Mercredi 17 mai 2023, SMART TECH reçoit Olivier Alexandre (Chercheur au CNRS, Auteur “La TECH” éd. Seuil) , Jean-Paul Smets (PDG, Rapid.Space) et François Tournesac (Cofondateur, Impleon, projet Woodendatacenter)
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00:00 ...
00:07 -Bonjour à tous.
00:08 C'est l'histoire d'un chercheur au CNRS,
00:11 passionné par la culture, qui découvre la Silicon Valley
00:14 alors qu'il est censé mener une enquête
00:16 sur l'arrivée de Netflix dans le cinéma.
00:19 C'est le choc, un écosystème qui l'interpelle.
00:21 Sept ans d'enquête qui ont mené à la rédaction d'un livre,
00:25 "La Tech", tout simplement.
00:26 "La Tech", on en parle, c'est notre grand sujet.
00:29 On est aujourd'hui dans "Smartech" avec mon invité spécial,
00:32 Olivier Alexandre.
00:34 Deuxième partie de "Smartech",
00:35 on s'intéressera au monde du livre
00:37 avec notre grand rendez-vous sur l'open source
00:40 et le logiciel libre. On parlera de ces textes
00:43 de règlement européen qui arrivent et qui vont faire du mal
00:46 au logiciel libre. On verra pourquoi.
00:48 On s'intéressera aussi à des initiatives très positives
00:51 avec des data centers en bois,
00:53 comment les projets open source matériel peuvent être durables.
00:56 On terminera cette édition avec notre chronique
00:59 "Va le web, regarde vers le futur",
01:01 mais tout de suite, entretien avec Olivier Alexandre du CNRS.
01:05 (Générique)
01:08 ---
01:11 "La Tech", quand la Silicon Valley refait le monde
01:14 ou comment la Silicon Valley entretient son monopole.
01:18 Merci, Olivier Alexandre,
01:19 vous m'avez offert ce livre avec une jolie dédicace.
01:22 Vous êtes docteur en sociologie de l'école des hautes études
01:27 en sciences sociales.
01:29 Chercheur au CNRS, un sociologue passionné de culture,
01:32 je le disais dans le sommaire,
01:34 spécialisé plus précisément sur les sujets de cinéma.
01:37 Vous avez l'opportunité de réaliser une enquête
01:40 sur l'arrivée de Netflix dans ce secteur.
01:42 Vous vous retrouvez face à un mur en Silicon Valley,
01:46 très difficile de pousser ces portes de ces géants du numérique.
01:50 Vous vous retrouvez dans cette situation
01:52 où vous avez l'impression de faux-semblants,
01:55 en Silicon Valley,
01:56 c'est-à-dire d'un monde qui semble très ouvert, très accueillant
02:00 et qui, finalement, ne l'est pas du tout.
02:02 Et là, vous décidez d'entreprendre, finalement,
02:05 une sociologie de la région, de la Silicon Valley.
02:08 Vous étudiez ses modes de travail, ses lieux,
02:11 mais aussi son état d'esprit.
02:13 "La Tech", c'est un livre paru chez Seuil le 24 mars dernier.
02:19 C'est le résultat d'une enquête de 7 ans.
02:21 Est-ce que vous en êtes sorti de cette Silicon Valley
02:24 en vous faisant chanter ou omnibuler ?
02:26 -Je n'étais pas vraiment enchanté,
02:28 parce que je n'étais pas un tech-enthousiaste.
02:31 J'avais un rapport assez distant à la tech.
02:33 J'étais plutôt un spécialiste du cinéma, de la culture,
02:36 pas parce que j'étais passionné, mais parce que c'était mon objectif.
02:40 Et comme beaucoup, j'ai pu voir, tout au long des années 2000
02:43 et puis 2010, des acteurs, des opérateurs
02:46 venus du nord de la Californie
02:48 et commencer à attirer, capter,
02:50 des segments de profitabilité des industries culturelles,
02:54 en premier, il faut s'en rappeler,
02:56 ça a commencé avec la musique à la fin des années 90.
02:59 Et puis jusqu'à...
03:00 -Ca a commencé par des confrontations.
03:02 -Ca a commencé avec des rivalités très fortes
03:05 et qui sont toujours assez prégnantes,
03:08 en fait, dans la Silicon Valley,
03:09 avec des rapports d'amour-haine assez fortes.
03:12 Jeff Bezos s'est installé à Hollywood,
03:14 Elon Musk a des rapports de voisinage avec Los Angeles,
03:17 mais à l'origine, c'est plutôt une rivalité, effectivement.
03:21 Et Netflix n'a pas été accueilli d'un bon oeil
03:24 par l'industrie du cinéma en France,
03:26 dans beaucoup de pays, mais aussi aux Etats-Unis.
03:29 Mais rapidement, je me suis aperçu que ça serait compliqué
03:32 d'enquêter Netflix.
03:33 Depuis la France, la Silicon Valley,
03:35 c'est une sorte de village.
03:37 Quand on y est, c'est assez grand,
03:39 c'est assez complexe d'y circuler,
03:41 c'est un espace fait pour la voiture.
03:43 Netflix est plutôt une entreprise d'ancienne génération,
03:46 fondée à la fin des années 90,
03:48 donc vraiment la génération Internet,
03:50 comparée à des...
03:52 Enfin, dans un univers qui est vraiment très...
03:54 -Au départ, c'était la distribution de DVD.
03:57 -Exactement, qu'ils ont arrêté très récemment.
04:00 C'est une entreprise d'ancienne génération,
04:02 et comme beaucoup d'entreprises, elle est basée au sud de la Silicon Valley,
04:06 à Los Gatos, la banlieue de San Jose,
04:09 qui est la grande ville, historiquement,
04:12 de la Silicon Valley et dans la Silicon Valley.
04:14 Pour donner une image, un élément de comparaison,
04:17 c'est un peu comme si c'était l'île de France.
04:20 Si vous êtes basé à Paris, par exemple,
04:22 faire tous les jours aller essayer d'enquêter à Palaiso,
04:25 vous allez un peu souffrir.
04:27 C'est le 1er point.
04:28 Je me suis aperçu aussi rapidement
04:30 que la Silicon Valley, c'était un univers à double visage,
04:33 très souriant, ouvert, on peut rencontrer des gens,
04:36 y compris dans la rue à San Francisco,
04:38 passer devant la maison de Marius Zuckerberg
04:40 sans que des bus de touristes viennent photographier.
04:43 Il y a cette dimension d'accessibilité
04:45 qui est assez charmante,
04:47 notamment quand on vient de pays où il y a la lourdeur,
04:50 des grandes familles, des grandes écoles,
04:52 des phénomènes de reproduction, de casse,
04:55 de barrières à l'entrée qui sont très lourdes.
