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Une héroïne s’en est allée. Son legs : tout un siècle de combats. Madeleine Riffaud, poétesse, résistante, ancienne journaliste à l’Humanité, est décédée à l’âge de 100 ans ce mercredi 6 novembre. Elle était un personnage de roman, à l’existence tramée par la lutte, l’écriture, trois guerres et un amour. Une vie d’une folle intensité, après l’enfance dans les décombres de la Grande guerre, depuis ses premiers pas dans la résistance jusqu’aux maquis du Sud-Vietnam.

Entretien avec Jean-David Morvan, co-auteur de la bande dessinée "Madeleine, résistante", sur la vie de Madeleine Riffaud.

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Transcription
00:00Cathy de Saint-Douz, rédactrice en chef de l'Humanité.
00:02Salut !
00:03Ça va bien ?
00:04Ça va très bien.
00:05Et Jean-David Morvan, scénariste de bande dessinée.
00:08Exactement.
00:09Comment tu vas ?
00:10Ça va moyen, mais ça va.
00:12Ça va moyen.
00:13Bon, Cathy, je te laisse les rênes.
00:16On fait ça ensemble.
00:17On fait ça ensemble, bien sûr.
00:18Je suis toujours au taquet.
00:20On est très fiers.
00:22Il faut que je me rapproche, c'est simple.
00:24Je voulais d'abord te dire qu'on est très fiers de t'accueillir dans nos locaux.
00:28Moi aussi.
00:29Jean-David Morvan, nos locaux, nos murs de l'Humanité où Madeleine a été une grande
00:34plume reconnue, une grande reporter qui a couvert les terribles guerres coloniales et
00:39surtout qui a suivi avec fou le courage des mouvements de libération.
00:44C'est vrai en Algérie et c'est vrai aussi au Vietnam.
00:47C'est le sens de l'hommage qu'on lui a rendu, bien sûr, dans nos colonnes et dont
00:50on parlait tout à l'heure.
00:51On a lu deux des papiers qu'on a republiés, un sur la Calde d'Algérie, un sur la garde
00:55du Vietnam.
00:56Elle écrivait pas mal.
00:57Elle écrivait beaucoup, oui.
00:58On a lu un témoignage, il est encore là sous vos yeux, d'une petite Vietnamienne.
01:04C'est fort, c'est dur, mais c'est fort.
01:08Jean-David Morvan, tu es scénariste de BD, tu es l'auteur avec Madeleine Riffaut, mais
01:14aussi ton complice dessinateur Dominique Berthaille.
01:17Pour l'instant, pour l'instant d'une trilogie consacrée à Madeleine, la résistante, on
01:23va revenir aussi sur tout ton parcours.
01:25On peut dire que tu es un scénariste sans doute un des plus féconds de ta génération.
01:29Oui, on dit Prolix en général, mais c'est bien que ça change un peu parce que j'ai
01:32l'impression que c'est mon deuxième prénom, Prolix.
01:34Donc j'aime bien quand on ne l'entend pas.
01:36Cela dit, c'est moi qui l'ai dit.
01:38Tu as collaboré avec les grands noms de la BD.
01:44En 2009, tu as remporté avec Wang Jiawei un Silver Award au prix international du
01:51manga pour Anzaïa, le prix des collèges en 2023 et le célèbre prix René Goscinny
01:58pour brosser très, très vite ton portrait.
02:01Donc depuis 2022, tu publies aux éditions Dupuis, la trilogie consacrée à Madeleine
02:10la résistante.
02:11Ça, c'est le tome 3.
02:12Il est sorti un mois à peu près, c'est ça ?
02:14Il est sorti le 23 août pour le jour de son anniversaire de ses 100 ans.
02:17Donc La Rose des Goupillets, Les Dredons Rouges et le dernier tome qui revient sur
02:22sa détention, sur les tortures qu'elle a endurées par la police française et la
02:26Gestapo et puis sa participation à la libération de Paris.
02:31Ces trois BD, on le dit parce qu'on m'a invité bien évidemment à les lire, elles
02:35sont très, très fortes, à la fois intimistes, mais d'une grande portée historique et politique.
02:43On découvre une femme intrépide, déterminée, engagée, un caractère bien trempé.
02:50Un peu brisé aussi, mais je pense que ça fait partie du caractère aussi.
02:54Justement, je voudrais que tu nous dises un petit peu dans quelles circonstances tu as
02:59rencontré Madeleine Riffaut et pourquoi finalement tu t'es, on peut dire, pris de passion pour
03:04cette femme ?
03:05Oui, à tous les sens du terme, pas seulement au travail.
03:07En fait, je travaillais sur une BD qui s'appelle Iréna, qui est l'histoire d'Iréna Sen
03:12Lerova, une dame qui a sauvé 2500 enfants du ghetto de Varsovie, donc une résistante
03:16polonaise.
03:17Et moi, j'ai commencé la BD en 2014 et elle, elle était morte en 2008, donc je n'ai pas
03:21pu la rencontrer.
03:22J'étais vraiment fasciné par cette dame, mais frustré de ne pas pouvoir la rencontrer.
03:29Puis un jour, c'était un 8 mai 2017, ils ont repassé un documentaire qui s'appelle
03:35Résistante, dans lequel il y a Marie-Jo Chambard de Louvre, Cécile Roltangui et Madeleine
03:39Riffaut.
03:41Et je suis tombé amoureux de Madeleine.
03:43Je me suis dit, il faut absolument que je rencontre cette dame.
03:45Je me suis dit très exactement, espèce de crétin, si tu ne saisis pas ta chance de
03:49rencontrer quelqu'un qui est encore vivant de cette période, tu vas le regretter toute
03:52ta vie.
03:53Et Madeleine m'a attiré irrésistiblement, donc j'ai demandé à Renaud Saint-Cricq,
03:56un copain journaliste, de me trouver son numéro.
03:59Il n'a mis qu'un jour pour le faire.
04:00Il m'a dit, bon, je te le donne, mais je te préviens, il ne faut pas que tu appelles
04:02trop tôt.
04:03Puis bon, elle n'a pas une réputation de répondre très gentiment au téléphone, donc
04:08prépare-toi.
04:09Je l'ai rappelé.
04:10En plus, je suis nul au téléphone.
04:11Je suis un peu phobique du téléphone.
04:14Je lui ai dit, bonjour, je m'appelle Jean-David Morvan, je fais de la bande dessinée.
04:18Elle a tout de suite compris ce que je voulais faire.
04:19Elle m'a dit, la bande dessinée, n'importe quoi.
04:21On m'aura mise à toutes les sauces.
04:23D'accord.
04:24Et puis, comment vous avez eu mon numéro ? J'ai demandé à un copain journaliste.
04:27Il me l'a donné.
04:28Ça a mis qu'un jour.
04:29Vous êtes bien bête, je suis dans la mer.
04:31Maintenant, je suis occupé.
04:32Rappelez-moi la semaine prochaine, on verra ce qu'on peut faire.
04:35J'ai attendu qu'un jour et je l'ai rappelé.
04:39Je n'ai pas eu le temps de parler de rien du tout.
04:41Non, mais ça, c'est Madeleine.
04:42Maintenant, après, je l'ai connu.
04:43Donc, je sais que c'est la première réponse.
04:45Je dis souvent que Madeleine, c'est comme quand on arrive, sans doute, je ne l'ai jamais fait,
04:48mais dans un bar en Écosse ou en Irlande.
04:50Il faut déjà se battre avec les gars pour être leur copain.
04:52Il faut prouver quelque chose.
04:54Donc, voilà.
04:55Donc, j'ai attendu qu'un jour, quand même, d'avoir moi un mal aux fesses.
04:57Et puis, je l'ai rappelé.
04:58Et là, elle m'a dit, tout a changé.
05:00J'ai mon copain, Roderick Armat, qui est réalisateur, qui a fait des films sur moi,
05:03qui est un mec super.
05:04Il m'a dit, vraiment, Madeleine, en vieillissant, tu deviens un conne.
05:06Je ne pensais pas que tu deviendrais conne comme ça.
05:08La BD, c'est vraiment super pour faire passer le message qu'Aubrac t'a demandé de passer.
05:12Je ne suis pas une victime.
05:13Je suis un résistant.
05:14La BD, ça a changé depuis que tu en lisais quand tu étais jeune.
05:16Effectivement, quand elle était jeune, c'était il y a 90 ans.
05:18Donc, la BD a changé.
05:19Et donc, elle m'a dit, venez me voir.
05:22Aubrac, Lucie ou Raymond Aubrac, qui était aussi une grande figure de la résistance.
05:27Oui, oui, tout à fait.
05:28Les deux, mais...
05:29On est proche du Quaitis.
05:30Mais là, pour le coup, c'était Raymond qui venait la voir.
05:33D'ailleurs, on voit souvent Babette qui venait voir Madeleine,
05:36Babette Aubrac, leur fille,
05:38qui est la fille de Ho Chi Minh, d'ailleurs.
05:40Et donc, voilà, c'est resté un peu en famille.
05:43Et comment va se passer cette première rencontre ?
05:45Elle s'est passée hyper bien.
05:49Je suis rentré.
05:51Je dirais, elle m'a ouvert.
05:54Je ne savais pas du tout qu'elle était aveugle.
05:55Elle ne me l'a pas dit.
05:56Mais elle maîtrisait bien son environnement.
05:58Ça ne se voyait pas.
05:59Elle était dans son appart.
06:00Et souvent, si on peut dire qu'elle s'est bien passée,
06:02elle me disait, j'aimerais bien mettre le blouson que j'avais la première fois que tu es venu.
06:05Tu sais, le blouson champagne, comme ça.
06:07Donc, il y avait quand même ce lien entre nous, de cette première fois,
06:10qui avait vraiment cliqué.
06:12Et puis, moi, j'avais un train.
06:13Je rentrais à Reims.
06:14J'habite à Reims.
06:15Elle habitait dans le Marais.
06:16Donc, heureusement, ce n'est pas très loin de la gare de l'Est.
06:17Et il fallait quand même que j'aille au train.
06:19Donc, je n'arrêtais pas de lui dire, en voyant tourner l'heure,
06:21Madeleine, il faut que j'y aille.
06:22Ah oui, mais attends, j'ai encore un truc à te dire.
06:24Non, elle me vouvoyait à l'époque.
06:25Attendez.
06:26Donc, c'est tout.
06:27Je cours jusqu'au train.
06:28J'ai finalement réussi à l'avoir d'extrême limite.
06:30Et puis, en arrivant à la gare.
06:31On le raconte à la fin de la BD.
06:33En arrivant à la gare, je me dis, je vais quand même l'appeler
06:35parce que je suis parti en vitesse.
06:36Ça ressemblait quand même à un rendez-vous à Motes,
06:38si on y regarde bien.
06:39Et donc, je vais quand même la rappeler.
06:41Donc, je la rappelle.
06:42Et puis, j'ai passé le moment où j'ai marché jusque chez moi,
06:46qui m'était 20 minutes.
06:47Et puis après, je suis passé quatre heures dans la rue
06:49parce qu'elle avait plein de choses à me dire.
06:51Voilà.
06:52Héloïse, qui travaille avec nous sur la BD,
06:54m'a amené un chargeur de téléphone, de l'eau aussi,
06:57parce que je marchais dans la rue,
06:59parce que je savais que si je montais l'escalier,
07:00ça allait couper.
