Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, Article 230
Date de rendu de la décision : 24 janvier 2025
Date de rendu de la décision : 24 janvier 2025
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00:00:00Bien, bonjour à tous, l'audience est ouverte. Alors nous avons à notre ordre du jour deux questions prioritaires de constitutionnalité.
00:00:11Nous allons commencer avec le numéro 2024 1119, c'est ça, qui porte sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit de l'article 230 de la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023 qui est la loi de finances pour 2024.
00:00:40Nous en sommes des points de vue de la procédure d'instruction.
00:00:43Monsieur le Président, le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 octobre 2024 et le 6 décembre 2024 par deux décisions du Conseil d'État de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société TTR énergie et 168 autres parties d'une part et la société éolienne des tulipes d'autre part portant sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit de l'article 230 de la loi numéro 2023.
00:01:091322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
00:01:14Ces questions relatives au déplafonnement des avoir des contrats de complément de rémunération bénéficiant producteur d'électricité à partir d'énergie renouvelable ont été enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel.
00:01:26Sous les numéros 2024-1119 QPC et le numéro 2024-1125 QPC dans l'affaire numéro 2024-1119 QPC.
00:01:38Maître Olivier Texidor de la SCP Célisse Texidor Perrier et maître Romaric Lacerge du cabinet Alain O'Vary pardon Sherman Sterling ont produit des observations dans l'intérêt des parties requérantes et dans celui de la société Éole Sudmarne et 7 autres parties à l'instance les 14 novembre et 2 décembre 2024.
00:01:58La SCP Rocheteau, Usan, Sarano et Goulet ont produit des observations dans l'intérêt de la société Blueberry SAS et 24 autres parties à l'instance le 13 novembre 2024.
00:02:09La SCP Baker et McKenzie ont produit des observations dans l'intérêt de la société EDF parties à l'instance le 14 novembre 2024.
00:02:17Le Premier ministre a produit des observations les 14 et 29 novembre 2024.
00:02:21La SCP Foussard-Froger a demandé à intervenir dans l'intérêt de la société Éolienne des Tulipes et a produit à cet effet des observations les 14 novembre et 2 décembre 2024.
00:02:31Dans l'affaire 2024-1125 QPC, la SCP Foussard-Froger a produit des observations dans l'intérêt de la société Éolienne des Tulipes parties requérantes les 20 décembre 2024 et 3 janvier 2025.
00:02:45Maître Olivier Texidor de la SCP Célisse-Texidor-Perrier et Maître Romaric Lacerge du cabinet Allen-Auvery-Sherman-Sterling ont demandé à intervenir dans l'intérêt de la société TTR Énergie et 176 autres parties et a produit à cette fin des observations le 17 décembre 2024.
00:03:02Le Premier ministre a produit des observations le 20 décembre 2024 seront entendus aujourd'hui les avocats des parties requérantes, les avocats des parties à l'instance, les avocats des parties intervenantes et enfin le représentant du Premier ministre.
00:03:15Merci Madame. Alors voilà ce qui a été décidé. D'habitude, vous savez que les avocats ont 10 minutes, ce qui fait rêver les magistrats par ailleurs. Là, à titre tout à fait exceptionnel, deux d'entre vous vont avoir 12 minutes.
00:03:40Et donc vous conformerez à ces éléments. Alors nous allons commencer avec Maître Romaric Lacerge, qui est avocat à Barreau de Paris, qui représente la société TTR Énergie et 176 autres parties requérantes.
00:03:58Qui sont requérantes et dans la première affaire, c'est même partie intervenante dans la seconde. Donc Maître Lacerge, vous allez commencer pour 12 minutes.
00:04:14Merci Monsieur le Président. Donc Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous revoilà donc devant vous. A peine plus d'un an sur la même affaire.
00:04:24Une deuxième QPC en à peine plus d'un an. Donc c'est peut-être inédit. Et c'est le résultat de la volonté du gouvernement. D'une part de neutraliser la décision, l'exécution de la première décision que vous avez prise le 26 octobre 2023.
00:04:37Et d'autre part d'adopter un dispositif qui est encore plus restrictif des droits et libertés que le premier. Alors on prélève quelques rappels sur le contexte. Rapide.
00:04:45Cette affaire soulève plusieurs questions, dont celle essentielle, classique dans la jurisprudence, de la remise en cause à posteriori des contrats qui ont été conclus par l'État.
00:04:54Ces contrats, ce sont des contrats de complément de rémunération qui ont été conclus entre des producteurs d'énergie renouvelable et entre EDF qui agit à la demande de l'État, qui est une sorte de mandataire dans cette affaire.
00:05:05Et il repose sur un certain nombre de principes très simples. Un tarif de référence est prévu dans le contrat. Il constitue un prix garanti pour la vente de l'électricité.
00:05:12Lorsque le prix de l'électricité auquel on vend l'électricité est inférieur au tarif de référence, un soutien public est accordé pour compenser l'écart.
00:05:20Mais lorsque le prix de l'électricité, lorsqu'on vend au-dessus du tarif de référence, on commence par rembourser les aides qu'on a perçues dans le passé.
00:05:28Et une fois qu'on a remboursé ces aides, on conserve la valeur du marché, donc il y a une limite du remboursement. C'est ce qu'on appelle le plafonnement des remboursements.
00:05:37Et dans un contexte de hausse des prix du marché, en 2022, l'État a souhaité par un article 38 de la LFR pour 2022 de remettre en cause à posteriori ce système de plafonnement,
00:05:47mais seulement de manière partielle, c'est-à-dire qu'il a laissé la possibilité d'un partage de la valeur additionnelle de marché entre l'État et les producteurs,
00:05:54et ce en fonction d'un prix seuil qui était affixé par le gouvernement. Une première QPC a été soulevée, vous le savez. Vous savez également que vous avez été amenés à sanctionner,
00:06:04à censurer cet article 38, mais non pas dans son principe, mais pour incompétence négative, car je crois que vous aviez parfaitement compris alors que l'absence d'encadrement
00:06:13de la détermination de la valeur du prix seuil dans la loi avait de facto permis au gouvernement de fixer ce prix seuil de manière arbitraire, et ce contrairement à l'esprit du dispositif
00:06:25qui avait été arrêté par le Parlement. Et en réaction à cette censure, le gouvernement a alors fait adopter un article 230 de la loi de finances, vous le disiez M. le Président, pour 2024,
00:06:34qui consiste à un mécanisme cette fois non plus partiel, mais total, de déplafonnement total. J'y reviendrai. Alors cinq observations. La première, rapide, concernant le champ
00:06:44et la portée de votre décision en 2023. Ce que vous avez fait en 2023, vous vous êtes prononcé, vous avez validé le principe d'un déplafonnement partiel. Vous avez donc accepté l'idée
00:06:54qu'on puisse revenir sur un contrat mais de manière partielle en partageant la valeur de marché additionnelle et en tenant compte des attentes raisonnables des investisseurs.
00:07:01Et vous avez admis un intérêt général qui visait à éviter des effets d'aubaine à partir justement du prix seuil et dans des circonstances que vous avez définies de manière très précise.
00:07:10Une très forte augmentation des prix, une imprévisibilité de cette augmentation très forte et une augmentation considérable du profit. Voilà ce que vous avez jugé l'année dernière.
00:07:21Il faut aussi souligner, je crois, ce que vous n'avez pas jugé. Et ce que vous n'avez pas jugé, c'est que vous ne vous êtes pas prononcé encore, et c'est l'objet de l'audience de ce matin,
00:07:29sur un mécanisme de déplafonnement total qui est celui de l'article 230 justement de la loi de finances pour 2024, c'est-à-dire un dispositif non pas qui permet un partage de la valeur additionnelle
00:07:39de marché, mais qui permet à l'État de capter au premier euro au-dessus des tarifs de référence l'intégralité de la valeur de marché. Et donc parce que vous ne vous êtes pas prononcé sur ce dispositif
00:07:49de déplafonnement total, qui est plus attentatoire aux libertés que le premier, le Conseil d'État vous a saisi à nouveau. Il s'agit donc aujourd'hui de déterminer si ce dispositif
00:07:58est justifié par un intérêt général. Ma seconde observation, c'est que la réponse à cette question est très claire. Il n'y a pas d'intérêt général suffisant en l'espèce.
00:08:12Cet intérêt général c'est le même que celui qui est invoqué par le gouvernement que celui que vous avez retenu la dernière fois, c'est-à-dire capter des effets d'aubaine.
