"Mes parents n'ont jamais rien su."
À 16 ans, il a rejoint la résistance au lendemain de la rafle du Vel d'Hiv, où 10 000 hommes, femmes et enfants avaient été arrêtés par la police française avant d'être déportés. À 97 ans et demi, Robert Birenbaum est l'un des derniers résistants encore en vie. Voici son histoire et son message pour la jeunesse.
À 16 ans, il a rejoint la résistance au lendemain de la rafle du Vel d'Hiv, où 10 000 hommes, femmes et enfants avaient été arrêtés par la police française avant d'être déportés. À 97 ans et demi, Robert Birenbaum est l'un des derniers résistants encore en vie. Voici son histoire et son message pour la jeunesse.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Je m'appelle Robert Birenbaum, j'ai 97 ans et demi et j'étais un des plus jeunes résistants de France.
00:10Et maintenant, malheureusement, je suis le plus vieux résistant de France et peut-être le seul qui reste.
00:17Ce soir-là, j'étais assis sur un banc, pensant à ce qui devait arriver la nuit précédente, où j'avais vu des choses terribles.
00:41Et là, je croise une de mes tantes, qui était militante du Parti communiste,
00:50et mon oncle, son mari, venait d'être arrêté quelques jours plus tôt au cours d'une opération,
00:59parce que c'était aussi un militant communiste, et ma tante s'assoit à côté de moi sur le banc,
01:06et elle m'a dit, tu sais Robert, je voudrais te parler, et elle m'a dit, tu sais, c'est pas pleurer qu'il faut s'élever la tête.
01:15Tu sais que ton oncle a été pris au cours d'une rafle, je suis tout seul maintenant,
01:20mais est-ce que tu me promets de ne rien dire jamais à tes parents, ce que je te propose,
01:28est-ce que ça t'intéresse, est-ce que tu veux te battre, est-ce que tu veux relever la tête et dire non aux Allemands ?
01:35Je te présente à des petits camarades qui ont ton âge, ou un peu plus, qui sont dans la résistance,
01:44dans les jeunesses communistes juives, est-ce que tu veux que je te présente ?
01:49Vous savez, pour ma tante, j'aurais fait n'importe quoi, j'étais absolument apolitique, ça ne m'avait jamais touché,
01:57et donc j'ai dit à ma tante, ben oui, sans savoir, vous savez, pour moi c'était...
02:03Bon, et le lendemain, j'avais un rendez-vous devant le cinéma Pacifique, qui se trouvait près de la gare de l'Est,
02:10le gars qui s'est approché de moi, moi j'avais à l'époque juste 16 ans, et lui il devait en avoir 18 ou 19,
02:18et lui il m'a reconnu tout de suite, il m'a dit bonjour Robert, alors j'étais tout surpris,
02:24il me dit tu ne me reconnais pas, je m'appelle Jean Leroch, j'étais à l'école avec toi dans quelques classes au-dessus,
02:31mais je me souviens très bien de toi, est-ce que tu veux que je te présente ?
02:35Il y a une action qui se prépare aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec ceux que je veux te présenter,
02:42est-ce que tu veux que je t'emmène ? Et voilà.
02:47Alors moi, vous savez, je sors du coup, je croyais qu'on allait faire sauter un train, avec la dynamite,
02:53pour moi la résistance c'était faire dérailler des trains, tuer les Allemands, je rentrais là-dedans vraiment comme un novice,
03:04et puis en définitive, on est partis tous les deux en métro, on a atterri au métro qui est de l'Arapé,
03:12là c'était à découvert, je suis monté, on a fait les couloirs, et je suis arrivé là, j'ai trouvé trois jeunes filles,
03:21entre 16 et 18 ans, je me suis assis à côté d'eux, on a commencé à discuter, j'étais toujours, vous savez,
03:28je pensais toujours qu'on allait faire sauter je ne sais pas quoi, qu'on allait faire quelque chose d'extraordinaire,
03:35et puis en définitive, on s'est levés, on a pris le métro, et ils m'ont pris par le bras chacune d'un côté,
03:42une a resté derrière, et là j'ai vu les actions, les premières actions qu'on a faites, c'était des lancers de tracts,
03:50qu'ils avaient dans une petite valise, qu'on leur apportait, ça je ne le savais pas, il y avait deux copains qui étaient derrière nous,
03:58avec une musette dans laquelle il y avait des tracts, et au fur et à mesure que les stations passaient,
04:05on descendait dans les stations importantes, et on jetait nos tracts, et c'était les premières actions.
04:13Je n'ai jamais dit un mot à mes parents, j'avais promis à ma tante, j'avais dit à mes parents qu'un de nos professeurs
04:19avait une maison dans la campagne, et qu'il prenait ses deux meilleurs élèves, et que pour les protéger des rafles,
04:27qu'on habiterait chez lui dans sa maison, et mes parents m'ont cru, on m'appelait à l'époque, on m'appelait Baratin,
04:36c'est vrai que j'ai été souvent Baratin, j'avais beaucoup de talent au point de vue Jacques Tens, comme on dit,
04:44et mes parents m'ont cru jusqu'à la fin de la guerre, ils n'ont jamais rien su.
04:49Il y avait une répartition de choses, on a commencé par les tracts dans le métro, et petit à petit on a évolué,
04:58on allait repérer les endroits que les anglais bombarderaient,
05:04les cinémas, on entrait au cinéma à la risquée, parce que les copains n'avaient pas d'argent,
05:16on avait des mauvaises habitudes, on entrait dans le cinéma, on se répartissait dans la salle,
05:25et puis au moment des actualités, quand passaient les moments qu'on racontait, les allemands ont gagné ici,
05:34ont gagné là, et nous dans chaque coin de la salle, on hurlait, écoutez la radio anglaise, tout est faux,
05:43on hurlait, vous savez dans la salle il y avait des allemands, il y avait des bons français et des mauvais français,
05:52c'était un peu mélangé, on prenait des risques, mais enfin, on croyait à ce qu'on faisait,
06:02je ne sais pas, on me demande toujours, est-ce que tu avais peur ?
06:06Non, franchement, on était jeunes, on n'avait pas peur, je dis aux jeunes, attention bien sûr,
06:14on n'arrête pas de parler d'événements à venir, je trouve que la situation est absolument terrible actuellement,
06:25et ce n'est pas le moment de baisser la tête, je dis la même chose que ma tante m'a dit,
06:32tenez bon, levez la tête, ne vous laissez pas raconter des histoires, et tenez-vous prêt,
06:42voilà, soyez courageux, on n'est jamais perdant quand on se bat, en principe, il vaut mieux se battre que de se taire.