Avec Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, auteur de « Journal de la fin de vie » (Fayard)
Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h à 14h sur #SudRadio.
---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry
———————————————————————
▶️ Suivez le direct : https://dai.ly/x8jqxru
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
———————————————————————
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?...
▪️ Instagram : / sudradioofficiel
▪️ Twitter : / sudradio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————
☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : • 😤 Bercoff dans tous ses états
##LE_FACE_A_FACE-2025-02-18##
Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h à 14h sur #SudRadio.
---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry
———————————————————————
▶️ Suivez le direct : https://dai.ly/x8jqxru
🎧 Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/
———————————————————————
🔴 Nous suivre sur les réseaux sociaux 🔴
▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?...
▪️ Instagram : / sudradioofficiel
▪️ Twitter : / sudradio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————
☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : • 😤 Bercoff dans tous ses états
##LE_FACE_A_FACE-2025-02-18##
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00...
00:05Je suis très heureux de recevoir Claire Fourcade
00:08pour ce journal de la fin de vie qui vient de paraître chez Fayard.
00:12Je vous dis pourquoi.
00:13On est toujours très heureux, ici, à Bercov dans tous les états
00:16et à Sud Radio, de recevoir parce que, hélas,
00:18ce n'est pas toujours le cas et je ne veux pas parler d'autres médias.
00:23Des fois, on entend des gens qui font ce que j'appelle
00:26les généralistes, les spécialistes en tout,
00:29et donc connaisseurs en rien,
00:30qui parlent de choses qu'ils ne connaissent pas.
00:33Et nous, on essaie, justement, de faire parler
00:36des gens qui, dans leur domaine, connaissent vraiment les choses
00:39et peuvent en parler parce qu'ils ont la compétence
00:41et ils ont la pratique et ils ont de l'expérience.
00:44Et c'est important.
00:45Et jureusement, ce journal de la fin de vie, Claire Fourcade,
00:48vous êtes, on peut dire, vous êtes médecin,
00:51mais vous êtes une militante, au vrai sens du terme.
00:53Oui, ce n'est pas péjoratif d'être militant.
00:57Et je voudrais, justement,
00:59parlons un peu fin de vie.
01:02Quand on dit fin de vie, il y a aujourd'hui...
01:05Alors, il y a les mots qu'on sait, fin de vie, bon fin de vie,
01:08la vieillesse, la mort, les décès, etc.
01:10On s'éteint, enfin, tous les mots du vocabulaire
01:13qui sont appelés depuis des millénaires,
01:15depuis l'homo sapiens, pour parler de ça.
01:18Mais quand on parle aujourd'hui de soins palliatifs ou d'euthanasie,
01:24j'aimerais peut-être qu'on définisse tout ça.
01:26Pour les gens, qu'est-ce que veut dire aujourd'hui l'assistance ?
01:30Parce qu'on sait très bien, quand on a eu un symptôme,
01:32que ce soit en EHPAD, que ce soit chez soi, soit ailleurs,
01:36nos facultés diminuent, on s'éteint.
01:38Justement, on s'éteint peut-être progressivement,
01:40certains brutalement, enfin, on ne va pas refaire
01:43l'inventaire des morts.
01:45Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement ?
01:49Bonjour et merci beaucoup pour cette question.
01:50Je crois que la question des mots, elle est essentielle dans ce débat.
01:53Si on veut pouvoir se parler entre nous,
01:55c'est une question extrêmement complexe.
01:57Il faut qu'on soit d'accord sur les mots qu'on emploie.
01:59Les soins palliatifs, dans l'esprit de beaucoup de gens,
02:01c'est des soins qui concernent la toute fin de vie.
02:04Et en fait, ce n'est pas le cas.
02:05Les soins palliatifs, c'est des soins qui accompagnent la vie
02:07avec une maladie grave.
02:08Quand vous êtes atteint d'une maladie grave,
02:10il y a des priorités qui changent.
02:11On est prêt à accepter, pour guérir,
02:13des soins un peu agressifs, parfois douloureux.
02:16Quand on sait qu'on ne va pas guérir, ce qui compte,
02:17c'est d'avoir une bonne qualité de vie le plus longtemps possible.
02:20Donc, notre métier à nous,
02:21je suis médecin de soins palliatifs depuis 25 ans,
02:23à Narbonne, dans l'Aude, un département rural, pauvre,
02:26où on accompagne des personnes.
02:27Et notre objectif, c'est qu'elles vivent
02:29le plus longtemps possible, le mieux possible.
02:31Ça veut dire qu'on a des patients qu'on suit depuis 6 ans, 7 ans.
02:33Donc, ce n'est pas seulement des soins de la fin de la vie.
02:35C'est ça, c'est très important.
02:37Parce que beaucoup de gens pensent aux soins palliatifs,
02:38c'est à la fin de vie.
02:41On a un patient, en ce moment, qui est à Tahiti,
02:43avec un t-shirt où il y a écrit
02:44« les soins palliatifs, ça m'a sauvé la vie »,
02:46et qui est en soins palliatifs depuis 7 ans.
02:48Et donc, voilà, les soins palliatifs,
02:50c'est des soins qui accompagnent la vie
02:51pour qu'elle soit la meilleure possible jusqu'à son terme.
02:54Ou la moins douloureuse possible.
02:55Exactement.
02:57À la fois sur le plan physique, la douleur,
02:58mais aussi sur le plan psychologique,
03:00on peut être angoissé, sur le plan social,
03:02avoir de l'aide, pouvoir rester chez soi.
03:04Donc, c'est tout ce travail-là qui se fait en équipe.
03:07Je crois qu'un autre mot important du débat,
03:08c'est le mot « euthanasie ».
03:10Donc, le mot « euthanasie »,
03:11c'est le fait de faire mourir un patient.
03:13C'est un tiers à la demande du patient,
03:15mais c'est un tiers,
03:16et dans tous les pays qui l'ont légalisé,
03:18ce tiers est toujours un médecin.
03:20Il y a la question du suicide assisté dans d'autres pays.
03:22Donc, euthanasie, juste pour revenir là-dessus,
03:24c'est-à-dire que j'ai la volonté de mourir
03:27et je demande à quelqu'un de me le faire.
03:30Voilà, et donc, dans les pays qui l'ont légalisé,
03:32il y en a neuf dans le monde,
03:33donc ce n'est pas beaucoup,
03:35mais il y a neuf pays qui ont légalisé l'euthanasie,
03:38c'est un tiers, et ce tiers, en tout cas,
03:40ce sera important d'en discuter,
03:41parce qu'en France, ce n'est pas forcément pareil,
03:43mais dans ces pays-là, c'est un médecin.
03:46Et puis, le suicide assisté,
03:48c'est la société qui met à la disposition d'une personne
03:51les moyens de mettre fin à ses jours.
03:52C'est, par exemple, le cas en Suisse.
03:54Donc, il y a sept pays qui l'ont légalisé.
03:55Et aux États-Unis aussi, vous dites ?
03:56Et aux États-Unis, absolument.
03:57Donc, l'euthanasie n'est pas légalisée aux États-Unis ?
04:01Non, elle est interdite par la Constitution fédérale,
04:03et donc, certains États, une dizaine,
04:05ont légalisé le suicide assisté.
04:07D'accord.
04:08Donc, voilà, c'est important de définir la chose.
04:11Dans le débat en France,
04:12on emploie souvent d'autres mots.
04:14On va parler, par exemple, d'aide active à mourir.
04:16Moi, je trouve que c'est un terme très flou,
04:18parce que l'aide active à mourir, c'est mon métier aussi.
04:20Quand j'accompagne des gens,
04:23j'accompagne, moi, j'aime bien dire
04:24que je fais plutôt de l'aide active à vivre,
04:26mais jusqu'au moment où ces patients vont mourir.
04:28Bien sûr, on vous les aide à mourir aussi.
04:30On les aide, on les accompagne et on est actifs,
04:32on fait des soins actifs,
04:33on utilise tous les médicaments à notre disposition.
04:36Voilà, donc, je trouve que c'est important d'employer les mots
04:39et de bien utiliser les mots
04:40pour que chacun comprenne de quoi il est question.
04:42Alors, justement, parlons de ça.
04:44Et effectivement, on peut se dire...
04:46Alors, justement, en lisant votre livre,
04:49ce sont des questions qui nous intéressent à tous.
04:52Et quand on vous dit...
04:55Écoutez, voilà, on n'a pas, évidemment...
04:59Vous savez, quand on demandait à Sartre
05:01qu'est-ce que c'est que la définition de la liberté,
05:03il disait la liberté,
05:04parce que vous avez écrit 400 bouquins là-dessus,
05:06mais en une phrase.
05:07Il dit que la liberté, c'est de choisir ce...
05:10De choisir de faire ce qu'on a fait de vous.