00:08:20Mais pour démontrer un intérêt général ici ce matin, il faudrait se demander si en l'espèce l'effet d'aubaine commence, non pas à partir du prix seuil puisqu'il n'y a plus de prix seuil,
00:08:29mais à partir du premier euro au-dessus des tarifs de référence. C'est ça le sens d'un déplafonnement total encore une fois, c'est capter la valeur de marché au premier euro au-dessus des tarifs de référence.
00:08:39Evidemment, comment défier un effet d'aubaine ? Ce n'est pas un effort démesuré puisque cet effort vous l'avez mené et il est très clair dans votre décision de 2023.
00:08:46Il y a deux critères, nous semble-t-il, cumulatifs importants. Ils relèvent d'ailleurs du bon sens. Un effet d'aubaine suppose une imprévisibilité et un effet d'aubaine suppose une surrentabilité.
00:08:56Or en l'espèce, il n'y a ni imprévisibilité ni surrentabilité dès le premier euro au-dessus des tarifs de référence. Sur la question de la prévisibilité d'abord, le gouvernement lui-même sait
00:09:05pertinemment qu'il n'y a pas qu'une certaine augmentation du prix de marché était parfaitement prévisible, en tout cas juste au-dessus des tarifs de référence.
00:09:12La première raison pour cela, c'est que c'est l'État lui-même qui avait souhaité ce plafonnement des remboursements et il l'avait souhaité pour une bonne raison,
00:09:19c'est qu'il avait lui-même envisagé la possibilité d'une augmentation au-dessus des tarifs de référence et c'était dans son intérêt parce que ça lui permettait d'attirer des investisseurs.
00:09:26Et d'ailleurs, évidemment, il n'y aurait eu aucun sens pour l'État à prévoir un plafonnement des remboursements initialement s'il n'y avait pas une possibilité d'augmentation des prix,
00:09:33en tout cas une certaine augmentation. La seconde raison, c'est que dans le cadre du dispositif précédent sur lequel vous vous êtes prononcé et dont vous avez validé le principe,
00:09:40il était prévu justement que les producteurs puissent conserver la valeur de marché additionnelle conformément à des anticipations raisonnables et le Parlement l'avait reconnu,
00:09:49il avait reconnu l'existence de scénarios réalistes d'évolution. Et il se trouve en outre que la possibilité, même la probabilité d'augmentation future était parfaitement documentée
00:09:58dans des rapports publics, notamment de la Creux à partir de 2016-2017. Et je vous renvoie là-dessus à nos écritures. Sur la question de la rentabilité ensuite, l'idée qu'il existerait
00:10:07une surrentabilité dès le premier euro est parfaitement absurde pour au moins trois raisons. La première et la plus simple, c'est que dans les systèmes de contrat de complément de rémunération,
00:10:16il y a effectivement un prix de vente garanti. Mais c'est la seule chose qui est garantie. L'évolution des coûts, elle, n'est pas garantie. Le risque donc d'évolution des coûts,
00:10:24c'est un risque pour les producteurs. De sorte que, et conformément à ce qui s'est passé depuis la crise du Covid, les coûts ont augmenté. Ce qui fait qu'aujourd'hui, dans le système
00:10:32de déplafonnement total avec un revenu fixe qui est celui du tarif de référence, on a une diminution des marges des producteurs. Il est donc parfaitement faux, parfaitement inexact
00:10:41de soutenir comme le fait le gouvernement qu'il y aurait par principe une surrentabilité dès le premier euro au-dessus des tarifs de référence. La deuxième raison, c'est qu'au-delà
00:10:50de cette raison qui concerne tous les producteurs, c'est que dans le cadre des appels d'offres qui ont été lancés par l'État pour attribuer les plus gros projets, les plus gros
00:10:57parcs, les producteurs étaient incités pour gagner ces parcs à proposer le tarif de référence le plus bas possible. Et certains ont pu tenir compte des anticipations
00:11:07d'augmentation des prix et donc du plafonnement des remboursements, donc du gain potentiel qu'ils feraient sur cette base pour proposer un tarif de référence plus bas, et ce
00:11:14dans l'intérêt de l'État. Ces producteurs qui ont fait ces anticipations, compte tenu de la remise en cause avec le déplafonnement total, aujourd'hui se trouvent en situation
00:11:22de perte nette. De même, les producteurs qui ont acquis des parcs l'ont fait en valorisant l'acquisition au regard du contexte réglementaire et donc en tenant compte du
00:11:33plafonnement des remboursements. Ils ont donc payé plus cher en tenant compte de ce plafonnement. Aujourd'hui, avec la remise en cause du plafonnement, ils sont aussi en perte nette
00:11:43et s'ils avaient su que le plafonnement serait remis en cause, ils auraient évidemment payé ces parcs moins cher. Par conséquent, vous le comprenez, il n'y a pas d'effet d'aubaine
00:11:52au premier euro au-dessus des tarifs de référence et par conséquent, il n'y a pas d'intérêt général qui puisse justifier un déplafonnement total et inconditionnel.
00:12:01Ma troisième observation, c'est que le gouvernement, avec une certaine mauvaise foi, essaie de soutenir dans cette affaire que l'article 230 serait venu finalement tirer les conséquences
00:12:16de votre décision de 2023. Alors sur ce point, il suffit de lire les travaux parlementaires pour comprendre qu'il s'agit pour le gouvernement, tout au contraire, de contrecarrer
00:12:25votre décision, de la neutraliser, d'empêcher en effet que les producteurs puissent en bénéficier pour obtenir la restitution des sommes qui avaient été versées sur la base
00:12:34du dispositif censuré. Et c'est pourquoi, nous avons aussi soutenu et nous soutenons que l'article 230 constitue une loi de validation déguisée, une validation implicite
00:12:42des actes financiers pris par EDF sur la base du dispositif qui a été censuré. EDF l'a d'ailleurs parfaitement compris puisqu'à la suite de la censure, lorsque les producteurs
00:12:51se sont tournés vers EDF pour retournir la restitution des sommes, EDF leur a opposé que l'article 230 constituait une base légale nouvelle aux actes de recouvrement qui avaient été pris
00:12:59dans le passé, sans prendre d'actes nouveaux sur le fondement du dispositif nouveau. Et il est utile en nous de rappeler le contexte dans lequel l'article 230 a été pris.
00:13:07Il a été pris à la suite d'un amendement qui a été déposé par le gouvernement 7 jours après votre décision. Donc dire que le gouvernement a travaillé vite dans cette affaire,
00:13:15c'est un euphémisme. Il a travaillé vite, très vite et la raison principale c'est qu'il y avait des contentieux qui étaient devant les tribunaux administratifs pour obtenir le remboursement
00:13:22des sommes et le gouvernement a voulu évidemment éviter que les tribunaux administratifs soient amenés à ordonner le remboursement des sommes conservées. Donc l'objet fondamental de l'article 230
00:13:31qui vous est soumis ce matin, c'est une validation des actes qui ont été pris par EDF sur la base du précédent dispositif. Et la raison pour laquelle le gouvernement dit
00:13:41non ce n'est pas une loi de validation et la raison pour laquelle l'article 230 est habillé comme une disposition qui est autonome de la première et non pas formellement
00:13:48comme une loi de validation, elle est très simple. C'est parce que la critique sur le terrain de la loi de validation est imparable. Vous le savez, l'article 230 ne répond pas aux exigences constitutionnelles
00:13:58propres aux lois de validation, notamment l'une d'entre elles, qui est de ne pas remettre en cause une décision ayant de force jugée. Et cette décision en l'espèce, c'est la vôtre.
00:14:06Pourquoi ? Parce que vous avez décidé le 26 octobre 2023 de censurer un dispositif et vous avez décidé de lui donner une application immédiate. Et vous avez donc ouvert la voie sur la base de votre censure
00:14:16à la restitution des sommes qui avaient été payées indûment. Ce qu'a fait avec l'article 230 le gouvernement, c'est donc de bloquer très directement l'exécution de votre décision prise le 26 octobre dernier.
00:14:26J'en viens à mes deux dernières observations, plus courtes. La quatrième, c'est que l'État tente à tort dans ce dossier de dramatiser l'enjeu budgétaire. Je comprends, la situation budgétaire de la France n'est pas idéale.
