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Béatrice Brugère, magistrate et secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats FO répond aux questions de Sonia Mabrouk.
Retrouvez "La Grande interview Europe 1 - CNews de Sonia Mabrouk" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-de-8h20
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Transcription
00:007h-9h, Europe 1 Matin. Tout de suite sur Europe 1, Béatrice Brugère et l'invité de Sonia Magrouk.
00:06Bonjour Béatrice Brugère. Bonjour Sonia.
00:10Et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:12Vous êtes magistrate et secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO,
00:16syndicat à la tête duquel vous venez d'être réélu très largement à l'unanimité.
00:21Vous êtes aussi l'auteur de ce livre Justice, la colère qui monte.
00:25Et justement, la colère monte aussi contre l'emprise des narcotrafics dans notre pays.
00:29C'est un rapport explosif de 90 pages de la Cour des comptes qui a été rendue publique hier.
00:34Ce rapport met le doigt sur la gangrène qui gagne désormais toutes les villes
00:38et les campagnes autrefois paisibles de notre pays.
00:41Près de 80% des communes sont touchées.
00:44Le ministre de l'Intérieur avait parlé de mexicanisation, d'autres alertent sur un narco-État.
00:48Comment la magistrate que vous êtes appréhende ou définit cette situation aujourd'hui ?
00:53Alors d'abord, je suis ravie que ce rapport existe
00:56parce qu'il confirme déjà ce qu'a fait la commission d'enquête,
00:59l'excellent travail des sénateurs qui avaient déjà tiré la sonnette d'alarme.
01:03Mais cette situation, elle est connue aussi en interne et nous aussi en tant que syndicat,
01:08il y a longtemps que nous tirons la sonnette d'alarme, parfois un peu en vain, j'allais dire.
01:14Donc ça, c'est déjà une très, très bonne nouvelle.
01:17Aujourd'hui, il faut bien comprendre qu'on a deux menaces criminelles
01:21qui sont quasiment des menaces qui touchent l'existence même de notre société.
01:28La première, c'est l'islamisme radical, dont la manifestation la plus spectaculaire,
01:34on le sait malheureusement, ce sont les attentats terroristes
01:37ou des attentats comme l'affaire de Samuel Paty,
01:41mais qui se déclinent sur tous les fronts sociétaux.
01:44C'est-à-dire que l'islamisme radical, c'est pas que les attentats,
01:48c'est aussi tous les fronts de la société sur lesquels il y a des coups de boutoir en permanence.
01:54La deuxième menace existentielle pour notre État et notre société, c'est le narcotrafic.
02:01Parce que le narcotrafic, aujourd'hui, a pris une telle dimension,
02:05une telle surface territoriale, une telle surface financière
02:09et une telle force de frappe judiciaire aussi.
02:13C'est-à-dire qu'aujourd'hui, et je crois que le rapport le dit,
02:17vous avez plusieurs milliards de bénéfices pour le narcotrafic,
02:23c'est une criminalité organisée.
02:25Il faut d'ailleurs ne pas non plus se concentrer que sur le produit,
02:30parce que les organisations criminelles travaillent sur les opportunités criminelles.
02:35Et ce qui est intéressant dans le narcotrafic, c'est qu'un, il y a aussi le haut du spectre,
02:40mais en fait, ça irrigue toute la criminalité jusqu'en bas, jusque dans les cités.
02:46Ça va du braquage, ça va des violences, des intimidations, des fusillades, des assassinats.
02:53Et en fait, ça pollue tout le territoire.
02:58Et aujourd'hui, on a une véritable difficulté avec ça,
03:01parce que ça fait longtemps que nous tirons la sonnette d'alarme
03:05et que nous ne sommes pas nécessairement armés pour faire face.
03:08Ni armés, nous allons en parler.
03:10Parfois, les deux menaces existentielles que vous avez décrites,
03:12Béatrice Brugère, l'islamisme et le narcotrafic, sont liées.
03:15Et parfois, il peut y avoir des cibles, et ces cibles sont des magistrats.