05:14C'est-à-dire de choisir ce qu'on a fait de vous.
05:16C'est-à-dire, je n'ai pas décidé, mes parents,
05:21la naissance, c'est pas moi.
05:23Mais est-ce que la mort, voilà,
05:25est-ce que la mort, ça doit être moi ?
05:27Est-ce que le choix de mourir,
05:29je ne parle pas, évidemment, par accident,
05:31par meurtre, par guerre, etc.
05:34Je parle dans une...
05:36On arrive à la fin de sa vie.
05:38Est-ce que le fait de choisir sa vie
05:40ne devrait pas impliquer celui de choisir sa mort ?
05:43Alors, ma crainte à moi, c'est qu'en fait,
05:47effectivement, dans le débat,
05:48on entend beaucoup ce mot de liberté,
05:49mais est-ce qu'on est vraiment libre de choisir
05:51quand on souffre, quand on n'est pas accompagné ?
05:53En fait, la question, c'est qu'en France,
05:55les Français ne sont pas accompagnés
05:57comme ils devraient pendant leur fin de vie.
05:59Actuellement, aujourd'hui, en France,
06:01il y a tous les jours 500 personnes qui meurent
06:04sans avoir reçu les soins dont elles auraient eu besoin
06:06en fin de vie.
06:07C'est-à-dire des gens qui n'ont pas été soulagés
06:09comme ils l'auraient dû,
06:10dont les familles n'ont pas été accompagnées.
06:12Et il me semble que ce n'est pas une vraie liberté
06:14de se dire, je préfère mourir que souffrir.
06:16La vraie liberté, c'est d'abord de ne pas souffrir
06:18pour pouvoir vivre.
06:19Et il me semble que c'est ça,
06:20notre première responsabilité collective,
06:22c'est d'assurer que tout le monde sera soigné
06:24comme il en a besoin.
06:25Mais alors, Claire Fourcade, c'est par manque de moyens ?
06:27Vous dites, en France, c'est un État...
06:30C'est-à-dire, vous dites 500 personnes...
06:32Tous les jours.
06:32Tous les jours.
06:33Tous les jours.
06:33Sans être... Sans avoir...
06:35C'est quoi ?
06:36C'est un manque de moyens, d'équipement,
06:38de personnel, de choix politiques ou autre ?
06:41Je dirais d'abord un manque de volonté politique.
06:44C'est-à-dire qu'on a fait des lois
06:45et on a pensé que parce qu'on avait des lois,
06:46ça suffisait.
06:46Mais moi, je ne soigne pas avec des lois.
06:48Pour soigner, il faut des gens, il faut de l'argent,
06:50il faut des moyens, il faut des médicaments,
06:51il faut de la recherche.
06:53Et donc, c'est tout ça qu'on ne s'est pas donné les moyens
06:55parce que c'est un sujet qui fait peur,
06:56parce que ce n'est pas un sujet facile,
06:57parce qu'on préfère ne pas y penser.
06:59Mais moi, je crois que maintenant,
07:00dans ce débat, il y a au moins ce mérite-là
07:02que tout le monde peut se dire,
07:03effectivement, la première priorité,
07:05c'est de soulager tous ceux qui en ont besoin,
07:07de ne pas laisser souffrir
07:08et de permettre que chacun meure
07:10dans des conditions acceptables.
07:12D'accord.
07:12Alors, justement, de ce point de vue-là,
07:16comment il se fait...
07:17Alors, justement, on revient à cela de la liberté.
07:20Mais justement, encore une fois,
07:21sans me faire l'avocat de X ou d'Y,
07:25je vais vous parler de...
07:26Donc, parler des États-Unis,
07:27je vais vous parler d'un ami à moi
07:30qui est mort il y a quelques années,
07:32français, je ne sais pas son nom,
07:33c'était vraiment un de mes meilleurs amis,
07:35sinon mon meilleur ami.
07:38Il souffrait d'un cancer,
07:40il était un peu paralysé des jambes,
07:42il ne pouvait plus marcher, etc.
07:44Mais ça allait.
07:46Mais enfin, bon, il en avait marre.
07:48Et il m'a dit à plusieurs reprises,
07:50écoute, trouve-moi quelque chose,
07:52un médecin qui m'administre une pilule pour partir.
07:56Voilà, moi, j'ai fait mon temps,
07:57ça s'est très bien passé.
07:58Lui aussi n'était pas dans le désespoir,
08:01mais voilà, il avait envie de finir.
08:02Et, bon, en France,
08:05les médecins, c'est illégal, c'est interdit.
08:08Donc, un médecin, alors...
08:10J'en ai parlé à quelqu'un, il m'a dit,
08:12mais écoute, qu'il aille en Belgique ou en Suisse,
08:14là, il peut le faire.
08:15Et justement, j'aimerais avoir votre avis.
08:17Comment faire quand c'est psychologique ?
08:19Alors, c'est peut-être pas la plupart des cas,
08:22mais je vous donne ce cas-là.
08:23Et que quelqu'un vous dise, écoutez,
08:25moi, voilà, j'en ai marre, j'ai bien vécu,
08:28ça va très bien, j'ai envie de partir.
08:30C'est peut-être une minorité,
08:32probablement une minorité,
08:34mais qu'est-ce qu'on fait avec ça
08:35et comment on peut faire pour concilier,
08:37effectivement, et c'est fondamental,
08:39ce que vous dites, l'essentiel étant
08:42de faire des soins aux gens jusqu'au bout
08:44pour qu'ils soient le moins,
08:47je dirais, souffrant possible.
08:48Mais en même temps,
08:50je reviens à cette question de liberté.
08:51Alors, moi, ce qui est important aussi
08:54pour avoir une idée de ce dont il est question,
08:56c'est que la Belgique vient de publier
08:58ses chiffres pour l'année 2024,
09:00et donc, pour l'année 2024,
09:01il est parti en Belgique 154 Français
09:04pour toute l'année.
09:05Si vous mettez ça en lien
09:07avec les 500 personnes chaque jour
09:09qui meurent en France sans avoir été accompagnées,
09:10ça donne une idée aussi
09:11de quoi il est question.
09:13Donc, 150 Français sont allés à Belgique
09:15pour terminer leur vie.
09:16Moi, je travaille dans une équipe
09:17qui a accompagné, depuis que j'y suis,
09:19plus de 15 000 patients,
09:21et on a eu trois demandes persistantes
09:22d'euthanasie en 25 ans.
09:24Ça veut dire que ces demandes-là,
09:25qui persistent, j'entends bien,
09:27elles sont extrêmement rares.
09:28En fait, assez souvent,
09:30en tout cas régulièrement,
09:31des patients disent à un moment,
09:32j'en ai marre, je voudrais que ça s'arrête,
09:34c'est trop difficile.
09:35Et puis, quand on prend le temps de s'asseoir
09:37et de dire, dites-moi, expliquez-moi,
09:38qu'est-ce qui se passe ?
09:39Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est difficile ?
09:41Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
09:42Pourquoi aujourd'hui, vous me dites ça,
09:43vous ne m'aviez pas dit hier ?
09:44Et quand on tire le fil de ce qui vient,
09:46aujourd'hui, j'ai mal, ou je suis seule,
09:48ou j'ai peur, voilà,
09:49ensemble, on regarde qu'est-ce qui peut être fait,
09:52comment on peut vous accompagner.
09:54Et souvent, le soir même, le patient vous dit,
09:56demain, il y a mon petit-fils qui vient.
09:58Voilà, on est tous très ambivalents
10:00sur cette question.
10:01Et je crois que le défi pour nous, dans ce débat,
10:03c'est comment, à la fois, on rassure les gens,
10:04comme vous et moi, plutôt en bonne santé,
10:06plutôt éloignés de l'action de la fin de vie,
10:07qui se disent, mais si j'étais dans cette situation,
10:09je ne voudrais pas vivre comme ça.
10:11Et comment on fait aussi,
10:12pour préserver la liberté des personnes
10:14qui sont en fin de vie.
10:15Une fois, un ministre est venu dans notre service,
10:18et à une patiente, je lui dis,
10:19est-ce que vous voudriez la rencontrer ?
10:21Elle me dit, non, je suis trop fatiguée, docteur,
10:22mais dites-lui que je ne veux pas avoir à me demander
10:24si ce serait mieux que je sois morte.
10:26C'est-à-dire que la liberté qu'on donnerait à quelques-uns
10:28de pouvoir choisir le moment où ils meurent,
10:30elle prive tous les patients de la liberté
10:32de ne pas se poser la question
10:34de savoir si ce serait mieux que je sois mort.
10:36C'est-à-dire qu'à partir du moment où je rentre
10:37dans le cadre de la loi, tous les matins,
10:39je dois décider que, oui, je continue encore à vivre,
10:41parce que la société, elle me dit que si je voulais,
10:43je pourrais mourir.