00:14:40Et il le fait en avançant des chiffres. Alors évidemment, ce n'est pas un argument juridique, l'État le sait, puisqu'on ne peut pas justifier un intérêt général pour remettre en cause des contrats par un simple intérêt financier.
00:14:50Mais pour autant, l'État joue cette carte. Ce qui est important, je crois, de dire ce matin, c'est qu'en réalité, contrairement à ce que dit l'État, l'enjeu pour l'État, l'enjeu financier, l'enjeu budgétaire, il est infiniment plus faible que ce qu'ils disent.
00:15:02Et pour une raison toute simple, c'est que si vous censurez l'article 230, qu'est-ce qui se passera ? L'État, fort naturellement, et ce qu'il aurait dû faire d'ailleurs fort logiquement, ce qu'il aurait dû faire en 2023, la suite de la décision,
00:15:14il prendra un nouveau dispositif, il reprendra un dispositif de déplafonnement partiel qui ouvrira la voie à un véritable partage. Et par conséquent, les sommes qui seront reçues, ce n'est non pas l'intégralité des sommes, mais seulement celles correspondant aux attentes raisonnables des investisseurs.
00:15:30Et enfin, un autre élément contribue à diminuer assez fortement l'impact budgétaire d'une éventuelle censure, c'est qu'au contenu de la baisse des prix de marché et combinée en fait aux mécanismes de report qu'il y a dans ces contrats, l'enjeu financier se trouve en réalité relativement faible.
00:15:46La dernière observation que je voudrais faire devant vous, c'est une observation plus générale. Je voudrais, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, attirer votre attention sur le fait, et pardon pour être un peu solennel, mais sur le fait qu'au-delà des droits et libertés et de la santé financière des producteurs qui sont devant vous, un certain nombre, effectivement une longue liste, ce qui se joue dans ce dossier, c'est le signal que la France envoie aux investisseurs,
00:16:14dans le secteur des renouvelables, mais de manière générale. Ce qui sous-tend finalement quand on lit les écritures du Premier ministre, c'est que les libertés économiques, au fond, c'est une question qui est peu sérieuse. Or, les libertés économiques, c'est une question sérieuse en économie de marché et dans un état de droit. Il faut savoir qu'aujourd'hui, de nombreux groupes, dont certains qui sont devant vous, sans se désinvestir de la France, considèrent en fait que la France n'est plus un marché suffisamment sûr et stable,
00:16:42et orientent leurs investissements à l'international. Valider l'approche proposée par le gouvernement, c'est, de notre point de vue, donner une exception exceptionnellement lâche à la notion d'effet d'aubaine, et donc à la notion d'intérêt général. C'est ouvrir la boîte de Pandore, nous semble-t-il, de la remise en cause permanente des contrats, et ce serait vider les libertés économiques de leur substance.
00:17:04Et pour finir, ce dossier, je crois, pose aussi la question de la prise en compte du long terme dans les politiques publiques. L'approche proposée par le gouvernement, c'est de céder à la tyrannie du court terme. C'est ça, la réalité. C'est-à-dire un intérêt de court terme qui est purement budgétaire, au détriment des intérêts de moyen et long terme de la nation.
00:17:20Or, nous le soulignons, les acteurs économiques qui s'engagent résolument dans des secteurs vertueux tels que les énergies renouvelables, ce sont des alliés des politiques publiques de long terme. Ce ne sont pas des ennemis. Et je crois qu'il faut aujourd'hui allonger le temps des politiques publiques, comme d'ailleurs le Conseil d'État l'appelle de ses voeux dans un cycle de conférences qui a été récemment lancé. Il ne faut pas raccourcir ce temps.
00:17:40En définitive, ce matin, nous vous soumettons une disposition législative qui a été élaborée dans la précipitation, qui a une visée exclusivement budgétaire. C'est une disposition qui ne prend en compte ni la réalité de la situation économique des producteurs, ni les intérêts long terme de la nation. Nous vous soumettons enfin une disposition qui remet très directement en cause l'exécution d'une décision du Conseil constitutionnel, celle du 26 octobre 2023.
00:18:04Et pour toutes ces raisons, nous vous demandons de déclarer inconstitutionnelle cette disposition et que votre décision de censure soit d'application immédiate. Je vous remercie, Monsieur le Président.
00:18:14Merci à vous, Maître. Alors, nous allons donner la parole au second intervenant, Maître Frauger, qui est avocat au Conseil, qui représente la Société éolienne des tulipes, partie intervenante dans la première affaire et requérante dans la seconde. Nous vous écoutons également pour 12 minutes.
00:18:36Merci, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel. La QPC qui vous est soumise, je crois, est fondamentale. Elle est fondamentale par l'objet même de la loi. On touche à l'énergie. Ça concerne évidemment tout le monde.
00:18:50Elle est fondamentale aussi parce qu'elle touche au cœur de l'État de droit le respect de vos décisions. Ça a été exposé par votre décision du 26 octobre 2023. Vous avez considéré que l'objectif de lutte contre l'effet d'aubaine dû à un accroissement imprévisible exceptionnel des prix de fourniture d'électricité constituait un motif d'intérêt général, justifiant une clé de répartition.
00:19:16Un seuil au-delà duquel les gains ne devaient pas être conservés par les producteurs, mais reversés à l'État. Et ça, dans l'intérêt du consommateur. Et parce que la privation de ces gains légitimement attendus par les producteurs constitue une atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution.
00:19:36Cette clé de répartition, le prix seuil au-delà duquel on doit reverser ses gains est délicate à déterminer parce qu'il est délicat à déterminer. Vous avez censuré une incompétence négative du législateur. Vous avez considéré que cette clé de répartition devait être définie par le législateur lui-même.
00:19:56À tout le moins qu'il entoure de garanties suffisamment précises la définition de cette clé de répartition pour que le pouvoir réglementaire ne dispose pas d'un pouvoir qui confinerait à l'arbitraire au sens de votre jurisprudence. Vous pouvez attendre du législateur qui définit cette clé de répartition.
00:20:12Ce n'est pas ce qu'il a fait. Ce n'est pas ce qu'il a fait. Au lieu de définir cette clé de répartition, il l'a purement et simplement supprimé. Il a décidé qu'une fois l'aide publique remboursée, les producteurs devraient reverser la totalité de leurs gains à EDF et à l'État.
00:20:28Je pourrais m'arrêter là parce qu'en somme, là où vous avez décidé que le dispositif qui avait été mis en place méritait d'être précisé dans ces modalités pour que l'atteinte aux droits constitutionnels ne soit pas disproportionnée, le législateur a décidé d'ignorer purement et simplement cette décision et a décidé de supprimer ce dispositif pour y substituer un où tous les gains sont reversés.
00:20:56Vous ne pouvez évidemment pas admettre ce procédé. Je voudrais vous en convaincre. Alors, au-delà de tout ce qui a déjà été dit et pour m'efforcer à cet exercice délicat de ne pas répéter, je voudrais vous en convaincre à travers trois séries d'éléments.
00:21:10Premier élément, c'est un élément, disons, tourné vers l'avenir. J'entends ici le grief que nous avons soulevé, qui est tiré de l'atteinte non pas simplement à la liberté contractuelle, mais de l'atteinte aux effets légitimement attendus des contrats qui ont été conclus.
00:21:30Je sais que c'est une notion que vous avez plutôt l'habitude de manier en matière fiscale, mais il me semble que cette QPC vous donne l'occasion de la consacrer très clairement à propos des contrats. Quels sont les effets légitimement attendus de ces contrats ? Mon confrère vous les a exposés et je voudrais simplement relever que cette atteinte portée aux effets légitimement attendus des contrats, elle est disproportionnée dans ses effets à deux égards.
00:21:56Le premier, c'est qu'il est d'ordre économique.
00:21:59Ça a été évoqué.
00:22:00Si vous admettez que le législateur puisse modifier des contrats en cours d'exécution, alors des contrats en partie réglementés par la loi, j'entends, mais qu'il puisse modifier ces contrats en cours d'exécution, sans prendre en compte les effets qu'on pouvait légitimement attendre de ces contrats, les investisseurs dans le domaine des énergies renouvelables risquent de fuir tout simplement parce qu'il n'y a plus aucune sécurité juridique.
00:22:24Et donc l'insécurité dans laquelle ils vont se trouver, la volatilité des conditions de rémunération qu'ils vont rencontrer sans aucune sécurité, très concrètement risque d'avoir un effet premier immédiat, c'est de mettre en cause le développement des énergies renouvelables.