03:20Menaces, intimidations, agressions verbales, physiques, ça a été le cas.
03:25En tout cas, il y a eu beaucoup d'inquiétude autour du procureur de Douai.
03:29Vers quel pays va-t-on si on arrive à intimider des magistrats en France ?
03:33Vous avez raison de le souligner, parce que je crois que c'est encore un impensé
03:36dont on n'a pas pris toute la mesure.
03:38D'ailleurs, le rapport de la Cour des Comptes le dit, et ça, c'est très important.
03:41Il faut savoir que l'arme du terrorisme, c'est la terreur, c'est le spectaculaire, c'est la peur.
03:47L'arme du narcotrafic, c'est la corruption, c'est l'intimidation,
03:51et également toutes les possibilités de violence.
03:55On a vu, et vous le dites très justement, des magistrats qui ont été menacés,
04:01des hauts magistrats, puisqu'on parle de la Cour d'appel de Douai,
04:05d'une tentative peut-être de séquestration du procureur de Douai.
04:10Mais ce n'est pas un phénomène nouveau.
04:12En fait, dès 2016, déjà, Urvoas avait demandé, garde des Sceaux à l'époque,
04:17un rapport sur toutes ces menaces.
04:20Je crois qu'il faut prendre toute la mesure aujourd'hui de ce face à face,
04:24sur lequel d'ailleurs des magistrats avaient tiré la sonnette d'alarme
04:27et sur lequel ils s'étaient fait rabrouer.
04:30Incroyable, vous parlez des magistrats marseillais,
04:33qui après avoir parlé d'une guerre presque perdue, quand même, se sont fait...
04:37Exactement, mais il faut parler... En fait, c'est toute la chaîne.
04:40C'est la police qui peut être attaquée, c'est la pénitentiaire.
04:43Vous avez encore en tête aussi cet assassinat de la pénitentiaire
04:49avec l'affaire Amra, avec de la corruption obligatoirement,
04:52avec, si vous voulez, des complicités en interne.
04:56Eux-mêmes sont menacés.
04:58Maintenant, vous avez des magistrats.
05:00Vous avez les deux versants.
05:01Vous avez le versant aussi possible de la corruption, de griffier, de magistrats,
05:06et le versant intimidation.
05:08C'est gravissime.
05:09C'est gravissime, parce qu'on a des coups de boutoir en plus.
05:11Alors là, on peut en parler.
05:13L'état de droit, quand des magistrats sont menacés dans un pays,
05:16c'est l'état de droit.
05:17Et vous avez raison.
05:18Quand je parle de deux menaces existentielles,
05:20c'est que le terrorisme vise à détruire notre modèle civilisationnel,
05:25le narcotrafic vise à diluer l'État pour imposer sa loi.
05:30Donc, si vous voulez, c'est deux menaces, en effet,
05:32qui sont des menaces réelles et pas fantasmées cette fois-ci.
05:36Là, on parle de choses très concrètes,
05:38de notre état de droit et de notre modèle démocratique.
05:41Fusillades, assassinats, règlements de comptes, agressions ultra-violentes
05:45s'enchaînent, on l'a vu, à une vitesse vertigineuse ces derniers temps.
05:49Et surtout, le territoire français nous oblige,
05:51Béatrice Brugère a interrogé aussi l'efficacité
05:54de notre politique sécuritaire et pénale,
05:56y compris pour des mineurs de plus en plus jeunes.
05:58Ce matin, si on ne change pas notre grille,
06:01si on ne change pas notre logiciel,
06:03que risque-t-il de se passer, selon vous ?
06:05En fait, le problème, c'est qu'on a déjà pris beaucoup de retard.
06:08C'est-à-dire qu'on ne s'est pas adapté aux mutations criminelles
06:11qui sont les nôtres.
06:12Nous avons un rajeunissement, d'ailleurs,
06:14c'est ce qui est dit également dans le rapport,
06:17sur la violence, y compris la violence des mineurs
06:20qui sont embriadés dans des réseaux criminels.
