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Lundi 25 novembre 2024, SANTÉ FUTURE reçoit Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;)

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00:00Et dans cette édition consacrée aux médicaments, j'accueille Isabelle Moine-Dupuis, maître
00:10de conférence à l'Université de Bourgogne, spécialiste du droit pharmaceutique, Pierre
00:16Boutouiri, chef du service de pharmacologie de l'hôpital Georges-Pompidou, chercheur
00:21à l'Inserm, et Lucien Benatten, président fondateur d'Acte Pharmacie.
00:26Bonjour à tous les trois et merci d'avoir répondu présent.
00:30Et pour entamer cette émission, place à l'édito d'Hervé Bonneau.
00:34Et aujourd'hui Hervé, tu es agacé, agacé par la fréquence des critiques à l'encontre
00:39des industriels du médicament.
00:41Ah oui, agacé absolument, ça fait des années que ça dure, je ne dis pas qu'il n'y a pas
00:44eu quelques petits scandales sanitaires liés à l'industrie pharmaceutique, c'est vrai,
00:49mais les marchands d'armes, les marchands de cigarettes, les marchands d'alcool, on
00:52n'en parle pas, eux ils ont une bonne image, alors que l'industrie quand même sauve des
00:56vies de mon point de vue.
00:57Et cet acharnement systématique magas, c'est quand même une industrie qui réussit bien
01:01en France et on est en train de la casser.
01:03Et ce n'est pas la campagne du LEM qui vient de sortir, ils sont très contents avec leur
01:06petit jeu de mots, moins de médicaments c'est médicamieux, franchement ça m'étonnerait
01:10que le grand public apprécie qu'avec ça on sauve des vies en France.
01:13Mais ils sont contents, c'est formidable, voilà.
01:16Je voudrais juste vous rappeler trois chiffres qui m'ont amusé, on vend en France chaque
01:21jour 250 000 boîtes de Doliprane, 6,6 millions de paquets de cigarettes et 32 millions de
01:28bouteilles de vin.
01:29Donc à qui profite le crime ? Alors c'est amusant de se dire que là-dedans ce sont
01:33des produits de consommation courante donc, vu les chiffres, il y a clairement des produits
01:38qui tuent, les médecins autour de la table, les pharmaciens apprécieront, l'alcool, le
01:41tabac on connaît, d'ailleurs les chiffres sont officiels, l'alcool tue 49 000 personnes
01:46par an en France et le tabac 75 000 personnes.
01:50Donc je propose qu'on dise merci à Pernod Ricard et à Philippe Maurice et qu'on n'oublie
01:56pas que quand même l'industrie pharmaceutique a réussi à développer un vaccin contre la
02:01Covid-19 rapidement, qui a été très critiqué et pourtant le Lancet a publié une belle
02:06étude en 2021 qui explique que ce vaccin a sauvé dans la première année 20 millions
02:12de personnes.
02:13Donc quand même on est un peu sur une autre échelle mais ça on ne le dit pas bien.
02:16Et qu'est-ce qu'on n'a pas entendu sur Pfizer et AstraZeneca avec leurs vaccins qui
02:20contenaient des puces et des machins, enfin, terrible ! Autre exemple qu'on pourrait
02:25citer, le sida.
02:26En 40 ans, on est passé d'une maladie terrifiante qui tuait absolument tout le monde à une
02:31maladie dont on ne meurt plus, dont on vit assez bien, avec un traitement qui est même
02:35aujourd'hui assez simple à prendre puisque c'est un comprimé par jour, voire une injection
02:39tous les deux mois.
02:40Donc quand même il y a des progrès incontournables et pourtant qu'est-ce qu'on n'entend pas
02:46sur Gilead et Vive qui se font des fortunes avec leurs médicaments hyper chers.
02:51Hyper chers, oui, c'est vrai, mais il y a le prix du développement et ce n'est pas
02:55moi qui le dis et ça coûte 2,3 milliards de dollars en 2022.
03:00C'est une étude qui vient de sortir du cabinet de l'Ouatt.
03:04Donc c'est vrai que ça prend des années, qu'il y a un risque terrible, qu'il y a
03:08une molécule sur 10 000 qui sort et les labos doivent gagner de l'argent.
03:12Et ça, ce n'est pas bien, ce n'est pas bien de gagner de l'argent.
03:15L'argent et la santé, ça ne fait pas bon ménage.
03:17Les labos doivent gagner de l'argent pour investir et vu les sommes, oui, c'est colossal.