00:22:38Or, vous savez que l'État français n'a toujours pas atteint ses objectifs dans ce domaine.
00:22:44Et là, je rejoins totalement ce qui a été dit.
00:22:46Je crois qu'il est important de rappeler à l'État qu'il ne doit pas avoir une vision de court terme qui viendrait modifier tous les deux ans les contrats qu'il a conclus pour plusieurs dizaines d'années.
00:22:57Il doit se placer dans un temps long stratégique et l'appréhension de ce temps long passe par les effets légitimement attendus des contrats au moment où ils ont été conclus.
00:23:07Ça, c'est le premier effet pour l'avenir.
00:23:09Le deuxième effet pour l'avenir, il n'est pas d'ordre économique, il est d'ordre climatique.
00:23:14Le développement des énergies renouvelables est un levier absolument indispensable pour permettre à l'État d'atteindre les objectifs qu'il sait fixer, notamment à travers les accords de Paris, en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
00:23:31Et vous savez à cet égard, je ne vous apprends rien qu'un recours est toujours pendant devant le Conseil d'État porté par une commune sur la liquidation de la strainte qui court contre l'État parce qu'il ne parvient pas à atteindre ses objectifs.
00:23:44Permettre aux législateurs d'ignorer les effets légitimement des contrats en cause, des effets attendus des contrats en cause, c'est mettre un coup de frein aux énergies renouvelables.
00:23:57Et c'est donc porter atteinte à cet impératif fondamental, celui du droit à vivre dans un environnement sain.
00:24:04Donc un premier constat s'impose, c'est que sous couvert d'un contentieux technique lié à la rémunération des producteurs dans le cadre des contrats conclus avec l'État pour les énergies renouvelables,
00:24:16c'est en réalité ce droit fondamental et le respect des engagements pris par l'État en matière des émissions de gaz à effet de serre qui est en cause.
00:24:23Deuxième observation, après avoir regardé vers l'avenir, c'est le présent.
00:24:28L'effet immédiat qu'on peut constater de cette disposition législative de l'article 230 de la loi de finances pour 2023, c'est qu'elle porte atteinte à l'égalité de traitement.
00:24:38Elle introduit une différence de traitement injustifiée entre les producteurs d'électricité selon qu'ils sont signataires d'un contrat de complément de rémunération,
00:24:48ce que nous représentons ici, et les producteurs qui opèrent sans contrat spécifique.
00:24:53Alors j'entends bien l'objection immédiate, c'est que ces deux catégories de producteurs sont placées dans des situations différentes, puisque les premiers bénéficient d'un soutien public
00:25:02lorsque les prix du marché de gros de l'électricité sont bas, les seconds n'en bénéficient pas, j'entends.
00:25:07Mais cette différence de situation est sans lien aucun avec la différence de traitement que je pointe ici.
00:25:14Les producteurs qui n'ont pas conclu de contrat de rémunération, contrairement à ce que soutient l'État, et qui n'ont donc pas reçu de soutien public,
00:25:22ces producteurs ont bénéficié comme les autres de la hausse des prix qui est mise en cause par le législateur qui a suscité cette loi.
00:25:29Tous les producteurs d'électricité qui utilisent des technologies, disons, dont le coût marginal est moins élevé, nucléaire, énergie renouvelable, ont bénéficié de ces recettes d'un niveau exceptionnel.
00:25:41Mais dans les deux cas, l'État a mis un dispositif en place pour lutter contre cet effet d'aubaine dans l'intérêt du consommateur.
00:25:49Mais les deux dispositifs qu'il a mis en place sont très différents. Les producteurs qui n'ont pas conclu le contrat de rémunération, vous le savez,
00:25:56sont soumis à une contribution sur la rente inframarginale. C'est l'article 54 de la Loi de finances pour 2023. Cette rente, et c'est important,
00:26:04elle est temporaire et elle ne prive pas les producteurs concernés de l'intégralité des recettes qu'ils ont perçues du marché. Pour les producteurs qui ont conclu un contrat de rémunération,
00:26:15ceux qui sont en cause ici, c'est l'intégralité des recettes dont ils sont privés. Ça revient à une taxation à 100% ni plus ni moins, sans aucune limitation dans le temps
00:26:25et notamment sans aucune limitation au regard du bouclier tarifaire. Donc là, vous voyez bien que sous le prisme de principe d'égalité, au-delà de la différence
00:26:35de situation, ça démontre en réalité une incohérence fondamentale dans le dispositif qui a été mis en place à travers ce déplafonnement total que rien ne justifie.
00:26:45Et on ne voit pas de justification de raison objective qui pourrait expliquer que les opérateurs qui ont des contrats sont privés de tout gain, quand les opérateurs qui n'ont pas ces
00:26:55contrats de rémunération ne sont pas privés, ne le sont que partiellement. Aucune explication n'est donnée par l'État là-dessus. Ça, c'est l'effet immédiat. Troisième et dernière observation,
00:27:05je voudrais me tourner vers la période passée, c'est-à-dire la période antérieure à l'adoption de la loi de finances pour 2023. Et ici, c'est à la question de l'atteinte au droit de propriété
00:27:17que je veux me référer. Vous avez déjà reconnu par une décision du 11 avril 2013 que le droit à la rémunération, le droit à rémunération des fournisseurs d'électricité est protégé au titre
00:27:28du droit de propriété. Il me semble que l'effort n'est pas grand affaire, et d'ailleurs, c'est à mon sens pas un effort, pour considérer que le droit à rémunération des producteurs,
00:27:36à raison de l'électricité injectée sur le réseau, est également protégé au titre du droit de propriété. Et là pointe une difficulté, c'est que l'article 230 des lois de finances
00:27:48pour 2024 remet en cause le droit à rémunération des producteurs au titre de l'électricité déjà injectée sur le réseau, déjà achetée par EDF entre le 1er janvier 2022 et le 30 décembre 2023,
00:28:04date d'entrée en vigueur de la loi. Et c'est d'ailleurs sur ce coeur du litige, sur ce sujet que s'est noué le coeur du litige avec EDF, ça vous a été rappelé, c'est que les producteurs
00:28:16qui ont reversé des gains déjà enregistrés se voient réclamés par EDF de les rembourser sur une base légale qui a donc été modifiée rétroactivement. La difficulté, c'est qu'on doit
00:28:30donc reverser des gains déjà enregistrés au-delà des aides publiques perçues, alors qu'on pouvait légitimement considérer, notamment par l'effet de votre décision du 26 octobre 2023, qu'on
00:28:43pourrait les conserver. Et là, on est en train de retirer quelque chose qui était déjà acquis, soit pour les conserver, soit pour les imputer sur les futures primes positives.
00:28:53Donc à supposer même, et c'est évidemment subsidiaire, à supposer même que vous considériez qu'il serait envisageable pour l'avenir de devoir reverser une toute, mais plutôt une partie
00:29:06de ces gains, pour toutes les raisons qu'on vous a exposées, en tout cas, rien ne peut justifier qu'on impose de les reverser pour le passé alors qu'ils étaient acquis.
00:29:16C'est une atteinte frontale au droit de propriété. Et la rétroactivité me paraît d'autant plus contestable qu'elle manque sa cible. Elle manque sa cible parce que le prix de gros
00:29:26de l'électricité était revenu au moins au second semestre de l'année 2023 à des niveaux bien plus raisonnables. Et il n'est absolument pas évident de considérer que les producteurs
00:29:37ont continué à bénéficier à la fin de la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi d'un effet d'aubaine tel qui vous a été précédemment exposé. Et c'est ici qu'on retrouve
00:29:47effectivement une autre idée. C'est celle de savoir si fondamentalement la loi qui vous est déférée n'est pas une loi de validation. Je sais que devant le Conseil d'État, dans le cadre
00:29:57de décision de renvoi, Mme la rapporteure publique a exprimé des doutes sur le fait que c'était une loi de validation. Moi je ne vois pas de doute concrètement que vous dit EDF
00:30:06dans son mémoire en défense. Il vous dit si vous déclarez la loi inconstitutionnelle, ça remet en cause plus de 20 000 factures que j'ai déjà émises. Si ça c'est pas une loi de validation,
00:30:15qu'est-ce que c'est ? On est en train de valider tout simplement les plus de 20 000 factures qu'EDF a émises sans aucune base légale. Donc un point est certain, c'est que
00:30:26à mon sens, quel que soit le prisme retenu entre ce qui vous a été dit tout à l'heure et ce que je viens de vous exposer, l'atteinte aux effets légitimement attendus des conventions, le principe
00:30:35d'égalité ou le droit de propriété, vous ne pouvez pas laisser en vigueur une loi qui contrevient très directement à la décision que vous avez prise le 26 octobre 2023. Pour toutes ces raisons, je vous
00:30:45demande de la censurer et de déclarer que votre censure aura un effet immédiat. Je vous remercie. Merci maître. Maintenant, nous avons maître Cédric Huzon-Sarano qui est avocat au conseil, qui représente la société
00:30:59Blueberry et 24 autres partis à l'instance dans la première affaire. Maître, vous avez la parole pour 10 minutes. Merci monsieur le président. Monsieur le président, mesdames, messieurs,
00:31:11les membres du conseil constitutionnel, c'est toujours un honneur et un vif plaisir que de venir présenter des observations devant vous. Pourtant, nous n'aurions pas dû avoir à le faire aujourd'hui.