10:44Sauf que, Claire Fourcade, la loi ne va jamais obliger.
10:46Non, absolument.
10:47Heureusement.
10:47Non, elle ne va obliger personne à choisir l'euthanasie,
10:50mais elle va obliger tout le monde à se poser la question.
10:52À se poser la question, je comprends.
10:53C'est-à-dire, est-ce que ça serait mieux pour moi,
10:54pour mes proches, pour la société ?
10:56Et quand on est dans une période où ce qu'on voit,
10:58c'est que nos patients, ils sont souvent fragiles,
10:59souvent, ils doutent, ils se disent,
11:01mais quel sens a-t-il à ce que je vis ?
11:04C'est trop dur pour mes proches.
11:05Et si la société, elle vient et qu'elle dit,
11:07ah bah oui, tu as raison,
11:09effectivement, la question se pose.
11:10On le voit très bien avec nos proches,
11:12quand on a des gens autour de nous qui ne vont pas bien,
11:14même juste psychologiquement, pas forcément physiquement,
11:17s'ils vous disent, ah bah je suis nul, je vaux rien,
11:18si vous leur dites, ah bah oui, c'est vrai, tu as raison,
11:20ça ne fait pas du tout la même chose que si vous leur dites,
11:22mais non, tu es quelqu'un de génial, et moi, tu es...
11:24Non, je comprends.
11:25Je veux dire, la loi, ce que vous dites,
11:26la loi ne leur dit pas, c'est vrai, tu as raison,
11:28mais la loi peut leur dire, posez-vous la question.
11:30Voilà, la loi est un message collectif.
11:31Et aujourd'hui, on a une loi qui dit à tous les patients,
11:34vous comptez pour nous.
11:35Et parce que vous comptez pour nous,
11:36on va tout mettre en oeuvre pour vous soulager.
11:38La loi nous oblige, nous, les soignants,
11:40à tout faire pour soulager, quoi qu'il en coûte,
11:42même si ça doit raccourcir la vie.
11:44C'est écrit dans la loi.
11:45Même si ça doit raccourcir la vie,
11:47on doit reculer devant rien pour soulager.
11:49Même si ça doit raccourcir la vie.
11:51Je veux dire que ce qui compte, c'est, disons,
11:53c'est qu'ils ne soient pas dans un état de souffrance extrême.
11:56Ça veut dire que moi, je peux dire à un patient
11:58qui me dit, je m'inquiète, j'ai peur d'avoir mal,
12:00j'ai peur de m'étouffer, j'ai peur de lui dire,
12:03ne vous inquiétez pas, on sera là,
12:05et on fera ce qu'il faut pour vous soulager,
12:07parce que la loi nous y oblige, pas seulement...
12:09Pour abréger vos souffrances ou abréger vos souffrances.
12:11Pour ne pas vous laisser souffrir.
12:12En cas de souffrance réfractaire,
12:13de souffrance qu'on n'arrive pas à soulager,
12:15on fait ce qu'il faut, on va vous endormir parfois,
12:17faire une anesthésie générale pour pas vous laisser souffrir.
12:20Et là, souvent, nous, ce qu'on voit,
12:21c'est que les patients, ça les rassure,
12:22et une fois qu'ils savent qu'ils vont être accompagnés,
12:24ils peuvent continuer à vivre.
12:27C'est très, très, très intéressant et c'est très important
12:29et c'est essentiel de parler de ça.
12:31On continue juste après une petite pause.
12:34Je vous rappelle ce que vous disiez,
12:36mots de 0826-300-300.
12:39N'hésitez pas à appeler pour un sujet
12:42qui est ce qu'on appelle l'échéance,
12:44et l'échéance, elle est là.
12:46Sud Radio Bercoff, dans tous ses états,
12:48midi 14h, André Bercoff.
12:51Dans tous nos états, nous serons tous dans tous nos états,
12:54et puis l'état le plus connu, le plus naturel,
12:58eh bien, nous sommes tous des intermittents.
13:02Nous sommes tous des intermittents du spectacle de la vie.
13:04On souhaite tous que ça dure le plus longtemps possible,
13:07le mieux possible, mais nous savons qu'à un moment donné,
13:10eh bien, ça a une fin, et justement, cette fin de vie,
13:13vous l'a décrivée Claire Fourcade,
13:15l'auteur Claire Fourcade dans ce livre,
13:18Journal de la fin de vie, paru chez Fayard,
13:21et justement, le fait que vous soyez,
13:23c'est intéressant, on en discutait hors antenne,
13:26ça fait 25 ans que vous pratiquez,
13:28donc d'abord, qu'est-ce qui vous a amené quand même à la...
13:31aux soins palliatifs ?
13:32Alors, deux choses, quand j'étais étudiante,
13:34donc très tôt dans mes études,
13:35j'ai été confrontée d'abord à un service
13:37dans lequel j'ai vu des gens mourir
13:39dans l'abandon complet des médecins,
13:41que ça intéressait absolument pas,
13:42qui considéraient que c'était un échec,
13:44et ça m'a beaucoup choquée.
13:45Quand vous disiez qu'ils ne s'intéressaient pas,
13:46ils disaient, bon, c'est fini, ils sont partis.
13:47C'est-à-dire qu'une visite d'un professeur,
13:49ça ne rentrait pas dans les chambres des gens qui allaient mourir,
13:51parce que si on n'allait pas guérir, on n'était pas intéressant.
13:54Et puis après, je suis passée dans un service
13:56qui accompagnait des patients atteints de sida,
13:58où là, au contraire, c'était des patients très jeunes,
13:59très impliqués, avec des équipes très impliquées,
14:01et ça m'a fait découvrir une autre médecine
14:04où on travaille ensemble, les patients et les soignants,
14:06pour faire au mieux avec la maladie grave
14:08et avec des situations difficiles.
14:10Et du coup, je suis partie me former au Canada,
14:12qui était à ce moment-là un pays très en avance
14:14sur les soins palliatifs,
14:15avec l'idée qu'on ne peut pas laisser les gens souffrir,
14:17qu'on ne peut pas les laisser mourir dans de mauvaises conditions,
14:20mais qu'on doit pouvoir faire mieux.
14:21Et depuis 25 ans, voilà, avec tout un tas de soignants,
14:25on essaye de faire mieux.
14:26D'accord. Et donc, qu'est-ce que ça vous...
14:29Enfin, justement, 25 ans de pratique,
14:33ce que vous dites, en fait, sur la condition humaine,
14:35parce que c'est ça, vous auriez pu, si Malraux ne l'avait pas pris,
14:37vous auriez pu appeler ça la condition humaine.
14:41Qu'est-ce que ça donne ?
14:42Quelles sont les choses les plus saillantes,
14:44les plus fortes que vous retenez ?
14:48Eh bien, peut-être, ça va étonner vos auditeurs,
14:50mais ça rend extrêmement optimiste,
14:52pour plusieurs raisons, extrêmement optimiste.
14:54D'abord, souvent, les gens qui viennent
14:56dans des services de soins palliatifs,
14:57ils s'imaginent que c'est des mouroirs,
14:59mais j'ai une collègue qui dit que non, ce sont des vivoirs,
15:01c'est-à-dire que c'est des lieux où, quand la vie est comptée,
15:03elle est particulièrement intense, elle est précieuse,
15:04on n'a pas de temps à perdre avec des choses pas importantes,
15:07on va directement à l'essentiel.
15:09Moi, je suis toujours frappée, au bout de 25 ans,
15:10de voir comme la vie se glisse
15:11dans tous les interstices qu'on lui laisse.
15:14C'est pas la maladie qui est crainte, c'est la vie.
15:16Vous voulez dire qu'il y a un souffle de vie ?
15:17Le souffle de vie est là.
15:18Les gens qu'on accompagne sont des vivants.
15:20Je n'utilise jamais le mot mourant.
15:22Les gens qu'on accompagne, ils sont vivants
15:23et ils ont envie de vivre, même quand la vie est difficile,
15:26quand elle est complexe.
15:27C'est incroyable, la pulsion de vie.
15:29Et puis, moi, je suis très frappée aussi,
15:30alors je travaille en milieu rural, plutôt.
15:33En tout cas, les familles sont très présentes
15:35auprès des patients.
15:36Je trouve ça très impressionnant
15:37parce que c'est difficile d'accompagner quelqu'un.
15:39C'est rare, les gens qui sont seuls,
15:43beaucoup de familles qui sont prêtes à bouleverser leur quotidien
15:45pour être présentes, pour accompagner.
15:47Et je trouve que ça, ça rend aussi très optimiste
15:50sur les liens, sur la nécessité de nouer des liens.