03:22Alors quand on parle de R&D, on peut parler donc de cigarettes, par exemple, j'ai entendu
03:26le président de Philippe Maurice expliquer que son but était d'aider les gens à arrêter
03:32de fumer.
03:33Alors ça m'étonnerait vraiment qu'il soit sincère, mais il nous explique que pour ça
03:37son groupe va développer des cigarettes électroniques.
03:39Admettons.
03:40Alors est-ce qu'on peut m'expliquer pourquoi il y a plein de goûts bonbons dans ce qu'il
03:44développe, si ce n'est pour attraper les jeunes consommateurs ?
03:48Moi, je trouve que d'un point de vue éthique, c'est un petit peu discutable.
03:52Un labo ferait la moitié de ça, je pense qu'on en parlerait pendant des années.
03:55Donc oui, c'est vrai que les innovations coûtent cher, mais les innovations qu'on
04:01observe récemment sont formidables.
04:03On va sur la lune, mais les vaccins avec de l'ARN messager qu'on a vu se développer
04:09pendant la pandémie, bientôt vont traiter des cancers, bientôt vont éradiquer le paludisme.
04:15700 000 morts par an, donc on parle quand même de vrais sujets.
04:18Et je ne vous parle pas des progrès de l'oncologie avec les anticorps couplés, les thérapies,
04:24etc.
04:25Tout ce que vous connaissez.
04:26Et les carticelles, on arrive à modifier des lymphocytes T pour leur greffer un récepteur
04:30chimérique pour que la tumeur soit tuée.
04:35C'est quand même formidable, donc ça veut dire quand même que clairement on a des patients
04:39en septième ligne de biélome, on met un carticelle et il y a un reset total.
04:43Alors la question qui fâche, c'est que ça coûte à peu près 300 000 euros l'injection.
04:47Mais donc posons-nous la question, c'est un problème politique, ce n'est pas économique,
04:51ça coûte combien la vie d'un vieux ? C'est comme ça qu'il faut le voir.
04:54Et les thérapies géniques, on sait maintenant couper avec les ciseaux, vous connaissez les
04:58ciseaux moléculaires, les Scripps, CRISPR, un endroit précis du génome pour modifier
05:04la maladie.
05:05Donc on a des gamins, par exemple, qui avaient une amyotrophie spinale, qui ne pourront jamais
05:09marcher, désormais avec une injection, ils marchent.
05:12Alors non, ça coûte très cher, ça coûte une fortune, et donc peut-être un million
05:17d'euros l'injection, et là aussi la question, ça coûte combien la vie d'un enfant qui
05:21apprend à marcher ?
05:22Donc ce sont des questions évidemment formidables, mais on peut aussi revenir sur terre en disant
05:29que 56% des médicaments dits essentiels ont un prix unitaire inférieur à un euro.
05:36Donc un pharmacien proche de moi pourra apprécier, une boîte de gélules d'amoxycyline 500 mg,
05:43ça coûte 2,04 euros.
05:46Donc vous imaginez qu'avec ça, un pharmacien qui a quand même fait un doctorat, on va
05:50lui donner quelques centimes d'honoraires, c'est très bien.
05:53Juste pour comparer, un buraliste, il touche 8,15% du prix du paquet de cigarettes.
05:58Le paquet de cigarettes, ça coûte 2,50 euros, ça fait donc un euro de marge pour lui.
06:02Donc c'est intéressant de comparer ces deux réseaux de proximité, les 20 000 officines
06:07dont le nombre part en fumée, vous appréciez la blague avec le buraliste, et les 23 000
06:13bureaux de tabac qui eux vendent plutôt de la maladie et de la mortalité.
06:17Autre point qui m'agace prodigieusement, c'est cette défiance généralisée qu'on
06:22a contre l'industrie pharmaceutique, les médecins, les pharmaciens, et les médicaments,
06:28complètement.
06:29Donc c'est un mélange, on ne dit rien sur les tabacs, mais au nom de la compliance,
06:34on ne peut plus offrir un café à un médecin, sinon on l'achète, c'est la loi anticorruption
06:37formidable.
06:38Pourtant, j'ai lu, c'était les élections européennes il n'y a pas longtemps, que
06:43les lobbyistes pouvaient inviter à déjeuner un député européen, mais il fallait rester
06:47raisonnable, donc le repas autorisé, accepté, c'est 150 euros sans le vin.