00:31:23Vous l'avez compris, nous n'y sommes contraints que parce que le législateur, ça a été rappelé, je le redis avec une certaine gravité, a dévoyé le sens et la portée de votre précédente décision.
00:31:33Remplacer comme il l'a fait le mécanisme de déplafonnement partiel par un mécanisme de déplafonnement total constitue de sa part plus qu'une contradiction, un reniement. Je veux rappeler d'un mot les travaux préparatoires de la loi de
00:31:45finance rectificative pour 2022. Préserver les espérances légitimes de gains que pouvaient raisonnablement anticiper les producteurs au moment de la conclusion des contrats. Et pour cela, assurer un partage entre
00:31:57l'Etat et les producteurs des gains générés au-delà du tarif de référence. Le législateur actant ainsi lui-même la vocation des producteurs à conserver une partie de ses gains. Voilà ce qui était au cœur du dispositif de déplafonnement partiel que vous avez examiné.
00:32:11Et ça a été rappelé. Vous avez dit d'accord pour un partage mais défini et garanti par le législateur lui-même. Réponse du législateur j'ai compris on va faire simple déplafonnement total. Je prends tout et je réduis à zéro les attentes raisonnables des gains des producteurs au-delà du tarif de référence sur toute la durée des contrats et même rétroactivement.
00:32:37Mes confrères nous ont exposé à l'instant les raisons pour lesquelles cela a heurté plusieurs droits et libertés garantis par la Constitution. Je vous rassure je n'y reviens pas. Je vais concentrer mon propos sur deux points. Le premier c'est le caractère disproportionné des atteintes résultant de ce déplafonnement total. Le second c'est la nature du remède que vous devrez apporter. Nous l'espérons pour la dernière fois à cette atteinte causée au droit dont vous êtes les gardiens mais également au passage ça a été dit à l'autorité de vos décisions.
00:33:06Au regard de l'objectif affiché par l'état la disproportion du déplafonnement total s'attache tout autant à ses effets pour l'avenir qu'à sa portée rétroactive.
00:33:16Concernant l'avenir, alors qu'il s'agissait face à des circonstances exceptionnelles de traiter une augmentation des prix de l'électricité qui était soudaine, imprévisible dans son intensité et a priori réversible, le législateur a mis en place un mécanisme de déplafonnement qui est total, inconditionnel et pérenne sur toute la durée des contrats,
00:33:40qui plus est sans prévoir la moindre clause de sauvegarde permettant de garantir la rentabilité normale des investissements, notamment en cas d'augmentation sensible des coûts d'exploitation, ce qui a concrètement été le cas en période de forte inflation.
00:33:54La disproportion du dispositif est donc à la fois manifeste et structurelle. De fait, les évolutions des prix sur le marché de l'électricité sont venus valider empiriquement ce caractère totalement inadéquat et disproportionné du déplafonnement total sur toute la durée des contrats.
00:34:10Vous le savez, ces prix ont aujourd'hui très nettement reflué pour revenir à un niveau normal ou quasi normal par rapport aux évolutions qui étaient raisonnablement prévisibles sur le marché. Autrement dit, les circonstances exceptionnelles qui ont pu un temps justifier des mesures correctives sont désormais derrière nous.
00:34:28D'ailleurs, le bouclier tarifaire vers lequel n'ont du reste jamais été fléchés les gains captés par l'État au titre du déplafonnement est révolu ou sur le point de se terminer dans les jours qui viennent après avoir connu une diminution progressive et constante.
00:34:43En revanche, le déplafonnement total, lui, il est là pour 20 ans et il vient annihiler sur toute cette durée toute possibilité de gain pour les producteurs au-delà du tarif de référence, ce qui est une négation même de l'économie des contrats de complément de rémunération.
00:35:00Madame Céline Guibé, dans ses conclusions de renvoi de la QPC devant vous, a d'ailleurs stigmatisé sur ce point la lecture très contestable faite par le gouvernement de l'article L314-20 du Code de l'énergie, car cette disposition se borne à exclure toute rémunération excessive résultant du complément versé par l'État.
00:35:18Mais elle n'a ni pour objet ni pour effet de priver les opérateurs bénéficiant d'un contrat en cours de toute possibilité de réaliser des gains raisonnables au-delà du tarif de référence.
00:35:29Le caractère fondamentalement disproportionné de tels effets sur toute la durée des contrats est donc acquis.
00:35:36S'agissons cette fois du passé.
00:35:38C'est la combinaison du caractère total et rétroactif du plafonnement qui vient priver les opérateurs non plus seulement d'espérance légitime, mais de gains déjà réalisés que les titulaires des contrats en cours avaient intégrés à leur plan d'investissement et à leurs résultats.
00:35:55Lors de la précédente QPC dont vous avez eu à connaître, Mme Guybet avait d'ailleurs souligné le caractère extrêmement problématique d'une telle privation rétroactive de droits acquis par une mesure qui s'apparente selon ses propres termes à un prélèvement de nature fiscale.
00:36:11Ce constat vaut évidemment à fortiori s'agissant aujourd'hui du déplafonnement total, autrement dit d'un prélèvement à 100% qui vient capter rétroactivement non plus seulement les éventuels excédents de rentabilité, mais la part de gains qui était et a toujours été raisonnablement prévisible et qui devait comme tel légitimement rester acquise au producteur.
00:36:31Or vous le savez, votre jurisprudence est très stricte quant aux motifs d'intérêt général susceptibles de faire regarder comme justifiés et proportionnés de telles atteintes rétroactives à des droits acquis.
00:36:42En particulier, et il n'y a aucune raison d'affadir votre position sur ce point, un motif purement budgétaire ou financier ne saurait le permettre.
00:36:51En cela, vous partagez d'ailleurs la sévérité de la Cour européenne des droits de l'homme, sévérité qui est bienvenue car il en va de la garantie des libertés économiques fondamentales comme de la sécurité juridique due aux opérateurs économiques comme à tout autre citoyen.
00:37:06Vous devrez donc censurer ce déplafonnement total, et vous le ferez, c'est mon dernier point, avec effet immédiat.
00:37:14Cela a été dit, mais je veux y insister.
00:37:16C'est absolument indispensable pour conférer un effet utile à votre censure, comme vous l'avez d'ailleurs parfaitement compris, en donnant un tel effet immédiat à l'abrogation prononcée par votre précédente décision.
00:37:27Vous aviez ce faisant invité le législateur à purger ab initio, les atteintes justifiant la censure, ab initio, c'est-à-dire en corrigeant en particulier les effets passés résultant de la rétroactivité.
00:37:39Pourquoi ? Parce que ces effets rétroactifs font partie de l'équilibre global de la relation contractuelle et de la logique de partage qu'il s'agit de restaurer.
00:37:48C'est a fortiori le cas s'agissant aujourd'hui de censurer un déplafonnement total, puisqu'il faut cette fois purger une captation rétroactive de droits acquis, qui inclut la part de gains prévisibles pour les opérateurs qui n'auraient jamais dû leur être soustraites.
00:38:01Tout différé d'abrogation viderait donc mécaniquement votre censure, d'une part essentielle de sa portée.
00:38:07Cela reviendrait à acter le fait accompli de l'État et à couvrir, ça a été dit, des demandes de remboursement émises par EDF qui sont incontestablement attentatoires à des droits acquis et comme tels constitutionnellement garantis.
