Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bruno Cardo, bonjour, bienvenue à Pas trop en question.
00:04Vous êtes agriculteur dans l'Aisne.
00:06Oui.
00:07Et alors j'ai envie de vous dire, moi je sais,
00:10et maintenant on a bien compris que vous étiez des entrepreneurs comme les autres.
00:13Tout à fait.
00:14Et comment ça se fait que, c'est récent, ça fait deux ans, trois ans peut-être,
00:17que tout d'un coup on vous considère comme des entrepreneurs.
00:20Avant il y avait les agriculteurs, c'était un monde à part.
00:23Qu'est-ce qui a changé ?
00:25Bon, ce qui a changé, est-ce que c'est une prise de conscience, je ne sais pas,
00:28ce qui est sûr, c'est qu'on a les mêmes paramètres que tous les entrepreneurs.
00:31On a des clients qui sont indirectement sur la planète,
00:35indirectement parce qu'on est en coopérative,
00:37et on a des salariés, on travaille des capitaux.
00:41Vous avez des papiers à remplir.
00:44Administratifs si on en parle là, oui, évidemment il y en a énormément.
00:48Et donc, vous êtes vraiment des entrepreneurs,
00:50mais je crois que cette prise de conscience quand même a été assez récente.
00:54Mais pourquoi est-ce que vous n'êtes pas plus défendus ?
00:56Vous l'êtes peut-être, mais nous on a des associations patronales, qui râlent, etc.
01:00Et on parle des patrons, et vous n'êtes pas dedans, alors que vous devriez être dedans.
01:04En fait, on a des grands syndicats nationaux.
01:07On en a quatre, dont le moins qui est majoritaire.
01:10La FNSU.
01:11Oui, c'est celui-là, oui.
01:12Après, moi j'aime bien la casquette aussi associative.
01:16Je me suis d'ailleurs pas mal impliqué là-dessus depuis quelques années,
01:19à travers les réseaux sociaux, pour essayer tout simplement
01:22de faire de la pédagogie de la vulgarisation,
01:24parce que je me suis rendu compte, depuis l'agribashing de 2016,
01:27pas tout seul d'ailleurs avec l'association,
01:29qu'en fait il y a beaucoup de choses qui arrivent sur nos fers,
01:32des décisions, des lois ou quoi que ce soit,
01:34qui naissent en fait d'incompréhension.
01:36Et souvent d'une incompréhension peut naître une colère,
01:40une colère qui alerte un élu, et un élu qui finit par décliner en loi,
01:43alors qu'on n'en a pas besoin.
01:44Il y aurait peut-être qu'il suffisait d'expliquer en amont.
01:46Mais pardonnez-moi, c'est la même chose pour toutes les entreprises.
01:49Sûrement, bien sûr.
01:50Mais exactement la même chose.
01:51Ils ne se rendent pas compte de ce que c'est,
01:52ils ne se rendent pas compte de la façon de triper la pratique qu'on peut avoir.
01:56Et c'est très grave pour nous.
01:58Il y a une pédagogie des élus à faire.
02:00Et parenthèse, mais en ce moment la situation est très difficile pour les entreprises.
02:04Est-ce que vous vivez de la même façon cette situation ?
02:07Est-ce que la politique actuelle avec les aléas qu'on connaît sont un problème ?
02:13Ma ferme est totalement stoppée depuis janvier.
02:16En fait depuis janvier, il ne se passe plus rien.
02:18On a eu les deux chasses d'eau, la dissolution et la motion de censure.
02:21Ah oui, les chasses d'eau, c'est le tabou en termes.
02:23Oui carrément, parce que j'ai même carrément le sentiment depuis quelques années,
02:26on nous a mis au fond de la cuvette en attendant je ne sais pas quoi
02:28ou en se disant que ce n'est pas grave, on va importer.
02:30Parce que je rappelle quand même que tout ce qu'on ne produit pas en France, c'est importé.
02:33Dans les rayons, on ne voit pas la différence.
02:35C'est comme ça.
02:36Je ne suis pas désespéré.
02:38On se bat beaucoup.
02:39Mais bon, on a tellement d'aléas.
02:41Aujourd'hui, on a les fameux aléas climatiques qui ont été vraiment énormes en 2024.
02:44On a des aléas géopolitiques que tout le monde a subis.
02:47Avec la crise de l'énergie, nous, c'était les engrais et le gaspillage.
02:49Et puis là, ce qui est le plus insupportable, c'est les aléas réglementaires.
02:52Insupportable.
02:53Donc vu que c'est des aléas aujourd'hui, c'est du très court terme.
02:56On n'a aucune vision et aucun chef d'entreprise ne peut mener sa barque
02:59sans un minimum de vision.
03:01Mais là, on n'est même pas à un an.
03:03Alors, je suis complètement d'accord.
03:04Est-ce que vous avez...
03:05Parce que ce que vous dites, ça devrait être consensuel,
03:07puisqu'ils sont en train de chercher des points consensuels.
03:09Je veux dire, j'ai entendu le RN qui défendait les agriculteurs
03:12et qui, soi-disant, dissolvait pour les aider.
03:17J'entends.
03:18Enfin, il n'y a personne qui ose dire qu'ils sont contre les agriculteurs.
