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Lundi 21 octobre 2024, SMART TECH reçoit Bertrand Garé (rédacteur en chef, L'informaticien) , Charaf Louhamdi (consultant dans le secteur financier et conférencier) , Faustine Fleuret (Présidente et Directrice Générale, Adan) et Franck Malherbet (professeur, ENSAE Paris)

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00:00Bonjour à tous. Rumeurs de rachat autour d'Intel et puis maintenant annonce d'un
00:12rapprochement, d'une collaboration avec le rival de toujours AMD. On parle aussi
00:16d'un marché des semi-conducteurs qui se tend au niveau mondial et puis l'Europe
00:20qui cherche toujours sa place. Ça va être notre sujet à la une aujourd'hui dans
00:24Smartech. On va voir pourquoi ça bouge et comment ça bouge et puis on aura aussi
00:28rendez-vous avec l'actualité des cryptos. Mais d'abord, formé aux politiques
00:31publiques par la data, c'est notre sujet. Trois questions A pour ouvrir Smartech.
00:39L'ENSAI Paris, l'école polytechnique Télécom Paris ont signé ensemble un
00:43partenariat pédagogique avec l'autorité de régulation des télécoms. Alors
00:48l'ensemble doit nous permettre d'améliorer les politiques publiques
00:51grâce à la data. Bonjour Franck Malherbey. Bonjour. Vous êtes chercheur,
00:55professeur d'économie à l'ENSAI Paris qui est une grande école d'ingénieurs
00:59spécialisée dans la statistique tout particulièrement, sous la tutelle
01:02d'ailleurs technique de l'INSEE. Vous êtes aussi le co-directeur de ce programme,
01:06ce Master Data and Economics for Public Policy dont l'ARCEP est donc partenaire.
01:13Alors pourquoi ce mariage entre une grande école et un régulateur des
01:18télécoms ? C'est étonnant quand même comme attelage. Alors pas tout à fait en fait ça
01:22répond à un besoin des institutions publiques au sens large et notamment
01:28alors juste pour préciser un petit peu les choses ce Master Data and Economics
01:32for Public Policy est orienté vers le secteur public et donc répond à un
01:36besoin des institutions publiques que ce soit les ministères, que ce soit des
01:42autorités de régulation comme l'ARCEP et l'idée de ce Master c'est
01:47précisément de former des étudiants pour éclairer la décision publique en
01:52utilisant des techniques quantitatives poussées et en utilisant la data qui est
01:58omniprésente maintenant dans toutes les sphères de l'économie.
02:02Parce qu'il y a beaucoup d'autorités dans le numérique, on aurait pu penser aussi que vous auriez pu
02:06travailler par exemple avec l'ARCOM, il y a des ministères. Pourquoi ce choix particulier
02:10de l'ARCEP ? Quel est l'objectif visé ? Alors l'objectif visé, alors pour les
02:15autres partenariats c'est des choses auxquelles on sera peut-être amené
02:20à signer un peu plus tard mais l'idée de l'ARCEP c'est tout simplement de se
02:25dire bon voilà il y a des enjeux au niveau des télécommunications, il y a des
02:29enjeux au niveau de la réglementation, de la régulation du secteur des
02:33télécoms qui sont des vrais enjeux de politique publique, il y a des enjeux qui
02:37sont autour de l'accès au numérique et donc à la fracture numérique comme on
02:42l'appelle ou même simplement des questions environnementales,
02:47l'impact environnemental du numérique et donc pour nous ça faisait sens de
02:53signer ce partenariat justement pour pouvoir améliorer, éclairer la décision
02:57publique avec ce régulateur en particulier mais on ouvert à d'autres
03:03régulateurs aussi. Ok, le message est passé. Quelles sont les données précisément qui
03:08vont être intéressantes pour améliorer ces politiques publiques qui en ont
03:12besoin ? Je pense que tous les citoyens français sont d'accord avec ça. Est-ce que
03:15vous pouvez nous donner des exemples, des études de cas peut-être qui seront
03:18travaillées ? Alors c'est un petit peu ce que je viens de dire à l'instant, donc le
03:22partenariat a été signé au mois de septembre, c'est encore tout à fait
03:26récent, on est en train de discuter avec l'ARCEP précisément pour des études de
03:30cas qu'on va lancer dans le courant du mois de novembre. Vous pouvez pas nous en donner un ou deux exemples ?