07:01Et je ne voulais pas que ça coupe.
07:02Donc, voilà.
07:03C'est parti comme ça.
07:04Et puis après, c'était l'enchaînement des coups de téléphone
07:06jusqu'à trois heures du matin, pendant des heures,
07:08pour travailler sur cette BD.
07:10Voilà.
07:11C'est parti comme ça.
07:12C'était assez extraordinaire.
07:13Je ne connaissais pas, à l'époque, un quart de la moitié de sa vie.
07:16J'ai découvert tout ça au fur et à mesure.
07:18Et à chaque fois, j'étais esbaudi.
07:21Je vous coupe pour deux choses.
07:22D'abord, on a eu un raid.
07:23Alors, est-ce que vous savez ce que c'est qu'un raid sur Twitch ?
07:25Non.
07:26Non.
07:27En fait, c'est quelqu'un d'autre qui stream sur sa chaîne,
07:29qui nous a envoyé toutes les personnes qui le regardaient.
07:31Donc, j'imagine que c'est quelqu'un qui s'intéresse à ton travail.
07:33C'est plutôt sympa.
07:34Donc, c'est très sympa.
07:35C'est pour ça que je me permets de vous interrompre,
07:36pour le remercier.
07:37Merci.
07:38Merci à tous les gens qui viennent nous écouter et nous regarder.
07:41Ma deuxième intervention, c'était une question.
07:44Tu parlais un peu de cette rencontre, de ces premiers coups de téléphone.
07:47C'est des choses que tu dessines et que tu racontes aussi dans la BD,
07:49dans le premier tome.
07:50Pourquoi ça te semblait important ?
07:51Je vais le montrer.
07:53Pourquoi ça te semblait important de raconter aux gens qui lisent la BD,
07:56de raconter aussi cette rencontre ?
07:58En fait, dans l'album, dans la série,
08:01on n'a pas voulu se mettre en scène avec Dominique le dessinateur ni Héloïse.
08:05On trouvait qu'on racontait l'histoire de Madeleine
08:07et que nos vies à côté sont bien piètres par rapport à la vie de Madeleine.
08:11Mais on a fait quelque chose d'extraordinaire,
08:14qui était dû à notre éditeur José-Louis Bocquet à l'époque,
08:17qui a commencé à éditer cette BD.
08:19Il s'est dit, si vous faites un gros livre,
08:21Madeleine avait 93 ans à l'époque.
08:24On ne sait pas combien de temps elle va vivre, il faut être franc.
08:26Et donc, plutôt que d'attendre le gros livre,
08:28on va lui couper en trois
08:30et on sortira ce qu'on appelle un cahier à chaque fois.
08:32Et donc, dans ces cahiers, pour que ça aille plus vite et qu'elle puisse relire.
08:35Et donc, dans ces cahiers, on a mis des bonus
08:37et dans ces cahiers, on a raconté cette histoire-là.
08:39L'histoire de la rencontre, c'était un bonus un peu à part.
08:42Et puis, ça a semblé tellement super à tout le monde
08:45qu'on s'est dit qu'on le mettrait dans l'album
08:47parce que ça raconte aussi autre chose de Madeleine.
08:50D'un côté, il y a son histoire et d'un autre côté, il y a notre rencontre.
08:52Et je dirais que presque tout ce qu'on a vécu ensemble,
08:54ça pourra prendre un album peut-être supplémentaire qu'on ne fera pas
08:57parce qu'on ne sera pas dans le sujet,
09:00parce que ce serait un peu mégalo peut-être.
09:02Mais en fait, en mettant des petites touches comme ça,
09:05je pense que c'est intéressant de voir quelle relation on avait avec elle
09:08et que c'était plus qu'une bande dessinée finalement.
09:11Justement, on sent à travers ce premier tome,
09:15mais de manière générale, c'est trois tomes
09:17où Madeleine finalement est partie prenante.
09:19C'est sa voix, c'est aussi elle qui parle.
09:21Une extraordinaire complicité.
09:23Comment ça se travaille ?
09:25Comment ça se creuse ? Comment ça se solidifie ?
09:28C'est dur à dire.
09:30On a discuté.
09:31Tout de suite, elle m'a dit
09:32« Assieds-toi dans le fauteuil d'Aubrac ».
09:34C'est là qu'il s'asseyait quand je venais.
09:35J'étais un peu flatté.
09:37Et puis, c'est venu vite.
09:39Ça a cliqué tout de suite.
09:41Je pense qu'avec Madeleine, ça clique ou ça ne clique pas.
09:43Donc, j'ai eu de la chance.
09:44Ça s'est bien passé.
09:46C'est parti comme ça.
09:48Et après, on n'y a plus vraiment pensé.
09:50C'était devenu vraiment naturel.
09:52Il y a eu des moments un peu plus durs.
09:54Par exemple, à un moment,
09:56on attendait pour avoir les contrats.
09:57Donc, j'étais un peu déprimé
09:59parce que je voyais que ça n'avançait pas.
10:00J'étais un peu triste.
10:01Et donc, elle a pris les choses en main.
10:03Elle a appelé notre éditeur, ce fameux José-Louis,
10:05qui est super.
10:06Et elle lui a dit
10:07« Mais dis-donc, moi, j'ai signé mon contrat,
10:09mais j'apprends que mes copains ne l'ont pas signé.
10:11Donc, moi, je vous préviens,
10:13si vous ne voulez pas le faire,
10:14j'annule mes contrats.
10:15Et puis, on va chez quelqu'un d'autre
10:16parce que des éditeurs, ce n'est pas ça qui manque. »
10:18Et donc, elle était là.
10:19« Mais oui, Madeleine, ne vous inquiétez pas.
10:20On va s'en occuper. »
10:22Évidemment, elle a fait de l'édition toute sa vie.
10:24C'était son métier,
10:25d'écrire des livres et des articles.
10:28Donc, elle nous a beaucoup soutenus aussi pour ça.
10:32Et puis, c'est né comme ça.
10:33Je pense que c'est vraiment super difficile à dire.
10:36Ça s'est fait tellement naturellement
10:37et tellement vite
10:39alors que je ne savais pas,
10:40la première fois que je suis allé la voir,
10:41si elle allait me dire
10:42« Tiens, voilà un livre.
10:43Travaille là-dessus.
10:44Ciao ! »
10:45ou « Reviens me voir une fois tous les trois mois. »
10:48À ce point-là,
10:49je ne pensais pas que c'était possible.
10:50Et puis, un jour,
10:52comme je devais partir le soir avec elle à l'époque,
10:54après, ça a changé,
10:55mais elle se levait tard
10:56parce qu'elle se couchait tard,
10:57très tard.
11:00Un jour, elle m'a dit
11:01« Ah, mais quand même, c'est dommage
11:02parce que tu dois prendre le train.
11:04Donc, on ne se voit pas longtemps.
11:05Mais en revanche, je dois te dire,
11:06j'ai un appartement en haut
11:08dont je ne me sers plus.
11:09C'est mon ancien appartement.
11:10Mais il y a un lit dedans.
11:11Donc, si tu veux, tu peux dormir. »
11:13Donc, j'ai dit oui une première fois.
11:15Et puis, après,
11:16l'engrenage était parti.
11:17Elle me disait
11:18« Tu ne vas pas venir juste pour une journée.
11:19Tu vas quand même dormir.
11:20Tu vas rester deux jours. »
11:21Donc, c'est à peu près ça
11:22que j'ai fait pendant des années.
11:24Finalement, rester avec elle
11:25deux, deux jours et demi,
11:26trois jours par semaine.
11:28Donc, voilà.
11:30La complicité est née comme ça.
11:31Et puis, après,
11:32je lui ai présenté Héloïse de la maison,
11:34ma compagne,
11:35avec qui elle a aimé tout de suite.
11:37Et puis, comme on a eu un petit bébé
11:40il y a six mois,
11:42elle est devenue la marraine du bébé.
11:44Donc, on a pu concrétiser ça.
11:47Avoir 100 ans de différence d'âge,
11:49quand même,
11:50c'était quelque chose d'impressionnant.
11:51Donc, voilà.
11:52C'est Madeleine.
11:55Tu disais tout à l'heure,
11:56quand j'ai commencé à parler avec Madeleine,
11:57je me suis rendu compte qu'en fait,
11:59je ne connaissais pas grand-chose.
12:02Quel travail historique tu as dû faire
12:04pour finalement parvenir
12:06à bien contextualiser,
12:07pas tronquer,
12:08parce qu'on sait forcément
12:09que la mémoire,
12:10elle est sélective
12:11et celle de Madeleine
12:12pouvait, elle aussi, se lancer ?
12:14Alors, la mémoire de Madeleine,
12:15elle est impressionnante.
12:16Je pense que personne ne peut le croire,
12:18parce que je pense que ça n'existe pas,
12:20un cerveau comme ça.
12:21Je pense que je n'en recroiserai jamais un
12:22dans ma vie.
12:23Pour prendre un exemple différent,
12:25parce qu'effectivement,
12:26on peut se dire,
12:27elle a reconstitué des choses
12:28et c'est quand même sans doute le cas.
12:29Mais, il n'y a pas longtemps,
12:30on discutait et elle me dit,
12:32on parlait de vaccins
12:34ou je ne sais plus quoi.
12:35Elle me dit,
12:36moi, j'ai été modèle vaccin.
12:37Je lui dis, comment ça ?
12:38Quand j'étais jeune,
12:39j'avais quatre ans,
12:40il y avait une maladie
12:41qui s'appelait le crampe,
12:42qui sévissait,
12:43qui était une maladie pulmonaire.
12:44Il y avait des enfants qui étaient morts
12:46dans la classe de ma mère.
12:47Mais les gens,
12:48ils ne voulaient pas se vacciner.
12:49Ils avaient peur.
12:50Comme quoi,
12:51cent ans de décalage,
12:52ça ne change rien.
12:53Elle me dit,
12:54en fait,
12:55le médecin a demandé à ma mère
12:56que je me mette sur une table
12:57et ils m'ont vacciné en direct
12:58devant tout le monde.
12:59Les gens du village ont dit,
13:00si l'institutrice,
13:01elle fait vacciner sa fille,
13:02c'est que ce n'est pas dangereux.
13:04Elle a aidé à faire de la vaccination.
13:06Ce que je veux dire par là,
13:07ce n'est pas un souvenir historique,
13:09en soi.
13:10C'est pourtant quelque chose
13:11qui ressort directement de sa mémoire.
13:13Et donc,
13:14c'était pareil pour toute sa mémoire.
13:16Et finalement,
13:17à chaque fois qu'on s'est dit
13:18que Madeleine se trompe,
13:19une fois qu'on a eu vérifié,
13:21on s'est rendu compte
13:22qu'il y avait un truc
13:23qu'on n'avait pas compris
13:24ou quelque chose
13:25qui avait été mal raconté quelque part.
13:26Et en fait,
13:27elle avait raison.
13:28Et donc,
13:29c'est ça qui est impressionnant.
13:30Donc après,
13:31notre parti pris,
13:32c'est bon,
13:33ça paraît improbable,
13:34mais sans doute,
13:35Madeleine a raison.
13:36Et finalement,
13:37on s'est rendu compte
13:38à chaque fois que c'était vrai.
