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Lundi 13 janvier 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Raphaël Dachicourt (médecin généraliste et président, syndicat REAGJIR) , Jean-Marcel Mourgues (vice-président, Ordre des Médecins) et Eric Chenut (président, Mutualité Française)

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00:00Il y a quelques mois, la Fondation Jean Jaurès a sondé plus de 8000 Français sur leur vision
00:09d'une société idéale, tant sur le plan politique que sur le cadre de vie souhaité.
00:14Les résultats de cette enquête sont sans appel.
00:1666% des participants expriment le besoin urgent d'accéder facilement à des services et
00:23des professionnels de santé, un souhait qui transcende les catégories sociales, les âges
00:28et les environnements de vie.
00:30La traditionnelle fierté des Français pour un système de santé qu'ils considèrent
00:34comme l'un des meilleurs au monde semble avoir évolué vers une source d'inquiétude.
00:38Aujourd'hui, nous décortiquons ces enjeux ensemble.
00:41Quelles solutions concrètes envisager ? Quel rôle les professionnels de santé peuvent-ils
00:46jouer pour répondre à ces attentes pressantes ? Je suis ravie d'accueillir nos invités
00:51pour ce débat sur l'avenir de l'accès aux soins en France.
00:54Jean-Marcel, j'aimerais commencer avec vous.
00:57Hervé l'a dit, le thème de l'accès aux soins, c'est un marronnier en France.
01:01Il revient régulièrement dans le débat public.
01:04Aujourd'hui, rapidement, quels constats peut-on faire sur l'état de l'accès aux soins ?
01:09Il concerne quasiment l'ensemble des territoires.
01:13Même s'il n'y a pas de définition des déserts médicaux, on considère que 90% du territoire
01:19maintenant est concerné par des difficultés d'accès aux soins.
01:23Il concerne l'entièreté des soins, toutes spécialités confondues,
01:28spécialité médecine générale, mais aussi toutes les autres spécialités,
01:33hôpital, ville.
01:35Donc c'est un constat qui s'impose et qui, hélas, s'aggrave au fil du temps.
01:40Il n'y a pas de spécialité plus concernée, plus touchée ?
01:43Il y a, mais c'est plus de l'ordre de la nuance.
01:46Il n'y a pas, on va dire plutôt qu'il n'y a pas de spécialité qui ne soit pas concernée.
01:51Si vous prenez la psychiatrie, par exemple, elle est particulièrement concernée
01:55par les inégalités théâtriales, mais il y en a bien d'autres.
01:58Les chiffres montrent une légère augmentation du nombre de médecins en activité régulière.
02:03Pour autant, est-ce que cette hausse est suffisante pour répondre aux besoins ?
02:08Cette hausse du nombre de médecins de façon générale, elle cache quand même certaines disparités.
02:14Finalement, on a une hausse du nombre de médecins sur les spécialités hors médecine générale,
02:19mais finalement, sur la spécialité de médecine générale, on stagne, voire on a tendance à diminuer.
02:24On a des données également de l'adresse qui viennent compléter, en plus celle de l'ordre des médecins,
02:29et qui montrent que non seulement on a une diminution de l'exercice en ville, libérale notamment,
02:35et une augmentation de l'exercice salarié, et une diminution du nombre de médecins généralistes.
02:40On se rend compte que forcément, on va avoir un souci sur les soins qu'on appelle de premier recours,
02:45c'est-à-dire le médecin traitant en priorité, puisque finalement, en diminuant ce nombre,
02:50on va avoir du mal à faire face à l'augmentation de la population,
02:54et au vieillissement, et à l'augmentation des pathologies chroniques.
02:58On l'a évoqué au sortir de l'édito d'Hervé, l'impact du vieillissement de la population, c'est une émission concrète.
03:07Aujourd'hui, à quelle solution on peut penser pour anticiper la demande en soins spécialisés ?
03:14Je crois que c'est une boîte à outils, il n'y a pas une solution, une seule, sinon elle aurait été appliquée.
03:21Il faut d'abord décloisonner le système de santé, on est dans un système polyarchique,
03:26avec des frontières entre la ville, l'hôpital, entre le sanitaire, le médico-social, et entre les différentes spécialités.
