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Écoutez l’histoire de René Bousquet, secrétaire général à la police sous le régime de Vichy, racontée par l’historienne Virginie Girod dans deux épisodes inédits. Fils de notable du Sud-ouest, René Bousquet progresse dans un milieu radical-socialiste. Il est patriote et républicain. Au fil de sa carrière dans le service public, il croise le chemin de Pierre Laval. Sous l’autorité du Maréchal Pétain, Pierre Laval devient l’artisan du régime de Vichy et le nouveau chef du gouvernement. En 1942, ce dernier nomme René Bousquet à un poste important : secrétaire général à la police. Bousquet dirige alors 100.000 hommes. Sa mission est de garantir la souveraineté et l’honneur de la police française face à l’occupant. Alors que les Nazis ont pour objectif de tuer 11 millions de juifs, René Bousquet porte une lourde responsabilité dans la déportation de 60.000 personnes.
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00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:07 René Bousquet a été le secrétaire général à la police sous le régime de Vichy.
00:13 A ce titre, il a eu une lourde responsabilité dans la déportation de 60 000 juifs en France.
00:19 Et pourtant, il est tombé en disgrâce avant la fin de l'occupation pour avoir été
00:24 trop mou.
00:25 Il a aidé des résistants, dont François Mitterrand, et continué sa carrière dans
00:30 le privé après la guerre.
00:32 Et si René Bousquet était un habile opportuniste et un républicain sans scrupule, prêt à
00:38 vendre l'honneur des Français pour sauver celui de la France ?
00:41 C'est son histoire étonnante et pleine de rebondissements que je vais vous raconter
00:46 dans un récit en deux parties.
00:47 René Bousquet, les ambiguïtés du premier flic de Vichy.
00:53 Épisode 1.
00:55 Les ambitions d'un héros national.
00:58 Nous sommes le 23 juin 1949 au Palais de Justice de Paris.
01:11 La Haute Cour de Justice est chargée de statuer sur les cas des hauts fonctionnaires qui ont
01:16 servi le régime de Vichy.
01:18 René Bousquet, l'ancien secrétaire à la police, est accusé d'avoir apporté son
01:23 aide à l'occupant allemand.
01:24 Il aurait nuit à la défense nationale et portait atteinte à l'unité de la nation
01:29 et à la liberté et à l'égalité des Français.
01:32 Assis devant une petite table près de ses avocats, René Bousquet, 40 ans, reste maître
01:38 de lui.
01:39 Cheveux bruns plaqués sur le côté, yeux noirs perçants, nez aquilin, bouche fine,
01:45 il ne manque pas d'allure dans ses costumes sombres.
01:47 Il a méticuleusement organisé sa défense.
01:51 Il explique avec aplomb que tout ce qu'il a fait pendant la guerre, c'était pour
01:55 la France.
01:56 Le verdict tombe enfin à l'issue de l'un des derniers procès d'épuration consécutive
02:02 à la guerre qui ont pour but de condamner les traîtres qui ont participé au régime
02:06 de Vichy.
02:07 Et ce verdict est surprenant.
02:09 René Bousquet est un fils de notable du Sud-Ouest.
02:21 Il est né le 11 mai 1909 à Montauban.
02:24 Enfant, il a entendu parler des conflits incessants contre la Prusse et subit la première guerre
02:30 mondiale.
02:31 La politique et le service public sont pour lui des évidences.
02:34 Il baigne dans un milieu radical socialiste qui, au début du XXe siècle, est un parti
02:40 de gouvernement marqué à gauche.
02:42 Il est patriote et républicain.
02:45 En 1930, alors qu'il a 20 ans, des inondations ravagent le bassin du Tarn.
02:51 Avec l'un de ses amis, il sauve plusieurs dizaines de personnes de la noyade au péril
02:56 de sa propre vie.
02:57 Pour cet acte héroïque, le président de la République, Gaston Loumergue, le fait
03:03 chevalier de la Légion d'honneur.