04:57 C'est pas juste moi qui le dis,
04:59 c'est beaucoup de gens qui viennent de l'étranger.
05:02 La Silicon Valley, c'est la moitié d'étrangers,
05:04 de gens nés dans un autre pays.
05:06 Il y a cette dimension cosmopolite,
05:08 principalement des gens d'Europe, d'Asie, d'Inde et de Chine.
05:12 Des pays marqués par une classification sociale,
05:14 une hiérarchie sociale très forte.
05:16 Dans la Silicon Valley, on a l'impression que non.
05:19 -Quand on veut passer la porte, ça devient difficile.
05:22 -Effectivement. Elon Musk ne va pas vous inviter tout de suite
05:26 chez lui à prendre un café.
05:27 -C'est pas ce qu'on imagine non plus.
05:29 -Non, mais ça pourrait vraiment.
05:31 C'est un univers qui est marqué par la jeunesse.
05:35 Et moi, quand j'y étais,
05:37 quand j'y ai passé beaucoup de temps,
05:40 on parlait beaucoup d'Uber, Airbnb,
05:42 qui étaient des sociétés créées par des gens
05:44 qui avaient mon âge, voire plus âgés,
05:46 une trentaine d'années.
05:48 Des gens qui sont ici...
05:50 -On a vu Travis prendre des vidéos de lui dans ses taxis.
05:53 Ça semble très accessible.
05:55 -C'est un univers qui se présente comme assez universaliste,
05:58 assez démocratique.
05:59 En réalité, c'est marqué par une catégorie sociale
06:02 qui est les classes supérieures,
06:04 les classes intellectuelles supérieures.
06:06 Vous avez des gens, par exemple,
06:08 le fondateur de Facebook, son père est dentiste,
06:11 le fondateur d'Airbnb, sa mère est social worker,
06:14 travailleur social, Travis Kalanick, fondateur de Uber,
06:17 c'est un fondateur civil.
06:18 C'est ce type de catégorie sociale
06:21 qui, en l'espace de quelques années,
06:23 est arrivé à un niveau de reconnaissance
06:26 et d'enrichissement très, très élevé
06:28 et qui conserve une culture jeune.
06:30 -Tout est bordé en termes de communication.
06:32 On le voit aussi en tant que journaliste
06:35 dans ce secteur.
06:36 Toute la communication est hyper contrôlée.
06:39 Vous parlez de la Silicon Valley comme d'un "fast space",
06:42 un lieu où tout va très vite.
06:44 -Un lieu où tout va très vite,
06:46 un lieu où les interactions, les rencontres sont organisées
06:50 pour que ça aille vite
06:51 et aussi pour développer,
06:53 pour anticiper la prochaine grande vague,
06:56 c'est un gimmick de la Silicon Valley,
06:58 ce qui fait que les choses ne sont pas tournées vers l'histoire,
07:01 comme dans beaucoup d'îles européennes ou à Paris,
07:04 il suffit de se balader dans la rue pour être marqué
07:07 par un patrimoine.
07:09 C'est vraiment vers le futur qu'on s'oriente.
07:11 La comparaison avec l'architecture n'est pas erronée,
07:15 parce qu'on est souvent dans des enseignes de marques
07:17 où on peut acheter un café pas trop cher
07:20 et une salade pas trop chère.
07:21 C'est une culture du travail,
07:23 c'est une culture de la recherche, de l'innovation,
07:27 au sens de la prochaine grande tendance
07:29 et s'interroger sur ce que cette grande tendance va faire.
07:32 Aujourd'hui, les gens sont un peu captés,
07:35 omnibilés par l'IA, les IA génératives.
07:37 Dans la Silicon Valley,
07:39 beaucoup de gens s'interrogent sur la manière
07:41 dont les IA vont impacter un tas de marchés
07:44 et s'insérer dans ces nouveaux espaces.
07:46 C'est toujours cette mentalité d'anticipation,
07:48 d'opportunisme.
07:50 -Pourtant, quand on parle des GAFAM,
07:52 on est face à des très grandes entreprises,
07:55 des groupes solides depuis des années.
07:58 Donc, il y a cette impression quand même de stabilité.
08:01 -Des années, des années.
08:02 C'est souvent des entreprises vintenaires.
08:05 Ce qui, à l'échelle du capitalisme américain,
08:08 est très récent, où les grandes entreprises
08:10 ont plus de 100 ans, que ce soit la banque, l'énergie, etc.
08:14 En plus, ce sont des entreprises
08:15 qui sont vraiment omnibilées ou hantées par une grande peur,
08:19 c'est la relégation, qui est une obsession.
08:21 Par ailleurs, ce qu'il faut voir,
08:23 c'est ce danger du gigantisme
08:25 dont on est souvent menacé quand on enquête cet univers,
08:28 c'est d'être vraiment focalisé
08:30 sur cinq si non propres de grands entrepreneurs
08:33 ou cinq si grandes entreprises.
08:35 C'est un écosystème, entre 10 000 et 15 000 entreprises,
08:38 où les interactions entre les grands et les petits
08:41 sont incessantes.
08:42 Google fait une acquisition quasiment depuis sa création
08:45 chaque semaine.
08:46 C'est un des ressorts de l'innovation
08:49 pour les grandes entreprises qui savent
08:51 qu'elles sont menacées par des dangers de bureaucratisation,
08:54 ce qui est la grande peur dans la Silicon Valley.
08:57 Un des ressorts pour contrer cet effet de bureaucratisation,
09:00 c'est d'aller chercher des nouveaux talents,
09:03 des petites structures et les intégrer
09:05 pour alimenter une forme de dynamisme.
09:07 -Alors, vous tentez une définition de la tech
09:11 d'un point de vue d'un sociologue.
09:14 Qu'est-ce que c'est, la tech, aujourd'hui ?
09:16 -Oui, mais c'est pas...
09:18 C'est pas si facile, parce qu'en fait, la Silicon Valley...
09:21 -Non, d'ailleurs, c'était un ouvrage assez conséquent.
09:25 -Oui, j'ai essayé que ça soit relativement lisible.
09:27 -Ca l'est, je vous rassure.
09:29 -En fait, la Silicon Valley
09:31 s'intéresse pas trop à la sociologie,
09:33 et par exemple, elle s'est pas trop intéressée
09:36 à la Silicon Valley, au sens où il n'y a pas de travaux
09:39 un peu globaux pour essayer de décrire cet univers.
09:43 Et un des grands défis, en fait,
09:46 notamment quand on vient d'Europe,
09:48 c'est de comprendre le changement
09:50 et d'arriver à décrire dans un livre,
09:52 qui est plutôt un objet fixe et figé pour un certain nombre d'années,
09:56 un fonctionnement qui bouge tout le temps.