06:22Nous avons des mineurs qui ont une violence
06:24de plus en plus débridée, sans complexe,
06:27qui n'ont pas peur de venir s'attaquer
06:30à des choses extrêmement de l'autorité.
06:33On le voit avec la multiplicité des infractions
06:36contre les gendarmes, la police.
06:38On voit très bien que les mineurs, aujourd'hui,
06:41se sentent un peu, pour certains,
06:43c'est une minorité dans la toute-puissance,
06:45et nous n'avons pas adapté nos réponses pénales.
06:48Nous, nous avons fait des propositions,
06:50justement, là-dessus, suite aux émeutes.
06:53Je ne sais pas si vous vous souvenez,
06:54il y a eu des émeutes où on s'est aperçu
06:56qu'il y avait énormément de mineurs,
06:57pour remettre en place des procédures rapides,
06:59style comparation immédiate,
07:01pour interroger aussi l'atténuation de responsabilité
07:04qui est quasiment automatique,
07:06sur la frange de 16 à 18 ans,
07:09et pour qu'elle soit motivée.
07:11Moi, je suis contente de voir que ça a été repris,
07:13d'ailleurs, dans une proposition de loi
07:15de Gabriel Attal, qui l'avait déjà un peu repris
07:17quand il était Premier ministre.
07:19Donc, il faut changer, en urgence,
07:22notre grille de lecture.
07:24Moi, ce que je ne comprends pas,
07:26c'est pourquoi on n'y va pas plus vite.
07:28Alors, vous avez raison,
07:29et ce qu'on ne comprend pas, le grand public
07:30et la grande majorité des Français,
07:32c'est certaines décisions de justice
07:33qui ont quand même choqué,
07:34on ne va pas les citer,
07:35mais notamment dans la terrible affaire philippine,
07:37Béatrice Brugère,
07:38entre peines aménagées et lois inadaptées,
07:41on ne comprend pas pourquoi
07:42et comment notre justice n'arrive pas
07:43à protéger les plus faibles.
07:45Vous avez dit, dans une récente tribune,
07:46ça m'a beaucoup interpellée,
07:48et ça interpellera certainement
07:49nos auditeurs et nos téléspectateurs.
07:51Ce qui est terrible,
07:52c'est que parfois, il y a des failles
07:53de la justice dans la légalité.
07:55C'est-à-dire que la justice administrative,
07:57judiciaire, peut être dysfonctionnelle
08:00dans la légalité.
08:01On a institutionnalisé nos failles.
08:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
08:04il faut retrouver la légitimité.
08:06C'est pour ça qu'il faut être
08:08à l'écoute des attentes.
08:10La justice, elle est au service des citoyens.
08:12On n'est pas là que pour faire du droit,
08:14on est là pour rendre justice.
08:15Et il y a un écart entre appliquer la loi
08:17et rendre justice.
08:18Cet écart, c'est toute l'intelligence
08:20de situation, du discernement.
08:22Et là, il faut qu'on retrouve notre légitimité.
08:24Ça ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui,
08:26la justice est en perte de crédit
08:28en permanence.
08:30Il faut absolument,
08:31parce que c'est un pilier de notre démocratie,
08:33que la justice retrouve ce crédit.
08:35Les citoyens ont un besoin
08:38de justice incroyable.
08:40On le voit, c'est un idéal.
08:41Les gens sont prêts à se battre toute une vie
08:43pour obtenir justice.
08:44Nous leur devons cette justice.
08:46Pour cela, il faut absolument se remettre en question.
08:49Se remettre en question, c'est-à-dire éviter
08:51de se dire, non, circulez, vous n'avez rien compris,
08:53tout est parfait, on a respecté la norme.
08:56Il faut réinterroger nos modalités.
08:58Il faut réinterroger notre façon de travailler.
09:01Il faut réinterroger notre façon de rendre justice.
09:04Vous en êtes capable et vous le faites.
09:06Est-ce que tout le monde l'est ?
