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Lundi 13 janvier 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;)

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00:00Et Hervé, on commence cette émission avec ton édito, et tu nous dis que le manque d'accès
00:09aux soins était prévisible, et ce depuis longtemps.
00:12Oui, merci Alix, effectivement, quand j'ai eu le thème de l'édito, le marronnier.
00:17Vraiment, l'accès aux soins, c'est le cauchemar des éditorialistes, j'en entends
00:20parler depuis que j'ai fini médecine en 1988, ça date un peu, et j'ai l'impression
00:25que c'était assez facile à prévoir.
00:27Déjà à l'époque, on pouvait se dire que la population était en train d'augmenter
00:31en taille et qu'elle allait vieillir, et fait encore plus troublant que les médecins
00:35allaient eux aussi vieillir.
00:36Mais à l'époque, il y avait un numéro de scolosus serré, et il ne fallait pas en déroger.
00:40Donc, évidemment, on se retrouve aujourd'hui avec une situation où on a en Ile-de-France
00:4450% des médecins généralistes qui ont plus de 60 ans.
00:47Et on s'étonne qu'il y ait plus de départs en retraite que de jeunes médecins généralistes
00:51qui s'installent.
00:52On m'a dit une fois, gouvernez, c'est prévoir, je ne sais pas ce qu'ils gouvernent
00:56exactement, mais c'est étonnant.
00:58Et le numéro de scolosus qui est devenu apertus.
01:02Ce qui m'a plu, c'est qu'au moins, je me suis dit, les énards qui nous dirigent
01:05ont fait du latin.
01:06Mais le minimum de postes, ça ne répond pas vraiment à la question en fait.
01:11Ils ont oublié qu'il fallait 10 ans pour former un médecin.
01:14La pénurie, elle est maintenant.
01:15C'est là qu'on a un problème d'accès aux soins.
01:17L'accès aux médecins généralistes, ça commence à venir, l'accès aux spécialistes,
01:21c'est fait.
01:22Mais en même temps, ils rajoutent une quatrième année de médecine générale.
01:25Évidemment, parce que ça fait tourner les hôpitaux pour pas cher.
01:27On a bien tous compris la technique.
01:30Mais les médecins qu'on forme maintenant, ils seront donc en piste, si j'ose dire,
01:35en 2035, à une époque où il n'y aura plus de pénurie de médecins, puisque ça y est,
01:40le pic des retraites sera passé.
01:42Donc c'est bien pensé tout ça.
01:45Effectivement.
01:46Et nos chers gouvernants oublient aussi quelque chose, je pense, c'est que les générations
01:50qui s'installeront en 2035, ce seront donc des XYZ ou peut-être que A, on repartira
01:56et le chasseur de tête nous en reparlera, je ne sais pas, mais je ne suis pas certain
01:59que ces jeunes médecins voudront travailler 70 heures par semaine, quand la règle c'est
02:0535 heures pour tout le monde, que le départ en retraite, on parle de 60 ans, je ne crois
02:08pas pourquoi ça soit 70 ans pour un médecin généraliste, etc.
02:11Et la paperasse, et la paperasse, les médecins sont débordés et on leur colle maintenant
02:17en moyenne 7 heures de paperasse par semaine, ce qui fait une journée, ça n'aura échappé
02:22à personne.
02:23Donc un M.G. perd une journée par semaine à faire de la paperasse à l'hôpital pour
02:27avoir vu un médecin coté des actes de T2A, ça prend un temps fou aussi, c'est vraiment
02:33la bonne idée.
02:34Donc on se dit, on ne comprend pas, il y a un surrecours aux urgences, bah tiens, évidemment,
02:39les médecins sont débordés en ville, ils ne peuvent pas, ils ne peuvent pas accepter
02:42plus de patients, ils ne peuvent pas faire plus d'heures, ça serait même dangereux,
02:46et on se dit, ah bah oui, comment on fait ? SOS Médecins, ça a été créé en 1966,
02:51tout le monde n'était pas né, mais déjà, on anticipait ce problème en disant, ah bah
02:55ça va coincer, bah oui, ça va coincer, c'est sûr.