09:58 Et ça, c'est un vrai défi.
10:00 En l'occurrence, ce que j'ai essayé de dire,
10:02 c'est de trouver tout un tas d'éléments
10:05 pour illustrer la manière dont cette organisation
10:08 s'est développée, et ça passe aussi bien par les organisations,
10:11 par le travail, que la mentalité et la culture.
10:13 -Vous parlez des acteurs de la Silicon Valley
10:16 comme de joueurs. -Effectivement.
10:18 Alors, "joueur", c'est une notion
10:20 qui est très utilisée en économie,
10:23 qu'il est un peu moins en sociologie.
10:27 En l'occurrence, ce que j'ai essayé d'illustrer,
10:30 c'est la manière dont le jeu a, d'une certaine façon,
10:33 un état d'esprit dans la Silicon Valley,
10:35 et c'est une notion, c'est-à-dire qu'on voit le monde,
10:38 dans la Silicon Valley, comme un jeu,
10:40 où il s'agit de s'emparer de blocs,
10:42 à la fois technologiques, mais aussi organisationnels,
10:46 d'entreprises, politiques aussi,
10:47 et de jouer avec ces différents éléments
10:50 pour créer quelque chose de nouveau.
10:52 On devient à la fois joueur et maître des règles du jeu,
10:55 voire inventeur d'un nouveau jeu,
10:57 ce qui est le grand objectif.
10:58 Il faut garder à l'esprit que c'est un espace assez large,
11:02 une population assez diverse, de près de 3 millions de personnes,
11:05 sur 9 millions d'habitants,
11:07 donc la densité, la concentration des gens associés à ce secteur,
11:11 mais en même temps, les superstars de la tech,
11:13 les décideurs de la tech,
11:15 les gens qui ont une visibilité dans la tech,
11:17 c'est 3000 personnes.
11:18 Ca reste un univers relativement hiérarchique.
11:21 -Est-ce que dans ce jeu, il y a l'idée de se prendre
11:24 pour les maîtres du monde ?
11:25 -Qu'est-ce que vous en pensez ?
11:27 Effectivement, on a...
11:29 -En tout cas, vous déroulez...
11:31 -On a vu cette semaine, Elon Musk,
11:33 qui a été invité au château de Versailles,
11:35 et il me semblait qu'on lui faisait plutôt la cour
11:38 que le sens inverse,
11:40 donc j'ai envie de dire que les actes...
11:42 -Vous déroulez ce fil, en tout cas, du monde meilleur
11:46 que la Silicon Valley souhaite créer.
11:48 Alors, avec quel niveau de sincérité
11:50 et quel niveau de réussite ?
11:52 Vous me dites à la fin du livre, je révèle un petit peu,
11:55 mais à la fin du livre, vous me dites que la Silicon Valley
11:59 a autant réussi que raté sa cible.
12:01 -"Maître du monde", c'est une expression
12:03 utilisée pour les dirigeants politiques.
12:06 Je parle aux masculins, car c'était souvent des hommes,
12:09 et dans la Silicon Valley, c'est aussi des hommes.
12:12 Ce qui s'est passé dans ce petit coin de terre
12:15 depuis 100 ans, c'est une longue histoire,
12:17 c'est de créer un autre rapport à la politique
12:20 qui passe par la technologie.
12:22 Ce rapport, qui était plutôt confiné,
12:24 est devenu hégémonique,
12:26 puisque aujourd'hui, la moitié de la planète
12:29 est sous pavillon et utilise des solutions
12:32 de la Silicon Valley.
12:33 Donc, d'une certaine façon,
12:35 pratiquement, les entrepreneurs de la Silicon Valley
12:38 ont un poids politique.
12:40 Alors, pourquoi ils ont formidablement réussi
12:43 et pratiquement échoué ?
12:45 Ben, précisément, parce que, en fait,
12:47 la Silicon Valley, historiquement,
12:49 et à travers les différentes vagues d'innovation,
12:52 a été centrée sur une grande problématique,
12:55 celle de la communication et de l'information.
12:58 Et à ce sujet-là, ils ont formidablement réussi,
13:01 puisqu'ils ont solutionné et résolu des problèmes techniques
13:05 extrêmement complexes
13:07 en sophistiquant à chaque fois les solutions
13:09 et en s'adaptant à ces problématiques-là.
13:12 Si bien qu'ils ont conquis, d'une certaine façon,
13:15 la moitié des cœurs de la planète.
13:18 Donc, ça, c'est une réussite.
13:20 L'échec, c'est qu'ils n'ont pas toujours
13:22 travaillé sur d'autres préoccupations
13:25 et d'autres questions liées aux technologies,
13:28 liées aux innovations.
13:29 La question de la communication est une grande question
13:33 du XXe siècle.
13:34 On peut se demander si ça sera la question du XXe siècle
13:37 ou s'il n'y a pas d'autres défis, notamment environnementaux.
13:41 Et ce qu'il faut ajouter, c'est que la Silicon Valley
13:44 est régie vraiment par une cellule politique et l'entreprise.
13:48 Mais qui se vit comme une cellule politique ?
13:51 Le problème de ces cellules politiques,
13:54 c'est qu'elles ne couvrent pas l'ensemble des problématiques,
13:58 on dirait galliennes, mais transversales ou publiques.
14:01 Du coup, il y a un jeu, une inversion
14:03 ou une sorte de schizophrénie pour ces entreprises
14:07 de la Silicon Valley, qui est très visible.
14:10 De les voir se positionner sur des problématiques
14:13 attachées à la force publique et avoir du mal à y répondre
14:16 pour l'ensemble de la population.
14:19 Ils y répondent pour leurs salariés,
14:21 mais peu pour l'ensemble.
14:23 -C'est un modèle. Les politiques y vont pour voir comment ça fonctionne,
14:27 les entrepreneurs y vont pour réussir aussi bien
14:31 que en Silicon Valley, mais c'est un modèle qui a un coût énorme.
14:35 Un coût démocratique, un coût social,
14:37 un coût environnemental et même un coût économique.
14:41 -Bien sûr, il a un coût économique assez grand.
14:44 On parle beaucoup de Chajipiti, de Pania.
14:46 Sam Altman disait que, probablement,
14:49 ça serait l'organisation la plus gourmande
14:52 en venture capitale.
14:53 Il parlait de lever 100 milliards.
14:56 C'est vraiment énorme.
14:58 C'est la totalité, aux plus hautes années,
15:01 du venture capitale aux Etats-Unis.
15:03 C'est autant d'argent qu'on ne dépense pas ailleurs.
15:06 Un autre exemple, c'est celui d'Elizabeth Holmes et Terranos,
15:10 qui a capté 2 milliards.