15:54Par contre, on voit beaucoup de gens qui sont démunis
15:56parce qu'ils n'ont jamais vu quelqu'un mourir,
15:58parce qu'ils ne savent pas quoi faire.
15:59Et c'est notre travail à nous de dire,
16:01c'est important que vous soyez là, on peut vous aider.
16:04On va vous dire ce que vous pouvez faire,
16:05mais permettre aux patients d'être entourés
16:07par les gens qu'ils aiment
16:08et de vivre le mieux possible chez lui
16:11ou hospitalisé quand c'est nécessaire.
16:13Mais voilà, là où il a envie d'être
16:15et d'être à chaque moment en sachant
16:16qu'il y a une équipe qui est là
16:18et qui sera là jusqu'au bout, quoi qu'il arrive.
16:19Alors, est-ce qu'effectivement, ça change,
16:23oui, des grandes villes ou des grandes métropoles,
16:25ou effectivement...
16:26Parce qu'il y a ça aussi,
16:27je voudrais que vous me disez ce que vous en pensez.
16:30Parce que vous avez lu les livres de Philippe Ariès sur...
16:34Bien sûr.
16:35Et il y a eu quand même en Occident,
16:37c'est pas vrai en Afrique, c'est pas vrai dans d'autres pays,
16:39où on ne voulait plus voir la mort.
16:41On ne veut pas la voir.
16:42Effectivement, nous sommes dans la vie, la consommation, etc.
16:45Et donc, les morts, on les enterre loin.
16:47Avant, on les gardait presque jusqu'au bout dans les maisons.
16:51Maintenant, on les enterre loin, au cœur des villes.
16:54On ne veut plus voir ça, c'est pas bien.
16:56Est-ce que c'est quelque chose qui perdure,
16:59qui est de plus en plus là ?
17:01Alors, vous avez complètement raison sur le...
17:03Et puis, on meurt de plus en plus vieux.
17:05Et donc, la mort est de plus en plus loin.
17:06On peut vivre maintenant jusqu'à 60, 65 ans
17:09en ayant ses parents et en n'ayant jamais vu quelqu'un mourir.
17:11Donc, voilà, nous, notre travail, c'est aussi de réapprivoiser ça.
17:14Et d'ailleurs, avec l'ASFAP,
17:16la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs,
17:18on a importé en France, depuis deux ans,
17:20des formations qui s'appellent Derniers secours.
17:21Pareil, qu'on peut se former au premier secours en une journée.
17:24En une journée, n'importe quel citoyen
17:26peut se former à la question de l'accompagnement.
17:28Et on est impressionnés du nombre de gens
17:31qui s'inscrivent à ces formations organisées par des mairies,
17:33des entreprises.
17:34C'est-à-dire qu'on a ce besoin de réapprivoiser.
17:36Et puis, la question de l'accompagnement,
17:38ce n'est pas seulement une question de soignants.
17:39C'est vraiment nous tous, notre voisin, nos proches,
17:43et de dire, oui, c'est important que vous soyez là,
17:45vous avez des choses à apporter.
17:46Ce n'est pas seulement un métier,
17:48c'est aussi comment, comme société,
17:50on accompagne les plus fragiles.
17:51Et c'est incroyable de voir le succès de ces formations.
17:54Vous pouvez trouver partout, sur Derniers secours,
17:57il y a un site internet pour s'inscrire.
17:59Qui s'appelle ? Le site s'appelle comment ?
18:01Derniers secours.
18:02Par exemple, les Allemands, il y a 30 pays d'Europe qui font ça.
18:04Les Allemands, ils forment les lycéens au Derniers secours,
18:07au premier secours et au dernier secours.
18:09Dans notre vie, à certains moments,
18:11on va être des accompagnants.
18:12Et puis, à certains moments, on va être accompagnés,
18:14déjà quand on est bébé, puis à la fin de notre vie.
18:16Et c'est important, ça nous concerne tous.
18:19Oui, mais comment ? Je reviens à ma question.
18:21Mais il y a quand même, vous le savez mieux que moi,
18:24un mouvement qui dit, oui, je ne veux pas la voir, la mort.
18:27Et vous, vous dites, effectivement,
18:28quand vous êtes à Narbonne, c'est tout à fait autre chose.
18:30Vous sentez quand même Narbonne ou ailleurs.
18:33C'est ça. Je pense que c'est aussi ailleurs.
18:35Je pense que là aussi, il y a besoin d'être accompagné
18:37pour les proches, pour être là,
18:39pour pas que les morts soient laissés seuls ou isolés.
18:41On a, par exemple, tous des services
18:43dans lesquels les familles peuvent venir 24 heures sur 24.
18:46On essaie d'avoir des services
18:48où il y a des espaces de convivialité.
18:50On peut faire la cuisine.
18:51Il y a des espaces de jeux, on vient quand on veut.
18:54Il y a des jeux pour les enfants, il y a des coloriages,
18:56qui permettent de dire, mais oui, tout le monde est bienvenu.
18:59Si c'est la grand-mère...
19:01Le patient est là, dans sa chambre, mais on peut être...
19:03Les familles sont là, elles vont échanger entre elles,
19:05elles peuvent se faire un café, elles peuvent déjeuner là,
19:07manger en famille avec le patient.
19:09Et ça, c'est vraiment important.
19:11C'est la vie jusqu'au bout.
19:13Bien sûr.
19:13Et vous constatez, justement, on revient à ça,
19:17puisqu'on va parler des moyens,
19:19sauf qu'aujourd'hui, vous savez, on disait pendant très longtemps,
19:22la France avait le meilleur système de santé du monde.
19:25On est un peu revenu là-dessus.
19:27Est-ce que, franchement, aujourd'hui,
19:29dans votre domaine des soins palliatifs,
19:32des accompagnements, etc.,
19:34est-ce que vous dites, et la volonté politique,
19:37vous l'avez mise en question,
19:38et effectivement, on peut se poser beaucoup de questions là-dessus,
19:41est-ce que les moyens sont là ?
19:43Parce que quand vous dites qu'il faut que les familles puissent venir,
19:46il faut des équipements, il faut de l'espace,
19:48il faut des gens, il faut des soignants,
19:50il faut des collaborateurs,
19:52est-ce que le compte y est aujourd'hui ?
19:53Alors, ce qui est très important, c'est qu'en fin de vie,
19:55contrairement à ce que croient beaucoup de gens,
19:57au quotidien, dans notre pratique,
19:58ce n'est pas de loi qu'on manque.
20:00La loi nous permet d'accompagner.
20:02Et mon expérience, je travaille dans un département rural,
20:05qui est le département rural le plus pauvre de France,
20:07qui est un désert médical,
20:08et du coup, je dis toujours, si c'est possible chez nous,
20:10c'est possible partout.
20:11On n'a rien de spécial.
20:13Simplement, il faut qu'il y ait cette volonté-là
20:17d'une équipe soignante, d'une direction,
20:20de porter ce projet-là, c'est-à-dire,
20:21il faut considérer que c'est quelque chose d'important.
20:24Dans un grand CHU, on peut préférer faire des greffes de foie
20:27ou des choses qui sont peut-être plus médiatiquement,
20:30plutôt que d'accompagner les gens en fin de vie,
20:32qui paraît moins glamour et qui est moins...
20:34Mais elle n'empêche pas l'autre.
20:35Mais voilà, il me semble qu'il y a beaucoup aussi
20:37une question de comment nous, collectivement,
20:39et là, j'insiste vraiment sur cette question-là,
20:41c'est vraiment un regard collectif
20:43qu'on porte sur cette question-là, ensemble.
20:45Est-ce qu'on considère que c'est une priorité ?
20:47Et je crois que les débats de ces dernières années,
20:48ils ont permis de se rendre compte que oui, c'est une priorité.
20:51Tout le monde est d'accord, il faut développer les soins palliatifs.
20:54Je pense que s'il y a une loi sur les soins palliatifs,
20:56prochainement, elle peut être votée à l'unanimité.
20:59Il n'y a pas eu de loi votée à l'unanimité en France
21:01depuis la loi Léonetti en 2005,
21:03qui était déjà une loi sur la fin de vie.
21:05Et je trouve que ça aurait du sens
21:06que, de nouveau, nos députés disent à l'unanimité
21:09oui, on pense que c'est important.
21:10Alors, à condition qu'il y ait, encore une fois, les moyens,
21:13comme vous dites, la loi, c'est très joli,
21:15mais si on ne l'applique pas,
21:15et si on ne veut pas les moyens de l'appliquer,
21:17ça ne va pas.
21:18On va en parler tout de suite, après cette petite pause,
21:22avec Claire Fourcade, le journal de la fin de vie.
21:26...
21:28Sud Radio Bercov, dans tous ses états,
21:30midi, 14h, André Bercov.