13:39Donc,
13:40il y avait dans sa raison
13:41à la fois sa mémoire
13:42sociale,
13:43de connaissances parfaites
13:44du terrain,
13:45de connaissances des gens
13:46aussi sur place
13:47et des hommes politiques
13:48et de tous les partis.
13:49Donc,
13:50tout ça fait
13:51qu'on était bien petits
13:52à côté d'elle.
13:53Il y a un an,
13:54à peu près,
13:55au moment de la publication
13:56d'une BD,
13:57on aura peut-être
13:58l'occasion de revenir
13:59sur l'ensemble
14:00de ce qu'on travaille.
14:01J'aime bien l'idée
14:02de parler de Madeleine.
14:03Mais tu vas voir pourquoi.
14:04C'est que c'est
14:05la bande dessinée
14:06qui est consacrée
14:07au groupe Manouchan.
14:08Oui.
14:09Et à Missac,
14:10Manouchan,
14:11à sa panthanisation
14:12avec Méliné
14:13et le groupe
14:14D23.
14:15Missac,
14:16Manouchan
14:17va occuper une place
14:18très singulière
14:19dans la vie de Madeleine.
14:20C'est peut-être
14:21un des personnages clés
14:22qui va finalement
14:23la pousser à entrer
14:24en résistance.
14:25En résistance,
14:26elle y était déjà
14:27parce qu'elle était
14:28au Front National
14:29de Libération.
14:30Très bien.
14:31Mais dans le FTP,
14:32bien sûr.
14:33Alors,
14:34FTP,
14:35voilà.
14:36Alors,
14:37elle est pas dans le Moï,
14:38donc la main d'œuvre
14:39immigrait parce qu'elle
14:40était dans le FTP
14:41après avoir vu
14:42l'affiche rouge.
14:43Et ça dit,
14:44mais si ça se trouve,
14:45tout le mouvement
14:46FTP Moï,
14:47qui sont les grands héros
14:48de cette époque-là
14:49de Paris,
14:50puisque c'est
14:51les tueurs de nazis
14:52étrangers,
14:53donc,
14:54sont décapités.
14:55Alors,
14:56il n'y en a qu'une
14:57qui a été décapitée.
14:58C'est Golda Olga
14:59ou Golda Bantic.
15:00Mais les autres
15:01ont été fusillés.
15:02Mais bon,
15:03évidemment,
15:04c'était une image.
15:05Et donc,
15:06il faut que je fasse
15:07quelque chose.
15:08Et donc,
15:09je sais que si tu rentres
15:10dans le FTP,
15:11tu as une moyenne
15:12de survie de trois mois.
15:13Elle a dit je m'en fous.
15:14Je sais tirer.
15:15Mon père m'a appelé,
15:16il m'a appris.
15:17Je sais conduire une voiture
15:18s'il y a besoin.
15:19Donc,
15:20faites-moi rentrer.
15:21Et elle s'est,
15:22je pense que c'était en mars,
15:23donc,
15:24elle s'est fait arrêter
15:25en juillet.
15:26Donc,
15:27voilà,
15:28elle a un peu dépassé
15:29les trois mois,
15:30mais pas de beaucoup.
15:31Je vous lie un petit message
15:32du chat,
15:33parce que je le trouvais
15:34assez sympa.
15:35J'ai vraiment beaucoup
15:36apprécié Misak Melinet
15:37et le groupe Manouchure
15:39J'ai hâte de me plonger
15:40dans l'histoire de Madeleine
15:41résistante.
15:42On voit
15:43entre Madeleine
15:44et le Manouchiant,
15:45il y a un crossover.
15:46C'est-à-dire,
15:47il y a une scène
15:48qui est la même,
15:49qui est une attaque
15:50du FTP à l'Odéon.
15:51Et l'album de Misak,
15:52vous ne le voyez pas,
15:53mais en couleur,
15:54il n'est que comme
15:55l'affiche rouge.
15:56Donc,
15:57il est rouge,
15:58gris et jaune.
15:59Mais la seule personne,
16:00la seule petite touche
16:01de bleu de l'album,
16:02c'est la petite Madeleine
16:03qui est dans la foule
16:04et qu'on ne voit pas beaucoup.
16:05Donc,
16:06voilà.
16:07J'ai regardé quelques planches
16:08de la bande dessinée
16:09parce que c'est vrai
16:10que tu parles du bleu.
16:11Les gens qui n'ont pas lu la BD,
16:12ils ne savent pas forcément
16:13pourquoi tu parles du bleu.
16:14C'est en fait la couleur
16:15qui est omniprésente.
16:16Exactement.
16:17C'est Dominique Bertay,
16:18le dessinateur,
16:19qui a choisi
16:20de le faire en bleu.
16:21Et en fait,
16:22c'est un marqueur formidable
16:23de cette BD
16:24parce qu'aujourd'hui,
16:25on n'imagine plus
16:26la vie de Madeleine
16:27autrement qu'en bleu.
16:28Ce qui est vraiment
16:29un effet de la bande dessinée.
16:30Avant, ça n'existait pas
16:31et c'est génial.
16:33C'est devenu sa couleur.
16:34Alors après,
16:35elle dit souvent à Dominique
16:36« Mais moi, j'étais contente
16:37quand tu m'as dit
16:38que ça allait être en bleu
16:39parce que j'ai eu un bon copain,
16:40dessinateur un peu connu
16:41qui s'appelait Pablo Picasso
16:42et donc, sa période bleue,
16:43moi, j'adorais
16:44quand je voyais clair.
16:45Donc, je suis content
16:46et je l'imagine comme ça. »
16:47Donc, elle dit
16:48« Je suis vraiment désolé.
16:49J'aurais bien aimé
16:50te faire rencontrer Picasso. »
16:51Dominique répondait à chaque fois
16:52« Oui, moi aussi,
16:53j'aurais bien aimé le rencontrer. »
16:54Donc, voilà.
16:55Mais le bleu,
16:56c'est devenu la marque de fabrique.
16:57Sa couleur.
17:02Je n'ai pas fait exprès
17:03mais les trois titres
17:04sont rouges.
17:05C'est-à-dire
17:06la rose dégoupillée,
17:07les dredons rouges
17:08et les nouilles à la tomate.
17:09Tout ça, c'est rouge.
17:10Ce n'est pas voulu.
17:11Non, pas du tout.
17:12Tu t'en es rendu compte après.
17:13C'est quelqu'un
17:14qui me l'a bien l'éclair.
17:16Dans ces trois tomes de BD,
17:18il y a bien évidemment
17:19des épisodes historiques,
17:21politiques très forts.
17:22L'engagement de Madeleine
17:23est politique.
17:24Madeleine est communiste.
17:25Bien sûr.
17:26On a peut-être oublié de le dire.
17:27Mais il y a aussi
17:28des passages très intimistes.
17:29Et je voudrais savoir
17:32comment elle parvient
17:33à mettre en scène
17:34quand je pense intimiste,
17:35plutôt intime.
17:36Je pense notamment
17:37qu'elle a subi un viol
17:38qui a été un véritable traumatisme.
17:41C'est pour ça qu'on disait
17:42brisée sans doute tout à l'heure.
17:43Oui.
17:44Une femme brisée.
17:45Comment on mêle
17:46à la fois ce récit historique
17:49et ces moments très intimes,
17:52douloureux ?
17:53Parce qu'elle n'en parlait pas beaucoup.
17:55À nous, elle nous en a parlé.
17:56Alors, ça voulait dire
17:57qu'on avait le droit de le faire.
17:58Comme Julie Herlutou,
17:59ce n'est pas passé par hasard.
18:00Elle a validé tout ça.
18:02Elle a eu envie d'en parler
18:03à ce moment-là.
18:04Elle a eu besoin d'en parler.
18:05Je pense qu'on peut dire
18:07qu'avec Dominique,
18:08on faisait presque,
18:09on continue, on va continuer,
18:10mais on fait presque
18:11l'autobiographie de Madeleine.
18:12C'est-à-dire qu'on est deux humains,
18:13mais on est presque
18:14les outils de Madeleine
18:15qu'elle ne peut pas utiliser
18:16puisqu'elle ne pouvait plus lire
18:17à cause de ses yeux et dessiner.
18:19J'ai vu quelques dessins d'elle
18:20qu'on a encouragés,
18:22qu'Abidine, un peintre,
18:24l'avait encouragé à faire.
18:25Je pense qu'elle a bien fait d'écrire.
18:27Mais c'était une des bonnes tentatives.
18:30Je pense que c'est le livre,
18:32cette bande dessinée,
18:33qui est le plus proche finalement
18:35d'elle par rapport
18:37aux autres livres qui existent.
18:38Ce n'est pas pour nous prendre au malin,
18:41nous prendre pour des malins,
18:42mais je pense que c'est vraiment
18:43le plus proche.
18:44C'est-à-dire qu'effectivement,
18:45le tome 2,
18:46comme il est très compliqué,
18:47par exemple,
18:48c'est le quotidien de la résistance
18:49dans Paris.
18:50Elle disait,
18:51mon maquis, c'est Paris.
18:52En fait, c'est plein de détails,
18:54plein de choses qu'on n'a jamais lues.
18:55Donc, je lui ai relu peut-être,
18:56je ne sais pas,
18:57dix-sept ou dix-neuf ans.
18:58Je lui ai relu peut-être,
18:59je ne sais pas,
19:00dix-sept fois pour réussir à le faire.
19:02Donc, elle était vraiment impliquée
19:03dans ce process.
19:05Ce n'était pas juste...
19:06Elle n'avait pas juste son nom
19:08sur la couverture pour faire beau.
19:10Donc, c'était vraiment...
19:11J'étais plutôt son co-scénariste,
19:13très exactement.
19:14Et c'est vrai que...
19:15Tu parlais tout à l'heure
19:16du texte-off de Madeleine
19:18qui nous parle.
19:19Et en fait,
19:20j'ai eu cette intuition-là,
19:21comme elle me tutoyait.
19:23Je me suis dit,
19:24je n'ai jamais lu ou très peu de BD
19:27dans lesquels le texte-off,
19:28la voix tutoie le lecteur.
19:31Je me suis dit,
19:32ce serait pas mal de le faire.
19:33Donc, j'ai fait des tentatives.
19:34Ça marchait bien.
19:35Alors, j'ai beaucoup bossé
19:36pour récupérer la voix de Madeleine
19:37en écriture,
19:38mais ce n'est pas dur.
19:39Elle a une manière de parler
19:40et d'écrire qui est bien à elle.
19:42Et puis, j'ai commencé à dire « tu »
19:46et les gens...
19:47En fait, ils commencent,
19:48j'imagine,
19:49à lire l'album en disant
19:50qu'elle parle à Jean-David,
19:51qu'elle parle au scénariste.
19:52Mais en fait,
19:53au bout de cinq pages,
19:54on a oublié que j'existais.
19:55Tant mieux.
19:56C'est pour ça qu'on n'est pas
19:57non plus dans l'album
19:58et qu'on est après.
19:59On oublie que j'existe
20:00et en fait,
20:01elle parle au lecteur.
20:02Et c'est ça que je voulais
20:03et c'est ça qui marche très bien
20:04et c'est fabuleux.
20:05Parle-nous des faits d'armes
20:06un petit peu de Madeleine
20:07pour quiconque.