03:36L'hôpital va mal, la ville va mal, on a injecté avec le Ségur la santé des sommes astronomiques,
03:42mais c'est le tonneau des Danaïdes.
03:44Si on ne sépare en amont et en aval deux patients, dont 13 millions maintenant ont une infection de longue durée,
03:5135% prennent un traitement quotidien, si on ne sait pas mieux prévenir, dépister, diagnostiquer suffisamment tôt,
04:01voir le maintien à domicile, le retour d'hôpital, on chargera la barque de l'hôpital sans pour autant avoir un parcours de qualité.
04:12Le défi dès aujourd'hui, c'est d'améliorer la qualité des soins, en en contenant le coût puisque le système de santé français
04:20est essentiellement basé sur la solidarité, c'est une dépense socialisée, et il faut à ce moment-là effectivement redéfinir,
04:29je crois, les choses à parcours de ce qu'est un parcours de soins coordonné et de qualité.
04:35Et là, force est de constater que nous sommes très très loin de ce qui serait un parcours vertueux.
04:42– Et Éric, justement, le système de protection sociale est en difficulté,
04:47dans quelle mesure ça pourrait aggraver les inégalités d'accès aux soins ?
04:53– Moi, je rejoins ce qui a été dit, je pense qu'il faut d'ailleurs qu'on soit attentif aux éléments statistiques
05:00et pas résonner en nombre de médecins, mais bien en temps médical, parce qu'Hervé le disait dans son édito,
05:05les médecins qui arrivent aujourd'hui n'ont plus envie de travailler 65-70 heures par semaine,
05:14et c'est peut-être tant mieux d'ailleurs, pour leur vie personnelle bien sûr,
05:17mais aussi pour avoir d'autres temps, parce qu'à un moment donné, à travailler autant,
05:26on peut aussi avoir un certain nombre de complications à moyen et long terme.
05:31La vraie difficulté dans laquelle on est, et je rejoins le docteur Bourg qui vient de parler à l'instant,
05:38c'est que parce que les soins de ville aujourd'hui ne vont pas bien,
05:43on transfère à l'hôpital, notamment par les passages aux urgences,
05:48compte tenu des difficultés sur la permanence de soins,
05:51et du coup, l'hôpital absorbe des choses qui ne sont pas son cœur de prise en charge,
05:57parce que sur les 23 millions de passages aux urgences, on a une bonne partie,
06:01ce n'est absolument pas des urgences, et il nous faudrait organiser les prises en charge autrement.
06:08Ça coûte très cher, ça coûte très cher à l'hôpital, ça coûte très cher au système de santé,
06:12ça coûte très cher à la protection sociale, à la sécurité sociale, comme aux complémentaires santé, aux mutuelles.
06:18Et donc la question, c'est aussi comment on remet des moyens sur les soins de ville
06:22pour que les médecins, les paramédicaux, les pharmaciens,
06:26au travers d'équipes de soins traitants à l'échelle des territoires,
06:31puissent organiser des parcours,
06:34puissent prendre en charge, au travers de la compétence partagée,
06:38les assurés sociaux, qui sont pour maintenant une bonne partie d'entre eux, 13 millions,
06:44d'entre eux porteurs de pathologies chroniques, et donc qui ont des besoins,
06:48en termes d'éducation thérapeutique, en termes de suivi de long cours,
06:51très différents des besoins de prise en charge que l'on connaissait dans les années 70-80,
06:56où les gens étaient ou en bonne santé ou avaient des pathologies aiguës,
07:00mais il y avait beaucoup moins qu'aujourd'hui des pathologies chroniques.
07:04Pourquoi est-ce qu'il y a des pathologies chroniques ? Parce qu'on a fait d'énormes progrès médicaux, scientifiques,
07:10pour pouvoir faire en sorte que ces gens ne meurent plus, soient soignés,
07:14se remettent de pathologies lourdes, type cancer, etc.
07:19Et donc la question, c'est comment on adapte, comment on transforme le système de santé
07:25à ces besoins en santé très différents de ceux qu'ils étaient précédemment.
07:30Et c'est cela qu'on n'a pas suffisamment anticipé.
07:33Est-ce qu'on a une idée de la proportion de patients contraints de renoncer à des soins ?