15:12 C'est extrêmement conséquent pour un résultat très minime.
15:16 Donc, c'est un vrai coût économique.
15:18 Au-delà de l'efficace et de la magie,
15:21 on y croit et on n'y croit pas.
15:23 Tout le monde est un peu dans ce paradoxe avec la tech.
15:26 On voit bien qu'il y a des limites,
15:28 que les solutions ne fonctionnent pas,
15:31 qu'elles sont boguées, mais on a envie d'y croire
15:34 parce que c'est fun, ça incarne l'avenir,
15:36 il y a des gens qui y réussissent.
15:38 On a envie d'y aller.
15:40 -Sur cette croyance, quand même, de changer le monde,
15:43 aujourd'hui, c'est assez frite, j'imagine,
15:46 au coeur de la Silicon Valley,
15:48 parce qu'on entend des voix dissidentes
15:50 qui nous parlent des problèmes d'éthique,
15:53 du temps après lequel on court, des données personnelles.
15:56 Est-ce que cette croyance, elle perdure pour autant ?
15:59 On va réussir à changer le monde pour aller vers un monde meilleur ?
16:03 -Non, non, mais effectivement...
16:05 Déjà, ça, c'est un peu une formule magique dans la Silicon Valley.
16:09 Il faut l'entendre au sens de la Silicon Valley.
16:12 Quand ils disent "on veut changer le monde",
16:14 ça veut dire "on veut changer le marché".
16:17 On veut changer un marché, disrupter un marché.
16:20 C'est pas vraiment le monde. C'est déjà une formule...
16:23 -Même si, quand même, dans l'équinoxe,
16:25 c'est l'accès à l'information,
16:27 c'est toujours très universel.
16:29 -Vous aurez aussi noté que c'est un système
16:32 qui repose sur, à un moment, une capitalisation
16:34 et l'entrée sur un marché, que ce soit celle de l'entreprise
16:38 ou le dégagement de profits ou des entrées en bourse.
16:41 Il y a un moment où c'est capitalisé.
16:43 Sinon, on fait de la philanthropie,
16:45 on fait de la politique par d'autres moyens.
16:48 Pour répondre à votre question,
16:49 la Silicon Valley a vécu des crises morales ces dernières années.
16:53 Cambridge Analytica, les problèmes de...
16:56 La formule me vient en anglais,
16:58 de sexisme et d'agression sexuelle,
17:01 chez Uber, chez Google.
17:02 L'élection de Donald Trump,
17:04 qui a été un vrai choc pour beaucoup de gens
17:07 dans la Silicon Valley, qui pensaient
17:09 qu'ils participaient à la diffusion d'une meilleure information
17:13 de ce point de vue-là.
17:15 Aujourd'hui, nouvelle panique morale
17:17 avec l'intelligence artificielle,
17:19 des démissions au siège social de Google.
17:22 Ce qui est intéressant de voir,
17:24 c'est que ce sont des gens qui ont du mal à sortir
17:27 de leur système de pensée.
17:28 Bien souvent, ils voient les seules solutions
17:31 aux problèmes technologiques
17:33 par le développement de nouvelles technologies.
17:36 Ce qui, de ce fait, tourne un peu en rond.
17:38 Ils ont beaucoup de mal à sortir
17:40 de ce qu'on appelle le techno-solutionnisme.
17:43 -Donc ça, ça perdure en Silicon Valley.
17:45 Il y a aussi, au départ, vous posez cette question,
17:48 effectivement, assez étonnante,
17:50 c'est pourquoi ça se passe là-bas ?
17:52 Pourquoi en Silicon Valley ?
17:54 Vous étudiez cette question du lieu, de l'espace ?
17:57 -Oui, très étonnant.
17:58 Et encore aujourd'hui, San Francisco,
18:01 c'est la ville la 18e, la mieux connectée au monde
18:04 en termes d'Internet.
18:05 Je dirais bien plus loin que Frankfurt, que Londres,
18:08 que Paris, que Singapour.
18:10 -C'est plutôt mal desservi,
18:12 c'est excentré. -C'est mal desservi,
18:14 c'est loin de tout, c'est loin de l'Europe,
18:16 c'est loin de l'Asie.
18:18 Même en Californie, en fait, c'est très compliqué
18:21 pour faire Los Angeles-San Francisco
18:23 si on ne prend pas l'avion.
18:24 Donc c'est vraiment isolé.
18:27 Et paradoxalement, c'est devenu un peu la force,
18:29 cet isolement, parce qu'ils se sont très vite,
18:32 dès les années 1910, intéressés à des questions
18:35 de communication, à comment résoudre
18:37 des problèmes de distance à travers les technologies.
18:41 En 1910, il y a des clubs d'amateurs de radio,
18:43 autour de la radio, qui sont à la fois des ingénieurs,
18:46 des amateurs, et cette tradition de l'ingénieur amateur,
18:49 elle va perdurer jusqu'à aujourd'hui,
18:52 en passant par les grands moments de l'histoire
18:54 de la Silicon Valley, Apple, Google, etc.
18:57 -Vous terminez votre ouvrage sur des pistes de réflexion
19:00 pour comment réaligner, finalement, la tech avec son ambition
19:04 d'un monde meilleur.
19:07 Qu'en est-il des menaces sur le marché,
19:10 pour le coup, du côté de l'Asie, des menaces de la Chine ?
19:13 -Moi, ce dont j'étais assez frappé, quand même,
19:16 durant cette enquête,
19:17 puisque les menaces, c'est vraiment
19:20 les relations, en fait, très fortes
19:22 entre la Silicon Valley et la Chine.
19:24 A Stanford, j'ai passé beaucoup de temps
19:27 dans le département d'informatique,
19:29 où, je ne vais pas dire de bêtises,
19:32 mais la moitié des étudiants étaient d'origine chinoise,
19:35 soit directement, soit à une ou deux générations.
19:39 Du coup, les parents chinois étaient quand même
19:42 des pourvoyeurs importants en termes de financement
19:45 de l'université de Stanford.
19:46 La communauté chinoise dans la Silicon Valley
19:49 est la plus ancienne, à la fois dans la région,
19:52 c'est le 1er Chinatown, il est à San Francisco,
19:54 dès le 19e siècle, mais aussi dans la tech.
19:57 C'est le plus structuré, le plus important,
19:59 le plus capitalisé.
20:00 Et on retrouve aussi des grandes entreprises de la tech
20:03 qui font régulièrement des investissements
20:06 dans des entreprises de la Silicon Valley.
20:09 C'est plus une interaction, une histoire commune.
20:11 Beaucoup de gens vont dans la Silicon Valley
20:14 et repartent dans le pays, soit à Taïwan, soit en Chine,
20:17 et anciennement à Hong Kong, et font vivre ces échanges.