09:07Je cite notamment,
09:08comment redonner confiance dans le système judiciaire
09:11et faire en sorte d'éviter toute politisation
09:13de certains magistrats,
09:14notamment à travers Béatrice Brugère,
09:16le syndicat de la magistrature,
09:17qui à coups de tribunes et de participations
09:20à la fête de l'Humain,
09:21affiche clairement, officiellement,
09:23son orientation politique.
09:25Est-ce qu'on peut, dans notre pays,
09:26juger et être syndiqué
09:28avec des opinions politiques affichées ?
09:31Nous avons un devoir d'impartialité.
09:33Vous m'avez répondu, donc.
09:35Donc non, on ne peut pas juger et être syndiqué.
09:37Nous avons un devoir d'impartialité.
09:38Moi, ce que je veux dire aux auditeurs,
09:39parce qu'il y a une confusion,
09:40il faut qu'ils entendent ça.
09:41Il existe un syndicalisme judiciaire,
09:44réformiste,
09:45qui ne fait pas de politique
09:47et qui est au service des citoyens.
09:49Nous ne voulons pas avoir aucune allégeance.
09:51Nous n'avons aucune allégeance,
09:53ni politique, ni militante.
09:54Nous parlons, d'ailleurs, à tous les politiques.
09:56Nous faisons des propositions de réforme.
09:59Nous ne sommes pas corporatistes.
10:01Nous sommes capables de reconnaître nos erreurs,
10:03nos dysfonctionnements.
10:04Moi, je regardais le dernier projet de loi de finances.
10:07Nous avons des indicateurs de performance
10:09qui sont des indicateurs de contre-performance.
10:11Je m'explique.
10:12On rajoute des moyens.
10:13On rajoute des moyens humains et budgétaires.
10:16Les délais s'allongent.
10:17Nous jugeons de moins en moins.
10:19La chaîne pénale est saturée.
10:20Nous avons un rapport de l'inspection
10:23qui est un peu secret ou discret, en tout cas,
10:27qui montre que nous avons des millions de procédures
10:29qui ne sont pas traitées
10:30dans les commissariats, gendarmerie.
10:32Aujourd'hui, on nous demande
10:34d'augmenter les alternatives aux poursuites.
10:37Et nous avons un des taux les plus bas,
10:40puisqu'aujourd'hui, nous sommes à peine à 15 %.
10:43Écoutez bien, 15 % de dossiers
10:46qui sont jugés devant une juridiction.
10:48Vous êtes en train de nous dire
10:49que vous subissez aussi de l'impuissance en amont.
10:52Oui, donc il faut changer nos modèles.
10:53On peut le faire.
10:54Le déclin n'est pas irréversible.
10:57Prenons un exemple concret.
10:58Pour améliorer le système,
10:59il faut aussi que la justice et l'intérieur
11:01marchent d'un même pas
11:02et travaillent main dans la main.
11:03Par exemple, on nous dit toujours, et c'est le cas,
11:05il faut plus de places de prison.
11:07Comment expliquer, Béatrice Brugère,
11:08que des détenus condamnés dangereux
11:10se retrouvent dans des centres
11:11de rétention administrative ?
11:13Est-ce que c'est parce que nous n'avons pas
11:14de place de prison ?
11:15Comment expliquer ce transfert de profil ?
11:17Alors, en fait, nous avons fait des propositions là-dessus.
11:20Normalement, les détenus qui sont étrangers
11:23et qui purgent une peine de détention
11:25devraient faire l'objet d'une attention
11:27toute particulière pour avoir des procédures
11:30soit de libération, expulsion,
11:32pour qu'ils partent avant de sortir.
11:34Comme on n'anticipe pas et qu'on ne fait pas
11:36ces procédures pour une grande majorité,
11:38ils sortent.
11:39Après, ils vont dans les centres
11:40de rétention administrative,
11:41dont on sait qu'ils ne sont pas faits pour ça.
11:44D'ailleurs, il y a des problèmes de violence,
11:46d'ailleurs, au passage.
11:47Ils ne sont pas faits pour ça.