03:34Alors je pense qu'une des sensibilités de l'ARCEP mais encore c'est pas
03:38tout à fait sûr en termes d'études de cas qu'on traitera cette année, ce sera
03:43vraiment sur l'impact écologique du numérique. Ce sera sans doute un des
03:48premiers thèmes sur lesquels nos étudiants seront amenés à travailler
03:51cette année. Et donc quelles données, vous allez travailler là-dessus en fait sur
03:55les données qui sont pertinentes aujourd'hui pour adresser ces nouveaux
03:59enjeux ? Exactement, donc en particulier toutes les données qui sont collectées
04:04et qui sont utilisées, soit par des données qui sont privées, uniquement
04:10accessibles aux chercheurs ou des données publiques. Et donc ça sera dans le
04:14cahier des charges, de ce qu'on va appeler des Policy in Action Project,
04:17ces études, ces fameuses études de cas, et ça a charge à nos étudiants de faire
04:22un rendu sur ces... Je vous interroge sur quelles données parce que c'est quand
04:26même hyper important, hyper stratégique aujourd'hui de bien sélectionner sa
04:31donnée, de réussir une bonne collecte pour prendre les bonnes décisions.
04:34Absolument. Est-ce qu'il y a justement, vous pensez à des biais, des pièges
04:38aujourd'hui dans lesquels on pourrait tomber et quelles sont les alertes que
04:42vous avez envie de transmettre finalement aux étudiants ? Alors au niveau des
04:46données, on a une chance, c'est-à-dire qu'on peut s'adosser autour des
04:52régulateurs et des partenaires et on a souvent accès, c'est le cas dans la
04:57plupart des cas sur lesquels on travaille, on a accès à des données
05:01administratives, donc qui sont des données qui sont collectées par les
05:06grandes administrations et qui évitent le biais, par exemple,
05:09d'échantillonnages liés typiquement juste à des sondages ou à ce
05:15genre de choses. Donc on a des... Généralement on a accès, alors ça
05:18dépend des thématiques, encore une fois, je parle de façon très
05:21générale, on a accès à des données qui sont dites quasi exhaustives. Et l'ARCEP
05:26interviendra comment dans ce master ? Alors on a trois... La philosophie du
05:31master, d'un point de vue pédagogique, elle est double.
05:33La première, c'est qu'on veut donner à nos étudiants des fondations
05:38techniques extrêmement fortes, quantitatives, donc mathématiques, qui
05:43sont basées sur deux aspects. Le premier, c'est vraiment tout ce qui va
05:47être technique d'évaluation des politiques publiques de manière un peu
05:50classique, ce qu'on appellerait de l'économétrie pour les gens qui sont un
05:53peu familiers avec le champ. Et puis en même temps, des techniques très
05:57poussées d'analyse des données, que ce soit du statistical learning, du machine
06:02learning, et pour les questions de politique publique, un champ qui est
06:06assez nouveau, qu'on appelle le causal machine learning, où vraiment on ne se
06:10contente pas juste de traiter les données, on essaie de donner aussi
06:13un sens aux données, véritablement. Et donc les modalités
06:18d'intervention, elles sont doubles, donc il y a un côté très technique, et puis au
06:22travers des partenariats et du partenariat avec l'ARCEP, nos
06:27étudiants vont traiter des cas types, des sujets qui sont proposés par l'ARCEP,
06:33des propositions également de stages, et surtout de manière aussi importante, tout
06:38au long de l'année, il y a des échanges entre les étudiants et les partenaires,
06:42dont l'ARCEP, dans le cadre de ce qu'on appelle des lectures séries. Et les
06:46lectures séries, c'est l'occasion pour des professionnels de l'évaluation des
06:51politiques publiques, ou des politiques publiques au sens large, de venir
06:53présenter concrètement aux étudiants leur travail, et il y a un échange qui
06:57s'établit à ce moment-là, de façon à ce qu'on a voulu que le diplôme et la
07:02formation ne soient pas déconnectés du champ professionnel et appliqué.