02:57Donc, on a plein d'études, plein d'études, et Alix en parlera d'une tout à l'heure,
03:03qui sont plus ou moins alarmantes, qui disent, l'accès aux soins en France, ça se durcit,
03:07ça devient compliqué d'avoir un ophtalmo, un dermato, voire d'avoir un médecin traitant.
03:11Dans toutes les études qui existent, il y en a une qui m'amuse, on va dire, parce qu'elle
03:16est un petit peu modérée, c'est celle de l'UFC que choisir, qui porte plainte auprès
03:19du Conseil d'État contre le gouvernement, qui fait une pétition, j'accuse l'État,
03:23accès aux soins, bon, tout ça, ça va bien faire avancer le débat, c'est de la politique.
03:28Alors, on a des mozards de la santé publique qui nous proposent des solutions, toutes formidables,
03:34il n'y a qu'à augmenter les effectifs à l'hôpital, en augmentant les salaires.
03:38Moi, je suis entièrement d'accord, il y a juste un petit problème de budget,
03:41je crois que c'est d'actualité.
03:43Mais bon, il suffit d'obliger les médecins généralistes à refaire des gardes de nuit.
03:47Ben voyons, déjà qu'ils font 70 ans par semaine, il faut qu'ils bossent la nuit,
03:51on ne sait pas trop comment ils seront payés, et puis ce n'est pas dangereux tout ça,
03:53donc c'est parfait.
03:55Donc, ce n'est pas pour rien que ça avait été supprimé en 2002 par Jean-François Matey.
03:59Autre très belle idée, il n'y a qu'à développer les centres de santé.
04:03Vous vous souvenez, c'est Roselyne Bachelot qui a fait ça,
04:05et puis Madame Buzyn est repassée après, en disant on va assouplir le dispositif,
04:11on va permettre l'organisation de centres de santé à but lucratif,
04:16non dirigés par des médecins, avec une volonté très claire peut-être
04:21de mélanger les soins et le business.
04:24Donc il y a eu quelques petits scandales, on en parle à la télé,
04:27la Complément d'Enquête l'autre jour a fait une émission sur la sommet d'Allianz Vision,
04:32des gens qui surfacturaient des actes.
04:34Alors on parle de ça plutôt que de parler du vrai boulot des vrais médecins
04:37qui font tout ce qu'ils peuvent.
04:39Autre sujet qui est à la mode, ce sont les cabines de téléconsultation,
04:43nées pendant la pandémie.
04:45C'était une bonne idée à la base, et tout le monde se dit
04:48oui, les mettre dans les pharmacies, pourquoi pas ?
04:50Et pourquoi la HAS traîne à dire là on a le droit, là on n'a pas le droit ?
04:53Pourquoi on dit on va installer dans les gares ?
04:55C'est la SNCF qui dit ça.
04:57On va en ouvrir 300 d'ici 2028.
05:00Je sais que l'ordre râle en disant une gare ce n'est pas forcément un lieu de santé.
05:05Edouard Leclerc, Michel Edouard Leclerc,
05:07trouve que cette initiative de la SNCF est une très bonne idée,
05:11et que d'ailleurs il voudrait ouvrir des centres de soins dans ses supermarchés.
05:15Bien sûr, avec des parapharmacies et des pharmacies qui vendent des médicaments pas chers.
05:19On voit bien son histoire.
05:21Autre point qu'on entend partout,
05:23il n'y a qu'à obliger les jeunes médecins à s'installer dans des zones sous-denses.
05:28Bien sûr, moi je suis né à Aix-en-Provence,
05:30je n'ai pas forcément envie de m'installer à Limoges.
05:33C'est ma vie, c'est mon choix et ce n'est pas une critique.
05:35Alors pourquoi est-ce qu'on garde ce classement national de l'internat
05:38où on se retrouve à choisir une spécialité qu'on a plus ou moins désirée
05:41dans une région qu'on n'a pas choisie du tout ?
05:43Il y a peut-être un truc à régler là, en fait c'est du bon sens.
05:47Et puis, autre sujet que j'entends, la délégation de compétences.
05:51Autre marronnier qui pose des questions.
05:54Alors on invente les IPA, les infirmières de pratique avancée.
05:58Belle idée, 5 ans d'études, c'est-à-dire autant qu'un ingénieur.
06:00Mais c'est quoi leur rôle exactement ?
06:03On donne des actes à faire aux pharmaciens.