00:38:21Pour terminer, d'un mot, je veux insister sur le fait qu'une telle abrogation à effet immédiat n'aurait aucune conséquence manifestement excessive, en particulier sur le plan budgétaire.
00:38:31Ce qui est clair, si vous nous avez suivi, c'est que le législateur n'a pas le droit d'instaurer un déplafonnement total, mais il lui reste le loisir d'en revenir à un dispositif de déplafonnement partiel en y apportant les correctifs appelés par votre précédente décision,
00:38:45c'est-à-dire en définissant de manière claire et objective cette fameuse clé de répartition des gains, traduisant le partage qu'il a lui-même reconnu devoir mettre en œuvre.
00:38:54L'impact budgétaire sera donc ici à la fois limité et parfaitement légitime puisqu'il s'agit en somme de remédier à la captation indue par l'État de la part de gains dont il n'avait constitutionnellement pas le droit de venir priver les opérateurs bénéficiant d'un contrat en cours.
00:39:10Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil, ce que nous vous demandons est finalement assez simple. Faites-vous mettre du temps. Replacez-nous au matin du 27 octobre 2023, au lendemain de votre précédente décision, afin que le législateur fasse ce qu'il aurait toujours dû faire, c'est-à-dire en tirer les conséquences adéquates.
00:39:30Il en va du respect dû aux libertés économiques et fondamentales et, au-delà même, d'une certaine crédibilité de l'État dans la conduite des affaires économiques et industrielles. Pour les producteurs d'énergie renouvelable que je représente devant vous, cela restaurera, nous l'espérons, la confiance dans la possibilité de réaliser des investissements dans ces secteurs cruciaux pour la transition énergétique, sans craindre l'arbitraire, les revirements ou d'être traités comme une variable d'ajustement.
00:39:57C'est la condition même d'un développement puissant et pérenne de ces filières dans lesquelles l'excellence française a son mot à dire, développement sans lequel les plaidoyers pour la transition énergétique ou les omélies pour les générations futures sonnent trop souvent comme des veupieux désespérant les citoyens.
00:40:15En accueillant la QPC et en censurant avec effet immédiat la disposition contestée, vous enverrez un salutaire message quant au primat de l'État de droit.
00:40:27Merci maître et merci comme à vos collègues de vous être tenus parfaitement dans les délais qui vous étaient impartis.
00:40:36Alors la SCP Bacon-McKenzie dans la première affaire et Pivnica et Molinier dans la seconde, représentants EDF partis à l'instance, ont fait savoir qu'ils s'en remettaient à leurs écritures.
00:40:49Donc maintenant nous allons écouter pour le Premier ministre M. Candidet.
00:40:54Merci M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel.
00:40:58Effectivement, à peine plus d'un an après votre décision de 2023, vous avez de nouveau à connaître des contrats de complément de rémunération d'énergie renouvelable et plus particulièrement à la question de leur déplafonnement.
00:41:09Rappelons très brièvement qu'il s'agit de contrats d'une durée de 20 ans créés par la loi du 17 août 2015 qui permettent aux producteurs de bénéficier d'un niveau de rémunération leur assurant une rentabilité normale
00:41:20via le versement d'une prime versée mensuellement par EDFOA lorsque le prix sur le marché d'électricité est inférieur au tarif de référence. On parle alors de prime positive.
00:41:31Lorsque le prix de marché est supérieur au tarif de référence, la prime est alors dite négative et le producteur doit verser la somme correspondante dans la limite des aides perçues depuis le début du contrat, limitation qui a pris le nom de plafonnement.
00:41:45L'augmentation aussi brutale qu'extrêmement significative des prix d'électricité à compter de l'automne 2021 a perturbé l'équilibre initial de ce mécanisme.
00:41:57Un effet d'aubaine est alors apparu pour des producteurs qui, après avoir bénéficié du versement de prime positive, ont pu dégager des profits aussi importants qu'imprévus dans leur ampleur.
00:42:07La commission de régulation de l'énergie a ainsi estimé les gains au-delà du plafond pour l'ensemble des producteurs à 132 millions d'euros en 2021 et 2,4 milliards en 2022.
00:42:17Afin de limiter le bénéfice de ces surprofits, le législateur est intervenu une première fois, cela a été largement rappelé par l'article 38 de la loi de finances rectificatives pour 2022,
00:42:29afin de déplafonner l'ensemble de ces contrats de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2022 dans la limite d'un mécanisme de prix seuil qui avait été fixé par arrêté à un niveau inférieur à celui du prix de référence.
00:42:43Vous avez censuré cette disposition par votre décision 1065-QPC au seul motif qu'en s'abstenant de définir lui-même les critères de détermination du prix seuil,
00:42:53le législateur avait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectaient le droit au maintien des conventions légalement conclues.
00:42:59Réagissant rapidement lors de la discussion sur la loi de finances pour 2024 et afin de poursuivre son attention initiale tout en tirant toutes les conséquences de votre décision précitée,
00:43:15le gouvernement, par un amendement au projet de loi de finances pour 2024, le 7 novembre 2023, a instauré un nouveau mécanisme de déplafonnement de ces contrats sans aucune référence désormais à la notion de prix seuil sur le fondement duquel vous aviez censuré le précédent dispositif.
00:43:33Il résulte ainsi désormais des dispositions du second alinéa de l'article 230 de la loi de finances pour 2024 qu'à compter du 1er janvier 2022, lorsque la prime à l'énergie mensuelle est négative, le producteur est redevable de l'intégralité de la somme correspondante.
00:43:49Vous pourrez de nouveau juger que, par ce mécanisme de déplafonnement, le législateur a entendu poursuivre un objectif d'intérêt général qui justifie l'atteinte aux conventions légalement conclues qui en résultent.
00:44:01De nouveau, car vous avez déjà expressément reconnu que le mécanisme de déplafonnement, le mécanisme de déplafonnement, poursuit un objectif d'intérêt général.
00:44:13Ainsi, permettez-moi de citer le paragraphe 13 de votre précédente décision dans laquelle, très clairement, vous avez dit, nous citons, en adoptant les dispositions contestées dans un contexte de forte hausse des prix de l'électricité,
00:44:25le législateur a ainsi entendu corriger les effets d'aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public afin d'atténuer l'effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final.
00:44:35Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. Vous pourrez identifier ce même objectif d'intérêt général dans les dispositions contestées qui ont le même objet,
00:44:45qui poursuivent le même objectif que les dispositions de l'article 38 de la loi de finances rectificative pour 2022. Et il suffit pour s'en convaincre de se référer à l'exposé des motifs de ces deux dispositions.
00:44:55Dans des termes équivalents à ceux employés en 2022, et qui reprennent d'ailleurs ceux de votre propre décision, l'exposé sommaire de l'amendement à l'origine de l'article 230 de la loi de finances pour 2024 précise que cette disposition
00:45:09vise à corriger les effets d'aubaine dont ont bénéficié les producteurs qui ont reçu un soutien public. Reprenant les termes même de votre décision, il est difficile de soutenir qu'il s'agissait de la contrecarrée.
00:45:21Vous pourrez donc de nouveau reconnaître que le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général. Et pourquoi ? Parce que ce mécanisme de déplafottement est de nature à garantir qu'en cas de nouvelles hausses des prix de l'électricité,
00:45:37si nous étions amenés à revivre dans le futur ce qui s'est passé il y a deux ans, les producteurs qui ont bénéficié de l'aide de l'État ne bénéficient pas de nouveau d'un éventuel effet d'aubaine.
00:45:49Il est soutenu que ce déplafonnement priverait les producteurs d'une partie de leur rémunération, et ce alors que certains producteurs auraient anticipé dans leur contrat l'augmentation du prix d'énergie.
00:46:03Mais ainsi que vous l'avez souligné au point 13 de votre décision du 26 octobre 2023, la très forte augmentation des prix de l'électricité était imprévisible lors de la conclusion des contrats de complément des rémunérations par les producteurs.
00:46:17Rappelons que nous sommes passés en 2016 d'un tarif de 36,7 euros du mégawattheure à 276 en 2022. Les requérants et intervenants ne peuvent donc sérieusement soutenir que le déplafonnement les priverait d'une rémunération qui aurait été anticipée au moment de la signature des contrats et donc d'une rémunération raisonnable.