03:20Donc, est-ce qu'ils ne sont pas capables de se mettre d'accord,
03:22en tout cas pour vous ?
03:23C'est ça qui est désespérant.
03:24À un moment donné, c'est plus qu'une cause nationale.
03:26On parle de souveraineté nationale, souveraineté alimentaire.
03:29La première souveraineté.
03:30Mais il ne faut pas que le dire, il faut le faire.
03:32Et pour le faire, il y a sûrement des compromis.
03:34Il y a sûrement un moment donné, se dire, allez, stop, on arrête là.
03:36On va vraiment arrêter toutes ces importations
03:38avec des normes qui sont totalement différentes des nôtres.
03:41Alors ça, c'est le problème compliqué de souveraineté, certes,
03:44mais en même temps de libéralisme, de libre concurrence.
03:47Donc, c'est assez compliqué.
03:49On a vu ce que c'était avec le Mercosur.
03:50Tout à fait, on est pour les échanges.
03:51Oui, on est pour les échanges.
03:52Mais au-delà de ça, imaginons que ça encore, on n'y touche pas.
03:55Mais d'abord, une ferme, c'est très joli d'avoir une ferme.
03:59Est-ce que ça a un nom de société ?
04:00C'est un beau bureau.
04:01Oui, vous m'avez montré un jour votre champ en disant c'est mon bureau.
04:04C'est ça, c'est mon bureau.
04:05Oui.
04:06Ça peut être un champ ou une étable.
04:08Je faisais encore de l'élevage il y a 7, 8 ans.
04:10Donc, voilà.
04:11Et comment s'appelle votre entreprise ?
04:13Alors, c'est une société SCEA, SCEA Cardo.
04:16Et j'ai une petite structure juste à côté,
04:18parce qu'en fait, je produis de l'énergie renouvelable, du photovoltaïque.
04:21C'est une SARL, Cardo Énergie.
04:24Il y a une éolienne aussi.
04:25Et donc, je produis sur la ferme.
04:27Depuis la conversion de la ferme en des bâtiments d'élevage,
04:30en toits photovoltaïques,
04:32c'est à peu près l'équivalent de la consommation de 900 habitants.
04:35Formidable, vous êtes un vrai entrepreneur.
04:37Et est-ce que ce n'est pas possible de mettre,
04:40est-ce qu'il faut absolument les éduquer, nos politiques ?
04:42Est-ce que vous n'avez pas des revendications simples
04:45qui pourraient être acceptées par tout le monde ?
04:47Tout le monde sait que c'est plus rentable,
04:49aujourd'hui, d'être agriculteur.
04:50Vous n'avez plus de marge, pratiquement.
04:52Il nous faut du revenu.
04:53Et le revenu, c'est une équation toute bête.
04:54C'est un rendement,
04:55donc un volume produit sur 10 000 m², un terrain de foot,
04:58multiplié par un prix, moins des charges.
05:00Il faut absolument compresser nos charges.
05:02On a vraiment beaucoup plus de charges,
05:04même que nos voisins européens, c'est pour le dire.
05:06Il y a un gros levier là-dessus.
05:08Après, je ne suis pas élu, je ne vois pas.
05:10Il y a sûrement beaucoup de leviers.
05:11Et puis les prix aussi, il faut tout faire
05:13pour qu'ils se stabilisent à minima,
05:15qu'ils augmentent.
05:16Et tout ça fera qu'on aura plus de revenus.
05:19Moi, plus j'ai de revenus,
05:20plus je vais faire toutes les transitions qu'on me demande.
05:22Je sais qu'on est au pied du mur,
05:23on a plein de transitions à faire.
05:24Mais en fait, plus je gagne de pognon, entre guillemets,
05:27plus j'irai vite vers la fameuse agroécologie
05:29dont on nous parle.
05:30C'est aussi bête que ça.
05:31Et une dernière question.
05:32Est-ce que vos relations avec la grande distribution,
05:34très rapidement,
05:36contribuent beaucoup à vos marges ou pas ?
05:38Est-ce que ça se passe bien ?
05:39On a toujours l'impression que c'est la grande distribution
05:41qui est en opposition avec les agriculteurs.
05:43J'ai des collègues qui sont en circuit court.
05:45Par exemple, là, on commercialise du vin,
05:47c'est tout frais, du chardonnay.
05:49Donc, ça va être plus du circuit court.
05:51Ensuite, tout ce qui est production locale,
05:54ça, c'est une petite part aussi.
05:55Le gros volume, oui.
05:56Le gros volume, c'est les GMS.
05:57C'est aussi, on n'en parle pas assez à mon avis,
05:59c'est tout ce qui est restauration hors domicile.
06:01Si j'ai un message à passer,
06:02il faut absolument qu'on ait beaucoup plus de traçabilité
06:04sur la restauration hors domicile.
06:06Il faut vraiment que le consommateur ait un vrai choix.
06:09Après, on respectera toujours le choix qu'il fait,
06:11mais traçabilité,
06:12il y a beaucoup de leviers politiques là-dessus, à mon avis.
06:14C'est le mot de la fin.
06:15Merci infiniment.
06:16Merci.
06:17A bientôt pour un rendez-vous nouvel.
06:19Merci.
06:20Au revoir.