20:08Je pense à Clibaro
20:09qui dit « tiens,
20:10je connais la BD de Manoufian,
20:13mais pas celle de Madeleine. »
20:15En fait,
20:16si j'élargis la question,
20:19je dirais que le plus...
20:21La raison pour laquelle
20:22on a fait cet album,
20:24cette série comme ça,
20:25c'est que Madeleine est amenée
20:27à 20 ans,
20:28à 19 ans très exactement,
20:3019 ans et 11 mois,
20:31à tuer un soldat allemand
20:33sur le pont de Solferino
20:34de balle dans la tête.
20:35C'est les ordres de Roll
20:36qui dit qu'il faut montrer...
20:37Roll Tanguy.
20:38Roll Tanguy.
20:39Roll à l'époque,
20:40mais oui, pardon,
20:41Roll Tanguy.
20:42À l'époque, c'était juste Roll.
20:43Votre grande figure de la révolution.
20:44Voilà.
20:45Et qu'elle ne connaissait pas à l'époque.
20:46Elle a très bien connu après.
20:47Et en fait,
20:48qui disait qu'il faut montrer
20:49aux Parisiens que les Allemands
20:50ne sont pas invincibles.
20:51Donc tuer des Allemands
20:55qui mènera à la libération de Paris
20:56le 25 août 44,
20:57on peut se battre contre les Allemands.
20:59Et il faut tuer des officiers allemands
21:01si possible,
21:02parce qu'ils n'aimaient pas
21:03tuer des soldats
21:04et ils trouvaient que les officiers
21:05c'était le plus important,
21:06dans la rue,
21:07pour montrer aux gens.
21:08Donc elle en est arrivée à faire ça.
21:10Mais...
21:11Et Madeleine était assez intelligente
21:13pour ça.
21:14Elle dit je sais bien
21:15que mon acte,
21:17en fait,
21:18aujourd'hui,
21:19se comprend peu.
21:20On a plutôt de l'empathie,
21:22finalement,
21:23pour le soldat allemand.
21:24Avec 80 ans après,
21:26en se disant,
21:27si ça se trouve,
21:28le gars, il était sympa,
21:29si ça se trouve,
21:30il était là par hasard.
21:31On ne pense pas une seule seconde
21:32que si ça se trouve,
21:33il n'était vraiment pas sympa
21:34et qu'il venait de faire déporter
21:35des enfants.
21:36On a une sorte d'empathie immédiate
21:37et elle disait,
21:38à juste titre,
21:39on a sans doute plus d'empathie
21:40pour les malgré nous,
21:41qui ont été embarqués
21:43en Alsace ou en Lorraine,
21:45qui sont allés se battre
21:46avec les Allemands,
21:47dont certains ont fait
21:48le massacre de Radour-sur-Glane,
21:49qu'elle connaissait bien.
21:51Et moins d'empathie pour moi
21:52qu'elle se fie à un soldat allemand
21:53parce que je passe pour une tueuse
21:54alors qu'eux,
21:55ils passent pour des victimes.
21:56Terroristes, d'ailleurs,
21:57c'est ce qu'on dit.
21:58Oui, terroristes.
21:59Et donc,
22:00c'était une ambivalence intéressante.
22:02On a discuté avec elle.
22:04Ça, c'est une formule de moi,
22:05mais elle me l'avait validée.
22:06C'est dire,
22:09les malgré nous,
22:10on a menacé leur famille,
22:11on a menacé leur vie,
22:12donc ils ont dit oui.
22:13Ils sont partis avec l'armée allemande
22:14faire des massacres en Estonie,
22:16par là,
22:17et puis revenus en France.
22:18Ils ont dit oui.
22:19Et nous, moi,
22:20on a menacé ma famille,
22:21on a menacé ma vie.
22:22J'ai dit non.
22:23Donc, je ne peux pas me mettre
22:24sur le même plan qu'eux.
22:25Voilà.
22:26Et donc,
22:27finalement,
22:28tout le premier tome,
22:29il sert à expliquer
22:30comment une petite fille comme ça
22:31va devenir une tueuse
22:32qu'on voit à la fin du tome 2,
22:33une tueuse de soldats allemands.
22:34Qu'est-ce qui emmène ?
22:35Qu'est-ce qui fait que la résistance
22:36nous emmène à faire des actes comme ça ?
22:38Et elle l'a fait.
22:39Et elle le regrette.
22:40C'est-à-dire,
22:41elle ne regrette pas
22:42d'avoir tué le symbole
22:43parce que c'est un geste politique.
22:50C'est ce qu'ont fait aussi
22:51Manouchian et ses gars,
22:52en tout cas,
22:53le FTP
22:54et le FTP-Moi.
22:55C'est-à-dire,
22:56Paris,
22:57en 1941,
22:58c'était la ville
22:59où tous les Allemands
23:00voulaient venir
23:01en résidence,
23:02en permission,
23:03pardon,
23:04parce que c'était cool,
23:05il y avait du champagne,
23:06il y avait des petites putes partout,
23:07c'était super cool,
23:08c'était la ville-lumière.
23:09Bravo Paris, quoi !
23:10Et au fur et à mesure,
23:11ils ont changé
23:12l'esprit des Allemands
23:13et Paris est devenue
23:14la ville la plus dangereuse
23:15pour les soldats allemands
23:16et la peur a changé de camp.
23:17Et comme ça,
23:18elle a libéré la ville
23:19et elle a participé à ça
23:20vraiment en plein.
23:21Et c'est ça
23:22qu'il fallait expliquer,
23:23c'est-à-dire,
23:24c'est un contexte aujourd'hui,
23:2580 ans après,
23:26qui est beaucoup plus compliqué
23:27à comprendre
23:28et il faut le ramener au départ
23:30et faire suivre les gens
23:32la vie de Madeleine
23:33et donc l'intime devient très important
23:35dans tout ça
23:36parce que, en fait,
23:37c'est que des ressorts intimes,
23:38justement,
23:39de l'humiliation
23:40quand elle prend un coup de pied au cul
23:41en arrivant à la gare d'Amiens
23:44de retour de l'Exode
23:46et elle dit
23:47c'est l'humiliation
23:48qui fait
23:49qu'on rentre dans la résistance
23:50beaucoup plus
23:51que des idées politiques
23:52où on se sent humilié
23:55et on se dit
23:56il faut que je me batte
23:57contre ces gens.
23:58Même si Madeleine,
23:59comme Michel Manouchan,
24:00comme Rolf,
24:01comme tous ceux que tu cites,
24:02avaient des idées politiques
24:04affirmées.
24:05Oui, oui,
24:06aucun doute là-dessus.
24:07Et après,
24:08des idées politiques
24:09pour Madeleine aussi
24:10qui ont été,
24:12évidemment,
24:13complexifiées
24:14quand ils ont découvert
24:16qu'il était vraiment
24:17Joël F. Stalin.
24:18Donc tout ça
24:19a été très complexe,
24:20finalement,
24:21et intéressant historiquement.
24:22Vraiment intéressant.
24:24Madeleine insistait beaucoup
24:26sur un aspect,
24:27on a dit,
24:28Missac,
24:29Manouchan,
24:30ce héros
24:31et elle le considérait
24:32comme un héros
24:33via la fameuse
24:34et célèbre affiche rouge
24:35dont d'ailleurs
24:36la couverture
24:37de ta BD.
24:38Oui,
24:39on a fait une allégorie
24:40de l'affiche rouge,
24:41exactement.
24:42Je la remontre une nouvelle fois.
24:43En fait,
24:44on a rajouté deux filles
24:45mais on a,
24:46mais on a remis,
24:47on a rajouté ici,
24:48ça c'est,
24:49non mais ça ne marche pas.
24:50Il y a Méliné,
24:51il y a Méliné
24:52et puis il y a,
24:53il y a,
24:54il y a Olga,
24:55mais,
24:56enfin,
24:57Golda,
24:58mais on a remis les visages
24:59effectivement au même endroit
25:00que sur les petits ronds.
25:01Je ne sais pas si vous voyez
25:02l'affiche rouge
25:03mais il y a les petits ronds
25:04et donc on a remis les visages
25:05exactement au même endroit.
25:06C'est un triangle,
25:07donc on a mis les jambes
25:08pour faire le triangle.
25:09Donc voilà,
25:10on a fait une métaphore
25:11en quelque sorte.
25:12Elle disait
25:13c'est un héros
25:14et c'est absolument
25:15d'être considéré
25:16comme une héroïne.
25:17Comme une héroïne,
25:18bien sûr,
25:19mais je crois que
25:20s'il avait survécu,
25:21il aurait refusé
25:22d'être aussi un héros
25:23et les autres aussi,
25:24c'est-à-dire que
25:25c'est des gens,
25:26ils n'avaient,
25:27je pense,
25:28jamais demandé
25:29à en tuer d'autres,
25:30enfin,
25:31ils ne voulaient pas
25:32en fait,
25:33ce n'était pas leur but.
25:34Dans la vie,
25:35c'était des littéraires,
25:36Madeleine particulièrement,
25:37c'est des gens
25:38qui ont été cassés
25:39par la guerre
25:40dans tous les cas
25:41et ils n'avaient jamais
25:42demandé à tuer des gens,
25:43et finalement,
25:44c'est peut-être ça
25:45la définition du héros.
25:46Bien réfléchi.
25:47Il y a un an,
25:48donc,
25:49je t'avais interviewé
25:50à l'occasion de la sortie
25:51de cette BD
25:52et je t'avais posé
25:53cette question quand même
25:54qui me brûlait les lèvres.
25:55Tu as fait de la BD
25:56sur des serial killers
25:57et là,
25:58donc,
25:59tu fais une trilogie,
26:00il y aura d'autres tomes
26:01mais je propose
26:02que ce soit
26:03des petites questions
26:04qu'on te pose
26:05après sur Madeleine,
26:06sur Misak Manouchian
26:07mais aussi sur
26:08Ginette Kolinka,
26:09cette fillette juive
26:10qui a été déportée
26:11à Auschwitz
26:12et qui est une survivante
26:13de la Shoah
26:14et qui aujourd'hui
26:15va dans les écoles,
26:16transmet cette mémoire,
26:17comment...
26:18C'est génial aussi,
26:19oui.
26:20Qui est aussi un destin
26:21et une histoire
26:22absolument extraordinaire,
26:23pleine de générosité.
26:24Tu vois,
26:25on va la montrer,
26:26on en profite.
26:27On a tout préparé.
26:28Comment on passe
26:29donc de BD
26:30sur des serial killers
26:31à quasiment
26:32des personnages
26:33de cette trempe-là ?
26:34Non pas que les serial killers
26:35ne soient pas
26:36des personnages
26:37non-joueurs.
26:38Oui,
26:39oui,
26:40ils méritent
26:41des trempes.
26:42On n'est pas du tout,
26:43du tout,
26:44dans le même univers
26:45et dans le même registre.
26:46En fait,
26:47pour moi,
26:48on est exactement
26:49dans le même univers,
26:50c'est-à-dire que
26:51mon idée,
26:52mais c'est à mon niveau,
26:53c'est de comprendre
26:54ce qui se passe
26:55dans la putain de tête
26:56des humains
26:57et donc c'est ça
26:58qui m'intéresse en fait
26:59et essayer de comprendre
27:00comment les humains fonctionnent
27:01et donc c'est intéressant
27:02de voir comment ils fonctionnent
27:03dans divers cas
27:04de leur vie
27:05et des personnages
27:06totalement différents.