00:46:39Ces profits n'étaient pas anticipables, ils ne pouvaient donc être légitimement attendus. La suppression du plafonnement ne met fin pour les producteurs qu'à la possibilité de réaliser des profits qui n'avaient pu être anticipés.
00:46:53Et contrairement à ce qui est soutenu, cela n'a pas pour effet de remettre en cause la garantie d'une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés tenant compte des risques inhérents à leur exploitation pour reprendre les termes de votre décision paragraphe 14.
00:47:09La garantie de rémunération invoquée par les partis procède du complément de rémunération lui-même et qui est évidemment maintenu. Cette garantie de rémunération ne procède pas du plafonnement des primes négatives mais nous insistons du mécanisme de complément lui-même.
00:47:29Dans ces conditions, le législateur n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues. Au regard de cet objectif d'intérêt général tel que l'avait défini le législateur et tel que vous l'avez vous-même reconnu, la rétroactivité de la mesure de déplafonnement s'imposait.
00:47:51En effet, dès lors que l'objectif poursuivi était de lutter contre les effets d'aubaine, l'effectivité de la mesure imposait qu'elle s'applique dès l'augmentation constatée des tarifs soit dès le 1er janvier 2022. Et la circonstance qui a été invoquée que depuis les tarifs aient significativement baissé et sans incidence sur cette exigence de rétroactivité et donc sur la nécessité d'appliquer ce mécanisme au moment où ces effets d'aubaine se sont fait sentir,
00:48:20c'est-à-dire en 2022 et 2023. Pour les mêmes considérations liées à l'objectif d'intérêt général poursuivi, vous pourrez juger que les limites apportées à l'exercice du droit de propriété en ce qui concerne seulement les gains déjà perçus et dont le montant dépassé celui des aides perçues sont proportionnées.
00:48:40La société éolienne des tulipes soulève également un grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. En l'espèce, la différence de traitement entre les producteurs d'électricité bénéficiant d'un complément de rémunération et les autres est fondée sur une différence de situation en lien avec l'objet de la loi.
00:48:59En effet, les producteurs d'électricité n'ayant pas conclu de contrat de complément de rémunération n'ont, par hypothèse, pas reçu la garantie de rémunération offerte par ces contrats. Ils n'ont ainsi pas profité, dans les mêmes conditions que les autres, de la hausse des prix de l'électricité pour réaliser des surprofits. Ces dispositifs contestés ne créent donc pas de différence de traitement injustifié.
00:49:23Un dernier mot, pour s'en tenir autant un parti, sur la question de la nature de ces dispositions qui constitueraient, cela a été dit par l'ensemble des contradicteurs, d'une loi de validation déguisée.
00:49:40Mais les dispositions de l'article 230 de la loi de finances pour 2024 ne peuvent être ainsi qualifiées. Et je me permets de corriger ce qui a été dit. La rapporteure publique, dans ses conclusions sur l'arrêt de transmission, a dit clairement que, selon elle, il ne s'agissait pas d'une loi de validation et ce n'est absolument pas le motif de la transmission de la QPC devant vous.
00:50:00Ce n'est pas une loi de validation car telle n'était pas l'intention du législateur. Il ressort expressément des travaux parlementaires que l'objectif du législateur est de mettre en conformité ce dispositif de déplafonnement avec votre décision d'abrogation.
00:50:18Voilà pour l'intention du législateur. Mais il ressort aussi de la lettre même de ces dispositions qu'il ne s'agit pas d'une loi de validation. Une loi qui entend valider rétroactivement des actes, son objet même étant celui-ci, elle mentionne les actes qu'elle entend valider.
00:50:33Or, en l'espèce, nulle trace d'une telle mention, ce qui est d'ailleurs reproché dans les écritures des partis. Mais s'il n'y a ni définition de la portée de la validation qui serait mise en œuvre, ni aucune référence aux actes administratifs irréguliers qui seraient ainsi validés, ce n'est pas la preuve d'une inconstitutionnalité, mais bien au contraire la preuve de l'absence du législateur de vouloir procéder à une telle loi de validation.
00:50:57Il s'agit simplement pour le législateur de substituer au mécanisme censuré un nouveau mécanisme purgé du vice d'inconstitutionnalité. Et en tout état de cause, ces dispositions respectent, là encore contrairement à ce qui vous a été exposé tout à l'heure, respectent les exigences constitutionnelles applicables aux validations législatives.
00:51:21Elles sont justifiées par un motif impérieux d'intérêt général qui a déjà été largement invoqué. Et elles ne portent pas atteinte à l'autorité des décisions de justice. Les dispositions contestées, nous insistons, n'ont absolument pas été adoptées pour faire obstacle à votre décision de non-conformité. C'est bien rigoureusement l'inverse. Aucune exigence constitutionnelle n'ayant été méconnue. Je vous invite à déclarer les dispositions contestées conformes à la Constitution.
00:51:45Merci, M. Corbière. Alors, nous venons d'entendre les arguments de part et d'autre qui étaient très clairement développés. Est-ce qu'un membre ou une membre du Conseil a des questions à poser ? M. le conseiller François Pillet.
00:52:15Alors, qui est-ce qui veut répondre ? Parmi les avocats, allez-y. Vous-même ? Non, il faut parler là.
00:52:45Au fond, ces gens-là sont bien contents avec un contrat qui demande rémunération. On est bien gentil de les aider. On oublie un petit peu que ce sont des politiques politiques relativement importantes.
00:52:55Et en plus, ils ont le droit de sortir des contrats. C'est un argument qui est utilisé par le gouvernement. Je crois que c'est oublié quelque chose d'assez fondamental.
00:53:02Tous les projets qui sont financés, les producteurs qui sont devant vous font ce qu'on appelle des financements de projets. C'est-à-dire que pour financer leurs projets, ils ont recours à la dette.
00:53:11Ils ont recours à des prêteurs. Et effectivement, le grand intérêt des contrats de complément de rémunération, c'est d'apporter la garantie, notamment pour les prêteurs,
00:53:20qu'en tout état de cause, il y aura toujours ce revenu minimal, non pas cette rentabilité minimale, mais ce revenu minimal. De sorte que même quand vous êtes dans une situation où les prix sont effectivement
00:53:31un peu au-dessus des tarifs de référence, vous ne pouvez pas, quand vous êtes tenus par ces financements de projets, sortir de ces projets. Ceux qui sortent de ces contrats aujourd'hui,
00:53:39ce sont les grands groupes indépendants, les grands groupes énergétiques qui, effectivement, ont les épaules suffisamment solides pour sortir de ces contrats sans aucun problème.
00:53:47Donc cet argument qui est parfois utilisé par le gouvernement n'a absolument aucun sens et de toute façon, il ne s'en rapporte pas aux questions d'intérêt général qui sont discutées dans ce dossier.
00:53:58Merci. M. Corbière, vous voulez dire un mot sur ce sujet ? Non ? Autre question. M. le conseiller Michel Pinault.
00:54:07Oui, alors il a été soutenu à la barre que le nouveau régime résultant de l'article 230 pouvait avoir des effets répulsifs sur l'entrée ou la poursuite d'activité de certains opérateurs.
00:54:27Alors, moi je serais intéressé par la question de savoir s'il y a effectivement eu un effet, je dirais, de ralentissement des investissements dans le secteur depuis l'intervention de l'article 230.
00:54:45Est-ce que vraiment le flux d'investissements nouveaux dans les énergies renouvelables s'est sensiblement réduit ou pas ? Merci. Qui veut répondre ? Maître.
00:55:00Je n'ai pas, M. le conseiller, de réponse précise à votre question. C'est peut-être un peu décevant. Ce qui est certain, oui, c'est décevant parce que vous me posez une question précise.
00:55:12Mais néanmoins, j'ai des éléments à apporter. La première chose, c'est qu'on est sur des contrats de long terme. Les groupes, je n'ai pas prétendu à la barre tout à l'heure que les groupes qui sont devant vous vont quitter le territoire.
00:55:24Ce que je prétends, en revanche, et avec certitude, c'est qu'un certain nombre de ces groupes aujourd'hui orientent leurs investissements nouveaux sur d'autres pays que la France.