21:32La fin de vie, la fin de vie, effectivement,
21:35elle peut se décliner dans des tas de termes,
21:38mais il faut bien, justement,
21:39il faut être en bon terme avec les mots
21:41et pas se tromper de définition.
21:44Claire Fourcade, on parlait justement des lois,
21:46mais justement, vous l'avez dit vous-même,
21:48qui dit loi, dit moyen,
21:50parce qu'une loi, s'il n'est pas appliquée,
21:54ce n'est pas ça, l'état de droit,
21:56ça devient l'état de tordue.
21:59Qu'est-ce qui se passe, par exemple, chez vous ?
22:01Vous m'avez dit, Orantel, on parlait de ça,
22:03vous dites, voilà, vous êtes à Narbonne,
22:04un des départements les plus pauvres de France,
22:06sinon le plus pauvre de France,
22:08et pourtant, vous dites,
22:09on ne manque ni de soignants, ni de médecins,
22:11alors que partout, on parle des déserts médicaux,
22:13on ne parle que de ça,
22:15que voilà, et que les jeunes ne veulent pas aller,
22:18ils veulent rester dans les capites,
22:19dans les métropoles, dans les grandes villes, etc.
22:21Vous, vous dites, ce n'est pas le problème.
22:23Alors, ça dépend.
22:25En tout cas, en soins palliatifs,
22:27ce qu'on propose aux jeunes médecins,
22:29dans l'équipe où je travaille,
22:29on a trois très jeunes médecins
22:31qui sont passés chez nous comme internes
22:32et qui sont restés,
22:33parce qu'on propose du travail en équipe,
22:35et ça, je crois que c'est très important.
22:36Ce que ne veulent plus les jeunes soignants,
22:38c'est d'être seuls, c'est de se retrouver tout seuls.
22:40Mais là, le fait de travailler en équipe,
22:42de réfléchir ensemble,
22:43de ne pas être seul face à des situations
22:44qui sont difficiles,
22:46la fin de vie, c'est quand même compliqué,
22:47parce que même si c'est très vivant
22:50et même si c'est très fort,
22:51c'est aussi difficile pour les soignants.
22:52Moi, je suis très frappée, dans notre service,
22:53on a des très jeunes soignants,
22:54des infirmières qui ont 21, 22 ans,
22:56qui ont choisi d'être en soins palliatifs
22:58et qui restent en soins palliatifs.
23:00Oui, parce qu'il faut s'occuper de la personne.
23:03Et donc là, ce que je dis toujours,
23:04c'est qu'il faut prendre soin des équipes,
23:05il faut prendre soin des soignants,
23:07il faut que ça ait du sens pour les soignants.
23:08Notre système de santé, au sens large,
23:10pas seulement pour la fin de vie,
23:12il souffre d'un manque de sens.
23:13C'est-à-dire que quand on demande à une infirmière
23:15de faire une toilette en moins de 10 minutes,
23:17de courir et de prendre en charge 20 patients,
23:19elle a l'impression qu'elle fait mal son métier,
23:21elle a l'impression qu'elle devient maltraitante
23:22et du coup, elle dit, il vaut mieux partir que de rester.
23:25Et le défi, pour nous,
23:27c'est comment on fait pour donner du sens
23:29aux soignants qui sont là et qui sont incroyables
23:31dans leur volonté de faire le mieux possible
23:33dans des conditions parfois vraiment difficiles.
23:36Et on sait que c'est possible.
23:38C'est ça qui est le plus frustrant,
23:39c'est de se dire, c'est possible,
23:41comment on fait pour que ce soit le cas partout ?
23:43Et comment on fait pour que ce soit le cas partout ?
23:46Et encore une fois, mais vous vous dites,
23:48par rapport à vous, je comprends,
23:50mais est-ce que vous comprenez les gens qui vous disent,
23:51oui, mais on souffre d'un manque de moyens ?
23:53Je vais prendre un exemple très précis.
23:57Et ce n'est pas du tout des attaques à domicile.
24:00Vous comprenez, quand on voit qu'il y a
24:01les autorités régionales de santé, les ARS,
24:03qu'on a créées un peu partout,
24:04qui emploient des gens qui sont tous,
24:06enfin, je ne dis rien contre eux,
24:08mais c'est des fonctionnaires ou des bureaucrates,
24:11ce n'est pas des soignants.
24:12Et quand on voit que le tiers du personnel hospitalier de santé
24:15est composé d'autorités régionales de santé,
24:17on peut se poser des questions, quand même,
24:18sur la paperasse, etc.
24:20En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on a intérêt
24:22à penser à un système où il y a le moins de freins possible,
24:25parce que les équipes sont très dynamiques
24:26avec beaucoup de projets,
24:27et c'est parfois tellement difficile
24:29de faire aboutir un projet que ça en est décourageant.
24:31Il y a aujourd'hui, en France, 20 départements
24:34dans lesquels il n'y a pas de service de soins palliatifs.
24:3720 départements ?
24:3820 départements.
24:38Alors, tous les patients qui sont en fin de vie
24:40n'ont pas besoin d'un service de soins palliatifs,
24:42c'est seulement les situations les plus compliquées.
24:44Mais ça veut dire que ces situations
24:46qui sont les plus difficiles,
24:47les patients qui souffrent, qu'on n'arrive pas à soulager,
24:49qui ont besoin d'une expertise,
24:51ces patients-là, soit ils doivent partir loin de chez eux,
24:54ce qui n'est jamais un souhait quand on est avec une maladie grave,
24:56soit ils vont être accueillis dans un service
24:58qui est moins équipé, qui a moins de personnel,
25:01qui est moins compétent pour les accueillir.
25:03Et ça, ça contribue,
25:04parce que tous les proches de ces patients-là,
25:06ils vont rester avec l'idée que ça a été tellement difficile,
25:09ça a été tellement douloureux, cet accompagnement,
25:11que moi, je ne veux pas vivre ça.
25:12Et on entend souvent des députés qui racontent des histoires
25:15où on se dit, mais c'est incroyable qu'en 2025,
25:17ce soit encore comme ça en France,
25:18on doit pouvoir faire autrement.
25:20Et là, il y a une vraie urgence
25:22à ce que partout en France,
25:23on puisse avoir accès aux soins dont on a besoin.
25:26C'est vraiment essentiel.
25:27– C'est-à-dire que chaque département, au moins,
25:28ait son unité de soins palliatifs.
25:30– On puisse se dire, voilà,
25:31si je suis dans une situation difficile,
25:33je sais qu'une équipe pourra m'accompagner et pourra m'aider.
25:37Et ça, je crois que c'est un élément qui peut rassurer aussi
25:39et faire qu'on envisage cette fin de vie de manière plus tranquille
25:42que si on se dit, ça va être un moment affreux,
25:44avec des souffrances affreuses.
25:45Dans les sondages, on dit toujours aux gens,
25:47si vous souffriez de manière insupportable,
25:49est-ce que vous préféreriez ?
25:50Mais personne ne voudrait souffrir.
25:53Je crois qu'en premier, on voudrait être soulagé.
25:55– Oui, ils préféraient partir, c'est ça.
25:56– C'est ça, mais en premier, on voudrait être soulagé.
25:58Et la première urgence,
25:59puisque quand les gens sont soulagés,
26:00après, l'envie de mourir disparaît avec le soulagement.
26:04– Alors une question, je ne sais pas si ça s'est posée chez vous,
26:07mais il y a eu, vous le savez, de ce point de vue,
26:10des drames, des drames vraiment forts au moment du Covid,
26:13la gestion du Covid, surtout confinement et compagnie.
26:16Nous avons tous su, en tout cas moi,
26:17mais je suis sûr que nous sommes des millions à avoir su,
26:23des proches, des amis, etc.,
26:25qui ne pouvaient même pas voir leurs parents,
26:27même pas quand ils étaient décédés,
26:29parce qu'il fallait qu'ils se tiennent loin, etc.
26:32Il y a eu tous ces drames.
26:33Vous parlez justement de réunir,
26:36voilà, chez vous, la famille peut venir déjeuner,
26:38prendre un café, etc., 24 heures sur 24,
26:41mais là, c'était zéro heure sur 24.
26:43Je veux dire, il y avait des gens en état de mort ou presque,
26:48ou d'agonie, on ne pouvait pas les voir.
26:49Est-ce que c'est quelque chose qui a été ressenti ?
26:52– Alors, là, ça dépend beaucoup d'où on a travaillé en France.
26:55Moi, j'ai eu la chance de travailler dans un lieu
26:58où on a été moins atteints que d'autres régions par le Covid,
27:02mais, par exemple, chez nous, à ce moment-là,
27:04au moment du Covid, on avait dans notre service
27:06un patient de 32 ans qui avait 5 enfants petits.