07:3860% sur l'étude que nous avons rendue publique au début septembre,
07:44le carnet de santé sur l'état de la France que nous publions chaque année.
07:48Essentiellement, c'est renoncer ou différer des soins.
07:53C'est sur les deux aspects.
07:56C'est des gens qui, sur les 12 mois qui précédaient l'étude, l'étude avait été menée en juin,
08:05n'ont pas pu faire les soins au moment où ils le souhaitaient.
08:08Alors là aussi, il faut modérer parce qu'il faut aussi regarder ce qu'est le niveau d'attente,
08:14d'exigence de nos concitoyens.
08:16Et là, il y a peut-être aussi à redéfinir une forme de contrat,
08:20c'est-à-dire sur ce que notre système de santé est capable de faire,
08:24c'est quoi ses missions principales pour que dans la relation entre les professionnels de santé,
08:31les assurés sociaux, la puissance publique, les choses soient claires
08:36quant aux missions des uns et des autres et la manière dont ça fonctionne.
08:41Messieurs, vous qui êtes sur le terrain, en termes de renonciation aux soins,
08:46c'est des échos que vous avez aussi, c'est un vrai ressenti ?
08:49Moi, je suis installé en maison de santé dans un territoire urbain,
08:54y compris dans un territoire urbain proche d'une grande métropole.
08:57On le voit quand même, cette problématique de renoncement aux soins,
09:01que ce soit du premier ou du second recours,
09:04c'est-à-dire que ce soit de la médecine générale ou alors sur d'autres spécialités.
09:09On fait face à des délais d'accès qui s'allongent
09:13du fait du manque de possibilité d'accueillir ces patients.
09:17Donc forcément, on voit ces patients en difficulté.
09:20Finalement, par contre, et c'est vrai que je rejoins sur le fait qu'il faut le tempérer,
09:24c'est que l'objectif n'est pas forcément de répondre à une demande tout de suite,
09:29mais plutôt à un besoin de santé.
09:31Et là, finalement, on a un pan aussi à travailler qui est celui de l'éducation à la santé
09:35et qui rentre dans cette stratégie globale qui va être nécessaire
09:38pour répondre aux difficultés d'accès aux soins.
09:40C'est qu'on ne peut pas avoir une solution unique.
09:43Il faut pouvoir agir sur tous les leviers qu'on a à notre disposition.
09:46Et c'est ça qui manque actuellement dans les politiques de santé.
09:49C'est cette planification long terme pour dire comment est-ce qu'on va résoudre ce problème
09:55à court terme, à moyen terme, à long terme,
09:57agir sur l'offre, agir sur la demande et agir sur l'organisation.
10:00Comment garantir un accès aux soins quand plus de la moitié des médecins spécialistes
10:05sont inscrits en secteur 2 et pratiquent des dépassements de l'horaire ?
10:09Alors, vous avez aussi une modération, l'Octam, qui permet, si vous voulez,
10:16de prendre en charge avec une prise en charge du système complémentaire,
10:22même si, effectivement, je n'appelle pas ce qu'il y ait une augmentation
10:26de la charge sur le système des complémentaires.
10:30Ensuite, ceux qui ont la complémentaire Solidaire Santé,
10:35la CMU-CMU-C, ont, eux, un accès sans que le médecin puisse leur imposer
10:48des dépassements d'honoraires, heureusement.
10:52Mais, effectivement, il faut très certainement avoir une vision
10:58en partie décentralisée de la politique de santé, avec des objectifs nationaux,
11:03mais en sachant que les territoires sont très hétérogènes,
11:06très différents dans leur réalité.
11:09On ne peut pas, si vous voulez, la Seine-Saint-Denis est un département jeune,
11:1416% de plus de 60 ans seulement, mais avec des très grandes précarités sociales,
11:20de difficultés linguistiques, sans compter une population en situation irrégulière.
11:26Vous prenez la Creuse, c'est 40% de cette population âgée,
11:29mais qui va avoir d'autres défis de proximité de la médecine dite spécialisée,
11:38c'est-à-dire hors médecine générale.
11:40Donc, il faut vraiment avoir cette agilité, cette plasticité de solution,
11:47qui s'est faite au tout début de la pandémie Covid-19,
11:49où les hôpitaux, finalement, lorsque les gens arrivaient dans les urgences de réanimation,
11:55ont répondu à l'urgence, finalement, en sortant d'un tout administratif.