06:05Ils ne m'ont rien demandé d'ailleurs.
06:07Mais ils ont été fort mécants à faire certains actes qui relevaient de la médecine.
06:12Donc, tout ça pour dire, voilà, j'ai quelques préoccupations
06:15sur la gouvernance qui nous entoure.
06:18Alors j'ai une bonne nouvelle pour finir, parce que je ne voudrais pas être pionnégatif.
06:21Nous avons une super ministre et c'est son titre qui me plaît.
06:25Elle est ministre de la Santé et de l'accès aux soins.
06:28Donc, comme disait Jacques Lacan, le mot tue le monstre.
06:32C'est-à-dire que maintenant qu'on parle du problème, on a réglé le problème.
06:35Je ne suis pas certain que ça suffise exactement.
06:37Donc elle est ministre de la Santé, Geneviève Dariussec, formidable.
06:41Le seul truc intéressant, c'est qu'elle travaillait tout près d'ici avant,
06:43au ministère de la Santé, juste à côté de là où on est, au ministère des armées.
06:48Donc elle est sans doute assez bien placée pour faire la guerre aux déserts médicaux.
06:52On va voir ce qu'elle peut faire.
06:53Mais le problème, c'est l'admivie des ministres.
06:55Je vous rappelle qu'on s'est la sixième ministre depuis 2022
07:00et la huitième depuis l'élection de Macron.
07:03Donc Geneviève, pour combien de temps es-tu là ?
07:06Merci beaucoup Hervé.
07:09Ce n'est pas encore le moment d'entamer le débat.
07:12Néanmoins, petite question pour vous, messieurs.
07:16Vous partagez le même constat qu'Hervé, le manque d'accès aux soins.
07:19C'était facile à prévoir ?
07:22Oui, c'était évidemment facile à prévoir.
07:27Sur les éléments démographiques qu'a rappelé Hervé,
07:31tout était connu, planifié.
07:34Il n'y a pas de surprise.
07:36On ne sait pas trop ce qui va se passer en économie.
07:38On ne sait pas trop ce qui va se passer en termes d'inventions scientifiques, etc.
07:44Mais en démographie, on s'est relativement bien planifié.
07:47Donc on savait que la population allait vieillir.
07:49On savait que la population allait augmenter.
07:51Et on savait que les médecins allaient partir.
07:53Et c'est vrai que là, il y a une impéritie dans les politiques publiques
07:58et dans la manière dont ces réponses ont été construites qui pose question.
08:04Aujourd'hui, l'Académie de médecine estime que pour remplacer un médecin qui part en retraite,
08:10il en faudrait 2,1.
08:11Donc on voit bien que ce n'est pas en passant de 8 500 médecins formés
08:17quand il y avait le numerus clausus à 11 000 avec l'apertus
08:21qu'on va répondre aux besoins.
08:23Le temps médical va continuer de baisser,
08:24Hervé le disait, jusqu'au milieu de la décennie prochaine.
08:27Et au mieux, on retrouvera le temps médical de 2020 en 2040-42.
08:33Sauf que d'ici là, la population va continuer d'augmenter
08:35et elle va surtout continuer de vieillir.
08:37Donc le besoin en santé, lui, va considérablement augmenter.
08:41Et là où je ne rejoins pas Hervé, par contre,
08:44c'est que si on continue de penser le système de santé comme il est aujourd'hui,
08:48on continuera de gérer la pénurie.
08:49Et c'est pour ça que nous, on pense qu'il faut vraiment changer.
08:52Mais après, je voudrais quand même...
08:54Parce que oui, il y a un problème d'accès aux soins.
08:56Il y a 6 millions quasiment de nos concitoyens
09:01qui n'ont pas de médecin traitant.
09:04Même si l'assurance maladie a beaucoup travaillé
09:06pour que ceux qui sont en infection de longue durée
09:08aient un médecin traitant,
09:09il en reste quand même encore un certain nombre qui n'en ont pas.
09:12Donc il y a des difficultés, il y a des délais.
09:15Il y a du renoncement aux soins du fait des délais,
09:18du fait de l'offre dans les territoires.
09:20Mais il y a quand même, tous les jours,
09:22un million de consultations qui sont faites
09:24grâce à la mobilisation des médecins sur tout le territoire.