27:08Et tout de suite, je pense que pour les soignants,
27:11c'était impensable d'imaginer qu'on allait empêcher
27:14ce père de voir ses enfants, juste pendant le confinement.
27:17Et du coup, ce patient-là, en fait, a fait sauter les règles,
27:21et du coup, on a continué d'accueillir les familles
27:24avec des conditions, voilà.
27:26– Et vous avez fait sauter les règles.
27:28– C'est-à-dire que ça paraissait intenable pour personne
27:32de laisser mourir ce jeune père de famille sans avoir vu ses enfants,
27:35sans que sa femme ait pu être là.
27:37Et du coup, ça a permis aussi de réadapter les règles,
27:39en tout cas, de les réajuster à ces questions de fin de vie,
27:41en se disant, mais voilà, c'est quoi le risque pour eux ?
27:44Le risque, c'est de mourir seul.
27:46Et donc, voilà, ça nous a permis d'accompagner.
27:49– Et ce risque de mourir seul, qu'est-ce qui l'a été suivi ?
27:50Écoutez, Maud vient de donner, justement,
27:54cette information qui est parue dans les Canards,
27:56mais qui est tout à fait vraie, pour dire, c'est à Paris,
27:59à l'hôpital Saint-Louis de Paris, Claire Faucade.
28:02Écoutez, un patient atteint d'un cancer en phase terminale
28:05s'est fait mettre à la porte au motif qu'il n'avait plus besoin de soins.
28:09Il s'est retrouvé sous oubli battant devant l'hosto,
28:11il est mort une semaine plus tard.
28:12– Ça, c'est révoltant.
28:15La seule chose qu'on peut dire, c'est révoltant.
28:16Qu'est-ce qui fait que notre système de santé est arrivé
28:19à un point de tension tel que des situations comme ça sont possibles ?
28:22Parce qu'on ne peut pas imaginer qu'un seul soignant souhaite faire ça.
28:25Je ne connais pas cette situation, bien sûr,
28:28mais ça veut dire que la tension est telle sur les lits
28:31pour avoir de la place pour des patients,
28:32qu'on n'est même pas en capacité de s'assurer que ce patient,
28:36où est-ce qu'il va aller, qu'est-ce qu'il va devenir ?
28:38C'est ce qui est de notre travail à nous.
28:41Contrairement à ce qu'on imagine dans un service de soins palliatifs,
28:43il y a des gens qui rentrent chez eux, qui sortent chez nous,
28:4450% des patients vont retourner à la maison,
28:47mais jamais ils vont partir sans qu'on se soit assuré
28:50des conditions dans lesquelles ils seront à la maison,
28:52et qu'on ira les voir à la maison,
28:53et qu'ils reviendront s'ils ont besoin.
28:56Voilà.
28:57– En fait, ça dépend, c'est ça le problème,
28:58c'est que quand il n'y a pas de moyens,
29:00il arrive des drames pareils, qui sont terribles.
29:02– C'est ça.
29:03– Et c'est vrai que c'est…
29:04Et justement, alors là, je voudrais qu'on aborde justement
29:07la grande question, enfin la grande question,
29:09une des grandes questions.
29:12Quand on dit le droit de mourir dans la négligité,
29:14vous savez, cette situation qui prône…
29:16Alors, vous, vous diriez que les partisans de cette loi
29:20qui n'a pas pu être votée, vous diriez qu'ils sont
29:22pour le suicide assisté ou pour l'euthanasie ?
29:24– Alors, en France, clairement, la DMD,
29:26l'Association pour le droit à mourir à la dénité,
29:28elle demande l'euthanasie et le suicide assisté, les deux.
29:30– Les deux, d'accord.
29:31– Là, je crois que c'est très clair,
29:32je ne déforme pas leurs souhaits et ils veulent l'euthanasie.
29:35Ce qui est, dans ce débat-là aussi, ce qui est important,
29:37parce que parmi les personnes qui sont favorables
29:40à une nouvelle loi, il y a deux groupes de personnes.
29:43Certains, c'était, je pense, le cas du président Macron
29:46quand il a commencé, disent, il faut une loi
29:48pour des situations exceptionnelles,
29:51pour quelques patients qui ont des grandes souffrances
29:53qu'on n'arrive pas à soulager.
29:55Et puis d'autres disent, c'est un nouveau droit,
29:57on veut un nouveau droit qui doit être accessible
29:59au plus grand nombre, on a la liberté de choisir sa mort.
30:01Et donc, ces deux débats, à mon avis, très différents.
30:04– Ils se rejoignent quand même quelque part, non ?
30:06– Alors, ils se rejoignent dans la volonté d'avoir une nouvelle loi,
30:09mais il me semble qu'en tout cas, de toute façon,
30:11il faut se dire qu'on ne peut pas faire une loi
30:13juste pour des situations exceptionnelles.
30:15– Oui, alors, justement, Claire Fourcade,
30:16moi, ça m'intéresse vraiment, parce qu'encore une fois,
30:19entre les deux, bon, c'est pas que mon cœur balance,
30:22mais je comprends, autant je comprends parfaitement,
30:26et non seulement je prends, je comprends,
30:28et que nous sommes tous, je dirais, en admiration,
30:32et en tout cas, parce qu'on sait ce que c'est qu'un travail,
30:34c'est pas un travail devant un micro,
30:36c'est un travail à l'hôpital, et c'est autre chose.
30:39Donc, il n'y a pas un respect et chapeau là-dessus
30:42pour ceux qui font leur travail, et ils sont nombreux.
30:45Mais pourquoi n'accepteriez-vous pas,
30:48pourquoi il ne peut pas y avoir, non pas une synergie,
30:50ce serait un très mauvais mot,
30:52mais pourquoi il peut y avoir le choix aussi,
30:56qu'est-ce qui vous embête dans le fait de dire pour certains,
30:59écoutez, moi, voilà, j'ai envie de choisir,
31:04mettons, le suicide assisté, voilà, ou appelons-le comme ça,
31:10vous avez donné les bonnes définitions,
31:11en quoi, vous, ça m'intéresse vraiment de savoir,
31:14en cas les partisans des soins palliatifs,
31:16ça ne vous enlève pas du monde ?
31:19Je sais que ça arrive avec les quarantaines.
31:21Je sais, c'est pour ça que je le pose comme ça.
31:24En quoi ça vous embête qu'il y ait l'expression d'une liberté
31:28de quelqu'un, attention, de lucide, évidemment,
31:30on ne va pas parler des abus de faiblesse et autres,
31:33mais en quoi ça vous embête ?
31:35Il y a plein de choses dans votre question qui sont toutes importantes.
31:38Alors d'abord, un point qui est important
31:39que certainement beaucoup d'auditeurs ne savent pas,
31:42c'est que les soins palliatifs sont nés en France,
31:44et c'est très important de le savoir pour comprendre le débat actuel.
31:47L'euthanasie était une façon tout à fait banale
31:49de mourir en France dans les années 80.
31:51On a tout à fait oublié ça,
31:53mais l'euthanasie était quelque chose de tout à fait banal.
31:55Il se pratiquait très largement.
31:57Beaucoup de patients décédaient par des euthanasies.
31:59Et les soins palliatifs sont nés...
32:00C'était quoi dans les années 80, l'euthanasie ?
32:01On utilisait ce qu'on appelait des cocktails lictites,
32:03c'est-à-dire un mélange de drogues
32:04dont l'objectif était de faire mourir les patients.
32:06C'était tout à fait banal.
32:07Et donc, les soins palliatifs...
32:08Et légal ?
32:10C'était ni légal ni illégal.
32:11Il y avait une zone grise, ça n'avait jamais été parlé,
32:14mais c'était une façon tout à fait banale.
32:15On ne sanctionnait pas les gens qui...
32:17Non, et puis voilà, tout ça se faisait
32:19sans vraiment de discussion ni de réflexion.
32:21Et les soins palliatifs, ils sont nés du refus de ces pratiques,
32:23en disant que ce n'est pas possible de faire mourir les gens
32:25parce qu'on ne sait pas les soulager.
32:26C'est dès quand, alors, exactement, les soins palliatifs ?
32:28Dans les années 80, pareil, 80-90.
32:30On doit pouvoir soulager mieux, on doit pouvoir faire mieux.
32:32Et donc, les soins palliatifs,
32:33ils sont nés, entre autres, du refus de ces pratiques.
32:35Et donc, c'est pour ça aussi que maintenant,
32:37il y a cet antagonisme qui est très important.
32:41Et puis, après, sur cette question de la liberté de certains,
32:45c'est ce qu'on disait tout à l'heure,
32:46c'est comment on fait pour que la liberté de certains
32:49n'empiète pas sur d'autres.
32:50Et puis, cette liberté, elle est adressée aussi,
32:52cette demande, elle est adressée aux soignants.
