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Écoutez la suite du récit raconté par l’historienne Virginie Girod sur Jean Moulin, visage de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. De retour en France, Jean Moulin peine à unifier la Résistance derrière le général de Gaulle. Finalement, le 26 janvier 1943, les Mouvements unis de la Résistance (MUR) voient le jour, renommés "Conseil national de la Résistance" quelques mois plus tard. Le 21 juin 1943, alors qu’il va participer à une réunion de résistants chez le Dr Dugoujon à Lyon, Jean Moulin est arrêté par la Gestapo lyonnaise, dont le chef est le SS Klaus Barbie. Pendant cinq jours, ce dernier torture le résistant pour le faire parler. Jean Moulin garde le silence, mais meurt quelques jours plus tard, le 8 juillet. Des années après la fin de la guerre, en 1964, son héroïsme est consacré : il entre au Panthéon. Il faudra attendre la fin des années 90 pour que son bourreau, Klaus Barbie, soit jugé pour ses crimes.

Sujets abordés : Résistance - Seconde Guerre mondiale - Régime de Vichy - Général de Gaulle - Torture
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Transcription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:05 Dans le premier épisode de ce récit consacré à Jean Moulin, le plus jeune préfet de France s'est illustré par ses valeurs républicaines.
00:12 Après l'armistice, le régime de Vichy se méfie de lui et le révoque.
00:17 Il rejoint le général de Gaulle à Londres, qui lui confie une mission délicate, unifier les résistants pour former une armée secrète.
00:26 Épisode 2 - Le martyre de la résistance
00:35 Dans les mois qui suivent son retour en France le 1er janvier 1942, Jean Moulin, alias Rex, rencontre plusieurs chefs de file de la résistance dans le but de former l'armée secrète placée sous la férule du général de Gaulle.
00:48 Mais rien n'est simple. La résistance est éclatée en plusieurs mouvements qui sont souvent dirigés par des hommes aux égaux importants et qui n'ont pas envie de jouer les second rôles.
00:59 Laissez-moi vous faire un résumé de l'état des lieux de la résistance en 1942.
01:04 Henri Frénet, homme politique et militaire avec des fausaires de Belmondo en blond, a fondé à Lyon en 1940, Combat avec la résistante Bertie Albrecht.
01:16 Le mouvement développe rapidement des antennes dans toute la zone libre et se tourne assez vite vers de Gaulle.
01:22 Libération Sud est aussi fondée en 1940 en zone libre autour d'Emmanuel Dastier de Lavingne, homme de lettre, militaire et homme politique.
01:32 Parmi les personnages connus qui gravitent autour de lui, il y a notamment la résistante Lucie Aubrac.
01:37 Le 3ème grand mouvement de résistance est Franc-Tireur, lui aussi fondé à Lyon en 1940.
01:44 Il comprend plusieurs hommes de divers gauches dont certains sont d'anciens communistes.
01:49 L'un de leurs chefs de file est un juif alsacien, Jean-Pierre Lévy.
01:53 Franc-Tireur est aussi le nom de leur journal clandestin.
01:57 Il y a aussi beaucoup d'autres mouvements qui ont parfois des ramifications à l'étranger, surtout quand ils sont liés au communisme.
02:04 Quel que soit le groupe, les agents ne connaissent leurs collègues que sous des pseudonymes pour éviter de trop parler en cas d'arrestation.
02:11 Les personnages sont compartimentés. Les uns transportent du matériel, d'autres l'utilisent,
02:16 et d'autres encore imaginent des plans où sont des agents infiltrés dans les administrations ou auprès des boches.
02:22 Tout cela est donc très nébuleux.
02:24 Jean Moulin passe beaucoup de temps à Lyon, qui est l'un des carrefours de la résistance.
02:36 C'est là qu'il rencontre un jeune patriote de 22 ans, Daniel Cordier, qui devient son secrétaire.
02:42 Il doit commencer par discuter avec tous les chefs de la résistance pour les unir.
02:46 La mission est longue et complexe.
02:48 Rex se retrouve à gérer des mouvements rivaux qui n'ont pas toujours envie de se rassembler derrière le général de Gaulle.
02:54 C'est le cas notamment des mouvements de résistance communiste.
03:04 Mais le 26 janvier 1943, il atteint enfin son but.