00:55:34Considère que ce n'est pas un pays sur lequel il y a une sûreté, une certitude, une visibilité suffisamment claires. La deuxième chose qui est très importante, c'est qu'évidemment cette question de l'attractivité du territoire
00:55:46et la remise en cause de contrats est une question qui est difficile à chiffrer, et je peux comprendre votre question. Mais la réalité, c'est qu'aujourd'hui, le sujet, ce n'est pas de savoir si les groupes qui sont devant vous vont sortir et arrêter leurs investissements.
00:55:59Les groupes qui sont devant vous, ce sont des spécialistes des énergies renouvelables, donc c'est leur métier, donc ils vont plutôt rester. La question pour la France, ce n'est pas de stabiliser ses investissements, c'est d'accélérer brutalement, massivement.
00:56:08La France, c'est l'un des pays les plus en retard au niveau de l'Union européenne sur le développement de l'énergie renouvelable. C'est ça la réalité. Et il est évident, chacun peut le comprendre, qu'un pays qui remet en cause, notamment cette fois, on n'est pas sur des soutiens publics qui sont baissés, on est sur des revenus de marché captés et qui étaient des gains potentiels, il est évident que cela peut avoir un effet diffus.
00:56:28Répondre précisément à cette question, je ne peux pas le faire aujourd'hui. Mais un dernier élément là-dessus, il y a les investisseurs qui font cette QPC, mais il y a tous les investisseurs qui aujourd'hui préfèrent se concentrer sur les énergies fossiles parce que c'est plus lucratif.
00:56:40Ces investisseurs, si on ne leur envoie pas des signaux pour leur montrer qu'il est beaucoup plus intéressant d'aller vers les secteurs vertueux, je pense qu'il vaut mieux s'éteindre des espérées. Voilà ma réponse.
00:56:52Allez-y.
00:56:55Une réponse en deux temps.
00:56:58Vous avez déjà fait en son temps d'ailleurs, c'est que sur le précédent mécanisme dans l'intervalle de temps qui séparait 2022 d'octobre 2023, il ne s'était rien passé de tel.
00:57:12Je ne peux pas non plus vous apporter une réponse extrêmement précise, même si a priori, je n'ai pas d'éléments qui ferait penser qu'il y a eu une chute massive ou un ralentissement significatif.
00:57:22Mais si jamais je vous le propose, si jamais j'obtiens des éléments plus précis, je vous les prépare venir par une note en délibéré.
00:57:29Merci. Autre question. Monsieur le conseiller.
00:57:33Merci, monsieur le président. Une question purement juridique qui s'adresse principalement à monsieur et qui porte sur la portée qu'il faut conférer des dispositions qui ont été évoquées par.
00:57:48L'article L314-20 du code de l'énergie qui est une disposition importante dans notre première décision.
00:57:58Nous étions fondés sur elle pour noter en particulier qu'elle paraissait garantir une rémunération raisonnable des capitaux et comme l'a montré le débat devant le conseil d'État.
00:58:11Les conclusions de Mme Guibé qui ont été mentionnées. Il peut être fait une lecture différente de cette disposition.
00:58:19Puisqu'elle dit ceci. Le niveau de ce complément de rémunération ne peut conduire.
00:58:25C'est négatif. Ne peut conduire à ce que la rémunération totale des capitaux excède une rémunération raisonnable des capitaux.
00:58:33Et la phrase suivante ajoute dans la logique de ce plafonnement en quelque sorte que le bénéfice du complément de rémunération peut à cette fin être subordonné à la renonciation par le producteur à certaines des aides financières ou fiscales.
00:58:46Ma question est la suivante. Est-ce que dans votre analyse.
00:58:50Est-ce que cette disposition là vous paraît être un élément de plafonnement sur lequel se fonde le dispositif qui a été adopté par le Parlement dans ce nouveau texte.
00:59:01Merci M. Gros-Guillem. Alors effectivement dans votre dans votre précédent vous étiez fondé sur sur cette décision sur cette disposition.
00:59:14Alors je ne pense pas si j'ai bien compris votre question qu'on puisse considérer qu'il s'agisse du fondement juridique direct du dispositif.
00:59:24C'est un élément central sur cette question même si je ne doute pas que ça va encore nous faire réagir de l'autre côté de la barre de la rémunération raisonnable de la garantie de rémunération.
00:59:35C'est bien le tarif de référence c'est la raison d'être de ce mécanisme.
00:59:40Alors de l'autre côté de la barre c'est vous.
00:59:44Oui j'ai voulu mettre ce point dans le débat ça me paraît très important et vous avez fait écho à l'analyse de Mme Guibé dans ses conclusions.
00:59:55Peut-être est-ce l'objet du mépris de la part du législateur en lisant votre précédente décision.
01:00:03L'article L314-20, vous l'avez rappelé, son objet c'est de faire en sorte que l'aide versée par l'État, le fameux complément de rémunération, n'aboutisse pas à une rémunération excessive.
01:00:17Ça ne parle pas de rentabilité, ça a été dit.
01:00:19Il faut bien voir qu'on parle d'une rémunération minimale, c'est l'objet du complément de rémunération, c'est l'objet du tarif de référence.
01:00:27Mais ça ne garantit pas la rentabilité parce qu'on a des questions de coûts et concrètement les opérateurs ont été confrontés à des coûts qui ont augmenté.
01:00:35Première observation.
01:00:36Deuxième observation, je trouve qu'il y a une incohérence dans la manière du législateur lui-même de comprendre ce texte entre la première QPC et la seconde
01:00:46et entre le premier texte que vous aviez censuré et celui que vous examinez aujourd'hui puisque la lecture qu'on vous propose aujourd'hui de l'article L314-20 du côté du gouvernement
01:00:56consiste à dire que nous sommes en rémunération excessive, ipso facto, au premier euro au-delà du tarif de référence.
01:01:04La rémunération raisonnable serait le tarif de référence et au-dessus, au premier euro, nous sommes en rémunération excessive.
01:01:10Je crois que c'est un contresens au regard de ce que dit l'article L314-20.
01:01:15Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Mme Guibé qui vous le suggère en tout cas et c'est surtout ce qu'avait reconnu le législateur lui-même dans le précédent dispositif
01:01:23puisqu'il reconnaissait la vocation des opérateurs à conserver des gains légitimes et prévisibles au-delà de ce tarif de référence.
01:01:31Donc pour moi ça oblitaire la lecture qu'on vous propose aujourd'hui du côté du gouvernement de cet article L314-20.
01:01:39Cet article n'a pas pour objet ni pour effet de permettre à l'État de capter l'ensemble des gains au-delà du tarif de référence.
01:01:47Le tarif de référence n'est pas le seuil de la rémunération excessive.
01:01:51Merci. Je vous en prie. Maître et ensuite M. Ganguillem. Allez-y, je vous en prie.
01:01:58Je souscris évidemment à tout ce qui a été dit par mon confrère.
01:02:01Je voudrais ajouter que cette disposition très importante à laquelle, M. le Conseiller, vous faites référence,
01:02:05elle fixe un plafond lorsqu'une aide est versée puisqu'elle y est le niveau de l'aide.
01:02:11Mais évidemment lorsqu'on sort du cadre où une aide est versée, c'est-à-dire où les prix de marché deviennent supérieurs au tarif de référence
01:02:18et où on a remboursé toute l'aide, en réalité il n'y a plus cette contrainte.
01:02:22Cette contrainte dans cet article c'est un plafond et effectivement avec une rémunération non excessive quand il y a une aide.
01:02:28Quand il n'y a plus d'aide, ce qui est le cas qui vous est proposé aujourd'hui,
01:02:31on est dans des revenus de marché additionnels et on rentre dans un cadre juridique qui n'est plus le tout même
01:02:35et qui n'est plus contraint par cette disposition.
01:02:37Et ça c'est une erreur d'analyse du gouvernement, en tout cas c'est un argument qui juridiquement n'a aucun sens.
01:02:43Et ça a été rappelé par Céline Guibé dans ses conclusions.
01:02:45Alors, aucun sens M. Ganguillem ?
01:02:49C'était juste une réaction très rapide au propos de Maître Usain Sarno.
01:02:52Évidemment si l'article 314-20 permettait lui-même le déplafonnement, il n'y aurait pas eu besoin de prendre les dispositions contestées.
01:03:00Autre question ?
01:03:03Il n'y en a point ?
01:03:04Très bien.
01:03:05Alors, nous sommes bien éclairés, cet échange était utile.
01:03:10Nous sommes aujourd'hui le 14 janvier.
01:03:14Nous rendrons public notre décision dans dix jours, le 24 janvier.