12:02Donc là, il faut vraiment être très inventif pour prendre au mieux
12:08les réalités des territoires qui sont extrêmement disparates,
12:13et avoir, en quelque sorte, contractualisé un accès aux soins
12:17selon les réalités de chacun des territoires.
12:20Je rebondis sur cette question de l'accès aux soins financiers,
12:22qui me paraît vraiment importante.
12:24Actuellement, on a 95% des médecins généralistes qui sont conventionnés en secteur 1.
12:29Donc, finalement, on a quand même un socle qui est assez solide sur cet accès aux soins primaires.
12:34Après, la question aussi, territoire par territoire, est variable.
12:38Quand on prend, par exemple, une ville comme Paris,
12:40où les loyers sont particulièrement élevés,
12:43on a une difficulté à faire tourner une entreprise libérale,
12:47et à financer cette entreprise avec des tarifs qui sont les mêmes
12:50que des zones où les loyers ne sont pas les mêmes.
12:52Donc, il y a aussi cette problématique-là.
12:54Et ensuite, plus largement, on le voit dans les questions actuelles,
12:59on voit que dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale,
13:02il est question d'augmenter le ticket modérateur,
13:04et d'avoir un transfert de l'assurance maladie vers les complémentaires,
13:08d'une part pris en charge actuellement par l'assurance maladie.
13:11Donc, forcément, nous, on s'oppose à cette mesure,
13:14qui, justement, va aller empiéter sur l'accès aux soins financiers pour la population.
13:18– Vous savez, il y a quatre gros axes qui président au choix de l'installation,
13:28secteur public ou privé, du médecin.
13:31L'origine géographique de l'étudiant.
13:36Ensuite, l'aménagement d'un territoire, l'attractivité d'un territoire.
13:41Et là, il y a vraiment des ruptures en termes d'attractivité territoire,
13:45tous services confondus, scolarité, culture, désenclavement, etc.
13:50Troisième pavé, la qualité sanitaire du réseau dans le territoire.
13:56Est-ce qu'un médecin va pouvoir, finalement, exercer en bonne qualité ?
14:02Ça peut être pour certaines spécialités, les plateaux techniques.
14:05Pour le médecin généraliste aussi, l'intégration à une équipe de soins,
14:09la fluidité avec d'autres professionnels de santé,
14:12d'établissements de santé publique et privée, etc.
14:15Et le quatrième pavé, effectivement,
14:18c'est aussi des items plus spécifiques à certains territoires que d'autres,
14:24qui sont, pelle-mêle, la sécurité, l'immobilier, les temps de trajet, voilà.
14:30– Eric, vous l'irez ?
14:31– Oui, moi, je rejoins complètement sur les critères.
14:35C'est pour ça que nous, on a un appel à une refonte complète
14:39de l'aménagement du territoire des services publics de santé,
14:43autant hospitaliers, sanitaires, médico-sociaux,
14:46que en lien avec les soins de premier recours,
14:51parce que, en fait, la dernière grande loi d'aménagement sur ces sujets-là,
14:56elle date de 30 ans.
14:58Et or, en 30 ans, les évolutions de population sont absolument majeures.
15:02Il y a eu des mouvements de population à l'échelle du pays,
15:06il y a eu des mouvements de population, on va dire, plus âgés,
15:09encore plus importants à l'échelle du pays,
15:11et qu'aujourd'hui, nos organisations ne répondent plus du tout aux besoins.
15:15Et donc, là-dessus, il y a une vraie difficulté.
15:18Oui, je rebondissais sur ce que disait le docteur Dachicourt
15:21sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
15:26qui, une nouvelle fois, ne répond absolument pas à la réalité des besoins.
15:32Et une nouvelle fois, on est sur des arbitrages comptables,
15:34court-termistes, technocratiques, la vie est belle sous Excel,
15:38et on bascule de la dépense de l'assurance maladie vers les complémentaires
15:42et on a l'impression qu'on va régler quelque chose.
15:44On ne règle rien.
15:45La problématique aujourd'hui à laquelle notre pays est confronté,
15:49c'est qu'en 2024, on aura dépensé 315 milliards pour le système de santé
15:55entre l'assurance maladie, les complémentaires santé et le reste à charge des ménages.