06:51Je vous laisse apprécier par rapport au prix du café, et d'ailleurs ils disent que les
06:55100 plus grands groupes de lobbying ont dépensé en moyenne 400 000 euros par député.
07:01Ça fait rêver quand même, et on parle de l'armement qu'il y a derrière, des
07:06trucs l'Ukraine.
07:07Un visiteur médical ne peut plus parler à un interne, parce qu'un interne qui est
07:11quand même un médecin, un jeune médecin, mais qui a quand même un BAC plus 8-10, va
07:17se faire retourner par les propos d'un visiteur médical.
07:21Martin Hirsch ne voulait pas qu'un praticien hospitalier, mais qui est habitué, reçoive
07:27seul un visiteur médical.
07:28Il allait se faire conditionner, donc il devait être deux.
07:33On nous prend pour des abrutis.
07:35Donc voilà, c'est étonnant, et puis dans cette mouvance, on a le conflit d'intérêts.
07:40C'est-à-dire qu'un médecin expert d'un sujet qui donne son avis a un conflit d'intérêts.
07:45Éventuellement, il pourrait avoir un lien d'intérêts, on pourrait commencer par là,
07:48mais ça on l'a oublié, c'est directement le conflit d'intérêts.
07:51Ça remercie la transparence, on est complètement là-dedans, ce qui veut qu'aujourd'hui, pour
07:56faire parler un expert d'un sujet pointu dans un sympos, on est obligé de prendre
07:59un non-expert d'un sujet, parce que sinon, il a un conflit d'intérêts par définition.
08:04Il a participé à un essai clinique, il a participé à une table ronde ou à une publication.
08:07Tout ça est très étonnant, quand on veut demander son avis à un praticien hospitalier
08:14sur un sujet précis, il doit demander la permission à la direction de son hôpital.
08:20Donc, délai de réponse, trois semaines, ça s'appelle la demande de cumul d'activité.
08:25Généralement, on n'avait pas trois semaines pour attendre la réponse, donc tout ça pour
08:29200 euros, c'est formidable.
08:31Donc, je m'agace effectivement aujourd'hui de cette défiance qu'il y a entre l'industrie
08:37pharmaceutique et le grand public, de cette défiance qu'il y a entre la santé et l'argent.
08:41Et je crois que je sais d'où ça vient, c'est que philosophiquement, la santé n'a pas de
08:45prix.
08:46Mais désolé de vous le rappeler, elle a un coût.
08:47Merci Hervé.
08:49Merci Hervé.
08:50Je vois que globalement, tout le monde dodienne de la tête.
08:54On est assez d'accord.
08:55Si je peux commencer un petit peu le débat, ça commence aussi sur les notices de médicaments,
09:01où sur les notices de médicaments, on rappelle tous les effets indésirables des médicaments,
09:05mais on ne rappelle jamais les effets bénéfiques attendus du médicament.
09:08Et donc, ça crée une distorsion énorme dès la prescription, avec des patients qui
09:14lisent attentivement et qui stabilo bossent les effets indésirables en disant, celui-là,
09:20je l'ai, celui-là, je l'ai, celui-là, je ne l'ai pas, mais celui-là, je l'ai, et qui
09:25en fait, à aucun moment, c'est au médecin la charge complète ou au pharmacien de rappeler
09:33pourquoi on donne les médicaments, quel est l'objectif thérapeutique, quel est le bénéfice
09:37attendu.
09:38Et ça crée une distorsion complète dans l'esprit des gens.
09:43Et moi, mon combat quotidien de consultation, c'est les patients à qui je prescris des
09:48médicaments, alors je parle des statines en particulier, avec des indications formelles,
09:53un niveau de preuve extrêmement important sur l'efficacité des statines en prévention
09:58primaire, en prévention secondaire, et qui reviennent trois mois plus tard en me disant,
10:02vous savez, votre médicament, je ne l'ai pas pris, docteur, parce que j'ai lu sur
10:05Internet, parce que j'ai regardé la notice, parce que j'avais déjà mal au muscle avant
10:10de prendre le médicament et j'ai vu que ça faisait encore plus mal au muscle, donc
10:13je ne le prends pas.
10:14Et donc c'est un combat qui est quasiment perdu d'avance, il faut des années de rétro-pédalage
10:20pour arriver.