07:07Merci beaucoup Franck-Malherbey. Je vous en prie, merci à vous. Vous êtes professeur à l'ENSAI Paris,
07:11et puis le directeur de ce nouveau programme. C'est l'heure de notre débat,
07:15on va voir comment ça bouge dans les semi-conducteurs.
07:22Alors, on a eu beaucoup de rumeurs autour d'un rachat d'Intel. Plus récemment, on a
07:27appris la collaboration d'Intel avec AMD, quand même historique comme
07:31collaboration, puisque ce sont deux concurrents majeurs sur le marché des
07:36puces pour le PC. On va aussi parler dans ce talk du
07:39règlement européen, le Chips Axe, et puis de ce marché qui se tend tout
07:44particulièrement avec une annonce un petit peu prématurée de résultats du
07:47côté de ASML. On va décrypter tout ça avec mes invités aujourd'hui. Bertrand
07:52Garay, bonjour. Vous êtes le rédacteur en chef de
07:54l'informaticien qui appartient au groupe Ficat. Je précise que c'est aussi le
07:57propriétaire de BeSmart for Change qui nous diffuse. Et puis à côté de vous,
08:02Charaf Loumadi, vous êtes consultant dans le secteur financier,
08:05conférencier, et puis spécialiste de ce secteur des puces avec un regard très
08:09géopolitique qui nous intéresse. Alors justement, je voulais d'abord vous faire
08:12réagir tous les deux sur le cas d'Intel avec ses rumeurs de rachat. On a
08:17parlé de Qualcomm qui l'aurait rapproché selon des informations du
08:21Wall Street Journal. Ça a été confirmé quand même par d'autres médias
08:24américains. Quels sont déjà vos regards, votre analyse sur ces rumeurs ?
08:30Alors effectivement, Intel, ça fait quand même un an que l'entreprise se porte mal.
08:34Donc si on regarde la valorisation boursière d'Intel, qui a été divisée
08:36par deux en une année, ça montre un petit peu la difficulté de ce
08:39mastodonte des secteurs des semi-conducteurs. Donc il y a un cadre
08:42dirigeant qui a démissionné du conseil d'administration, donc
08:45Libreton, et qui a dit en off qu'il y avait des problèmes sur la stratégie d'Intel.
08:49D'Intel d'une part, le fait que ça n'épouse pas finalement l'IA et ce
08:53boom de l'IA qu'on observe dans ce 21ème siècle. Il y a d'autre part
08:57aussi des difficultés en termes d'organisation, d'accord ? Donc il y a une
09:00organisation qui est complexe avec des managers pas forcément extrêmement
09:03utiles. Et puis, troisièmement, on a aussi une inversion en risques qui
09:12est du coup... Donc on a Intel qui a, comme je dis, supprimé 15 000
09:16postes en 2024. Qu'on parle quand même d'un groupe fondé en 1968 à
09:21Santa Clara, qui a été le maître du monde dans le secteur informatique
09:25pendant des années, et là c'est la plus grande crise finalement qu'il traverse.
09:29Tout à fait. Intel avait déjà connu une crise, d'ailleurs Pat Gelsinger était
09:38revenu à ce moment-là où il fallait, entre guillemets, nettoyer les écuries
09:43d'OGS, et déjà il avait mis en place une nouvelle organisation, joué sur les
09:51partenariats et autres. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on constate ? C'est que c'est
09:56de la physique. Tout simplement, en dessous des 3 ou des 2 nanomètres, on
10:00ne peut pas aller plus loin. Sur la gravure des puces, et des CPU en
10:04particulier, on a énormément de mal. Et ça veut dire qu'il faut changer la
10:10manière de créer des processeurs. Ça, ça coûte très cher.
10:15Intel n'a plus la marge de manœuvre pour le faire. Et ça met en lumière le
10:21partenariat qu'ils viennent de créer avec AMD, parce que c'est pour discuter du
10:25futur des processeurs. C'est pas pour une alliance commerciale.