16:00On n'aura jamais autant dépensé pour se soigner dans ce pays.
16:04Pour autant, les professionnels de santé ne sont pas satisfaits
16:07parce que leurs conditions de travail sont compliquées,
16:09que ce soit à l'hôpital comme en ville.
16:11Les assurés sociaux ne sont pas satisfaits.
16:12Donc, à un moment donné, si on met de plus en plus d'argent
16:17et que personne n'est content et qu'en plus,
16:20on ne règle pas la question des inégalités de santé dans notre pays,
16:23c'est peut-être quand même qu'il y a quelque chose à changer.
16:25Et c'est ça que nous, on en appelle.
16:28C'est-à-dire que si on est sur les tendances sur lesquelles on est aujourd'hui,
16:32la dépense de santé, elle évolue 2,5 à 3 fois plus vite
16:36que la richesse nationale ces dernières années.
16:38On ne tiendra pas.
16:39C'est-à-dire qu'à un moment donné, le système va se fracturer.
16:42Il ne sera plus finançable.
16:45En 20 ans, juste pour qu'on mesure ça, la dépense de santé a augmenté de 130%.
16:50Donc, il y a un sujet et il faut investir sur la prévention,
16:55investir sur l'innovation.
16:57On a des besoins d'investissement qui sont colossaux.
16:59On a des sources d'inefficience qui sont importantes dans notre organisation.
17:04Et aujourd'hui, dans les propositions qui sont faites par le gouvernement,
17:11on ne s'attaque pas du tout à ces sources d'inefficience
17:14pour pouvoir redéployer des moyens sur la prévention, sur l'innovation.
17:17Et donc, pour nous, on n'est absolument pas à la maille.
17:21Débattre de la répartition de la dépense entre l'assurance-maladie
17:24et les complémentaires santé n'est absolument pas à la hauteur des enjeux.
17:28Raphaël, vous avez 31 ans.
17:31Quel est l'état d'esprit de la nouvelle génération de médecins ?
17:35Merci de la question parce que je pense que c'est un point important.
17:38Ça a été dit en introduction et je ne peux que confirmer ça.
17:42Les nouveaux médecins, les jeunes médecins n'ont pas envie d'exercer comme avant.
17:46Il y a une évolution, vraiment, mais qui est une évolution sociétale
17:49qui n'est pas seulement propre aux médecins.
17:51C'est-à-dire qu'ils ont une volonté primaire de pouvoir
17:55beaucoup mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle.
17:58Donc, certes, ça va passer par une diminution du temps de travail
18:02comme dans le reste de la société.
18:03Mais par contre, ils ont aussi une autre volonté
18:05et qui peut être intéressante, celle-là.
18:08C'est de mieux concilier différents types d'exercices,
18:11c'est-à-dire finalement d'aller plus vers des exercices mixtes
18:14avec des évolutions dans leur carrière.
18:16Et c'est là où, justement, peut-être, on va avoir une possibilité
18:19de décloisonner les différents systèmes
18:22en favorisant l'exercice à la fois en hôpital et en ville
18:26et en structure médico-sociale et par un système de vacations à droite, à gauche,
18:31parce que les besoins sont partout et il n'y a pas une carrière
18:34où on va s'installer et rester 30 ans chevillé et menotté
18:39à son cabinet de consultation.
18:41On va pouvoir sortir des cabinets et mener une vraie démarche de soins,
18:45d'aller vers les populations et de décloisonnement,
18:49de partage entre les différentes professions de santé
18:52et les différents types d'exercices.
18:54Jean-Marcel, un meilleur salaire, ce n'est donc pas, si on écoute Raphaël,
18:58la seule solution pour attirer les professionnels.
19:02Il faut repenser entièrement la culture du travail dans ce secteur.
19:05Oui, à partir de valeurs positives, donner du sens,
19:09une vision, des perspectives positives à des professionnels de santé,
19:16dont les médecins, qui sont en souffrance et qui ont des patients en souffrance.
19:20Je crois qu'il y a un constat commun, je parle souvent d'alliances à construire
19:24et non pas d'opposition entre ce qu'on appelle,
19:27je n'aime pas beaucoup le terme, l'usager de la santé,
19:29les patients et les médecins,
19:32parce que finalement personne n'est heureux dans l'affaire.