03:08 Les Mouvements Unis de la Résistance, dont l'acronyme est "Les Murs", voient le jour.
03:13 Combats, francs-tireurs et libérations sud sont à la racine de cette union.
03:18 Jean Moulin en est le directeur.
03:20 Les Murs sont placés sous l'égide de la France Libre, la résistance organisée par de Gaulle.
03:25 Mais même à l'intérieur des Murs, rien n'est simple.
03:29 Frénet, Dastier, Lévy et Moulin sont souvent en désaccord et se livrent parfois à ce que j'appellerais des combats de coque.
03:36 Finalement, les Murs n'entreprennent pas grand-chose ensemble parce que leur organisation reste opaque.
03:41 On ne sait pas exactement combien il y a de personnes dans les bureaux régionaux et chaque organisation fait de la rétention d'informations.
03:50 Un peu plus tard, en mai 1943, Jean Moulin transforme les Murs en Conseil National de la Résistance qui compte alors 8 organisations.
03:59 L'arrivée des nouveaux résistants apaisent l'entente exécrable entre les chefs des grands mouvements de la zone libre.
04:05 Tous sont d'accord pour reconnaître de Gaulle comme leur leader,
04:08 ce qui le rend plus légitime comme interlocuteur français privilégié des Anglais.
04:12 Dans un second temps, en décembre 1943,
04:16 les trois mouvements de la zone nord occupée rejoindront le Conseil National de la Résistance qui deviendra le mouvement de libération nationale.
04:24 Mais ça, Jean Moulin n'aura pas le temps de le voir.
04:28 En même temps qu'il fédère les mouvements de résistance, Rex organise l'armée secrète.
04:38 Là encore, Moulin se heurte à Frénet qui en voudrait le commandement.
04:42 Mais finalement, tout le monde se met d'accord pour adoubler le général de l'Estreint que de Gaulle voulait à ce poste depuis le départ.
04:49 Quand Jean Moulin a besoin de repos, il passe quelques jours dans les bouches du Rhône, chez une cousine.
04:55 Celle-ci sait qu'il est dans la résistance.
04:57 Jean prend alors de la distance.
04:59 Il parle de lui à la troisième personne et il évoque les problèmes de cet homme envoyé par de Gaulle pour fédérer les mouvements résistants.
05:07 Sa cousine compatit aux ennuis de cet homme courageux qui doit être le plus recherché de France.
05:13 Et c'est vrai que Rex est poursuivi à la fois par Vichy et par la Gestapo.
05:17 Et il le sait.
05:19 A la mi-juin 1943, Jean Moulin est de retour à Lyon pour trouver un remplaçant au général de l'Estreint
05:29 qui a été arrêté par la Gestapo quelques jours plus tôt à Paris dans des conditions troubles.
05:36 Rex sait que Henri Freinet du groupe Combat va tenter d'en profiter pour reprendre la main sur l'armée secrète.
05:42 Pour Freinet et les ambitions de Freinet, Jean Moulin veut nommer Raymond Aubrac comme chef de l'armée secrète pour la zone nord
05:49 et le colonel Schwarzfeld pour la zone sud, décision que les mûrs doivent valider, y compris Freinet.
05:55 La réunion s'annonce houleuse.
05:58 Elle est prévue le 21 juin 1943 chez le docteur Dugoujon à Caluire, en banlieue lyonnaise.
06:05 Henri Aubry, le chef de cabinet de de l'Estreint, a invité à la réunion un certain René Hardy,
06:12 un ancien cadre de la SNCF, un peu cabot sur les bords et un soupçon mythomane
06:17 à qui de l'Estreint avait confié des missions de sabotage des voies ferrées.
06:21 Comme Hardy a un caractère bravache, Aubry espère s'appuyer sur lui dans les débats avec les autres résistants.
06:27 Maintenant, retenez bien ce que je vais vous dire.
06:33 Ce René Hardy a disparu de la circulation pendant quelques jours avant la réunion du 21 juin à Caluire.
06:39 Ce que Jean Moulin ne sait pas, c'est que Hardy a été arrêté par la Gestapo lyonnaise,
06:44 dont le chef est le SS Klaus Barbie, un nazi aussi fanatique que sadique.
06:49 Après trois jours, Hardy est libéré.
06:53 Il a promis à Klaus Barbie qu'il travaillerait pour lui.