32:54Et nous, on a fait une grande enquête.
32:55On a interrogé tous les acteurs de soins palliatifs en France
32:58en leur demandant comment ils se positionnaient
32:59par rapport à cette loi.
33:00C'est, moi, ce qui me permet aussi de prendre la parole dans les médias.
33:03Et 96% des soignants nous ont dit,
33:05ça ne peut pas faire partie des soins.
33:07Ça ne peut pas être un soin.
33:08Le soin, dans la définition, c'est quelque chose
33:11qui maintient ou améliore la santé.
33:12Faire mourir, ça n'améliore pas la santé.
33:14Alors, je ne sais pas pour vos auditeurs,
33:15mais moi, en tout cas, je ne suis pas foutu de Tanasien Chaton.
33:20Je ne serais pas capable.
33:21Et c'est des patients qu'on connaît, avec lesquels on a échangé.
33:25Il faut s'imaginer ce que ça représente pour un soignant,
33:27pour un médecin.
33:28Mais Claire Fourcade, on n'a jamais dit,
33:30enfin, je veux dire, encore une fois,
33:31je me fais le temps d'une émission,
33:34l'avocat de...
33:35On n'a jamais dit, et ils ne disent pas,
33:36que le thalassie est un soin.
33:38Que le thalassie est un soin.
33:40Tout à fait.
33:41C'est ce qui est écrit dans la loi.
33:42Oui, absolument.
33:43C'est ce qui est écrit dans la loi.
33:44Alors là, écoutez, je n'ai pas examiné assez.
33:47Ils disent que c'est un soin.
33:48Non, parce que pour moi, ce n'est pas un soin.
33:49Ça arrête les soins.
33:50On est d'accord.
33:51Mais non, non.
33:52La définition de la loi, c'est la première.
33:54On a pris la parole collectivement, avec 800 000 soignants,
33:57de 25 organisations professionnelles,
34:00de toutes les disciplines qui font de l'accompagnement de fin de vie,
34:03pour dire que ce n'est pas un soin.
34:04Donner la mort ne peut pas être un soin.
34:06C'est évident.
34:07Je veux dire, moi, je serais le premier à vous dire,
34:08mais pas seulement moi, les tas de gens,
34:10c'est évident que le suicide assisté, ce n'est pas un soin.
34:13C'est évident.
34:14Mais si, à partir du moment où les gens disent,
34:17attendez, moi, ce n'est pas un soin que je cherche,
34:19c'est d'en finir,
34:21eh bien, où est le problème ?
34:23Alors, deux choses, toujours.
34:26Par exemple, les Suisses,
34:27chez eux, le suicide assisté est possible,
34:30et c'est interdit aux soignants de participer.
34:32Donc, c'est des associations de bénévoles qui font,
34:34mais c'est interdit aux soignants.
34:35Donc, ça, c'est une première chose.
34:37Mais la deuxième question que ça pose,
34:38et où il faut être bien conscient,
34:39il y a chaque année, en France,
34:41200 000 tentatives de suicide,
34:43dont 100 000 hospitalisations.
34:45Et aujourd'hui, la société dit non.
34:47– Mais les suicides, attention, c'est autre chose.
34:48– La société dit non.
34:49Elle dit, vous voulez mourir,
34:51vous avez dit que vous vouliez mourir,
34:52vous l'avez montré, vous vous êtes défenestré,
34:54vous avez fait parfois des choses très violentes,
34:56et la société dit non.
34:57Parce qu'on tient à vous, on ne peut pas consentir à ça.
35:00Comment on va faire la différence ?
35:01Pourquoi, à certains, on va dire non, vous, on tient à vous,
35:03on ne veut pas vous laisser mourir,
35:05et vous, on tient moins à vous, vous êtes handicapé.
35:07Une personne de 30 ans, en bonne santé, qui se suicide,
35:10on va la réanimer, on va tout faire pour la maintenir en vie.
35:13Est-ce qu'une personne handicapée de 30 ans,
35:15on va lui dire, vous, c'est différent,
35:16on tient moins à vous, et vous, on est d'accord.
35:19Vous voyez, c'est important de se rappeler
35:22que la loi est un message collectif.
35:23Et qu'elle dit quelque chose de comment notre société
35:25regarde les gens vulnérables, les gens fragiles, les gens malades.
35:29Non, non, je vous comprends très bien,
35:30mais c'est une véritable question métaphysique.
35:33C'est très complexe, je suis complètement d'accord avec vous.
35:35Ce n'est pas noir et blanc.
35:37Parce que si vous voulez, je comprends parfaitement
35:39ce que vous dites, et encore une fois,
35:40je trouve que si la loi, je l'ai dit, si la loi dit que c'est un soin,
35:45ça n'a pas de sens.
35:46Enfin, en ce qui me concerne, je suis bien dit le personnel,
35:49ce n'est pas un soin.
35:50En revanche, encore une fois, vous savez très bien,
35:52et c'est terrible, c'était Camus qui disait
35:54la seule question philosophique valable, c'est le suicide,
35:57mais il le disait en philosophe.
35:58Mais, et vous savez très bien ce que disaient Romain Garry,
36:01Ernest Hemingway et autres.
36:03Moi, si vous voulez, la question qui est posée,
36:05mais on va continuer d'en parler parce qu'elle n'est pas,
36:07c'est la question de la liberté et en pleine conscience.
36:11Ce n'est pas du tout la question de quelqu'un qui se suicide
36:14soit par amour, soit par misère, et c'est terrible.
36:17Et là, évidemment, il faut tout faire pour.
36:19Mais le vrai problème, c'est où se met la question de la liberté ?
36:23Mais vous avez tout à fait raison, il faut la formuler
36:26de la manière la plus forte possible.
36:28On en parle juste après cette petite pause.
36:38Euthanasie, suicide assisté, soins palliatifs.
36:43Ceux qui entourent effectivement, ceux qui nous concernent tous,
36:47nous attendent tous.
36:49Claire Fourquin, dans ce journal de la fin de vie, justement,
36:53on était en train de parler à la fois des moyens
36:56et on parlait surtout du fait
36:59d'où s'arrête ou commence la liberté et la loi.
37:03Ce n'est pas nouveau.
37:06D'ailleurs, c'était l'amené qui disait,
37:08et ça, ça va vous faire de l'eau à votre moulin,
37:10il disait que dans certaines sociétés,
37:12c'est la loi qui protège et la liberté qui opprime.
37:14Donc, effectivement, il faut faire attention à tout.
37:17Dans ce débat, la nuance est reine et c'est très important.
37:22Encore une fois, le vrai problème,
37:25c'est comment faire, effectivement,
37:27d'abord, faire que les soins palliatifs soient partout.
37:31Et vous dites, il y a 20 départements en France
37:33qui ne parlent que de la France, qui ne l'ont pas.
37:35Et c'est évidemment une erreur.
37:38Peut-être qu'on pourrait supprimer certaines bureaucraties,
37:40mais je n'irai pas plus loin.
37:42Et en fait, comment concilier quand même une approche
37:48de la liberté qui, de toute façon, va exister ?
37:50C'est-à-dire que le problème,
37:52vous savez très bien qu'il y a la loi,
37:53et puis ceux qui contournent la loi,
37:55pour le meilleur ou pour le pire.
37:56Mais quelquefois, par exemple,
37:58est-ce que vous n'avez pas un peu l'appréhension,
38:01puisque cette loi va revenir et on va en parler,
38:04et je suppose que vous allez vous battre
38:06et vous allez vous mobiliser là-dessus, bien sûr.
38:09Est-ce que, comment on peut faire pour qu'il n'y ait pas du coup,
38:13vous savez, ce qu'on appelle la transgression ?
38:16Mais là, pas spécialement dans les plus mauvais sens du terme,
38:19qui dira, oui, écoutez, moi, j'en peux plus,
38:22bon, je sais que la loi l'interdit,
38:24mais je vais trouver un moyen,
38:25et puis je trouver le cocktail litique, etc.
38:28Comment faire, vous savez,
38:29la loi qui va supposer des contournements ou des transgressions ?
38:32Alors, je pense que n'importe quelle loi,
38:34quelle qu'elle soit dans n'importe quel domaine,
38:36il y a des gens qui transgressent les lois,
38:38mais je crois que ce n'est pas parce que des gens transgressent
38:40qu'on doit enlever la loi ou changer la loi.
38:42C'est important parce que la loi,
38:43elle fait un rempart aussi à la souffrance.
38:45La question de la fin de vie, c'est beaucoup de souffrance
38:46pour les patients d'abord, pour leurs proches,
38:48pour les soignants, et parfois, on a envie que ça s'arrête.
38:51Des patients ont envie que ça s'arrête,
38:52des proches ont envie que ça s'arrête,
38:54et parfois, même nous, les soignants,
38:55on se dit, oh là là, c'est trop...