19:36Et effectivement, une des plus grosses sources de gisement,
19:40c'est repenser l'organisation du soin et de la prévention en France.
19:44Là, il y a des gains considérables.
19:47Et ce n'est pas finalement donner des ersatz en disant,
19:51finalement c'est un accès direct,
19:53vous avez tant de couloirs, une téléconsultation, une cabine,
19:55puis un jour vous irez chez le pharmacien,
19:57puis finalement un centre de consultation non programmé
20:00ou à la permanence des soins ou le service des urgences, etc.
20:03Mais au bout du compte, il n'y a pas de coordination,
20:05il ne faut pas se leurrer.
20:06Et puis, je veux dire, la téléconsultation,
20:09je ne suis pas contre la télémédecine, entendons-nous,
20:11mais la téléconsultation, elle a eu un essor considérable
20:15dans une période très particulière
20:17qui était celle du début de la pandémie Covid
20:21où nous n'avions même pas les moyens de nous protéger.
20:24Alors vous imaginez que tout le monde était content
20:26d'avoir au moins ce moyen-là.
20:28Mais alors, où on fait un peu la part des choses
20:32dans l'usage des réseaux sociaux,
20:35il y a un besoin très fort que le soin reste une activité humaine
20:40avec un contact physique, si j'ose dire,
20:44du soignant au soigné.
20:46Ça, c'est quelque chose de très fort.
20:48Ce n'est pas pour ça qu'entre confrères,
20:51entre professionnels, entre structures de soins,
20:54il ne peut pas y avoir de la téléexpertise.
20:56Ce n'est pas pour ça que dans le suivi,
20:58il ne peut pas y avoir des téléconsultations.
21:01Mais il faut harmoniser tout cela.
21:04Je pense quand même qu'il faudra quand même évoluer
21:11sur la manière d'organiser le système de santé.
21:16Nous, on plaide pour des équipes de soins traitants
21:18avec des médecins généralistes, spécialistes,
21:21mais aussi des pharmaciens,
21:22aussi des infirmiers, des sages-femmes,
21:24des psychologues, etc.
21:27Et pour qu'à l'échelle territoriale,
21:29le patient, choisissant son équipe,
21:33puisse avoir aussi différentes portes d'entrée
21:37dans le système de santé.
21:39Je ne pense pas que ce soit un souci,
21:42honnêtement, aujourd'hui,
21:43que les pharmaciens aient obtenu la possibilité de vacciner.
21:47Ça ne retire rien aux médecins.
21:50Je pense que le temps médical est éminemment précieux.
21:54Et si on ne concentre pas le temps médical
21:58là où la plus-value est médicale,
22:00où il n'y a personne d'autre que le médecin qui peut le faire,
22:03on aura de plus en plus de difficultés.
22:04Je vais prendre un exemple pour me faire comprendre.
22:08Dans notre pays, si on fait un sondage,
22:11tout le monde nous dirait qu'il n'y a pas assez d'ophtalmo.
22:13En vrai, si, il y a assez d'ophtalmo.
22:14Si les ophtalmo font ce pour quoi
22:17leurs 13 ans d'études les ont amenés,
22:18c'est-à-dire les pathologies de l'œil.
22:20Par contre, si les ophtalmo continuent à être la porte d'entrée
22:23pour la prescription des lunettes,
22:25oui, ça ne marche pas.
22:26Là où des organisations entre ophtalmo et orthoptiste font,
22:30les délais de prise en charge, c'est un mois.
22:32Et donc, ça fonctionne très bien.
22:34L'orthoptiste, c'est un spécialiste de l'acuité, etc.
22:37Et quand il y a une pathologie,
22:40il oriente vers l'ophtalmo, etc.
22:41Par contre, ça ne peut pas fonctionner
22:44si on ne rebasse pas le niveau tarifaire
22:47auquel sont payés les ophtalmo.
22:48Parce que la consultation d'ophtalmologie
22:51au prix où elle est payée,
22:53vu le temps qu'on passe pour une DML1,
22:54une rétinopigmenteur,
22:55le cas mix horaire, le docteur Dachicourt disait
22:59il faut un minimum quand même de ressources
23:02pour faire fonctionner une entreprise médicale.