06:57 Ce que les historiens ignorent, c'est l'état d'esprit de René Hardy.
07:01 Est-ce qu'il se croit assez malin pour se moquer du lieutenant Barbie
07:05 ou bien a-t-il l'intention de trahir la Résistance pour sauver ses proches menacés par la Gestapo ?
07:10 On n'a toujours pas la réponse aujourd'hui.
07:13 Maintenant, le nœud de l'intrigue se resserre.
07:17 Il est à peu près 13h30, ce 21 juin, chez le docteur Dugoujon à Caluire.
07:22 Les résistants Bruno Lara, André Lasagne, Albert Lacaze, Henri Aubry et René Hardy,
07:28 l'homme arrêté quelques jours plus tôt par Klaus Barbie,
07:31 sont établis au premier étage de la maison du médecin.
07:34 Vers 14h30, Jean Moulin, Raymond Aubrac et le colonel Schwarzfeld arrivent chez le docteur Dugoujon.
07:40 Ils sont en retard.
07:42 La gouvernante du médecin les oriente donc par erreur dans la salle d'attente.
07:46 Vers 15h, deux tractions avant Citroën de la Gestapo stationnent devant la maison.
07:54 Des SS armés y pénètrent et arrêtent les résistants du premier étage.
07:58 Alors qu'ils descendent bruyamment l'escalier, René Hardy bouscule le policier qui le tient et s'échappe.
08:04 Les SS tirent dans sa direction et le ratent.
08:07 Cette évasion laisse la gouvernante témoin de la scène sans voix.
08:10 Elle se demande comment les Allemands ont pu rater Hardy à une distance aussi courte.
08:15 Après la fuite de Hardy, la Gestapo arrête toutes les personnes dans la salle d'attente.
08:21 Le lieutenant Barbie jubile.
08:24 Il sait que Rex est là.
08:26 Il ne lui reste qu'à savoir lequel de ces hommes est l'envoyé de De Gaulle.
08:31 Pour ce faire, il va les interroger en prison.
08:35 À la prison de Montluc, Barbie n'est pas connue pour déléguer les actes de torture à ses subalternes.
08:47 Après avoir brutalisé pendant trois jours Bruno Lara, André Lasagne et Henri Aubry déjà identifiés comme résistants,
08:54 il découvre la véritable identité de Jean Moulin.
08:57 Il va le torturer personnellement pendant cinq jours.
09:01 Cinq jours durant lesquels Rex gardera le silence.
09:05 Comme il ne peut plus parler tant son visage est uméfié,
09:10 Barbie tend une feuille et un stylo à Jean Moulin pour qu'il confesse ce qu'il sait sur la résistance.
09:17 Pour toute réponse, Rex dessine une caricature de son bourreau.
09:22 D'ordinaire, la consigne pour les agents arrêtés est de résister à la torture au moins 24 heures, 48 heures si possible,
09:31 le temps de faire disparaître les boîtes aux lettres, le matériel et de permettre aux agents connus du détenu de s'évanouir dans la nature.
09:38 Tenir cinq jours, c'est plus que de l'héroïsme.
09:44 Le 28 juin, Jean Moulin est transféré par les nazis dans un état critique à Paris.
09:49 Ce n'est qu'une étape avant de l'envoyer à Berlin le 8 juillet.
09:53 Les nazis tiennent à le garder en vie parce que c'est le seul homme à tout savoir sur la résistance.
09:59 Mais ce 8 juillet, Jean Moulin finit par mourir.
10:03 On ne sait pas s'il a succombé à ses mauvais traitements ou s'il s'est suicidé.
10:08 Les deux hypothèses sont crédibles.
10:11 L'histoire continue donc sans Jean Moulin.
10:15 Le 6 juin 1944, le débarquement allié en Normandie est un revirement dans la guerre.
10:28 Deux mois plus tard, le 25 août 1944, De Gaulle prend le pouvoir de la France.
10:34 Deux mois plus tard, le 25 août 1944, De Gaulle prononce un discours à l'hôtel de ville de Paris.
10:40 "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré."
10:48 Enfin, le 8 mai 1945, l'Allemagne se rend sans conditions. L'armistice est signé.
10:56 Le 6 juillet 1944, le débarquement allié en Allemagne est un revirement dans la guerre.