11:48Ça coûte très cher.
11:49Et après, vous avez des délais
11:50où on est obligé de les remettre dehors.
11:52Je signale aussi que nous avons envoyé
11:55sur la place des prisons.
11:57On a aujourd'hui entre 3 000 et 4 000 matelas.
12:00Et c'est un problème de surpopulation.
12:03Nous avons écrit aux gardes des Sceaux,
12:05il y a un mois, pour dire,
12:06attention, nous avons la possibilité
12:08aujourd'hui, dans les textes,
12:10il n'y a rien à faire,
12:11il y a juste à donner des ordres,
12:13à appliquer.
12:143 000 à 4 000 détenus européens
12:17qui pourraient être transférés immédiatement
12:19dans leur pays sans laisser passer consulaire
12:22pour finir d'exécuter leur prison
12:24chez eux, dans leur pays.
12:26Là, il n'y a pas de problème
12:27de laisser passer consulaire,
12:28ce sont des détenus européens.
12:303 000 à 4 000, c'est les 3 000 à 4 000 matelas
12:32qui sont au sol.
12:33Ce qui est incroyable,
12:34alors vous parlez de ces détenus européens,
12:36il y a les détenus extra-européens,
12:37un quart des détenus français sont des étrangers
12:39et en majorité des extra-européens.
12:42Est-ce que c'est aux gardes des Sceaux
12:43de donner des instructions, en réalité,
12:45pour que soit appliqué ce que vous nous dites ?
12:46Bien sûr, ça s'appelle la politique pénale.
12:48Bien.
12:49Donc, CQFD, si on peut dire.
12:52Alors, vous savez,
12:53sur les détenus extra-européens,
12:55tout un travail aussi,
12:56qui est fait aussi par le ministère de l'Intérieur,
12:58je crois que Bruno Retaillou, le ministre de l'Intérieur,
13:00a commencé à le faire avec un début de succès,
13:03tout un travail diplomatique, vous le savez,
13:06puisqu'en fait, là, pour le coup,
13:07on est soumis à des laissés-passer consulaires.
13:10Donc ça, c'est un travail politique.
13:12Les ministres sont des politiques.
13:14C'est à eux qu'il appartient de faire en sorte que ça marche.
13:17C'est pas l'impuissance du politique.
13:19Mais il y a les deux.
13:21C'est-à-dire qu'on a aussi les taxes pour faire les choses,
13:23on ne le fait pas.
13:25Pourquoi on ne le fait pas ?
13:26Alors, pourquoi ?
13:27Est-ce que la prison, c'est l'exception par idéologie
13:30ou bien parce que les prisons sont pleines à craquer
13:33et justement qu'on fait porter aussi sur les magistrats cette impuissance ?
13:36Est-ce qu'il y a des deux ?
13:37Oui, la prison, c'est l'exception.
13:38D'ailleurs, on nous demande de plus en plus...
13:40Depuis très longtemps, c'est la fameuse théorie...
13:42Bien sûr.
13:43Mais on nous demande de plus en plus
13:45de mettre de moins en moins en prison, en détention,
13:48parce que justement, on nous dit qu'on a une surpopulation carcérale.
13:51Sauf que, moi, j'indique qu'on a une politique
13:55depuis des années incohérente et irresponsable.
13:58On a stoppé tous les chantiers de construction.
14:00Aujourd'hui, on est en sous-équipement carcéral.
14:03Christiane Taubira, quand elle est arrivée,
14:05elle a stoppé tous les chantiers.
14:06On nous dit qu'il faut sept ans pour faire sortir des prisons du sol.
14:11En vrai, quand on regarde, il faut deux ans et demi à trois ans.
14:13Le reste, c'est de la techno-bureaucratie.
14:15Donc, il faut accélérer les process.
14:18Il faut construire autrement.
14:19Nous, on a fait des propositions d'ultra-courte peine de sept jours.
14:23On s'aperçoit qu'aujourd'hui, on a un problème de politique pénale.