27:07En fait,
27:08j'ai fait un Jaurès aussi
27:09qui était bien intéressant,
27:10un Jaurès qui était
27:11bien compliqué aussi,
27:12mais essayer de comprendre
27:13comment les humains fonctionnent,
27:14c'est ça qui me plaît le plus
27:15et essayer de le retranscrire
27:16en bande dessinée,
27:17comme c'est mon métier
27:18et c'est ma passion,
27:19voilà,
27:20c'est ça qui est intéressant.
27:21Avant,
27:22moi,
27:23j'étais surtout connu
27:24pour être un scénariste
27:25de science-fiction
27:26avec des séries
27:27comme « Cillage »
27:28et d'autres,
27:29mais je faisais déjà
27:30ce boulot,
27:31c'est-à-dire que je prenais
27:32l'histoire,
27:33je prenais l'actualité
27:34et avec Philippe Boucher,
27:35on faisait des BD
27:36de science-fiction,
27:37mais qui parlaient
27:38de la démocratie,
27:39du terrorisme,
27:40on a parlé de tout ça
27:41et juste on le camouflait
27:42à travers le prisme
27:43de la SF,
27:44mais je me suis rendu compte
27:45que finalement,
27:46j'avais toujours fait
27:47des BD sur la résistance
27:48et que ça me paraissait,
27:49je n'avais pas vu,
27:50mais que c'était,
27:51c'est un chemin logique
27:52d'en arriver finalement
27:53à Madeleine
27:54et c'est intéressant
27:55de se rendre compte
27:56de soi-même
27:57au fur et à mesure
27:58des années,
27:59peut-être 20 ans après
28:00et de la même manière,
28:01quand j'ai rencontré Madeleine,
28:02je ne savais pas,
28:03je vous ai dit tout à l'heure
28:04pourquoi je l'avais rencontrée,
28:05c'était parce que
28:06vraiment,
28:07à part cette envie-là,
28:08mais j'ai vu des milliers
28:09de documentaires
28:10et je n'ai jamais contacté
28:11les gens,
28:12c'est que mon héroïne
28:13de sillage
28:14qui s'appelle Névis,
28:15en fait,
28:16je me suis rendu compte
28:17après que c'était
28:18Madeleine Riffaut,
28:19c'est-à-dire
28:20anticolonialiste
28:21avec le même caractère,
28:22avec ce même besoin
28:23d'aider les gens,
28:24d'être idéologue par moment,
28:25mais d'être capable
28:26de voir qu'elle s'était trompée
28:27et de revenir en arrière,
28:28d'essayer de comprendre,
28:29donc quelqu'un
28:30de très intelligent
28:31et finalement,
28:32j'étais en manque
28:33pour des raisons éditoriales
28:34qu'on va passer ici
28:35de mon personnage
28:36que j'avais inventé
28:3720 ans avant,
28:38Névis,
28:39et j'ai replaqué tout
28:40sur Madeleine,
28:41mais vraiment,
28:42je vous jure
28:43que ça fait bizarre
28:44de rencontrer en vrai
28:45quelqu'un
28:46qu'on a eu l'impression
28:47d'inventer,
28:48c'était magnifique,
28:49c'était vraiment
28:50un grand moment.
28:51Je parlais avec Névis,
28:52c'était dingue.
28:53C'est marrant
28:54parce qu'en fait,
28:55moi pour tout avouer,
28:56quand j'ai vu ton nom,
28:57je me suis dit
28:58ça me dit quelque chose,
28:59c'est pas possible,
29:00j'ai déjà lu des trucs à lui,
29:01et en fait,
29:02j'ai découvert
29:03l'idée que je disais
29:04quand j'avais 12 ans.
29:05Moi aussi,
29:06j'avais 15 ans
29:07quand j'ai commencé.
29:08Ce lien effectivement
29:09dont tu parles,
29:10entre l'écriture
29:11du personnage de Névis
29:12et ensuite
29:13le récit
29:14que tu as fait
29:15de Madeleine,
29:16c'est vrai
29:17que ça m'a aussi
29:18beaucoup touché
29:19et ce rapprochement,
29:20j'ai trouvé ça assez incroyable.
29:21Pour tous les gens
29:22qui ont lu
29:23Sillage comme moi,
29:24qui ont beaucoup aimé,
29:25je vous invite
29:26à continuer
29:27de lire tout ce que tu as écrit
29:28parce qu'on retrouve
29:29plein d'éléments.
29:30Oui, je pense
29:31qu'il y en a plein,
29:32quand on lit mes BD,
29:33c'est peut-être
29:34le seul intérêt
29:35que je peux avoir.
29:36On me retrouve,
29:37c'est-à-dire
29:38que je suis quand même,
29:39que je le veuille ou non,
29:40l'auteur de ces BD
29:41en ce sens
29:42que je ne fais
29:43que ce que je sais faire.
29:44Et donc moi,
29:45je vois tellement de choses
29:46quand je relis
29:47les Sillage,
29:48les premiers,
29:49et je me dis
29:50mais ça,
29:51je l'ai utilisé en Madeleine.
29:52Mais même juste
29:53le fond de Sillage,
29:54on s'était dit
29:55avec Philippe Boucher,
29:56on va raconter
29:57la vie entière
29:58d'une humaine
29:59qui est la seule humaine
30:00dans un convoi d'extraterrestres,
30:01à travers des extraterrestres,
30:02donc elle n'a pas d'altérité.
30:03Donc elle est obligée
30:04d'imaginer ce qu'étaient
30:05les humains.
30:06Et on va raconter
30:07toute sa vie.
30:08Et finalement,
30:09c'est aussi ce qu'on fait
30:10avec Madeleine,
30:11c'est-à-dire qu'on va raconter
30:12toute sa vie.
30:13Et donc,
30:14les deux séries
30:15sont tellement proches,
30:16c'est presque décevant
30:17pour moi de me rendre compte
30:18que je ne sais faire qu'un truc.
30:19Mais bon,
30:20j'essaye de le faire bien.
30:21Tu fais très très bien ça.
30:22C'est gentil.
30:23Peut-être que ça te soulève.
30:24C'est gentil.
30:25Dans tes envies,
30:26il y a aussi l'envie
30:32Oui, bien sûr.
30:33Madeleine, c'est ça.
30:34C'est ce que lui a dit
30:35Roderay à Matt.
30:36C'est,
30:37tu ne peux plus aller
30:38dans les écoles maintenant,
30:39tu es trop âgé,
30:40c'est trop compliqué,
30:41tu es aveugle.
30:42Eh bien la BD,
30:43c'est un bon moyen
30:44de continuer le témoignage
30:45et c'est hyper important.
30:46C'est vrai que,
30:47du coup,
30:48j'ai fait beaucoup
30:49d'interventions scolaires,
30:50de choses comme ça
30:51pour Madeleine,
30:52pour Ginette.
30:53Je n'ai jamais vu
30:54Madeleine en intervention scolaire,
30:55mais j'ai vu Ginette.
30:56Et donc,
30:57c'est toujours
30:58un moment extraordinaire
30:59et je ne doute pas
31:00qu'avec Madeleine,
31:01c'était pareil.
31:02Je l'ai vue une fois filmer,
31:03elle faisait frissonner les gens.
31:04Et c'est ça
31:05que j'essaye de rendre,
31:06et dans les BD,
31:07et aussi quand je le fais.
31:08C'est-à-dire,
31:09j'essaye de leur rendre
31:10cette énergie-là
31:11qu'elles transmettent
31:12aux jeunes.
31:13Et puis,
31:14avec cette question essentielle
31:15d'eux,
31:16elles ont 100 ans.
31:17Donc,
31:18pour Madeleine,
31:19ça y est,
31:20c'est fini.
31:21Pour Ginette,
31:22je lui souhaite encore
31:23de nombreuses années.
31:24Elle est en forme,
31:25donc tout va bien.
31:26Je l'ai vue il n'y a pas longtemps.
31:27Mais,
31:28c'est sûr que
31:30ça aura une fin.
31:31Et donc,
31:32il faut trouver
31:33comment on va témoigner autrement.
31:34Et la BD,
31:35si elles sont bien faites,
31:36c'est peut-être pas mal.
31:37Ça participe
31:38au travail de mémoire.
31:39Oui,
31:40ça va devenir,
31:41je pense,
31:42le travail de mémoire.
31:43Moi,
31:44je n'aime pas dire
31:45devoir de mémoire
31:46parce qu'à l'école,
31:47je ne faisais pas mes devoirs.
31:48Je n'aimais pas ça.
31:49Donc,
31:50je n'aime toujours pas
31:51faire des devoirs.
31:52Si on me forçait à le faire,
31:53je ne le ferais pas.
31:54Mais envie de mémoire,
31:55c'est sûr.
31:56Tu as une question ?
31:57Non ?
31:58Non,
31:59je te laisse.
32:00Je vais me laisser.
32:01Est-ce que tu trouves
32:02que c'est quelque chose
32:03dont on manque aujourd'hui
32:04dans les écoles,
32:05dans les collèges,
32:06dans les lycées ?
32:07Est-ce qu'on devrait
32:08plus voir des Jeannette Colinka,
32:09des Madeleine Riffaut
32:10venir témoigner
32:11de leur histoire
32:12et raconter leur histoire ?
32:13C'est une bonne idée,
32:14mais ce n'est plus trop possible
32:15parce qu'il y en a plus beaucoup.
32:16Après,
32:17il y a encore plein d'histoires.
32:18Il y a des femmes du Liban,
32:19il y a des femmes afghanes,
32:20il y a plein de choses
32:21qu'on pourrait raconter
32:22mais c'est vrai
32:23que cette guerre-là,
32:24c'est la France, c'est aussi l'histoire de la France.
32:28Moi, je suis content sur le Manouchéan, par exemple,
32:30d'avoir pu montrer ça aussi,
32:33qu'à des gens aujourd'hui qui ne se sentent pas forcément français,
32:36toute une population qui se sent à l'écart,
32:39que ces petits Arméniens, ces petits Juifs de rien du tout,
32:44qui étaient aussi un peu mal vus par la société de l'époque,
32:49ont quand même aidé à sauver la France,
32:51et ont donné une image formidable à la France,
32:52et que c'est possible encore aujourd'hui.
32:54Ce n'est pas un message neutre,
32:56je pense qu'il y a un message d'intégration dans tout ça.
32:58Madeleine, elle a été là aussi pour le faire,
33:01et on leur doit ça, je pense, on leur doit ça vraiment.
33:04Misak Manouchéan, à qui on avait refusé par deux fois la nationalité française.
33:08La deuxième fois, c'était le début de la guerre,
33:10donc son dossier n'a pas été traité.
33:12La première fois, il n'a pas eu le droit d'être français,
33:16et c'est en ça que la panthéonisation était magnifique,
33:18c'est-à-dire que c'était la première fois qu'on panthéonisait quelqu'un
33:20qui n'était pas français, donc c'est un message assez incroyable.
33:24Étranger communiste de la FDP, Moïse.
33:26Est-ce qu'on pourrait parler des prochains tomes, justement ?
33:29Oui, bien sûr.