10:30C'est au fait, dans les labs, qu'est-ce que vous avez, et nous qu'est-ce qu'on a,
10:33pour pouvoir prolonger la vie de la loi de Moore, qui avait été créée par Intel,
10:39et dont on voit la fin estimée en 2030.
10:43Donc cette collaboration Intel-AMD, elle vous semble plutôt intelligente,
10:48surprenante ? Bien sûr, parce que sinon c'est la fin des CPU. Enfin, c'est la fin du
10:53processeur tel qu'on le connaît. Déjà depuis des années, les processeurs, en
10:58tout cas dans les serveurs, étaient délestés d'une partie des charges de
11:03travail qu'ils avaient, par des processeurs spécialisés. Alors on a eu les
11:08Data Processing Units, c'était pour les données, pour les réseaux,
11:12pour gérer les réseaux à l'intérieur du serveur. Et bientôt,
11:17on va l'avoir même sur les laptops, avec la touche qui va être consacrée à l'IA.
11:22Ça veut dire que les tâches qui étaient avant dévolues
11:28aux CPU vont passer par une GPU, une puce graphique, qui a l'avantage, elle, de
11:34travailler en parallèle. C'est-à-dire que toutes les tâches sont envoyées en
11:38parallèle vers le GPU, pour pouvoir les traiter plus rapidement.
11:42Ou là, on a un autre puissant qui s'appelle Nvidia. Voilà, qui profite de la baisse à
11:47la fois de puissance et de performance des CPU, qui ne sont plus suffisantes pour
11:51assurer ces tâches-là, et qui permet de traiter en parallèle des très très
11:58grosses charges, avec énormément de données, à une vitesse spectaculaire.
12:04Clairement, à part le pari d'IBM sur le quantique, on ne voit pas comment Intel et
12:10AMD vont s'en sortir sur la CPU. Il va falloir vraiment passer à autre chose et
12:15la seule piste, entre guillemets, pensable, serait le quantique.
12:20Et la première crise aussi qu'a connue Intel, grande crise, c'est quand même les
12:26processeurs ARM qui lui ont fait beaucoup de mal. Alors, je voulais vous faire réagir
12:30là-dessus, parce qu'il y a aussi eu une rumeur de rachat d'Intel par ARM.
12:35Alors, selon Bloomberg, Intel aurait immédiatement refermé la porte à cette
12:38option. Mais qu'est-ce que ça veut dire, en fait, de la manière dont le
12:44marché se redessine, et quel impact pour l'Europe ? Parce que, du coup, on
12:48apprend que Intel retarde la fabrication de ses méga-usines en Europe.
12:54Quel est l'impact sur le marché au niveau mondial et pour l'Europe ?
12:57Donc, il y a deux points. Le premier point, c'est que, donc, on a parlé de la
13:01miniaturisation des puces. Donc, c'est un marché qui est majeur, parce que plus un
13:05semi-conducteur va être miniature, plus ça va être performant. Parce que, du coup, on peut
13:09y placer plus de transistors, et puis il y a moins d'effets joules, donc il va
13:13moins chauffer. Donc, c'est vraiment un enjeu central. Sur ce marché, on a un
13:16positionnement central de TCMC, le taïwanais, d'entreprises, du coup,
13:20sud-coréennes, comme Samsung, et des États-Unis. Mais, grosso modo, c'est
13:24une prépondérance de l'Asie. Donc, effectivement, vous avez parlé d'ARM.
13:26C'est une entreprise qui vaut 159 milliards de dollars en bourse.
13:31C'est une filiale d'un géant japonais qui s'appelle, du coup, Softbank. C'est un
13:35conglomérat. Et donc, effectivement, Intel a dit non, parce que, historiquement,
13:39Intel, c'était vraiment le mastodonte. Il a été maintenant dépassé
13:42par ARM. Donc, il a dit non à ce rachat. Mais, effectivement, on voit bien les
13:47difficultés d'Intel, et on voit bien qu'en Europe, il y a quand même des
13:51fleurons qui sont susceptibles d'absorber Intel.