20:20 Après, la question, c'est celle du durcissement
20:23 des relations politiques entre les Etats-Unis et la Chine.
20:27 C'est la question de Taïwan,
20:28 qui est vraiment un enjeu crucial
20:30 par rapport au micropus et au transistor.
20:34 C'est la question aussi de la pénétration
20:36 du marché chinois par des entreprises de la Silicon Valley.
20:39 C'est une marotte.
20:41 Google s'est cassé les dents, Uber s'est cassé les dents,
20:44 LinkedIn vient de fermer ses bureaux en Chine.
20:47 Donc, ça reste une vraie problématique,
20:50 et une vraie limite dans cette géopolitique de la tech.
20:54 -Bon, c'est un paradoxe de plus,
20:57 et il y en a beaucoup dans cette Silicon Valley.
21:00 Je conseille la lecture de cet ouvrage
21:02 si on veut comprendre comment fonctionne
21:05 l'épicentre du réacteur de la tech,
21:07 en Silicon Valley.
21:08 Dans ce livre, on découvre vraiment
21:10 les mécanismes de cet écosystème.
21:12 Merci beaucoup, Olivier-Alexandre,
21:15 chercheur au CNRS, auteur de la tech
21:17 quand la Silicon Valley refait le monde,
21:19 paru chez Seuil le 24 mars dernier.
21:21 Merci encore d'avoir été avec nous.
21:24 On se retrouve après une pause.
21:25 On va s'intéresser au monde du logiciel libre.
21:28 (Générique)
21:31 ---
21:34 -Bienvenue de retour sur le plateau de Smartech
21:36 pour cette 2e partie de l'émission.
21:38 C'est notre grand rendez-vous avec le monde du libre,
21:41 rendez-vous régulier, assuré par Jean-Paul Smets,
21:44 PDG de Rapid Space.
21:45 Aujourd'hui, tu es venu, Jean-Paul,
21:47 avec François Tournesac,
21:49 cofondateur de Unpléon,
21:50 impliqué dans un projet dont on va parler,
21:53 Wooden Data Center,
21:54 un projet de data center en bois,
21:56 comme le titre de cette séquence l'indique.
22:00 Bienvenue sur ce plateau.
22:01 On va commencer avec des actualités
22:03 du monde du libre et Jean-Paul,
22:05 et ensuite, on s'intéressera à votre projet.
22:08 Alors, Jean-Paul, 2 grandes actus.
22:10 La première, qui contracte, j'ai envie de dire,
22:13 le monde du libre,
22:14 c'est l'arrivée de nouveaux textes,
22:17 de lois, des règlements,
22:18 qui instituent des mécanismes
22:20 qui vont pénaliser directement
22:22 les logiciels libres en Europe.
22:23 Et la seconde, plus positive,
22:25 c'est ton voyage à Prague qui t'a permis
22:27 de découvrir ces initiatives dans le libre
22:30 et de créer des matériels durables.
22:32 On va commencer avec cette accumulation de lois
22:35 qui vont contre, tu nous dis, le logiciel libre,
22:37 en tout cas, largement compliquer la vie
22:40 de cet écosystème.
22:41 Qu'est-ce qui se passe ?
22:42 -Je ne comprends pas ce qui se passe.
22:44 Quand on va à Prague, on voit des choses extraordinaires.
22:48 Il y a un foisonnement de créations.
22:50 Le libre, c'est des entreprises
22:52 qui travaillent avec des entreprises
22:54 et qui font qu'aujourd'hui, on a une autonomie numérique
22:57 complète en Europe. C'est génial.
22:59 Quand on rentre et on voit un texte de Thierry Bruton
23:02 qui a été validé par le Parlement
23:05 le 9 mai 2023 sur la... -Parlement européen.
23:09 -La régulation de l'intelligence artificielle,
23:11 et que propose ce texte ?
23:13 D'interdire la publication de certains logiciels libres.
23:16 C'est-à-dire, en fait, l'article 28B dit
23:19 que tout créateur d'un modèle de fondation
23:22 pour l'intelligence artificielle,
23:24 y compris fourni sous forme de logiciels libres,
23:27 avant de le publier, doit se soumettre
23:29 à une batterie de tests.
23:31 C'est bizarre, car les logiciels libres,
23:33 on commence par les publier pour les développer ensemble.
23:36 -Ca pose un gros problème.
23:38 -On ne va pas d'abord demander la permission de travailler ensemble.
23:42 Le résultat, on le connaît qu'après.
23:44 On nous demande de prévoir le résultat d'un travail
23:47 qui n'a pas été fait avant de publier le logiciel.
23:50 Il faut vérifier que ça protège la démocratie,
23:52 qu'il n'y a pas de biais dans les informations,
23:55 qu'il n'y a pas trop de gaz à effet de serre,
23:58 qu'on a des mécanismes d'assurance qualité
24:00 pour tracer la confermité avec toutes les lois européennes,
24:04 que c'est bien dans le registre européen de l'IA,
24:06 que ça respecte les règles de transparence,
24:09 que les textes ne vont pas contredire
24:11 des lois en matière de copyright ou d'autres lois européennes.
24:15 On demande à l'auteur du logiciel,
24:17 qui ne l'a pas encore développé,
24:19 de cocher toutes les cases des bonnes intentions.
24:22 Bref, on lui demande de prouver l'impossible,
24:25 ce qui coûte très cher, et il n'est pas rémunéré.
24:27 Donc, moi, ce que je me dis, c'est une loi pareille,
24:30 avec des projets comme Eletheria,
24:32 on en avait parlé il y a deux ans,
24:34 c'est le OpenAI européen libre.
24:36 Ça ne peut plus exister.
24:38 Et donc, moi, je ne comprends pas ce qui se passe.
24:41 -Est-ce que c'est la première fois qu'en Europe,
24:43 on adopte une telle position
24:45 qui va à l'encontre du développement de logiciels libres ?
24:48 -C'est ça qui est inquiétant.
24:50 Si c'était la première fois, on pourrait se dire
24:53 qu'il y a quelques personnes qui n'ont pas compris,
24:56 et on peut leur expliquer.
24:57 Mais c'est la quatrième fois, au moins.
25:00 Avant, on a eu le Cyber Resilience Act,
25:02 qui, en fait, date de septembre 2022,
25:04 dont on a parlé plus récemment,
25:06 on a vu des articles de la fondation Python.
25:09 Et que dit le Cyber Resilience Act ?
25:11 C'est que si vous publiez un logiciel libre,
25:13 et que ce logiciel libre contient une faille de sécurité,
25:17 vous pouvez avoir une amende de 15 millions d'euros.