33:30Parce que ce qui est important, je trouve que depuis que tu es arrivé dans le studio,
33:33je pensais te voir abattu, mais tu es tout plein.
33:36Non, je ne peux pas, c'est impossible.
33:38Tout plein de courage, tout plein d'entrain, et finalement...
33:40Je ne sais pas combien de temps ça durera, mais pour l'instant, c'est comme ça.
33:42Il y a donc trois tomes qu'on a montrés ici à l'écran.
33:45Combien d'autres sont en préparation ?
33:47Est-ce que tu peux,
33:48évidemment, ne demande pas de tout nous livrer,
33:50mais nous pitcher un petit peu les prochains...
33:52Ah ben c'est trop long, avec Madeleine, si je devais tout vous raconter,
33:55il y en a pour sept ans à peu près, si ça allait, parce qu'on a fait déjà quelques albums.
33:59Mais elle est morte à 100 ans.
34:01Là, elle vient d'avoir 20 ans à la fin du tome 3,
34:03donc il nous reste 80 ans à raconter, donc on a beaucoup d'albums à faire.
34:07Je pense qu'on va arriver à 8, 9, peut-être Dominique, le dessinateur, dit 9 albums,
34:12parce que le quatrième, qui sortira normalement à la fin de l'année prochaine,
34:162025, donc, c'est la fin de la libération de Paris.
34:20Donc, on a encore beaucoup de choses à raconter sur la libération de Paris.
34:23Chacun des albums, en fait, qu'on raconte se raccourcit au niveau du temps.
34:27Et donc, le dernier, il va durer trois jours.
34:29C'est un album qui dure sur trois jours et qui sont quand même bien remplis.
34:36Donc, c'est ça.
34:37Et puis après, on passera directement, je pense, au 11 novembre 1944.
34:41Donc, la guerre n'est pas finie, mais Paris est libérée.
34:43Elle rencontre Paul Éluard, qui va lui sauver la vie psychologiquement,
34:48parce qu'elle est proche du suicide en choc post-traumatique après la guerre.
34:51Elle n'a pas pu partir avec ses copains qui ont poursuivi les Allemands,
34:55parce qu'elle était femme mineure et tuberculeuse à l'époque.
34:58À l'époque, c'était 21 ans, la majorité.
35:01Donc, elle reste à Paris.
35:02Elle ne peut pas dormir à cause des tortures et des chocs électriques
35:04qu'elle a pris qui l'empêchent de s'endormir.
35:06Donc, elle voulait se jeter par la fenêtre.
35:07Et Éluard la prend en main.
35:09Il lit ses poésies. Il les trouve géniales.
35:11Il lui dira d'ailleurs,
35:12tu sais, d'habitude, tout le monde me montre ses poésies.
35:15Je suis obligé de dire, c'est bien, gentiment, alors que ce n'est pas terrible.
35:17Mais toi, c'est vraiment génial.
35:19Donc, je vais éditer ton premier recueil.
35:21Et donc, c'est comme ça qu'elle a rencontré Picasso,
35:23parce qu'il a dit, on va demander à mon copain Pablo de faire ton portrait
35:26pour le frontispiece du livre qui s'appelle Le point fermé.
35:30Et donc, qui est magnifique.
35:32Et donc, après, il lui dit, mais tu sais, poète, ça ne gagne pas bien sa vie.
35:37Moi-même, je suis obligé de vendre des toiles de mes copains de temps en temps.
35:40Lui, il avait des bons copains.
35:40Donc, quand il vendait une toile, c'était cher.
35:43Mais Madeleine, elle n'avait pas ça encore.
35:45Donc, il lui dit, deviens journaliste.
35:47Donc, on va aller chez Aragon.
35:48Il a le journal ce soir.
35:50Tu vas rentrer chez ce soir et tu vas devenir journaliste.
35:52Et c'est comme ça qu'elle a commencé.
35:53Après, elle est passée à la vie ouvrière,
35:55puis à l'UMA en 57 pour couvrir la gare d'Algérie.
35:58Et donc, c'est tout ça qu'on va raconter avec la rencontre avec Hochimin,
36:02avec la rencontre avec Vercors aussi, le grand écrivain qui a été, pour moi,
36:09je vais le dire comme ça, mais son amour,
36:13comment on va dire, le mot platonique pendant 40 ans,
36:17avec des croisements comme ça où ils n'ont jamais osé se dire ce qu'ils pensaient
36:20l'un de l'autre, enfin, en tout cas, amoureusement.
36:23Et donc, c'est assez beau.
36:26Et puis, tout son parcours en Algérie, au Vietnam, au Congo où elle a chopé,
36:30où elle est revenue avec le choléra, où elle a failli mourir.
36:32Enfin, toutes sortes d'histoires complètement dingues qui sont
36:34aussi folles que celles de la Résistance, même si elle est plus soldat.
36:37Elle est journaliste.
36:39Mais en fait, on revient toujours à la Résistance parce qu'elle retrouve
36:42toujours des copains de la Résistance qui viennent lui parler,
36:45qu'elle retrouve par hasard, comme un certain Fenestrel,
36:48finalement, qu'elle a retrouvé 50 ans après,
36:51puisque comme ils avaient chacun des noms de guerre et ils ne connaissaient pas
36:54leur nom, lui pensait qu'elle avait été tuée sur sa barricade
37:00le 25 août 44 derrière la République, là où vous tous, les Parisiens,
37:05vous allez souvent, c'est-à-dire sur le canal Saint-Martin.
37:07Mais à l'époque, on ne pouvait pas traverser le canal parce qu'il y avait
37:09des mitrailleuses allemandes qui tiraient dessus.
37:11Donc, elle a réussi à le faire, mais on a cru qu'elle était morte.
37:14Ce Fenestrel, qui était le chef de l'Amérique insurrectionnelle du 18e,
37:17croyait qu'elle était morte.
37:19Et puis après, quand il est parti, lui, à la poursuite des Allemands,
37:23elle est restée et son pote Max, qu'on voit dans le tome 3,
37:26en revenant, ils sont partis à 45, ils sont revenus à 3.
37:28Il n'y en a que 3 qu'on survécu à cette période.
37:31Et quand il est revenu, il a dit, mais Fenestrel, il est mort,
37:33je l'ai vu, il a explosé avec un obus et j'ai vu ses jambes arrachées,
37:36il est mort.
37:37Et en fait, 50 ans après, elle fait une émission à la radio
37:41qui s'appelle La mémoire sauve, magnifique, sur France Culture,
37:44qu'on peut écouter.
37:45Et elle dit, je suis Madeleine Riffaut, on m'appelait Renner.
37:48Donc, la première émission passe et quelqu'un l'appelle en disant,
37:52Madeleine Riffaut, oui, oui, vous êtes Renner ?
37:54Ben oui, pourquoi ?
37:55Attendez, je vous passe mon père.
37:56Et donc, mais t'es qui ?
38:00Et donc, au téléphone, t'es Renner ?
38:02Ben oui, pourquoi ?
38:03Mais ce n'est pas possible, Renner, t'es morte.
38:04Mais toi, t'es qui ?
38:05Moi, je suis Fenestrel.
38:07Fenestrel, ce n'est pas possible, t'es mort.
38:08Et donc, finalement, ils se sont retrouvés chez Madeleine.
38:10Il avait les jambes en bois, effectivement, il avait les jambes arrachées.
38:13Il s'appelait Charles Fertin.
38:15Et donc, elle a pu passer la fin de sa vie avec lui et lui rendre les hommages
38:20parce qu'il n'avait jamais voulu parler de la Résistance, tellement il était triste.
38:23Et donc, voilà, c'est plein d'histoires comme ça incroyables qu'on va raconter.
38:28Super.
38:28Mille et une vies.
38:29Oui, un peu plus.
38:30De Madeleine.
38:31Mais mille et une vies, c'est bien vu parce que Dominique dit que c'est
38:34cher hasard, Madeleine, c'est-à-dire que pour qu'on ne s'en aille pas et qu'on
38:37n'aille pas se coucher ou qu'on n'aille pas au restaurant, il fallait qu'elle
38:40trouve des trucs à raconter.
38:41Et bon, elle en avait plein en stock.
38:44Oui, je repensais à sa vocation de journaliste, qu'en fait, elle a trouvé
38:48après, où elle se demandait bien ce qu'elle allait pouvoir faire de sa vie.
38:51Et il y a une formule qui est très courte, mais qui m'a un peu marqué.
38:53En fait, je devais juste trouver les mots.
38:55C'est comme ça qu'elle définit son nouveau travail.
38:57Comment tu comprends cette phrase que je trouve très forte ?
39:01Eh bien, je ne la connaissais pas, mais elle est belle.
39:03Et je pense que ça colle avec son autre phrase qui disait moi, ce que je voulais,
39:06c'était aller à la recherche de la vérité pour la raconter.
39:11Et donc, pour raconter la vérité, il faut trouver les bons mots pour qu'on
39:14comprenne que c'est la vérité.
39:16Alors, sa technique à Madeleine, c'était sans doute la plus simple,
39:19entre guillemets, mais aussi la plus dangereuse, c'est-à-dire aller
39:21chercher la vérité à la source des opprimés, des gens qui sont bombardés,
39:25c'est-à-dire pas parler aux politiques qui soient d'un côté ou de l'autre de
39:29leur vérité, c'est-à-dire d'une enchance globalisée qui mène à des guerres,
39:33mais d'aller parler aux gens qui étaient sous les bombes.
39:35Et c'est ce qu'elle a fait tout le temps.
39:36Mais y aller, ça demande de risquer sa vie aussi.
39:39Donc, ce n'est pas pour rien qu'elle a été condamnée à mort pour l'OS,
39:42qu'elle a eu une organisation de l'armée secrète, donc le pire du pire,
39:47on va dire, des soldats français en Algérie, des généraux français en Algérie.
39:52Et donc, elle a pris ce risque permanent tout le temps.
39:56Mais elle ne pouvait pas faire autrement aussi.
39:58Et si on réfléchit bien à ça, elle a rencontré un jour une journaliste
40:01qu'elle a rencontrée après la résistante, mais qui était aussi une grande résistante,
40:05qui s'appelait Brigitte Friang, qui, elle, était dans un réseau gaulliste
40:09et qui travaillait pour le Figaro.
40:11Elle, elle a carrément été, elle a sauté sur Dian Bien Phu en parachute
40:14pour aller voir ce qui se passait sur place pendant la bataille de Dian Bien Phu.
40:18Elles se sont retrouvées toutes les deux au Vietnam, un peu par surprise,
40:21mais elles se sont dit qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'autre comme métier ?
40:23En fait, nous, on a, elle, Brigitte Friang, elle a été arrêtée
40:28par les Allemands qui lui ont tiré dans le ventre.
40:30Ensuite, ils l'ont torturée sur son lit d'hôpital.
40:32Elle a été balancée à Ravensbrück.
40:34Quand elle est revenue de Ravensbrück, elle s'est rendue compte
40:35que c'était son petit copain qui avait balancé le réseau,
40:38qui était lui-même dans le réseau, donc qu'elle vit.
40:40Et donc, en fait, après ça, elle ne pouvait rien faire d'autre
40:43qu'aller au-devant de la mort en permanence.
40:44La vie normale, aller acheter du pain et tout ça, c'était trop fade pour elle.
40:47Elle ne pouvait pas vivre ça.