13:53Parce qu'on comptait quand même un petit peu sur Intel pour la stratégie européenne, avec le chipsack, notamment, et les investissements.
13:58Le problème du rachat, que ce soit par Qualcomm ou ARM, c'est que ce ne sont pas les mêmes architectures.
14:01Donc, Intel aura été obligé de changer totalement l'architecture de ses puces
14:05pour correspondre à l'architecture ARM. L'architecture ARM, elle permet d'avoir
14:10des serveurs beaucoup plus concentrés, beaucoup plus petits. Et surtout, un
14:17problème que les puces Intel ont toujours eu du mal à résoudre, c'est la
14:21thermie, c'est la chaleur. Et aujourd'hui, quand vous avez des contraintes
14:27réglementaires, comme le CSRD, la volonté de se montrer comme étant un gentil
14:33acteur pour sauver la planète, et que vous êtes dans l'informatique, alors que
14:36les data centers vont représenter entre 6 et 8 % de la
14:41consommation électrique d'ici 2030, vous êtes obligé de penser à ARM pour
14:49essayer de limiter les dégâts. Donc ça, c'est des constats, c'est
14:55quasiment de la physique. Et là-dessus, moins vous avez à sortir de l'air
15:02froid, chaud, pour gérer les serveurs, et mieux c'est pour votre bilan carbone.
15:07Juste qu'il y a maintenant l'IA qui s'incruste plus en plus dans le
15:10secteur des semi-conducteurs. Il y a le patron d'OpenAI, Sam Altman, qui veut
15:14lever 7000 milliards de dollars sur les semi-conducteurs, qui a approché le
15:18gouvernement Emirati pour lever ses fonds, pour faire cette
15:22production avec TCMC. Donc c'est un domaine qui épouse l'IA,
15:25et qui devient, avec le boom de l'IA, un secteur central.
15:29Il faut absolument se positionner là-dessus.
15:32Vous avez signé un édito dans Atlantico sur ASML comme étant
15:36finalement la seule réponse, vous dites, de l'Union Européenne face à
15:39Syconne-Vallée. Alors l'ASML, c'est un fleuron néerlandais,
15:43qui est spécialisé dans les gravures, dans ce qu'on appelle l'éditographie.
15:48C'est une technologie qui est essentielle aux puces
15:52miniatures, donc qui utilise TCMC. Donc maintenant, avec un contexte géopolitique
15:55compliqué entre les Etats-Unis et la Chine, les Etats-Unis ont interdit à ASML de
15:59livrer à la Chine. Donc voilà, c'est une entreprise, c'est un fleuron néerlandais
16:03qui produit du matériel extrêmement sensible et pointu pour les puces
16:08miniatures, et qui utilise TCMC.
16:10Donc là, on vient de découvrir, au regard des résultats qui ont été
16:15communiqués par ASML, que finalement, les tendances ne vont pas être aussi
16:19intéressantes qu'on imaginait sur ce marché des semi-conducteurs.
16:23D'accord, une réaction ?
16:24Quand vous vous coupez d'un marché comme la Chine, qui connaît une
16:27croissance, entre guillemets, sur ce secteur informatique de 13% par an,
16:32évidemment, il y a un impact sur la bottom line, comme on dit.
16:37De plus, bon, ASML n'est pas le seul. Clairement, vous avez aussi l'allemand
16:43Infineon, vous avez quand même le franco-italien STMicroelectronics,
16:48C'est ce que j'allais dire, on n'en parle jamais d'STMicro, finalement.
16:50Qui sont toujours là, et qui sont, entre guillemets, sur le marché à la
16:56neuvième et dixième position. Clairement, c'est un marché dominé par
17:00les américains et les asiatiques. Samsung, le coréen, TSMC, le taïwanais,
17:07là-dessus, il n'y a pas de débat. Après, le problème, il est dans les
17:12investissements. Quand est-ce que l'Europe va combler le gap,
17:19c'est-à-dire fournir assez de moyens à ces acteurs-là, de rattraper ces acteurs
17:25mondiaux ? Justement, Bertrand, parce que le Chips Act, c'est exactement ça, c'est sortir des
17:30milliards pour investir sur ce secteur. Alors, on parle déjà d'un Chips Act
17:35version 2, parce que les acteurs du secteur veulent déjà encore un peu plus.