25:21 Plus précisément, si vous êtes une entreprise
25:23 qui publie un logiciel libre,
25:25 comme Bosch peut le faire, mais comme de nombreuses entreprises,
25:29 EDF publie des logiciels libres sur lesquels ils ne gagnent rien,
25:33 mais qui servent à alimenter les communautés de recherche
25:36 sur des questions de conception assistée par ordinateur.
25:39 Donc, vous le publiez, il y a une faille de sécurité,
25:42 mais le pire, c'est que vous le publiez,
25:44 quelqu'un d'autre l'utilise, on fait un produit commercial,
25:48 les gens l'utilisent, il y a une faille de sécurité.
25:51 Celui responsable de la faille de sécurité
25:53 n'a pas écrit le logiciel et n'a jamais été rémunéré.
25:56 C'est celui qui écrit le logiciel et n'a jamais été rémunéré,
26:00 et non pas celui qui l'a embarqué dans un produit commercial.
26:03 Et donc, c'est extrêmement injuste.
26:06 Et la seule chose qu'on propose aux auteurs de logiciels libres,
26:10 c'est de dire, mettez-le dans une fondation.
26:13 90 % des fondations sont américaines.
26:15 Donc, mettez-le quelque part,
26:17 qui va être soumis au Foreign Intelligence Surveillance Act,
26:20 aux lois extraterritoriales américaines.
26:23 Donc, là, le résultat concret,
26:25 c'est pas qu'on va plus faire l'Etheria,
26:27 mais c'est qu'en fait, tous les logiciels libres européens
26:30 venant d'entreprises publiées directement,
26:33 si ces entreprises veulent ne pas subir les conséquences du CRA,
26:37 il faut qu'elles le transmettent dans des fondations américaines.
26:40 On perd alors de la souveraineté numérique.
26:43 -Il y a aussi en France des dispositifs équivalents.
26:46 -On a des choses du même genre, mais c'est pas fait exprès.
26:49 C'est les conséquences de la façon dont ça a été fait.
26:53 Donc, par exemple,
26:54 au lieu de parler de biens publics numériques,
26:57 qui est le concept de partage du logiciel libre
27:00 validé par les Nations unies,
27:02 la France promeut les communs numériques.
27:05 Et les communs numériques, c'est la gouvernance, pas la licence.
27:08 Dans les communs numériques, il y a des choses qui sont pas libres,
27:12 mais c'est fait par une entreprise, c'est exclu.
27:15 Quand on voit les premiers textes...
27:17 -Or, il y a des entreprises derrière les logiciels libres.
27:20 -La majorité des logiciels libres en Europe,
27:23 c'est fait par des petites entreprises.
27:25 Mais donc, ils sont pas dans les communs numériques.
27:28 Et donc, la France promeut quelque chose qui...
27:31 C'est pas que ça les exclut.
27:33 Dans les faits, ça les exclut,
27:35 mais en faisant la promotion d'un certain type de gouvernance,
27:39 on exclut, en fait, la majorité de la création.
27:42 Et si on va plus loin, si on regarde le Secnum Cloud,
27:45 qui est Secnum Cloud aujourd'hui ?
27:47 Quelles sont les technologies au coeur des offres Secnum Cloud ?
27:50 Elles sont toutes propriétaires et américaines.
27:53 Pourtant, on a des technologies libres de cloud,
27:56 je l'avais nommé, OpenSVC, Vates, Leanbit,
27:59 on en a plein en Europe, et elles sont utilisées par les GAFAM.
28:02 Mais elles ne sont pas dans les offres Secnum Cloud.
28:05 J'ai demandé à Alain Garnier... -Parce que quoi ?
28:08 -Vous prenez un logiciel propriétaire,
28:10 vous signez un bout de papier, montrez-le à Nancy,
28:13 s'il y a ce qu'il faut, vous allez pouvoir passer la qualification.
28:17 Mais si vous prenez du libre, on vous demande de vérifier
28:20 chaque comité un par un pour s'assurer qu'il est conforme.
28:23 Et comme la qualification, c'est chez vous et pas chez votre sous-traitant,
28:27 si vous sous-traitez, vous faites appel à la communauté,
28:30 pour que la qualification vaille,
28:32 vous devez demander à la communauté d'être qualifiée.
28:36 C'est un système qui fait que vous prenez un logiciel propriétaire,
28:39 et vous avez un processus infini, infaisable.
28:42 -Quelles conséquences on peut imaginer
28:45 à cette accumulation de contraintes, de nouvelles contraintes, en Europe ?
28:49 -Quand vous mettez des lois qui coûtent très cher à mettre en oeuvre
28:53 et qui rapportent rien, en gros, les gens partent.
28:57 C'est basique.
28:59 Pour les créateurs, quand vous empêchez de créer,
29:02 ils partent aussi. Ils vont se réfugier.
29:04 C'est généralement des réfugiés politiques.
29:07 Le cas le plus intéressant, c'est Yahoo Japan.
29:09 Yahoo Japan, c'est le Google japonais.
29:11 Yahoo Japan, c'est le moteur de recherche préféré des Japonais.
29:15 Il n'est pas accessible en Europe.
29:17 Pas parce que le gouvernement français ou l'Europe a censuré Yahoo Japan,
29:21 mais parce que Yahoo Japan,
29:23 pour ne pas avoir à payer les coûts qu'ils estiment très élevés du RGPD,
29:27 ce qu'ils ont interprété de façon perfectionniste à la lettre,
29:31 comme peuvent faire les Japonais,
29:33 ont tellement peur de ne pas le respecter...
29:36 Pour les Japonais qui habitent en Europe,
29:38 on bloque la série Yahoo Japan, fini.
29:40 Et donc, ça veut dire que si on veut faire du Yahoo Japan en Europe,
29:44 il faut installer un VPN pour faire croire à son PC qu'on est au Japon.
29:48 Ca ressemble à ce que je fais quand je vais en Chine,
29:52 où je dois installer un VPN pour continuer à utiliser Google en Chine.
29:56 -Ca me fait penser à Google,
29:57 qui nous annonce que Bard ne sera pas disponible en Europe
30:01 pour des raisons de contraintes réglementaires.
30:04 Ca veut dire, par exemple, que GitHub pourrait acquitter l'Europe ?
30:08 -On n'en est pas là, mais c'est un risque possible,
30:11 parce que ce qu'il faut voir,
30:13 c'est que le type de loi qu'on est en train de faire passer en Europe,
30:16 c'est exactement le même genre que ce qu'il y a eu en Chine il y a 10 ans.
30:21 En Chine, c'est au nom de l'intérêt du peuple,
30:23 c'est-à-dire du Parti communiste.
30:25 En Europe, c'est au nom de l'intérêt de la démocratie,
30:29 de l'information fiable et toute une série de choses,
30:32 et souvent aussi de la protection des ayants droits.