09:28Donc il ne faut pas non plus laisser penser à nos concitoyens
09:33qu'on est au Moyen-Âge
09:34et qu'il n'y a pas de solution pour se soigner dans le pays.
09:37Il y a des soucis, il faut y réfléchir,
09:39il faut y travailler collectivement.
09:41Mais quand même, grâce à la mobilisation des professionnels de santé,
09:44des médecins en premier lieu,
09:47les gens ne sont pas laissés à l'abandon quand même.
09:50Il faut quand même rester raisonnable.
09:53Jean-Marcel Ravel.
09:54Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a pu être dit.
09:58Tout d'abord, le point de rupture,
10:00ça a été il y a déjà 30 ans,
10:03avec une vision trop exclusivement comptable
10:06de la politique de santé,
10:08avec l'ONDAM, le vote de l'objectif national
10:11des dépenses d'assurance maladie,
10:12avec une standing ovation le 15 novembre 1995,
10:17c'était Alain Juppé qui proposait cela.
10:19Il y a eu la loi HPST, dite loi Bachelot.
10:22Madame Bachelot est bien mieux connue pour sa politique des masques
10:27que sur l'effet délétère qu'elle a pu avoir
10:30sur la vision entrepreneuriale des hôpitaux.
10:33Et pourtant, on en porte encore les mots.
10:36Qu'est-ce qui s'est passé en 50 ans ?
10:39La population française a augmenté d'un tiers et elle a vieilli.
10:44Qu'est-ce qui devrait se passer,
10:45même s'il faut être toujours prudent
10:49dans les projections démographiques d'ici 2070 ?
10:522070, c'est intéressant parce que c'est ce qui conditionne
10:55la formation des étudiants aujourd'hui.
10:58La population, en revanche, devrait stagner,
11:01mais surtout, elle devrait vieillir.
11:03La population des plus de 75 ans devrait doubler.
11:09Les vieux de demain, comme je dis de façon un peu expéditive,
11:12on les connaît puisqu'ils sont déjà parmi nous.
11:16Plus de 5,5 millions de personnes âgées de plus de 75 ans
11:20qu'ils ne sont aujourd'hui.
11:23Or, on est dans une situation
11:25où les besoins n'ont pas été anticipés.
11:29Ça, c'est très cruel.
11:31Donc, il faut vraiment revenir à une dimension,
11:35pas revenir, venir à une dimension qualitative
11:38de la politique de santé.
11:40Et souvent, on parle de l'accès aux soins,
11:43mais permettez-moi d'y rajouter le parcours.
11:46Parce que ce n'est pas parce qu'on a une clé à l'accès
11:48que le parcours de soins sera pertinent, adapté.
11:52Comme je le dis souvent, le patient esselé, non sachant,
11:56est souvent, trop souvent, en situation de devoir coordonner
12:00son propre parcours de santé.
12:02Ça, ce n'est pas admissible.
12:04Raphaël, rapidement, parce qu'on doit passer au débat.
12:05Oui, je ne peux que partager ce qui a été dit dans les constats
12:08et mes collègues et en introduction.
12:12Au final, le seul point de désaccord que j'aurai avec vous,
12:15c'est que certainement, les éléments démographiques
12:18étaient prévisibles, ce qui n'a pas été anticipé
12:20et ce qui était difficilement anticipable,
12:24c'était l'évolution en passant d'une pathologie aiguë
12:26aux pathologies chroniques.
12:28Et finalement, c'est ça aussi qui vient faire
12:30que tout le système de santé doit être repensé.
12:33Et là, encore une fois, je veux avoir un point de désaccord
12:35avec vous, c'est le fait d'avoir sur le fronton
12:37du ministère de la Santé, le terme accès aux soins
12:40peut être vu d'une façon positive,
12:42mais il peut aussi être vu d'une façon négative
12:44en disant qu'on a retiré le terme de prévention,
12:46qui est quand même essentiel si on veut pouvoir
12:48une refondation de notre système de santé
12:51autour de cette prévention pour répondre non plus
12:54aux besoins de soins, mais vraiment aux besoins de santé
12:56de la population et du coup, pouvoir diminuer la pression
12:59d'accès aux soins et avoir une meilleure santé publique.
13:02Et on va pouvoir développer tout ça tout de suite, le débat.

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