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Xerfi Canal a reçu Paul Charon, Directeur du domaine « Renseignement, anticipation et stratégies d’influence, Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM), pour parler de la « russianisation » des opérations d’influence chinoises.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Paul Charon.
00:09Bonjour.
00:10Paul Charon, vous êtes directeur du domaine renseignement, anticipation et stratégie
00:14d'influence à l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire, l'IRSEM.
00:19Les opérations d'influence chinoise à un moment machiavélien.
00:23C'est le ouvrage que vous publiez 700 pages pour comprendre la Chine et comment la Chine
00:28influence le monde.
00:30Ce qui est très intéressant, on va commencer par là, c'est ce sous-titre « un moment
00:35machiavélien ». Vous évoquez dans l'ouvrage l'idée d'une forme de russianisation
00:41de la Chine en matière d'influence avec cette idée empruntée à Machiavel que vous
00:46allez développer qui est qu'il vaut mieux être craint qu'aimé pour être simple.
00:51Exactement.
00:52C'est effectivement l'hypothèse centrale de notre travail, cette idée d'une russianisation
00:59des opérations d'influence chinoise.
01:01Cette russianisation a trois significations différentes.
01:05La première, c'est l'idée que pendant longtemps, la Chine a plutôt essayé de construire
01:12un soft power, elle a essayé de séduire l'Occident, de se montrer sous un jour extrêmement
01:17favorable à travers les instituts confucius, sa culture très ancienne, les arts martiaux,
01:23la médecine traditionnelle chinoise, etc.
01:26On a remarqué que depuis une dizaine d'années au moins, et puis surtout depuis l'arrivée
01:31au pouvoir de Xi Jinping, il y a eu un changement dans les modes opératoires chinois, dans
01:38le type d'opérations d'influence qu'ils ont mis en œuvre, avec l'idée cette fois-ci
01:44qu'il est sans doute plus sûr d'être craint que d'être aimé, et ça c'est
01:49effectivement une phrase qu'on emprunte au prince de Machiavel et c'est pour ça
01:52qu'on parle de « moment machiavélien ».
01:54Or, ça c'est exactement la trajectoire russe, les Russes ont suivi cette trajectoire-là
01:58aussi, il y a eu un moment après l'effondrement de l'Union soviétique où on a cru pouvoir
02:04réintégrer en quelque sorte la Russie dans le système international et en faire un acteur
02:11respectable disons, et ça a échoué pour tout un tas de raisons sur lesquelles je ne
02:17reviens pas, mais en tout cas ça a conduit la Russie à se diriger vers un mode opératoire
02:23beaucoup plus agressif, coercitif, en remettant au goût du jour des pratiques de subversion
02:31qui avaient lieu pendant la guerre froide, que les Russes appelaient, les Soviétiques
02:34appelaient les mesures actives.
02:35Et la Chine a suivi un petit peu cette même trajectoire, en abandonnant progressivement
02:42ou en tout cas en plaçant en deuxième rideau plutôt les opérations de séduction et en
02:48mettant en avant maintenant l'ingérence, la subversion, la coercition.
02:53Mais la russianisation c'est aussi deux autres choses pour nous, d'abord la russianisation
02:58c'est aussi un emprunt des méthodes russes, notamment en matière de désinformation,
03:03et en particulier sur les réseaux sociaux, sur l'Internet disons, là la Chine puise
03:07très clairement dans les modes opératoires, dans le répertoire d'action des Russes.
03:13Et cette russianisation est aussi une soviétisation, parce que les Chinois empruntent non seulement
03:19les méthodes russes actuelles, mais aussi les méthodes soviétiques de la guerre froide.
03:22Et il y a notamment une opération qui l'illustre parfaitement dans notre travail, qu'on a
03:28baptisée Infection 2.0, et qui est une copie de l'opération Infection que le KGB avait
03:34mis en œuvre en 1983, pour faire croire que les Américains, l'armée américaine
03:39plus précisément, avaient fabriqué le virus du Sida.
03:42Les Chinois ont récupéré cette opération, ils ont suivi à peu près le même circuit,
03:48les mêmes étapes, pour faire croire, au moment de la pandémie de Covid-19, que c'est
03:53les Américains encore une fois, et la même base, ils ont accusé la même base que les
03:56soviétiques en 1983, d'avoir fabriqué le virus du SARS-CoV-2, et donc d'être responsable
04:02de la pandémie de Covid-19.
04:03C'est tout ça la russianisation des opérations d'influence chinoise.
04:07Il est essentiel de bien en comprendre les acteurs et les modalités d'action.
04:13Oui.
04:14Pour tout ça, on lira votre ouvrage, les opérations d'influence chinoise, un moment
04:18machiavélien, c'est issu d'un rapport du centre de recherche qui est devenu un ouvrage.
04:23Exactement.
04:24Merci à vous.
04:25Merci.

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