30:35 En fait, la protection des ayants droits
30:37 conduit aux attaques les plus violentes sur les services en ligne.
30:41 Les raisons ne sont pas les mêmes, mais les faits.
30:44 Il suffit de regarder ce qui se passe en Chine.
30:47 En Chine, il n'y a pas GitHub, il y a des services équivalents.
30:50 Il y a peu d'opérateurs de cloud en Chine, trois,
30:53 mais les équipes de l'opérateur ont accès à GitHub, officiellement,
30:57 parce que dans les réseaux des centres de R&D
31:00 des opérateurs de cloud chinois,
31:02 la loi chinoise ne s'applique pas,
31:04 car il faut donner l'accès aux technologies étrangères.
31:07 Elle ne s'applique qu'au PME.
31:09 Ca conduit à un monde où vous êtes petit, vous êtes censuré,
31:12 vous êtes gros, vous ne l'êtes pas,
31:14 et quand les gens en ont marre, ils partent.
31:17 -Ils vont partir où, ces créateurs de logiciels libres ?
31:20 -Aux Etats-Unis ou en Europe.
31:22 On a des développeurs chinois qui sont venus comme ça en Europe,
31:25 mais je ne sais pas où on va pouvoir aller maintenant,
31:28 parce qu'il y a de plus en plus de lois de ce type
31:32 et de plus en plus de pays.
31:33 Moi, ce que je peux voir...
31:37 Le meilleur prédicteur, c'est la Chine.
31:40 Donc, il faut se préparer à avoir des VPN,
31:42 ça, c'est sûr,
31:43 parce que ça va devenir invivable en termes de blocage de services ici.
31:48 Et puis, il faut commencer à essayer d'identifier
31:51 des pays qui protègent la liberté de créer des logiciels libres.
31:55 -On peut aussi agir encore sur ces textes,
31:57 qui ne sont pas totalement... -J'espère.
31:59 -...validés et finalisés.
32:01 -On passe à l'actualité positive, Jean-Paul.
32:04 Conférence donc Open Compute à Prague.
32:07 Génial, vous êtes revenu super enthousiaste
32:10 sur toutes ces initiatives du monde du libre
32:14 autour de la réduction de la consommation d'énergie.
32:17 Notre invité, François Tournesac, va nous en parler.
32:20 -C'est génial, je suis allé à celles aux Etats-Unis,
32:23 à Saint-José et à celles à Prague.
32:25 Aux Etats-Unis, c'était ennuyeux, il n'y avait pas de feeling,
32:29 il n'y avait que des ventes de produits.
32:31 Qui avait le plus de gigabit dans son switch ou son serveur ?
32:34 A Prague, c'était un déluge de créations,
32:39 toutes orientées dans le sens de réduire l'énergie,
32:42 la matière, la consommation.
32:44 Il y avait quelque chose de fantastique,
32:46 on voyait les valeurs européennes.
32:48 -François, vous allez nous parler de ce projet,
32:51 de "Data Center en bois", "Wooden Data Center".
32:54 Comment est-ce qu'on peut construire un "Data Center en bois" ?
32:58 Dès que Jean-Paul m'a parlé de ce projet,
33:01 ça m'a fait penser à l'incendie chez OVH.
33:03 Vous êtes sûr que c'est une bonne idée ?
33:05 -L'incendie chez OVH, on va en parler, c'est intéressant,
33:08 c'est un peu comme la cathédrale de Paris.
33:11 Quand il y a un incendie,
33:13 il y a surtout les matériaux métalliques
33:15 qui vont fondre en premier.
33:17 C'est eux qui vont être les plus sensibles
33:19 à cette chaleur qui va se dégager aux environs de 1 000 degrés.
33:23 C'est assez faramineux.
33:24 Et le bois, s'il est bien structuré,
33:27 et il y a des innovations dans ce sens-là,
33:29 il va être plus solide.
33:31 Donc, le feu, oui.
33:33 Après, ce qu'il faut bien comprendre,
33:35 c'est quand il y a un incendie dans un "Data Center",
33:38 on ne va pas s'attendre à retrouver tout d'une façon identique.
33:42 Il existe quand même des systèmes de protection
33:45 qui sont très intenses.
33:46 OVH en avait, donc il a pu aussi bénéficier
33:49 d'un certain nombre de restes.
33:51 Il faut savoir qu'OVH, ce qui est intéressant
33:54 dans ce qu'ils ont fait,
33:56 c'est qu'ils ont été chercher des anciens buildings.
33:59 Pour mettre leur "Data Center".
34:01 Et là, on comprend leur stratégie.
34:03 Pourquoi ils font ça ?
34:05 C'est qu'ils vont chercher, d'une certaine manière,
34:08 les capacités à réduire leur carbone.
34:12 -Pourquoi le bois ?
34:14 Est-ce qu'on n'a pas d'autres options
34:16 si on veut bâtir un "Data Center" net carbone ?
34:19 -Le bois, finalement, c'est la partie négative du carbone.
34:24 C'est ça qui est intéressant.
34:26 Quand on met du béton, du béton armé,
34:29 on va toujours avoir du positif.
34:31 Et finalement, on va avec cette ascension qu'on nous a dit,
34:34 que le carbone était en pleine croissance
34:37 et que ces gaz à effet de serre allaient influencer sur le climat,
34:42 ce qui nous fait assez peur.
34:44 Aujourd'hui, on sait très bien que le béton, par exemple,
34:48 fait une croissance de 150 %,
34:52 finalement, d'impact carbone sur les "Data Center".
34:56 Alors que si on fait la même chose en bois,
34:59 on va avoir un impact de moins 20 %.
35:02 Je pense que c'est négatif qu'on va chercher dans le monde,
35:05 parce qu'on va essayer de changer le paradigme.
35:08 -Il reste les serveurs qu'on met à l'intérieur.
35:11 -Les serveurs, on ne va pas les faire en bois.
35:14 -Comment est-ce qu'on arrive à un bilan neutre
35:17 pour ce "Data Center" ?
35:19 -Dans les "Data Center", on parle de "PUE".
35:22 C'est le mot.
35:25 Finalement, ce "PUE", il a pris en compte
35:27 l'ensemble des coûts carbone
35:31 du fournisseur de "Data Center".
35:33 Donc, on va s'intéresser... -De sa fabrication.
35:36 -De sa fabrication. C'est vraiment une vision personnelle.
35:39 Comment gérer au mieux, finalement, ma consommation carbone ?
35:43 Je l'avais dit au VH, par exemple,
35:45 il a décidé de se mettre dans des "Data Center",
35:48 qui sont des anciennes usines,
35:50 de façon à ne pas réinvestir
35:52 dans un coefficient carbone positif.