17:39Parce que, entre guillemets, vu comment est le marché aujourd'hui,
17:46en économie, on connaît ça, ça s'appelle le gain marginal,
17:51pour gagner un petit peu, il faut mettre beaucoup. Et l'Europe ne met pas assez.
17:56Effectivement, sur les semi-conducteurs, le coût, il est quand même
18:00exorbitant pour investir. Ce sont des technologies qui sont extrêmement avancées,
18:03des fonderies, des usines avec des milliers de salariés, notamment des
18:06ouvriers, qui sont dans des conditions souvent difficiles, en salle blanche toute
18:09la journée, debout, etc. Donc, c'est extrêmement compliqué.
18:11Effectivement, sur le Chips Act, Thierry Breton, à l'époque,
18:16voulait investir 42 milliards d'euros. On sait qu'il y a des Chips Act partout en
18:20Asie, aux Etats-Unis, etc. Donc, il veut, d'ici 2030, il voulait, parce qu'il n'est plus
18:24maintenant commissaire européen, il a été remplacé par Stéphane Séjourné,
18:26un proche du Président de la République. Mais à l'époque, il voulait passer à 20%...
18:29Pas avec exactement le même portefeuille. Pas le même portefeuille, mais en tout cas,
18:32il n'est plus à la Commission européenne. Il voulait passer à 20% de la
18:36production mondiale, ce qui va être quand même très compliqué, parce que c'est un
18:39secteur qui est extrêmement compétitif. Bertrand, là-dessus, comment vous voyez
18:44les choses se profiler pour les mois qui viennent en Europe ?
18:48Qu'est-ce qu'on va faire face déjà à ce désistement d'Intel ?
18:52On voit que la zone qui était choisie, qui était le campus de Dresde, qui était de
19:02Global Fondriese, va continuer sur le rythme qu'il a actuellement, clairement
19:10qui n'est pas forcément suffisant pour prendre des parts de marché.
19:13C'est un fondeur, Global Fondriese, on lui amène les plans de la puce et
19:18il l'a fait. Après, le débat, il est autour des architectures, il est au débat
19:24autour, etc. Et là, l'Europe n'est pas si bien placée que ça.
19:27On n'est pas présent, en fait. Donc là-dessus, pour rattraper le retard, je vous dis, ça va
19:30demander des investissements très très importants et pas à la hauteur, et aujourd'hui,
19:37clairement, je ne les vois pas à la hauteur. Le conflit, enfin, en tout cas, la
19:41situation très tendue entre la Chine et les Etats-Unis, est-ce que ça peut
19:45peut-être profiter à l'Europe ?
19:46Alors, moi, je dis juste une chose.
19:48Non, dis Bertrand.
19:49Alors, il y a deux chiffres. D'abord, le déficit commercial entre US, Chine, est de l'ordre de
19:54quelques dizaines de milliards de dollars. Le déficit commercial entre la
19:57Chine et l'UE, c'est 400 milliards de dollars. Donc, on est extrêmement dépendant de la
20:00Chine. C'est pour ça que, justement, que Ursula von der Leyen et la Commission
20:05européenne ont une stratégie de plus en plus agressive vis-à-vis de la Chine, parce qu'on a
20:08un déficit quand même record vis-à-vis de la Chine. Il y a une dépendance, notamment
20:10technologique, vis-à-vis des composants chinois. On est quand même assez loin
20:14derrière la Chine. Et la situation à Taïwan ?
20:16Oui, alors, le conflit géopolitique... La Chine revendique, du coup, la souveraineté
20:22sur Taïwan. La Chine, effectivement, revendique la souveraineté sur Taïwan. Taïwan, qui
20:29contient TSMC, un des leaders, ne serait-ce le leader dans les puces miniatures.