40:48Donc, elles étaient déformées par la guerre.
40:51C'est ce que dit Madeleine, d'ailleurs.
40:52Elle dit dans un super passage dans Aujourd'hui, Madame,
40:56qu'une vieille émission de 1972, qui est magnifique,
40:59qu'on voit en noir et blanc, qui est Alina, qu'on peut voir sur Internet.
41:03Elle dit quand un arbre a été brisé, en fait, il repousse dans une autre direction.
41:08Et en fait, voilà, moi, j'ai été brisé totalement.
41:11Mais Éluard m'a permis de repousser dans une autre direction.
41:14On ne sait pas ce qu'elle serait devenue.
41:16C'était une intellectuelle brillante.
41:17Elle avait tous les prix à l'école et tout ça.
41:19Elle aurait peut-être été totalement différente s'il n'y a pas eu la guerre.
41:22Mais la guerre l'a fait prendre un autre chemin.
41:26Et ce chemin-là, c'est celui de Madeleine Riffaut,
41:28courageuse, incroyable, qu'elle aurait sans doute été.
41:31Mais c'est un chemin difficile de vie.
41:36Mais je pense qu'elle ne pouvait tout simplement pas en prendre un autre.
41:39Intrépide, au caractère bien tranquille.
41:41Bien sûr, parce qu'elle n'avait pas peur de mourir.
41:43Et d'ailleurs, quand elle a fait une psychanalyse très longtemps,
41:46avec des grands pontes de la psychanalyse,
41:49qu'est-ce qu'on perd, etc.
41:52Un jour, elle était en Algérie et le train s'est fait tirer dessus par des...
41:56On ne sait pas par qui.
41:57Et donc, elle s'est mise sous les fauteuils.
41:59Elle est rentrée en France.
42:00Elle avait peur.
42:01Elle a dit, ah là là, il m'est arrivé un truc dingue.
42:03J'ai eu peur.
42:04Et le docteur lui a dit, je suis content parce que ça veut dire que tu commences à guérir.
42:09Elle n'avait pas peur, en fait.
42:10Elle n'avait pas peur.
42:11Et donc, c'est quand même un problème.
42:14C'est quand même un problème.
42:15Bien sûr, dans la prise de risque.
42:16Je reviens sur sa vocation dans la liste.
42:19On a beaucoup parlé de tout son travail sur la guerre,
42:22sur la résistance, sur la guerre d'Algérie, etc.
42:24Mais il me semble que le premier bouquin qu'elle a écrit,
42:26Les linges de la nuit, c'est son dernier bouquin,
42:29sur le travail des infirmières.
42:31Est-ce que tu l'as lu, ce livre ?
42:33J'imagine que oui.
42:35Qu'est-ce qui est différent dans ce qu'elle raconte ?
42:38Alors, on peut dire que les ressemblances et qu'elle parle encore de résistantes,
42:41du travail des infirmières, des conditions de travail très dures.
42:44Qu'est-ce que tu peux nous dire de ce livre ?
42:46Et qu'est-ce que ça raconte aussi de cette facette de la vie de Madeleine ?
42:49C'est un grand livre qui va être réédité en poche, d'ailleurs, par Point, je pense.
42:54Et Le Seuil, bientôt.
42:56Et c'est un immense livre, en fait, qui, hélas,
43:00est encore totalement d'actualité.
43:02C'est bien triste.
43:03Et c'est en fait, elle revient, c'est 73, elle revient du Vietnam.
43:08Les Américains se désengagent du Vietnam à partir de 73,
43:11même si la fin, c'est 75, la fin de la guerre du Vietnam.
43:13La prise de Saigon.
43:15Madeleine est la seule à dire, d'ailleurs,
43:16la libération de Saigon dans les personnes que je connaisse.
43:18Et tout le monde dit la prise de Saigon, sauf elle.
43:20Et donc, elle revient, elle ne sait pas quoi faire.
43:24Elle rencontre Paul, qui est son chef de résistance,
43:27qu'on voit à la fin du premier tome et dans le deuxième,
43:29et qui lui dit, en fait, comme elle était à l'école de médecine,
43:32dans le groupe de résistance de l'école de médecine,
43:35ils sont tous devenus chefs de service et tous des grands docteurs,
43:39ses copains.
43:40Et donc, il dit, si tu veux retrouver la France,
43:44engage-toi dans un service, dans un hôpital et fais ce travail
43:47et tu vas voir qui sont les Français, etc.
43:49Donc, elle le fait pendant les vacances.
43:51Et en fait, elle se retrouve plongée là-dedans.
43:53Elle ne dit évidemment pas qu'elle est journaliste.
43:55Donc, c'est un vrai travail en infiltration.
43:56Elle raconte la vie des gens, les conditions, etc.
43:59Le travail terrible.
44:01Et les infirmières, après, ont d'ailleurs dit à leur chef de service
44:05que Madeleine, elle racontait leur vraie vie,
44:07parce que ça fait longtemps que les chefs de service,
44:08eux, ils ne mettaient plus la main dans la merde et dans le sang des patients.
44:12Et donc, quand ils changeaient les pansements et tout, et les couches.
44:15Et donc, elle a fait ça et en fait, est revenue sa vocation.
44:19Elle dit qu'elle était une femme en blanc ratée, Madeleine.
44:21La guerre l'a emmenée ailleurs.
44:23On en parlait tout à l'heure, mais qu'elle était faite pour ça.
44:26Et qu'à un moment, elle a failli rempiler,
44:29parce qu'on lui a proposé de continuer à bosser,
44:31de lui prendre une chambre dans l'hôpital pour qu'elle travaille là.
44:35Et elle dit, j'ai failli, mais il y avait une bonne sœur
44:37qui était une de mes amies, mais qui connaissait pas,
44:40qui a compris que je n'étais pas une vraie infirmière et qui m'a dit,
44:43mais vous, Madeleine, Marthe, parce que dans le livre,
44:47mais vous n'êtes pas une infirmière.
44:48Votre vrai métier, c'est de raconter ce que vous avez vécu.
44:52Et si vous devenez une vraie infirmière,
44:53vous aiderez moins les gens qu'en racontant ce que vous avez vécu.
44:57Et donc, elle a fait ce livre.
44:59Au début, elle a fait des articles dans l'UMA, je pense.
45:01Et puis, pas mal d'éditeurs, trois, je crois, l'ont approché en disant,
45:05c'est un sujet porteur, on veut l'éditer.
45:06Elle a travaillé avec Juillard, qui était son éditeur d'avant,
45:08en négociant le passage en poche des Maquis Viet Cong.
45:12Et ils l'ont édité, elle a vendu un million d'exemplaires.
45:15Et en fait, il a été vendu partout.
45:18Les infirmières, elles le vendaient carrément au comité d'entreprise.
45:22Et puis, un truc qui est assez la fierté quand même de Madeleine,
45:25c'est que dans le Figaro, c'était marqué
45:28« Augmentez les ouvriers en blanc », donc les infirmières.
45:33Et donc, même le Figaro était d'accord avec elle.
45:36Donc, elle avait réussi quand même un truc complètement dingue d'humanité.
45:40Finalement, c'est l'humanité, même en sortant du journal, mais d'humanité,
45:43c'est-à-dire se rendre compte à quel point ces gens-là ont besoin d'être aidés
45:46pour aussi aider les autres.
45:47De parler de ce qu'on ne parle pas et qui pourtant sont tournés.
45:49Exactement, c'est du parfait machin, à 100%.
45:51Et c'est très beau, elle dit, j'ai écrit un truc qui n'existe pas.
45:53Personne ou très peu a écrit comme ça.
45:55C'est-à-dire que c'est à la fois, il y a de l'amour, il y a beaucoup d'émotions.
45:59On rencontre des gens incroyables, les gens se croisent dans les couloirs
46:02et en même temps, c'est un livre, c'est un livre vendicatif.
46:04C'est tout en même temps, c'est un livre sublime.
46:06Qui dénonce donc les conditions de travail très difficiles où on se retrouve,
46:09elle aussi, à faire le ménage, à nettoyer les cendres, etc.
46:12J'avais pensé au texte qu'elle a écrit il y a de ça quelques années.
46:16Oui, parce qu'elle était tombée de l'autre côté.
46:17Voilà. Et donc, elle est allée à l'hôpital malade.
46:21C'était juste après le Covid.
46:22Ce sont d'ailleurs des complications du Covid, où là, elle va rester, je crois,
46:26je ne sais pas, 24 heures, c'est ça ?
46:28Mais oui, on l'a emmené, on l'a emmené.
46:30On a fait venir les ambulanciers.
46:33Héloïse de la Maison l'a emmenée aux urgences, à l'ARIB,
46:35mais elle ne pouvait pas rentrer parce que c'était interdit.
46:39Donc, elle a fait les papiers et après,
46:40on n'a pas eu de nouvelles de Madeleine pendant 24 heures,
46:43alors qu'on était les numéros contact.
46:45Donc, on était hyper inquiets.
46:46On restait chez elle, on se demandait ce qui se passait.
46:48Et finalement, on a réussi à avoir un docteur
46:52en faisant tous les numéros de l'hôpital qui a dit
46:54« mais moi, je ne l'ai pas croisé, mais je vais regarder sur l'ordinateur. »
46:57Elle vient d'être transférée à Saint-Louis,
47:00qui est dans le 11e.
47:01Donc, on a couru là-bas et on a pris l'ascenseur.
47:04Et quand je suis arrivé au deuxième,
47:06j'ai entendu au fond du couloir Madeleine gueuler.
47:09Je me suis dit « c'est bon, elle est en forme, elle gueule. »
47:12Et tout de suite, dès que je suis arrivé, elle m'a dit « prends un papier, prends un papier.
47:14Je vais te dicter des trucs. »
47:15Et elle a commencé à écrire le texte.
47:17Mais ce texte, il n'est absolument pas en test,
47:19parce que pendant 24 heures, elle n'a pas de soins.
47:22Elle est sur un brancard, elle est dans un couloir, etc.
47:24Et tout son texte est un extraordinaire plaidoyer
47:29en faveur de droits et des conditions de travail des salariés.
47:32Ou elle dit, les infirmières en sont réduites à dire « j'arrive, j'arrive. »
47:37Et personne, finalement, ne vient.
47:38Mais parce qu'elles ne sont plus en condition,
47:40parce que chaque année qui passe, on leur ôte les moyens de pouvoir travailler.
47:44Je trouve que c'est quand même extraordinaire.
47:45C'est-à-dire qu'elle passe du statut où elle est victime,
47:48à un moment donné, d'une situation qui est très difficile,
47:50à un esprit totalement revendicatif de « on a délibérément abandonné l'hôpital public. »
47:55Bien sûr. Et c'est aussi pour ça qu'on n'avait personne au téléphone.
47:58C'est-à-dire que pour les infirmières qui étaient censées répondre au téléphone,
48:01elles n'ont plus le temps parce qu'elles doivent faire autre chose
48:03et qu'elles ne sont pas assez nombreuses.
48:04Et du coup, je pense qu'ils ont réfléchi en se disant
48:07« mais tout le monde a un téléphone portable aujourd'hui. »
48:08Mais Madeleine, elle n'en a pas. Elle est aveugle.
48:10Donc, il y a forcément des gens qui se retrouvent pris dans ces histoires-là.
