller à l'opéra,
54:20mais il n'a pas eu l'occasion de se faire chier.
54:22C'est-à-dire qu'il n'a pas eu l'occasion d'aller à l'opéra,
54:24mais il n'a pas eu l'occasion de se faire chier.
54:27Il faut passer à l'acte.
54:28Napoléon est convaincu que ce sont les jacobins qui ont fait cet attentat.
54:31Évidemment, le procédé correspondait parfaitement à l'attentat déjoué par Fouché
54:36qui concernait des républicains extrémistes montagnards jacobins.
54:40À peine arrivé au palais, Napoléon s'exclame
54:43« Voilà l'œuvre des jacobins. Ce sont eux qui ont voulu m'assassiner.
54:46Il n'y a là-dedans ni prêtres ni nobles.
54:49Je sais à quoi m'en tenir et l'on ne me fera point prendre le change.
54:53Ce sont des septembriseurs, des scélérats couverts de boue
54:56qui sont en révolte ouverte, en conspiration permanente contre tous les gouvernements.
55:01Si on ne peut les enchaîner, il faut qu'on les écrase.
55:04Il faut purger la France de cette lie dégoûtante.
55:07Point de pitié pour de tels scélérats. »
55:09Il n'y a que Fouché qui pense que ce sont les royalistes,
55:12mais Napoléon le regarde d'un œil à la fois méprisant et méfiant
55:15parce qu'il sait que Fouché veut peut-être épargner ses anciennes amies jacobins.
55:20Après tout, il a été l'un de leurs chefs auparavant.
55:22Malgré tout, Fouché décide de faire son travail quand même
55:25et il dresse ainsi une liste de 130 septembriseurs.
55:28Nous voilà donc avec 130 fichés S.
55:31Et que fait-on à l'époque avec les fichés S ?
55:33On les contraint à rester à leur domicile, on leur met un bracelet électronique,
55:37on les prend en photo au coin d'une rue,
55:39on les met en prison avec la PlayStation dans la cellule ?
55:42Eh bien non, à l'époque, Napoléon, 11 jours après l'attentat,
55:45décide tous de les déporter aux îles Seychelles.
55:47Ah, c'était tellement plus simple avant !
55:49Mais Fouché, lui, il conservait sa petite idée en tête
55:52et il était sûr que c'était des royalistes.
55:55Donc il continuait son enquête,
55:56il s'est rapproché des enquêteurs pour les restes de la jument
56:00et en recomposant les restes de la pauvre jument,
56:03on a réussi à trouver à qui elle avait été achetée.
56:06Le responsable de l'écurie a ainsi pu donner le signalement de Carbon,
56:10on a interrogé une de ses petites nièces et il a fini par être arrêté.
56:14Après un interrogatoire, il donnera ses deux complices,
56:17qui restera introuvable et qui finira par s'enfuir aux Etats-Unis,
56:21et Saint-Réjean, qu'on finira par arrêter en janvier 1801.
56:24Ils sont tous les deux condamnés à mort
56:26et exécutés deux semaines plus tard sous les applaudissements de la foule.
56:29Le régime consulaire sortira grandement renforcé
56:32et glorifié de cette tentative d'attentat.
56:35Et comme le dit si bien Thierry Lenz,
56:37historien et directeur de la fondation Napoléon,
56:40les espoirs des deux Frances avaient été ébranlés.
56:43Ni restauration, ni jacobinisme.
56:46La ligne de la Troisième France était tracée
56:49et le fléau de la balance politique penchait en faveur de Bonaparte.
56:53Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite Histoire.
56:57N'hésitez pas à le partager s'il vous a plu.
56:59Je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures
57:02tous les mardis sur TV Liberté, et vive l'Empereur !

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