20:33Donc, grosso modo, la géopolitique est parfaitement corrélée à ce secteur,
20:38ce secteur central.
20:40Surtout, TSMC joue sur tous les tableaux. Ils ont aussi des usines en Chine. Ils ont tout fait
20:47pour qu'on appelle Taïwan l'île TSMC. Là-dessus, il n'y a pas de débat. Et ce pourquoi les Chinois
20:55montrent les dents, mais ne rentrent pas directement à Taïwan, c'est parce qu'ils ont besoin de se
21:04préserver des liens avec TSMC. Je vous l'ai dit tout à l'heure, la croissance chinoise, c'est...
21:13Dans le secteur de l'informatique, c'est aux environs de 13% par an. Sur le conflit USA-Chine,
21:20moi, je vois plutôt une attitude défensive des Américains, qui étaient habitués à dominer,
21:26et qui sont de plus en plus... Se font de plus en plus mordre les mollets.
21:31C'est pas du protectionnisme très classique, finalement ?
21:35Oui, très déguisé, très mercantile des Américains, comme d'habitude. Mais le problème étant que c'est
21:44une stratégie boomerang. Parce que pendant ce temps-là, les Chinois, ils ont des cerveaux,
21:51ils ont plein de petites mains, ils ont des tonnes de gens qui savent faire des composants. Et regardez,
21:58en quatre ans depuis que les Américains ont interdit à Huawei, ont interdit les processeurs,
22:04ont interdit les procédés de gravure, ils l'ont développé eux-mêmes. Et maintenant,
22:09c'est pas forcément encore du niveau de ce que les Américains produisaient, mais ça n'est pas
22:15très loin. Et aujourd'hui, Huawei est de moins en moins dépendant d'Intel, AMD et des fournisseurs
22:21américains. Ils ont leur propre processeur. Ça arrive juste pour conclure, alors.
22:25Sur la Chine, deux points. La Chine a une balance commerciale extrêmement forte vis-à-vis de ses
22:31partenaires à l'échelle mondiale. Mais quand même, son talent d'achille dans la balance
22:34commerciale, c'est les semi-conducteurs. Parce qu'elle est quand même déficitaire sur la
22:38balance commerciale semi-conducteurs. En 2021, 278 milliards de dollars. D'où le fait qu'elle
22:42espionne un petit peu Taïwan, qu'elle essaie de débaucher des ingénieurs taïwanais de TCMC.
22:48Donc il y a une vraie rivalité sino-taïwanaise sur le secteur des semi-conducteurs.
22:53Merci beaucoup pour vos éclairages à tous les deux. Charaf Loumani et Bertrand Garay.
22:57Merci encore.
22:58Merci à toi. Merci.
23:05On termine cette édition avec Faustine Fleuret. Bonjour Faustine.
23:08Bonjour Daphine.
23:08Présidente de la DAN, je le rappelle. On va s'intéresser à votre regard sur cette actualité
23:12des cryptos. On va commencer avec le projet de loi de finances 2025. Ce qui nous intéresse,
23:18évidemment, c'est quels sont les impacts ? Qu'est-ce qu'il y a à propos de la crypto,
23:21qu'est-ce qui pourrait concerner ce secteur ?
23:23Alors le projet de loi de finances n'est de toute façon pas une bonne nouvelle pour l'innovation,
23:27y compris l'innovation Web3. C'est vrai qu'il y a des coupes budgétaires et des dispositifs
23:32qui sont extrêmement négatifs. Je pense à la fin du CCI, je pense à la fin des générations de
23:40charges patronales pour les jeunes entreprises innovantes. Et on le sait, le secteur Web3 est
23:45principalement composé de jeunes structures, de TPE et de PME. Donc ils vont être directement
23:51concernés par ces rabotages, ce qui va être extrêmement difficile à supporter. Et y compris
23:57pour des acteurs, ce qu'il y a d'autres dispositions du projet de loi de finances et de réglementation,
24:01qui justement doivent se mettre en conformité et mettre en place des process importants par
24:06rapport à ce qui arrive. Et effectivement, dans le projet de loi de finances…
24:08Ça veut dire qu'ils ont déjà des coûts importants à supporter ?