35:56 -Sur ce projet, vous avez travaillé sur cette chaîne logistique.
36:00 Vous allez bâtir des nouveaux "Data Center".
36:02 -On va bâtir des "Data Center". Il va y avoir plusieurs impacts.
36:06 D'abord, la fabrication va être locale.
36:08 On va avoir moins de transports
36:11 puisqu'on va utiliser des bois locaux.
36:13 On va bénéficier de ces lamellés collés nouveaux
36:17 qui permettent de construire des immeubles.
36:19 Il y en a un certain nombre fleurir en France.
36:22 On a vu à Icilie-Moulineau récemment un en béton, un en bois.
36:25 Ils font six et ça va jusqu'à 30 étages.
36:28 C'est assez impressionnant.
36:30 La nouveauté, c'est ces lamellés collés croisés
36:33 qui vont faire la structure.
36:35 Ensuite, on va avoir un accès au bois local,
36:39 ce qui va nous permettre de construire partout dans le monde,
36:42 localement, sans avoir des déplacements de bateaux, etc.
36:47 Si on regarde plus précisément sur la partie du rack,
36:51 puisque finalement, on peut aller dans le building,
36:53 mais pas dans le rack,
36:55 sur le rack, on va s'intéresser à changer le paradigme
37:00 des racks qui sont aujourd'hui en acier.
37:03 Il faut se représenter que les racks en acier des "Data Center"
37:08 représentent aujourd'hui la même production
37:11 que toutes les voitures en Allemagne.
37:13 C'est massif. -Impressionnant.
37:15 -De ce fait, si on transforme toute cette production en bois,
37:19 on va avoir un impact de carbone qui va être gigantesque.
37:23 Là, il y a vraiment un enjeu pour l'Europe,
37:27 beaucoup plus important que pour les Etats-Unis,
37:30 puisque finalement, et comme l'a dit Jean-Paul,
37:33 on est dans une situation
37:35 où les Européens ont plus d'innovation technologique
37:38 au sein des "Data Center",
37:40 puisque finalement, ils ont une pression au niveau du coût
37:44 de l'énergie, parce que le gaz, ça nous a impactés.
37:48 Donc ça, ça va créer des innovations
37:50 et aussi une volonté très farouche
37:53 de réduire notre consommation en carbone,
37:55 puisqu'on est déjà leader, mais on veut faire mieux.
37:59 -Ce qui est intéressant, c'est qu'on parle d'un projet
38:02 open source, matériel, mais open source,
38:05 ce qui veut dire que vous allez bâtir
38:08 non pas juste un modèle de "Data Center",
38:10 mais un écosystème.
38:12 -Tout à fait. Je pense que l'Europe est un modèle,
38:14 mais malheureusement, les lois ont l'air d'être arrêtées,
38:17 mais l'open source, c'était un modèle européen,
38:20 dans lequel on va pouvoir évoluer.
38:22 Nous, on va travailler dans le projet "Wooden Data Center",
38:27 donc avec Karl, moi-même,
38:29 sur une notion de plan,
38:33 de spécification,
38:36 avec une certification,
38:37 et en fait, on va aussi pouvoir faire du consulting
38:41 de façon à pouvoir dire aux acteurs du marché
38:44 comment faire ce genre... -Comment s'approprier
38:47 cette technologie, qui peut faire des grands "Data Centers",
38:51 des "Data Centers", ce qu'on appelle "containers",
38:53 qui vont s'adapter un peu plus facilement,
38:56 on voit ça dans le monde de la 5G,
38:58 puisqu'on va se rapprocher de l'utilisateur,
39:01 et puis aussi les RAC,
39:03 qui, eux, vont fleurir, notamment avec les "Hyperscalers",
39:07 on attend la nouvelle proposition potentielle,
39:10 je ne sais pas, de OVH,
39:12 avec des "Wooden Data Centers" en RAC,
39:15 parce qu'ils ont fait beaucoup de choses,
39:17 puisqu'ils ont vraiment tiré leur avantage
39:20 et créé leur barrière d'entrée par rapport à l'énergie à OVH,
39:24 donc ils vont s'intéresser à cette partie-là.
39:26 -On pose la question à Michel Poulin.
39:28 Merci, François Toursac, de "Wooden Data Center".
39:32 Merci, Jean-Paul Smets, à nouveau, PDG de Rapid Space.
39:35 On termine avec notre regard sur Ouval Web.
39:38 ...
39:40 -Bismart.
39:41 -Eva nous parle de baskets à collectionner
39:44 sous forme de NFT.
39:46 -Nike lance sa collection de NFT,
39:49 son nom, "Air Force One",
39:51 une référence au modèle emblématique de basket,
39:54 Air Force One.
39:55 Et oui, après les sneakers réels, place aux baskets numériques.
40:00 Cette collection est composée de boîtes virtuelles,
40:03 comme quand vous achetez une paire.
40:05 Dedans, différents modèles de la paire de baskets Nike, Air Force One,
40:09 notamment la F1 basse,
40:11 un style classique remixé des centaines de fois
40:14 au fil des années.
40:15 Chaque boîte ou paire est vendue 19,82 dollars,
40:19 un prix qui n'est pas dû au hasard.
40:21 Là encore, les premières Air Force One
40:24 ont été commercialisées par Nike il y a 41 ans,
40:27 soit en 1982.
40:29 Ces boîtes numériques sont mises en vente sur Point Swoosh,
40:32 la plateforme Web3 de Nike.
40:35 Normalement consacrée à la vente d'objets virtuels,
40:37 à destination des avatars, dans le métavers, donc.
40:41 Elles comptent à ce jour plus de 300 000 membres.
40:44 Seuls les inscrits, d'ailleurs, ont accès à la collection NFT.
40:48 Ces dernières années, un véritable business des baskets s'est mis en place
40:53 avec une communauté de collectionneurs passionnés.
40:56 Les marques jouent d'ailleurs le jeu des éditions limitées
40:58 et modèles rares, notamment pour faire parler d'elles.
41:02 Pour vous dire, une paire portée par la légende de la NBA,
41:05 Michael Jordan, a été vendue pour la somme record
41:07 de 2,2 millions de dollars,
41:10 selon la société d'enchaire Southbees.
41:13 Alors, l'engouement sera-t-il le même pour les baskets numériques ?
41:16 La question est posée.
41:18 -Je vous pose pas la question, on n'a pas le temps.
41:20 Jean-Paul Smith, PDG de Rapid Space,
41:22 d'être venu nous décrypter ce monde du logiciel libre
41:24 et nous parler des embûches sur le chemin.
41:27 Merci aussi à François Tournesac de nous parler de Wooden Data Center.
41:31 C'était Smartech. Je vous souhaite à tous une excellente fin de semaine.
41:35 ...