Lundi 3 février 2025, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque lundi c'est le quart d'heure américain.
00:07Nous retrouvons à distance en visioconférence avec nous Pierre-Yves Dugas, notre correspondant
00:12américain.
00:13Bonsoir et bienvenue Pierre-Yves, merci beaucoup d'être là.
00:16Je vous épargne l'épisode des tarifs pour aujourd'hui, on en reparlera Pierre-Yves,
00:22mais pendant que Donald Trump distrait le monde avec ses annonces et sa première salle
00:27de tarifs, il se passe des choses à Washington qui méritent aussi un peu d'attention Pierre-Yves.
00:32Elon Musk et ses amis de la tech sont en train de récupérer les clés du camion fédéral.
00:38Oui, il y a une grosse ambiance à Washington en ce moment, ça ressemble à une Saint Barthélémy
00:48du wokisme et du tiers-mondisme.
00:50Scott Bess, qui a été confirmé comme secrétaire au Trésor, a donné l'autorisation au service
01:01nouvellement créé au sein du pouvoir exécutif pour Elon Musk, qui est chargé de vérifier
01:08l'efficacité des dépenses publiques.
01:09Il lui a donné les clés du système de paiement du Trésor, qui est ce système de paiement
01:17qui distribue tous les paiements du gouvernement américain à toutes sortes d'individus et
01:23d'entreprises à travers toutes les activités des gouvernements fédéraux.
01:27A partir de là, cette équipe de jeunes techniciens qui travaillent nuit et jour, qui dorent sur
01:35des divans et qui travaillent le week-end, est en train de découvrir comment fonctionne
01:42Washington et quand ils n'obtiennent pas, à part le biais de ce système de paiement,
01:46des informations qui les intéressent le plus, ils vont frapper littéralement à la
01:49porte des agences fédérales qu'ils soupçonnent de gaspiller l'argent public.
01:54C'est ce qu'ils ont fait, notamment à la porte de l'agence fédérale théoriquement
02:02indépendante de financement du développement, agence qui du coup aujourd'hui est fermée.
02:09Une cinquantaine de ses hauts dirigeants ont été carrément suspendus au cours du week-end
02:15parce que les hommes d'Elon Musk ont réussi à s'introduire dans le bâtiment en menaçant
02:20de faire intervenir la police fédérale et les US Marshals ont eu accès à un certain
02:26nombre d'informations confidentielles et en ont conclu très rapidement que cette agence
02:31était, je cite, « un nid de vipères de la gauche radicale marxiste qui déteste l'Amérique,
02:43une organisation criminelle et, il y a encore quelques minutes, quand il y a un verre dans
02:50une pomme, on peut peut-être retirer le verre et garder la pomme, mais là, il n'y a que
02:56des verres dans la pomme, il faut jeter la pomme ». Et Donald Trump, étonné au courant
03:01minute par minute des travaux de cette équipe d'Elon Musk, semble approuver puisqu'il
03:06a dit « oui, oui, USAID qui distribue quand même quelques 50 milliards de dollars chaque
03:12année, notamment à l'Ethiopie, à la Jordanie, beaucoup à l'Ukraine récemment, cette agence
03:20est complètement vérolée, il faut s'en débarrasser, nous allons la tuer ». D'autres
03:25agences pourraient faire l'objet du même type de traitement. Petit détail, le pouvoir
03:32exécutif n'a pas le droit de supprimer une agence fédérale qui a été créée par le
03:36Congrès. Et des doutes subsistent encore sur l'autorité légale des jeunes techniciens
03:45d'Elon Musk d'aller littéralement fouiller dans les tiroirs de toutes les agences fédérales,
03:53même s'ils sont missionnés explicitement par la Maison Blanche.
03:57J'ai un point là-dessus, Pierre-Yves, de réflexion au personnel. C'est vrai que les
04:04marchés accordent quand même un peu d'importance à la manière de faire les choses. Le respect
04:08du rule of law, de l'état de droit, c'est quand même quelque chose qui compte à la
04:12fin de la journée pour des investisseurs qui prêtent de l'argent à des états, qui
04:17achètent ou qui détiennent des actifs d'un état. Que Donald Trump, j'allais dire avec
04:24son caractère, sa tempérance, puisse un peu agiter les choses, puisse perturber même
04:30ou prendre à revers des marchés, pas de problème. Mais j'ai l'impression quand même
04:35que le marché va être assez attentif au bon respect quand même de la règle de l'état
04:42de droit dans un pays comme les Etats-Unis. C'est important quand même, ça fait partie
04:46de la valeur du pays Amérique.