38:56Et la loi, elle nous fait rempart de ça.
38:58À un moment, elle met une limite.
38:59La loi vous dit quoi exactement, là-dessus ?
39:01Quand ça arrive à un degré où c'est insupportable...
39:04Ça, c'est vraiment... Merci de poser la question
39:06parce que cette loi, elle est très mal connue,
39:08alors qu'elle est incroyable.
39:09La loi, elle dit d'abord, un patient a le droit
39:11de demander l'arrêt d'un traitement n'importe quand.
39:13À n'importe quel moment, un patient peut dire,
39:16maintenant, j'en ai marre, je veux que ça s'arrête.
39:17Et le personnel médical doit le suivre.
39:18Et nous, on est obligés non seulement de le suivre,
39:20mais de le soulager.
39:21S'il arrête ces traitements, entraîne de l'inconfort,
39:25on doit mettre en oeuvre tout ce qu'il faut pour le soulager.
39:28Par exemple, un patient atteint d'une maladie de Charcot,
39:30une SLA, c'est cette maladie très difficile,
39:32dont on entend souvent parler,
39:34qui a un appareil qui l'aide à respirer.
39:36S'il nous dit, moi, maintenant, c'est fini,
39:37j'en ai marre, je veux arrêter cet appareil,
39:41on va le mettre en indice général,
39:42enlever l'appareil de respiration,
39:44et le patient va décéder tranquillement avec ses proches.
39:47Donc ça, c'est le premier article de la loi.
39:49Un patient peut arrêter un traitement.
39:51Elle dit aussi aux médecins, interdit de s'acharner.
39:53L'obstination déraisonnable, c'est interdit.
39:56Alors, c'est pas toujours facile de savoir
39:57qu'est-ce qui est déraisonnable, mais en tout cas,
39:59la loi, elle vient dire, on n'a pas le droit
40:01de faire des traitements qui maintiennent en vie
40:02juste pour maintenir en vie.
40:03Et puis, elle dit, ce que je disais tout à l'heure,
40:05on doit soulager, quoi qu'il en coûte,
40:07même si ça doit raccourcir la vie.
40:09Et donc, si un patient reste douloureux,
40:10malgré tous les traitements qu'on a mis,
40:12on peut faire une anesthésie générale,
40:14on peut l'endormir, on ne doit pas laisser souffrir.
40:16Et ça, c'est dans la loi actuelle.
40:18Et ça, c'est important, parce que beaucoup de patients ignorent.
40:20Et quand on leur dit, mais ne vous inquiétez pas,
40:22voilà ce qu'on va pouvoir faire,
40:25on voit tout de suite que l'angoisse...
40:27Parce que souvent...
40:27Pourquoi cette loi n'est pas connue ?
40:30On a eu des campagnes,
40:31les antibiotiques, c'est pas automatique,
40:33un verre, ça va, trois verres, bonjour, les dégâts,
40:35le gilet jaune, on n'a jamais eu
40:36une campagne de communication qui dit, voilà vos droits.
40:40On ne vous laissera pas souffrir.
40:42C'est hallucinant, ils font des campagnes sur n'importe quoi,
40:44sur les poudres de larves.
40:46Il faut pas de campagne sur la fin de vie.
40:48Alors que, voilà, cette loi, elle permet...
40:51Et la première réunion qu'on a eue l'année dernière
40:53au ministère pour préparer la nouvelle loi,
40:55on était une quarantaine de soignants
40:56de toutes les spécialités.
40:58Il y a eu un tour de table et toutes les spécialités,
41:00les réanimateurs, les oncologues, les pneumologues,
41:02les néphrologues, tout le monde a dit,
41:04avec cette loi, on a les moyens d'accompagner correctement
41:06les patients jusqu'en fin de vie,
41:08quelle que soit notre spécialité,
41:09quelle que soient les patients.
41:10Moi, je travaille, il se trouve que Narbonne,
41:12en plus d'être une région pauvre,
41:14c'est la région du monde où l'incidence de maladie de charcot
41:16est la plus élevée avec une zone du Japon,
41:18sans qu'on sache pourquoi,
41:19mais en tout cas, donc, on accompagne régulièrement
41:21des patients atteints de cette maladie.
41:22Et la loi actuelle nous permet, à chaque étape de leur maladie,
41:26de leur dire, voilà, est-ce que vous souhaitez
41:28avoir un dispositif pour être alimenté ?
41:31Si vous souhaitez, on peut le faire.
41:32Si vous ne souhaitez pas, on va vous accompagner,
41:34faire en sorte que vous ne souffriez pas.
41:35La loi nous permet de le faire.
41:37Et donc, ça, c'est vraiment important de rassurer les gens
41:39en disant, on ne vous laissera pas souffrir.
41:41Mais par contre, il faut pour ça former mieux les soignants.
41:44Trop de soignants ne sont pas assez formés.
41:46Les médecins, en général,
41:48neuf ans de formation pour un médecin généraliste,
41:50actuellement, ça va passer à dix.
41:51Ils ont sept heures de formation
41:53sur la douleur et les soins palliatifs.
41:55En neuf ans ?
41:55En neuf ans.
41:56Et donc, forcément...
41:57Sept heures de formation en neuf ans
41:58sur la douleur et les soins palliatifs.
41:59Et forcément, ils disent, on ne se sent pas capable.
42:01Eh bien, oui.
42:02Et donc, il faut évidemment former mieux les soignants.
42:05Ça fait partie, ça doit faire partie de la nouvelle loi.
42:07Il faut former mieux les soignants
42:09pour que n'importe quel patient ait un médecin qui sache aussi
42:12utiliser les bons médicaments au bon moment
42:14ou faire appel à une équipe quand il en a besoin.
42:16Vous êtes éclairfaucade.
42:16Si vous n'êtes pas, dans les six mois qui viennent,
42:18conseillère spéciale du ministère de la Santé,
42:21nous ferons une insurrection.
42:22Parce qu'à mon avis,
42:24vous êtes de très bons conseils là-dessus, franchement.
42:28Écoutez, en tout cas,
42:30la question que je voudrais vous poser, peut-être à la fin,
42:33vous savez ce que disait Woody Allen,
42:36l'éternité, c'est long, surtout vers la fin.
42:39Et justement, on parlait de fin.
42:42Au fond, l'humanisme, ça consiste à dire,
42:46non pas abréger la souffrance,
42:47mais faites que ça se passe le mieux possible.
42:49Exactement.
42:50Prendre soin des gens jusqu'au bout,
42:52leur dire qu'ils ne seront pas seuls, qu'on sera là
42:54et qu'on va les soulager et que les soignants,
42:56c'est leur métier d'accompagner et les proches aussi,
43:00parce que c'est difficile aussi d'être aidant.
43:02Et moi, j'ai envie d'une société et d'une loi
43:04qui soit la loi du plus faible.
43:05C'est-à-dire, on va prendre soin de tous,
43:08même les plus fragiles, et on sera là ensemble.
43:10Non, mais la loi du plus faible, vous rêvez.
43:11Enfin, vous êtes une utopie totale.
43:13Complètement, mais ça fait 25 ans que je rêve.
43:15Et bien, je ne désespère pas.
43:17Et dites-moi, est-ce qu'il y a eu des mots d'impatients,
43:21vous avez même plusieurs mots,
43:22qui vous ont dit des choses qui vous ont marquées ?
43:24Ah oui, bien sûr, très souvent.
43:26J'ai même écrit un livre là-dessus,
43:29parce que je trouve qu'on est traversé par des histoires
43:31tellement incroyables, des histoires de vie de patients
43:34avec des parcours tellement incroyables.
43:35Mais alors, sur la question vraiment juste de la fin de vie,
43:37récemment, je l'ai repris,
43:39il y a un patient qui m'a dit à un docteur,
43:41moi, vous savez, ce que j'aimerais,
43:42c'est m'endormir chaud et me réveiller froid.
43:44Et je trouvais que c'était tellement,
43:45ça disait tellement notre ambivalence,
43:47se réveiller froid, c'est-à-dire qu'à la fois...
43:49Endormir chaud et me réveiller froid.
43:50Ça disait tellement comment la mort,
43:52c'est difficile à envisager, s'envisager mort.
43:54Et voilà, c'est cette ambivalence-là que nous, on accompagne.
43:57Et donc, on ne travaille pas en noir et blanc,
43:58mais vraiment dans 50 nuances de gris.
44:00Et c'est de laisser la place à ces 50 nuances de gris
44:02et à cette complexité.
44:03Claire Fourcade, merci d'être venue nous parler
44:06de ce livre bouleversant,
44:09Journal de la fin de vie.
44:10Vraiment, il faut le lire.
44:12C'est chez Fayard.
44:13Merci.