10:21Et par effet culbuto, enfin en chaîne, effectivement, ça se transmet à l'industrie pharmaceutique,
10:30qui comme Hervé l'a dit, prend tous les risques, risques financiers, risques d'échec,
10:36il l'a rappelé, c'est une molécule pour 10 000 qui arrive sous forme de médicament,
10:42et c'est sur les candidats à médicaments, c'est une sur 10 au mieux qui va être développée,
10:46et chaque développement coûte plusieurs millions, milliards d'euros.
10:49On va venir utiliser notre débat.
10:51Isabelle, vous voyez réagir également ?
10:54Alors j'aurais en fait tendance à dire que si on critique beaucoup l'industrie pharmaceutique
10:59et si on est très exigeant avec elle, c'est que ce n'est pas une industrie effectivement
11:02comme une autre.
11:03Comme vous l'avez dit, la question est la santé, donc forcément, il y a, il y a une
11:12exigence, en termes de sécurité, effectivement, ça a été dit, et je crois que le droit
11:16est quand même en partie effectivement responsable, puisque c'est évidemment la crainte
11:21des procédures et un petit peu l'obsession effectivement du risque zéro qui est dans
11:25notre société, et cette exigence qui est autour de la santé, elle vient évidemment
11:34de, je ne pense pas d'une critique globale sur l'existence de l'industrie pharmaceutique,
11:41évidemment, il n'y a pas de problème, mais des exigences liées tout simplement
11:45à des principes qui sont, des principes qu'on a développés au sein de la France,
11:51mais de l'Europe et maintenant effectivement du monde, qui est l'égalité en fait.
11:56Et c'est vrai que ces produits sont, plus je dirais, plus ces produits sont efficaces,
12:01plus on en a besoin, plus bien évidemment, il y a une frustration à ne pas pouvoir y
12:08aller pour des questions de prix, que ce soit pour des gens qui vont vivre dans un
12:13village Burkina Faso, qui n'auront pas accès aux médicaments dont ils auraient besoin,
12:18ou les parents d'un enfant leucémique qui aimeraient bien évidemment avoir ce médicament
12:23à un ou deux millions d'euros, qui remplacerait d'ailleurs des années de hospitalisation
12:29et de traitement, puisque ces traitements peuvent guérir en une seule prise.
12:34Donc, il est vrai que, moi aussi je suis tout à fait agacée par souvent des critiques
12:41qui ne sont pas toujours bien sûr pertinentes, mais voilà, donc je veux dire que ces critiques
12:47elles sont aussi une invitation à avancer, à progresser et à faire, et la société
12:52maintenant s'empare effectivement de ces sujets, comme elle s'empare de l'environnement
12:56ou de la justice, moi j'ai plutôt un côté tout à fait positif, même si je partage
13:01parfois votre agacement, voilà.
13:03Bah écoutez moi, c'est simple, moi je suis pharmacien, donc je suis l'allié du patient
13:08et bien sûr que ça me met en colère quand j'entends toutes les critiques sur l'industrie
13:14pharmaceutique, pour moi le problème se situe au niveau politique, on ne considère
13:23pas la santé comme un investissement, on considère systématiquement la santé comme
13:30Donc il faudrait savoir, il faut faire un choix, il faut dire aux électeurs, puisqu'on
13:34est en période d'élection, nous on n'a pas envie de vous voir en bonne santé, en
13:40tous les cas on n'a pas les moyens d'entretenir la population en bonne santé, on fait des
13:48choix, et c'est des choix qui sont, vous voyez, nous en tant que pharmacien on ne négocie
13:53pas avec le ministère de la santé, on négocie avec monsieur le maire, donc c'est quand
13:59même quelque chose de symptomatique, très clairement, aujourd'hui on nous dit, bah
14:05pour soigner les français c'est 28 milliards, voilà, donc dans cette enveloppe, et bien
14:11en effet, le Doliprane coûte moins cher qu'une tasse de café, une amoxicilline c'est
14:18moins cher qu'un décaféiné, bon, c'est comme ça, et avec ça, bah débrouillez-vous
14:25pour soigner, donc l'industrie pharmaceutique, moi je ne peux pas la critiquer, je ne peux
14:31qu'attendre d'elle, en effet que peut-être dans certains cas on arrive à regrouper la
14:39R&D, à ouvrir certains brevets plus rapidement, mais aujourd'hui c'est un choix politique
14:49qu'on doit avoir.
14:52Merci, on passe au débat, on a encore plein de choses à se dire, merci beaucoup Hervé,
14:57la discussion continue dans notre débat.

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