11:02 De son côté, Klaus Barbie est parvenu à rentrer en Allemagne où il fréquente des réseaux de nazis
11:08 qui n'ont manifestement pas envie de voir la fin du Reich de Milan.
11:13 Et aussi étonnant que cela puisse paraître, alors qu'il est recherché pour crimes contre l'humanité,
11:18 il est protégé par les Américains en Allemagne de l'Ouest parce qu'il les informe sur les réseaux communistes.
11:24 Les ennemis d'hier sont les alliés d'aujourd'hui face au Péril Rouge.
11:29 C'est pourquoi les demandes des Français pour le juger sont toutes refusées.
11:34 Au début des années 1950, la CIA exfiltre Barbie en Amérique du Sud.
11:39 Le nazi s'installe en Bolivie sous le nom de Klaus Altmann où il coule des jours heureux
11:45 au service de ses idées d'extrême droite pendant 30 ans.
11:50 En 1960, René Hardy passe deux fois devant la justice pour trahison en 1947 et en 1950.
11:56 Il est acquitté deux fois et semble avoir bénéficié de protection.
12:01 Aux yeux de la loi, il est innocent. Il n'a pas donné Jean Moulin à la Gestapo.
12:06 Aux yeux des historiens, un faisceau de présomption font de lui le coupable idéal,
12:11 mais l'intime conviction commence là où les preuves font défaut.
12:18 Le 19 décembre 1964, les cendres présumées de Jean Moulin font leur entrée au Panthéon
12:23 sous la présidence du général de Gaulle. André Malraux, le ministre d'État des Affaires Culturelles,
12:29 fait un discours dont les mots résonnent encore dans la mémoire collective.
12:34 "Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège,
12:44 avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé comme toi,
12:50 et même ceux qui est peut-être plus atroce en ayant parlé,
12:56 avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration,
13:01 avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de nuit et brouillard,
13:08 enfin tombé sous les crosses, avec les 8000 françaises qui ne sont pas revenues des bagnes,
13:16 avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres,
13:23 entre avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle, nos frères dans l'ordre de la nuit."
13:35 Je ne sais pas vous, mais moi, je ne peux pas écouter ce discours sans frissonner.
13:40 Avec ces mots, Malraux atteint son objectif.
13:43 Jean Moulin a été un résistant contesté, parfois détesté, mais dévoué.
13:48 En entrant au Panthéon, il cristallise désormais la mémoire de la Résistance
13:53 et permet aux plaies encore vives de la guerre de commencer à cicatriser.
13:59 "La guerre de la Résistance"
14:03 Il faudra attendre 1987 pour que Klaus Barbie soit extradé en France
14:11 et passe devant les assises de la capitale des Gaules,
14:14 lui qui portait le surnom de "Boucher de Lyon".
14:17 Il n'est pas jugé pour avoir torturé Jean Moulin.
14:20 C'était la guerre, Barbie en avait le droit.
14:22 Et quand il évoque Moulin, ce nazi, que je prends sur moi de qualifié de pervers et sadique,
14:27 semble ressentir une forme de respect.
14:31 Barbie est finalement condamné à la prison pour crime contre l'humanité.
14:35 Il meurt en 1987 d'un cancer à l'âge de 77 ans dans un hôpital lyonnais.
14:41 Aujourd'hui, les noms de Jean Moulin et de Klaus Barbie sont inextricablement liés
14:46 dans la trame de l'histoire avec un grand H.
14:49 L'un incarne le bien, l'autre le mal.
14:54 Mais aujourd'hui, c'est au grand homme à qui la patrie est reconnaissante
14:58 que ce podcast rend hommage.
15:01 Au cœur de l'histoire est un podcast original Europain Studio.
15:18 Si j'en suis la voix et la plume, il y a une armée des ombres avec moi.
15:22 A la production, Camille Bischler.
15:24 A la réalisation, Clément Ibrahim.
15:27 A la direction artistique, Julien Tharaud et Adèle Imbert.
15:30 A la composition des musiques originales, Julien Tharaud et Sébastien Guidis.
15:35 A la diffusion et à la communication, Kelly De Croix et Héloïse Bertil.
15:40 Merci d'être toujours plus nombreux à plonger avec nous au cœur de l'histoire.
15:44 A bientôt sur votre plateforme d'écoute préférée.
15:47 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]
15:52 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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