14:27On incarcère pas plus que dans les années 80,
14:29mais les gens restent deux fois plus longtemps.
14:31Donc, 35 000 détenus dans les années 80,
14:35c'est 70 000 places aujourd'hui,
14:37parce qu'ils restent deux fois plus longtemps.
14:40Si vous mettez des peines de prison qui sont exécutées très courtes,
14:44par exemple, comme sept à jour,
14:46comme on propose pour des faits graves,
14:48pour des primo-délinquants,
14:49pour qu'ils aient une réponse immédiate, etc.,
14:52il faut que 400 places pour 10 000 peines prononcées.
14:56Donc, ce n'est rien.
14:57Donc, on voit bien qu'on est sur un problème de politique pénale.
15:00Je voudrais conclure par l'actualité.
15:02Vous avez été magistrate antiterroriste, Béatrice Brugère.
15:07Il y a eu l'opposition de la France insoumise,
15:09qui a beaucoup choqué,
15:10qui souhaite, à travers une proposition de loi,
15:12supprimer le délit d'apologie du terrorisme dans le code pénal.
15:16Comment vous avez réagi à cela ?
15:18À quoi ça reviendrait, selon vous ?
15:20Alors, ce délit qui avait été fait, je crois, par M. Cazeneuve, à l'époque,
15:25avait un intérêt.
15:26C'est qu'en fait, on voulait...
15:28On s'était aperçu que les gens qui faisaient du délit d'apologie
15:32étaient souvent des futurs terroristes,
15:35et ça permettait, un, d'identifier ces personnes,
15:38leur dangerosité,
15:39condamner éventuellement cet appel au meurtre, au terrorisme.
15:42C'est quoi, l'apologie du terrorisme ?
15:44C'est de demander d'aller tuer des gens, quand même.
15:46Et en général, ce sont des civils.
15:48Donc, en effet, ce délit a un intérêt, parce qu'il permet d'investiguer,
15:52parfois, justement, de prévenir des attentats,
15:54et de condamner des gens qui sont radicalisés.
15:57La proposition de loi dont j'ai entendu
16:00qu'elle serait pas une abrogation pure et simple,
16:03mais un transfert pour le remettre dans le droit de la presse,
16:07je n'ai pas vu ça du tout.
16:08Ce n'est pas écrit comme ça.
16:09C'est ce qui est expliqué aujourd'hui.
16:11En fait, c'est une abrogation pure et simple...
16:13Pure et simple, qui a été proposée par les élus LFI.
16:15Et avec, aussi, avec trois articles,
16:18dont le deuxième serait d'évaluer la politique des magistrats qui l'utilisent.
16:22Ce qui est quand même très particulier,
16:24c'est-à-dire aller voir comment les magistrats appliquent la loi.
16:28En deuxième article, me semble une régression très grave
16:32par rapport à la menace que je vous ai indiquée,
16:35qui est une menace existentielle aujourd'hui,
16:38puisque sur tout le territoire, aujourd'hui,
16:40nous avons de plus en plus de contestations
16:45du modèle de notre société,
16:47dont l'apologie du terroriste,
16:49qui appelle très clairement à des actions extrêmement violentes,
16:54y compris contre des civils.
16:55Merci, Béatrice Brugère.
16:57Je rappelle que pour votre livre, Justice, la colère qui monte,
17:00vous avez reçu le prix de l'essai politique du barreau de Paris 2024.
17:03Je crois que c'est la première fois.
17:04Oui.
17:05Magistrat et récompensé, on voit votre sourire, je le dis.
17:08Oui, j'en suis très heureuse.
17:09C'est important, compte tenu des thèmes que vous portez.
17:12Oui, et puis c'est très important,
17:13parce que c'est difficile parfois avec les avocats
17:17qui reprochent des relations difficiles,
17:20et je trouve que c'est un très beau symbole.
17:23On peut faire l'unanimité parfois.
17:24Et ça me fait très plaisir.
17:25Vous êtes heureux.
17:26Merci, Béatrice Brugère.
17:27Bonne journée à vous.

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