48:14Et effectivement, on a écrit le texte.
48:16Elle m'a dicté un truc, j'ai pris des morceaux, on l'a fait ensemble.
48:20Je l'ai relu et relu avec Héloïse, à Madeleine,
48:22jusqu'à ce qu'on arrive à quelque chose de bien.
48:25Et je crois qu'on le dit à la fin, elle disait toujours « Madeleine,
48:29mais moi, j'ai encore une voix, donc il faut que j'en profite. »
48:31Parce que si ça m'arrive à moi, ça veut dire que ça arrive à plein de gens.
48:34Et moi, finalement, je m'en sors.
48:35J'ai vous pour m'aider, mais si moi, j'en parle pas, en fait, qui va en parler ?
48:41Et donc, c'était ça pour l'hôpital.
48:43C'était ça pour quand elle a été arnaquée
48:45par la directrice de son agence de maintien à domicile.
48:50Elle s'est dit, au début, elle ne voulait pas en parler
48:53parce qu'elle aimait bien cette dame, finalement.
48:55Donc, elle ne voulait pas en parler.
48:56Mais elle s'est dit, si moi, j'en parle pas,
48:58dans les médias, on dit tout le temps, enfin, le gouvernement,
49:01où les gens disent « il faut privilégier le maintien à domicile
49:03parce qu'il y a des scandales dans les EHPAD. »
49:06Mais personne ne dit les scandales qu'il y a dans le maintien à domicile.
49:09Et il va quand même falloir le dire.
49:10Moi, quand j'avais...
49:11Après, il y a beaucoup de gens qui nous ont aidés.
49:13Il faut avouer, de tous les niveaux, de tous les partis politiques,
49:18j'ai presque tous, vous voyez ce que je veux dire,
49:22il y en a quand même au moins un qui ne nous a pas aidés.
49:24Mais tous les autres nous ont aidés.
49:27J'ai eu vraiment plein de gens au téléphone et tout ça.
49:29Et je leur disais, mais regardez, Madeleine, elle a besoin de gens
49:33pour être là la nuit et tout ça.
49:35Ça lui coûte très cher.
49:36Et en plus, l'URSSAF lui prend 3 800 euros par mois
49:41parce qu'elle est considérée comme un grand patron qui emploie des gens.
49:45Alors, en fait, je pense que quand on emploie des gens
49:48et qu'ils nous font gagner de l'argent,
49:49OK, l'URSSAF, c'est normal,
49:51mais peut-être qu'il faudrait réfléchir pour tous ces gens-là
49:53qui payent autant d'URSSAF qu'un grand patron.
49:55Ce ne sont pas des gens qui rapportent de l'argent.
49:57Et donc, peut-être qu'on peut trouver aussi des choses comme ça.
49:59Et quand je disais, par exemple, j'ai eu le cabinet de Mme Borne
50:02qui m'a appelé, j'ai eu plein de gens, M. Roussel, plein de gens.
50:06Mais quand je leur disais, mais vous savez combien elle paye l'URSSAF ?
50:10C'est 3 800 euros par mois.
50:12Et tout le monde était là.
50:13Mais ce n'est pas possible.
50:14En fait, ça veut dire que tous ces gens aussi formidables et voulant aider,
50:17ils ne savent pas ce qui se passe dans la réalité de ce putain de pays
50:20quand on est en maintien à domicile.
50:21Personne ne sait.
50:22Et en fait, ils étaient surpris de ce que je leur disais.
50:24Mais c'est la stricte vérité.
50:26Alors, d'un autre côté, on avait l'ONAC VG,
50:28qui sont les anciens combattants, qui sont formidables avec Madeleine,
50:30qui l'ont aidé, M. Racoteau, Mme Hassani, vraiment à mort, quoi, vraiment.
50:34Et qui réussissait à lui donner des suppléments.
50:37Je crois qu'à un moment, ils lui ont donné une prime spéciale
50:40de 3 500 euros par mois.
50:42Mais elle a été tout de suite bouffée par l'URSSAF.
50:44Ça n'a pas de sens, en fait.
50:45Ça n'a aucun sens.
50:47Il faudrait le dire et puis essayer de faire quelque chose.
50:49De changer les choses.
50:52Qu'est-ce que vous y pensez ?
50:54Est-ce qu'il y a une question qu'on ne t'a pas posée ?
50:56Une anecdote que tu as envie de raconter ?
50:58C'est le moment.
50:59S'il y a quelque chose dont tu as envie de parler, tu peux.
51:02Je ne sais pas parce qu'on parle de beaucoup de choses
51:06et puis j'en ai encore tellement à dire.
51:07Mais peut-être que ce que je peux dire d'avoir rencontré Madeleine
51:10et je souhaite à tout le monde de rencontrer des gens comme ça,
51:12c'est que je ne pensais pas dans ma vie en être arrivé à parler
51:15du maintien à domicile, de tout ça.
51:18Et tout ça, je l'ai découvert avec Madeleine et on s'est battu ensemble.
51:21Je disais, je suis un peu ton porte-flingue.
51:23J'ai fait pour Madeleine des trucs que je n'aurais jamais osé faire pour moi.
51:26Donc aujourd'hui, je le fais un peu mieux.
51:27Si je vous casse les oreilles avec ma voix, c'est parce qu'en sept ans de Madeleine,
51:31j'ai appris à parler fort parce qu'elle entendait de moins en moins bien.
51:33Donc je parle hyper fort.
51:34Je ne réussis plus à parler doucement.
51:36C'est horrible quand je suis au restaurant et tout.
51:37Tout le monde m'entend. C'est terrible.
51:39Alors des fois, en dédicace, c'est pas mal parce que quand je raconte
51:41la vie de Madeleine en dédicace, les gens défilent d'à côté.
51:43Ils m'entendent et ils viennent acheter l'album.
51:45Donc ça, c'est bon.
51:46Ça, c'est un bon truc.
51:47Donc, mais voilà, c'est vraiment des rencontres.
51:52Faut arrêter de dire les vieux cons et les jeunes cons.
51:54Voilà, Madeleine, elle était vieille, mais elle n'était pas vieille.
51:57Donc elle est morte de vieillesse, mais avec un esprit totalement jeune.
52:01Donc, c'est très intéressant.
52:03J'entends beaucoup de choses dire c'est générationnel.
52:06Les vieux, ils sont racistes.
52:07Les jeunes, ils ne sont pas racistes.
52:09C'est des mensonges.
52:09Il y a des jeunes racistes et des vieux pas racistes.
52:12Je pense qu'on doit sortir de toutes ces visions là un peu simples.
52:16Qu'on soit jeune ou qu'on soit vieux, d'ailleurs, dans tous les cas,
52:19arrêter de penser que la génération d'avant, c'est des fachos.
52:21Et la génération d'après, pour les plus vieux,
52:23c'est des idiots qui n'ont pas d'éducation.
52:25Je pense qu'il y a dans cette communauté humaine plein de gens formidables.
52:29Il faut aller les voir, leur parler.
52:31Ça fait du bien. On apprend plein de choses.
52:32Et puis, finalement, ça sert à ça.
52:34Si on n'apprend rien, autant mourir tout de suite.
52:37C'est un très beau message d'espoir pour terminer ce stream.
52:41Avant, Katia, il me semble qu'il y a une date que tu veux rappeler,
52:43une date importante.
52:44Pour les plus jeunes, pour les moins jeunes, pour tout le monde,
52:48une cérémonie d'hommage à Madeleine Riffaut aura lieu le 20 novembre,
52:53à 14h30, au cimetière parisien de Montparnasse.
52:58Au petit cimetière du Montparnasse, dans l'allée 29, la section 29.
53:02Elle sera près de Vercors, elle sera près d'André Violis,
53:04qui est une immense journaliste aussi, pas loin des Fédérés.
53:07Bref, c'est là qu'elle voulait être.
53:09Là, pour le coup, on peut remercier la mairie de Paris et madame Hidalgo,
53:12qui avait promis de lui trouver une tombe sur place.
53:15Elle l'a fait.
53:16Donc voilà, ce sera le 20 à 14h30 et tout le monde est accepté.
53:21Venez comme vous êtes, habillés.
53:23Il n'y a pas de dress code, mais c'est pour rendre hommage à Madeleine.
53:27Et je crois qu'elle le mérite vraiment.
53:29Je ne sais pas si elle aura droit à un hommage national.
53:33Ça, c'est M. le Président qui décide de ça.
53:36Je ne sais pas s'il décidera.
53:37Oui, je crois qu'elle le mérite, mais bon.
53:39Mais voilà, je pense.
53:42Mais parce qu'elle représente quelque chose, à mon avis, de très fort.
53:45Je me rends compte à travers les journaux qu'on parlait d'elle, l'humain évidemment,
53:49mais même la Croix et même Le Monde et même l'Ibé et tout le monde, en fait.
53:52Donc ça veut dire qu'elle dépasse ce clivage-là.
53:55Elle est humaniste, vraiment.
53:57Et moi, je serais content de voir autant de monde,
53:59vraiment beaucoup de monde autour d'elle, puisqu'elle a vécu en plus ces quelques
54:02dernières années isolée chez elle, avec juste la venue de nous et d'autres gens,
54:06évidemment, mais voir vraiment beaucoup de monde autour d'elle, pour de vrai,
54:10ça me ferait vraiment plaisir.
54:11Donc n'hésitez pas, je serai là, mais il y aura aussi d'autres gens.
54:15Je crois que ça vaut le coup. Ce sera beau.
54:17Et après, il y aura un petit pot à la
54:19mairie du 15e qui, gentiment, nous prête une salle.
54:21Donc voilà, je pense que je ne dis pas que c'est le dernier hommage à Madeleine.
54:25À mon avis, il y en aura d'autres.
54:26Mais en tout cas, celui-là, il sera puissant.
54:28Et puis, on n'aura qu'une seule prise de parole.
54:30Donc vous n'allez pas vous ennuyer.
54:32Et la prise de parole, ce sera Babette Aubrac.
54:34Donc ce sera, je pense que ce sera très beau et très énergique aussi.
54:38Merci beaucoup, Jean-David Vanventre.
54:39Vous avez retenu le message.
54:40Si vous avez envie de rendre un dernier hommage à Madeleine Riffaut,
54:43donc le 20 novembre à 14h30 au cimetière Montparnasse.
54:46Merci beaucoup à tous les deux.
54:48Merci beaucoup, Cathy, d'avoir mené cet entretien avec moi.
54:50Merci, merci, merci beaucoup.
54:52C'est mon premier tweet.
54:53C'est vrai, ça nous fait très plaisir que tu le fasses ici.
54:56Je pense que les gens étaient très
54:58attentifs et très, très contents de t'entendre parler de la vie de Madeleine.
55:02J'aurais bien aimé que ce soit elle qui parle, mais là, c'est plus possible maintenant.
55:05On vous encourage évidemment à aller lire et à aller acheter toutes les BD que tu as
55:09réalisées, celles sur Madeleine, mais sur les autres aussi, à redécouvrir C.I.H.
55:12Pourquoi pas, c'est l'occasion.
55:13C'est pas si mal.
55:14Voilà, donc il y a trois tomes pour l'instant.
55:16Il y en a un quatrième qui sortait fin 2025.
55:19Oui, c'est ça. Voilà.
55:20Eh bien, encore merci à tous les deux.

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