04:49Bien sûr, il faut une certaine stabilité institutionnelle, on ne peut pas faire n'importe
04:54quoi. Il y a une grande dimension d'intimidation dans la démarche de la nouvelle administration
05:00Trump et dans celle d'Elon Musk, qui fait des choses qui peut-être ne lui sont pas
05:08explicitement permises par la loi, mais qu'il les fait quand même, qui peuvent être suspendues
05:15par un juge, on l'a vu pour l'annulation de la décision qui visait à suspendre carrément
05:22toutes les dépenses visant à subventionner, le mot en anglais c'est grant, à subventionner,
05:29à financer sous forme de dons toutes sortes d'activités fédérales. Mais le mal est fait,
05:36le mal est fait parce que même si la décision de suspension de telle ou telle agence est
05:41finalement déclarée nulle et non avenue, quelque chose a été cassé dans le processus
05:47et les gens ont un petit peu peur et le moral naturellement des fonctionnaires fédéraux
05:53en prend un grand coup, il est déjà très très bas. Ne l'oublions pas que personne
05:56n'imaginait que la plupart des fonctionnaires fédéraux, à part quelques agences auxquelles
06:03on ne va pas toucher, notamment le Pentagone, ont reçu un email en leur disant, c'était
06:10la semaine dernière, en leur disant voilà vous avez jusqu'au 6 février pour démissionner
06:16et si vous le faites vous serez payé jusqu'au 30 septembre. Et l'intitulé de cet email
06:22était « a fork in the road », c'est-à-dire la croisée des chemins. C'était l'expression
06:28employée par Elon Musk lorsqu'il envoyait un email à tous les employés de Twitter
06:33qu'il venait de racheter il y a deux ans, en leur disant voilà maintenant je vais
06:37mettre tout le monde dehors, ou pratiquement, ceux qui veulent partir peuvent partir tout
06:42de suite, it's a fork in the road, vous êtes à la croisée des chemins. Le parallèle
06:46n'a échappé à personne. Si j'en veux pour preuve, le nombre de patrons ou patronnes
06:50d'agences fédérales qui sont partis avant même qu'on leur demande et avant même
06:54que Trump soit installé à la Maison-Blanche, je crois que ça s'est vu à la SIC, FBI,
06:58etc., enfin ils sont tous partis en se disant que de toute façon il n'y avait même plus
07:02la place pour mener une bataille. Alors là il y a deux types de responsables
07:08qui sont partis, il y a ceux qui sont ce qu'on appelle des political appointees, c'est-à-dire
07:12ceux dont la nomination résulte d'une décision de l'administration politique et qui de toute
07:18façon étaient donc plutôt pro-démocrate et étaient susceptibles de se faire remplacer
07:23par des plutôt pro-républicains. Ça c'est assez normal, c'est assez logique, certains
07:26partent avant, certains partent après la prestation de sermons du nouveau président
07:32de manière à aider leurs successeurs et pour qu'il y ait une certaine continuité
07:35dans le fonctionnement des agences fédérales, car ne l'oublions pas, il faut au moins
07:40cinq ou six mois pour que tout se mette en place sur ce qu'une nouvelle administration
07:43arrive. Mais il y a aussi le départ en claquant la porte de fonctionnaires qui ne sont pas
07:50dépendants d'une nomination politique, on l'a vu au Trésor par exemple, où le responsable
07:57du système de paiement est parti en disant écoutez voilà si c'est comme ça, si maintenant
08:02n'importe qui peut me dire ce qu'il faut faire, des gens qui ne connaissent rien au
08:06système, moi je m'en vais, bye bye, tant pis pour ma pension.
08:10Est-ce que c'est la même histoire ou est-ce qu'on peut faire un parallèle avec la lutte
08:14que mène Donald Trump contre les politiques d'inclusion, d'égalité, de diversité
08:20au sein des institutions, au sein des entreprises, donc les politiques dites D.I.I. en anglais,
08:29Pierre-Yves, est-ce qu'il peut d'une certaine manière rendre la D.I.I. illégale aux Etats-Unis ?