23:05Et il a totalement raison.
23:07Si on est sur les bases de remboursement
23:08de la sécurité sociale telles qu'elles sont aujourd'hui,
23:10ça ne peut pas fonctionner.
23:12Donc, si on veut décrisper le modèle, le système aujourd'hui,
23:16il faut qu'on rebase les tarifs des consultations médicales,
23:22paramédicales,
23:22parce que si on demande aux paramédicaux
23:24d'assumer davantage de responsabilités,
23:25il faudra aussi les augmenter.
23:27Et donc, ça suppose aussi de dégager des ressources.
23:30C'est pour ça qu'il faut travailler sur l'inefficience
23:33pour pouvoir réinvestir dans le système
23:35et utiliser les compétences au maximum
23:39de ce que les professionnels de santé peuvent faire
23:42de par leur formation.
23:43Les médecins, là où leur plus-value est réel,
23:45les paramédicaux sur tout ce qu'ils peuvent faire
23:47comme le font d'autres pays.
23:48– Ah mais non, mais entendons-nous,
23:50il n'y a pas d'opposition,
23:51il ne faut pas avoir d'opposition où il n'y en a pas.
23:53Mais quand on vous dit accès direct,
23:56mais le médecin sera informé,
23:57c'est une gâcheur,
23:58parce que l'espace numérique santé,
24:00le dossier médical partagé,
24:02n'est trop souvent pas alimenté.
24:06Il y a un certain nombre de patients
24:08qui ne savent pas ce que c'est,
24:09certains qui l'ont fermé,
24:11et certains dossiers médicals partagés
24:14qui sont finalement parfois alimentés
24:17pour des faits,
24:18des compte-rendus relativement secondaires
24:20et qui ne le sont pas pour l'essentiel.
24:22Donc il faut simplement savoir,
24:26si vous voulez, staffer, coordonner
24:29sur un projet de soins personnalisé,
24:33si vous voulez, les différents acteurs,
24:35quitte à réviser les modes de rémunération,
24:38parce qu'effectivement les modes de rémunération
24:40conditionnent les modes de coopération,
24:42même si ce n'est pas du rôle de l'ordre,
24:45c'est une réalité.
24:46Mais il faut donner du sens
24:48à ce qu'il y ait un parcours coordonné de soins.
24:50Or, trop souvent,
24:53il n'y a pas de coordination,
24:55et en cela, c'est délétère.
24:57Moi, je vous rejoins complètement.
24:59Et donc c'est-à-dire qu'il y a une vraie responsabilité
25:00de la part des professionnels de santé ?
25:02Il faut faire en sorte, donner les outils.
25:05Coordonner, ça prend du temps,
25:06et si on ne paye pas le temps de coordination,
25:09c'est compliqué.
25:11Moi, je me suis occupé de centres de santé
25:13pour la mutualité,
25:14on a voulu que les professionnels de santé
25:16passent plus de temps en coordination,
25:18on a payé le temps de coordination.
25:21Alors, c'est un autre détriment,
25:22parce que c'est aujourd'hui, malheureusement,
25:23pas bien nomenclaturé.
25:25Donc, c'est là-dessus, je pense,
25:28et là, je vous rejoins, docteur,
25:30c'est là-dessus qu'il faut avancer.
25:31Et effectivement, les outils,
25:33même s'ils ont progressé,
25:35mon espace de santé,
25:36c'est quand même un beau progrès,
25:38mais il n'y a que 11 millions
25:39de nos concitoyens, insurés sociaux, patients,
25:42qui l'utilisent, c'est insuffisant,
25:45et il n'y a que 29% des médecins
25:47qui mettent des comptes rendus
25:51des documents.
25:52Donc, il faut que ce travail de conviction,
25:55on le fasse pour que la grande majorité
25:59des professionnels de santé y entrent
26:01et que la majorité des assurés sociaux
26:03y aient recours.
26:04Je pense que c'est quand même
26:05un enjeu clé aussi
26:08pour les années qui viennent,
26:09en continuant d'améliorer
26:10les fonctionnalités
26:12et notamment les liens
26:13entre les éditeurs
26:15et mon espace de santé.