24:11Tout à fait, déjà aujourd'hui, en 2025 également. Donc le projet de loi de finances aussi permet de
24:16transposer la directive européenne d'acte 8 concernant l'échange automatique d'informations
24:24sur les gains, sur les transferts en crypto. C'est-à-dire que demain, les PSAN vont devoir
24:29transmettre ces informations à l'administration fiscale. C'est quelque chose sur lequel ils vont
24:33devoir se préparer en 2025. Or, on sait que les acteurs de marché crypto vont aussi devoir se
24:38préparer à la mise en place de la réglementation européenne qui entre en application à la fin de
24:42l'année. Donc ça fait beaucoup. Il y a des amendements qui sont aussi extrêmement négatifs.
24:47Je pense à le souhait de certains de vouloir inscrire dans l'assiette de l'IFI, l'impôt sur la
24:54fortune immobilière, les cryptos. Ce qui serait extrêmement dissuasif pour l'adoption des cryptos
24:58actifs. Pour l'investissement, parce que les cryptos peuvent servir au financement d'entreprises
25:03Web3 et plus généralement à l'adoption de nouveaux cas d'usage qui reposent sur les cryptos.
25:08Il y a quand même un certain nombre, en plus de ces dispositions très négatives pour l'innovation
25:12en général, mais concernant le Web3, qu'ils vont être difficiles à gérer alors que c'est
25:17une période déjà très complexe du point de vue réglementaire. Et des entreprises encore
25:22fragiles peut-être dans le secteur des cryptos ? C'est un marché naissant ? Tout à fait. C'est
25:27déjà un secteur extrêmement protéiforme. On parle des acteurs de marché, mais le Web3 c'est
25:30beaucoup d'autres choses. On parle de la réglementation des marchés, mais il y a
25:34aussi la réglementation des jeux vidéo Web3 qui va être mise en place. Il y a des réflexions sur
25:39la finance décentralisée, sur le jeton non fongible, et donc ce que l'on appelle c'est
25:44une pause réglementaire pour laisser le temps au secteur, déjà de mettre en place ce qu'il
25:49aurait demandé, parce que l'instabilité nuit à la clarté réglementaire, mais surtout pour ne pas
25:54se précipiter sur des dispositions réglementaires ou fiscales qui en fait ne seraient pas adaptées
25:59et arriveraient beaucoup trop vite. Alors très rapidement votre regard sur les cryptos dans la
26:04campagne présidentielle américaine ? C'est devenu un sujet majeur avec un discours globalement
26:09positif et une très très bonne compréhension des candidats sur le besoin de soutenir l'industrie
26:15et le besoin de favoriser l'adoption par les américains des cryptos actifs, ce qui va être
26:20en fait un challenge pour l'Europe qui jusqu'à maintenant s'est positionnée comme un leader
26:25dans la compréhension de ce qu'est ce secteur et des opportunités pour notre autonomie stratégique,
26:30pour notre compétitivité, et qui jusque là pouvaient peut-être parier sur le retard des
26:35Etats-Unis avec des régulateurs américains qui étaient extrêmement durs à l'égard de leur secteur
26:40avec l'absence d'une réglementation, qui a fait qu'on a attiré beaucoup de ces champions américains
26:45chez nous, qui voyaient dans cette clarté réglementaire beaucoup plus de facilité pour
26:48se développer. Donc ça c'est un retard qu'il y avait jusqu'à maintenant, mais qui risque d'être
26:52très très vite comblé par les Etats-Unis et donc l'Europe ne doit plus se reposer sur ses lauriers.
26:56Merci beaucoup, c'était le regard de Faustine Fleuret, présidente de l'ADAN sur cette actualité
27:02des cryptos. Merci beaucoup Faustine et merci à vous de nous suivre avec régularité. C'était Smartech,
27:07vous pouvez nous suivre sur la chaîne BeSmart for Change également en replay et en podcast
27:13et on vous dit à très bientôt pour de nouvelles discussions sur la tech.