08:36Il y a un certain continuum, on l'a vu d'ailleurs dans l'affaire de U.S.A.I.D., on apprend qu'au
08:41cours du week-end, cette jeune équipe d'amis recrutés par Elon Musk est allée dans les
08:48bureaux d'U.S.A.I.D. et a vu sur les murs des slogans disant ici nous sommes l'agence
08:53qui fait la promotion des LGBT, qui fait la promotion des valeurs woke, explicitement
09:03la promotion de tel ou tel type de référence sexuelle ou de valeur woke est maintenant
09:08proscrite par les décrets qui ont été pris par le président Trump et donc toutes ces
09:14décorations magnifiques sur les murs ont été promptement retirées des murs de cette
09:22agence fédérale. Un petit peu de contexte. En 2023, la Cour suprême a rendu une décision
09:30extrêmement importante qui invalide la discrimination positive comme méthode de recrutement des
09:37candidats dans les universités en expliquant que la race de quelqu'un, la race d'un
09:45jeune étudiant qui veut aller dans une université, qu'elle soit publique ou privée, ne doit
09:50pas être le facteur déterminant de son acceptation ou de son refus, qu'il y a d'autres éléments
09:56dans la formation de la personnalité d'un candidat dans son expérience de vie qui sont
10:01au moins tout aussi importantes que la race et qu'on ne peut pas faire de la race l'alpha
10:06et l'oméga de l'instrument de sélection même si on le fait au nom de la promotion
10:13de minorités qui se considèrent marginalisées. A partir de là, les conservateurs ont décidé
10:21que cette décision ne s'appliquait pas simplement aux universités mais à toute l'Amérique,
10:26à toutes les agences fédérales, à toutes les agences gouvernementales et probablement
10:30aussi aux entreprises privées. Ça, la Cour suprême ne l'a pas dit explicitement et
10:35elle va devoir se prononcer dans les prochains mois sur des questions tangentes qui vont
10:39permettre de faire des conclusions à ce propos. Donald Trump arrive au pouvoir il y a deux
10:46semaines. Un des premiers décrets qu'il signe, c'est d'interdire les politiques
10:52de diversité et d'inclusion dans toutes les agences fédérales. Tous les bureaux
10:56qui s'occupent de ça doivent être supprimés. Toutes références à ces politiques doivent
11:00être supprimées et il explique, je le cite, les Américains ne peuvent pas être stigmatisés,
11:06déconsidérés, écartés d'opportunités d'avancement sur la base de leur race ou
11:11de leur genre. Ce faisant, par ce décret présidentiel, il annule un décret qui remontait
11:17à 1965, qui avait été signé par Lyndon Johnson et qu'aucun président républicain
11:24n'avait osé révoquer jusqu'à présent. À partir de là, les entreprises privées
11:33sont-elles susceptibles de tomber sous le coup de ce que la nouvelle administration
11:39considère comme cette interdiction ? Certaines entreprises privées considèrent qu'elles
11:46sont maintenant en danger de se faire épingler par le département de la justice parce que
11:50le décret présidentiel dit « Dressez-moi sous trois mois la liste de neuf sociétés
11:57privées, cotées en bourse, fondations, associations qui continuent de pratiquer la discrimination
12:06positive et ces politiques de DEI ». Et beaucoup d'entreprises ne souhaitent pas
12:11tomber dans cette situation-là et Wal-Mart, Target par exemple, ont décidé de laisser
12:19tomber toute leur politique DEI. En revanche, d'autres, et c'est intéressant de voir
12:24que Wall Street est dans ce camp-là, en particulier JP Morgan Chase, Goldman Sachs, ont décidé
12:31de conserver leur bureau dont l'objectif est la promotion de l'université parce
12:37qu'ils considèrent qu'avoir des employés de toute gamme d'expérience avec une plus
12:44grande diversité possible est une valeur importante pour l'entreprise en elle-même.
12:49Merci beaucoup Pierre-Yves Dugas. Bienvenue dans la troisième semaine d'exercice du pouvoir de
12:54Donald Trump. Pierre-Yves Dugas, correspondant américain avec nous chaque lundi dans Smartboard
12:58sur BeSmart for Change.