26:17M. Chenu, je vous rejoins sur un terme
26:20qui, pour moi, est important,
26:21c'est celui d'équipe.
26:22Et finalement, la question,
26:24c'est qu'est-ce qu'on met
26:25derrière ce mot d'équipe ?
26:26Puisqu'on voit, en fait,
26:28dans les débats politiques
26:29qui ont lieu,
26:30on essaye d'éclater
26:31complètement cette équipe
26:32qui, pour autant,
26:33est censée être un travail formalisé
26:35entre des professionnels.
26:37C'est-à-dire qu'une équipe,
26:38ce n'est pas des professionnels
26:39qui se rencontrent
26:40tous les 36 du mois.
26:42Une équipe, c'est un ensemble
26:43de professionnels
26:44qui contractualisent ensemble
26:46un mode de fonctionnement précis.
26:47Et ça, ça existe déjà.
26:49Ça s'appelle des équipes
26:50de soins primaires.
26:51Ça s'appelle des maisons
26:52de santé pluriprofessionnelles.
26:53Ça s'appelle des centres de santé.
26:55Quand on parle, par exemple,
26:56de CPTS, de Communauté
26:58Professionnelle Territoriale de Santé,
27:00on n'est plus dans cette notion
27:01d'équipe de proximité.
27:02On est dans quelque chose
27:03sur un territoire
27:04qui peut être très large,
27:05avec des centaines
27:06de professionnels de santé
27:07qui adhèrent à une association.
27:09Donc, finalement, la logique,
27:11ce n'est pas d'ouvrir
27:13les vannes à tout va
27:14et d'avoir plein de portes d'entrée.
27:16Mais c'est de garantir
27:17que ces portes d'entrée
27:18se fassent au sein
27:19d'une même équipe.
27:20Et c'est pour ça que nous,
27:21ce qu'on plaide,
27:22c'est finalement de laisser
27:24aux équipes la possibilité
27:25de s'organiser comme ils veulent.
27:26Et il y avait une possibilité
27:28qui avait été ouverte,
27:28qui était les protocoles locaux
27:30de coopération
27:31pour faciliter l'innovation
27:34et laisser la main à ces équipes.
27:35Et finalement,
27:36on n'a même pas eu le temps
27:37de s'en saisir
27:38et de commencer à innover,
27:40que déjà, on a transféré
27:42à tout va.
27:43Et l'exemple des pharmaciens
27:44est assez frappant.
27:45Le problème n'est pas
27:46que les pharmaciens vaccinent.
27:47Il n'y a aucun souci là-dessus.
27:49Moi, j'ai une pharmacie
27:50à côté de chez moi.
27:50Il n'y a aucun problème.
27:52On travaille avec eux là-dessus.
27:53Le souci, c'est que
27:54je n'ai jamais l'information.
27:55Jamais, jamais.
27:57Donc finalement,
27:58je me retrouve à devoir
28:00avoir un rôle de chef d'orchestre,
28:02de manager.
28:03On peut appeler ça comme on veut,
28:05mais sans avoir
28:06tous les outils à disposition.
28:07Par contre, si je travaille
28:08avec la kiné qui est
28:09dans ma maison de santé,
28:11je la croise tous les midis.
28:12On échange tous les midis.
28:13On a le même logiciel.
28:14On a les mêmes outils.
28:15La transmission se fait simplement
28:17parce qu'on a travaillé là-dessus.
28:18Ça, je vous rejoins sur le fait
28:19qu'aujourd'hui, les outils
28:21sont insuffisants
28:22et ne permettent pas assez
28:24le partage d'informations
28:25entre vous, les infirmiers,
28:26les pharmaciens, etc.
28:27Ça, je vous rejoins complètement.
28:29Il y a encore du boulot à faire.
28:31Je suis navrée, messieurs.
28:32C'est déjà la fin.
28:33On aurait pu continuer encore longtemps.
28:36Merci à tous les trois
28:37d'avoir partagé votre expertise.
28:39Raphaël Dachicourt,
28:40médecin généraliste,
28:41président du syndicat Réagir.
28:44Jean-Marcel Mourgue,
28:44vice-président de l'Ordre des médecins.
28:46Et Éric Chenu,
28:47président de la mutualité française.
28:50On passe à la pépite santé.

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