03:05 L'année suivante, titulaire d'une licence de droit, il commence sa carrière de haut
03:10 fonctionnaire avec le soutien des frères Sarrault, des politiciens originaires de Toulouse
03:14 et des proches amis de son père.
03:16 Dès l'âge de 22 ans, il cumule les postes prestigieux, chef adjoint de cabinet, puis
03:22 sous-secrétaire d'État à l'intérieur dans le premier gouvernement de Pierre Laval.
03:26 Celui-ci remarque le talent d'administrateur et l'ambition de René.
03:30 Il lui accorde sa confiance et s'emploie à faciliter son ascension.
03:35 Les deux hommes deviennent même amis.
03:38 René Bousquet obtient ensuite un poste de sous-préfet, puis chef de cabinet et en 1937,
03:45 il est fait responsable du fichier central de la Sûreté nationale, c'est-à-dire
03:50 les archives relatives à la police.
03:52 C'est un premier contact direct avec le monde de la police.
03:56 Il se montre alors intraitable avec la cagoule, des terroristes d'extrême droite alors
04:01 très actifs.
04:02 Quand la guerre éclate en 1939, Bousquet est secrétaire général de la préfecture
04:09 de Châlons-sur-Marne.
04:10 Alors que les Français s'élancent sur les routes pour fuir l'avancée spectaculaire
04:14 des Allemands, il reste en poste et gère la débâcle avec méthode jusqu'à ce que
04:19 son bureau soit délocalisé à Albi.
04:21 Bousquet est un homme au sang froid.
04:25 Face aux Allemands, la France vacille et cherche un homme providentiel pour la sauver.
04:29 Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
04:35 C'est la fin de la Troisième République et le début du régime de Vichy dont Pierre
04:40 Laval est l'artisan.
04:41 Il est aussi le nouveau chef de gouvernement.
04:44 Après la signature de l'armistice, les Allemands prennent le contrôle de la zone
04:51 occupée, soit la moitié nord de la France avec une bande qui suit le littoral atlantique
04:55 jusqu'aux Pyrénées.
04:56 C'est pour cette raison que le gouvernement provisoire s'installe à Vichy en zone libre.
05:01 Cette ancienne station Belner, mise à la mode par Napoléon III, est déjà dotée
05:06 de nombreux hôtels capables d'accueillir les hauts fonctionnaires.
05:09 Bousquet est alors promu préfet de la Marne.
05:12 A 31 ans, il peut se vanter d'être le plus jeune préfet de France.
05:17 Comme tous ses collègues, il vient prêter allégeance à Pétain à Vichy.
05:21 Un seul préfet manque à l'appel.
05:23 Il s'appelle Jean Moulin et il sera révoqué avant la fin de l'année.
05:27 Si Jean Moulin n'a pas adhéré aux valeurs de Vichy, René Bousquet est un serviteur
05:32 zélé de ce régime.
05:33 Comme Vichy est un régime autoritaire, le gouvernement a besoin de s'appuyer sur une
05:40 police forte.
05:41 Celle-ci est donc réformée par une série de lois.
05:45 Pour faire simple, la police, qui est majoritairement municipale, devient nationale.
05:51 Elle est divisée en plusieurs directions.
05:53 La direction générale de la police judiciaire, la direction générale des renseignements
05:58 généraux et la direction générale de la sécurité publique.
06:01 Vichy crée aussi un groupe mobile de réserve, un corps d'élite mobile qui sont les ancêtres
06:07 des CRS et une école pour les officiers.
06:10 Ce sont les bases de notre police actuelle, même si de nombreuses réformes ont continué
06:14 à la remodeler et à la moderniser.
06:16 Les salaires de la police sont revalorisés, les costumes redessinés, tout est fait pour
06:22 donner du prestige à la fonction et le recrutement devient très sélectif.
06:26 En avril 1942, Pierre Laval nomme Bousquet secrétaire général à la police.
06:34 Le fonctionnaire devient le chef des flics de France, mais aussi de la gendarmerie.
06:38 Personne n'avait eu un si grand pouvoir avant lui.
06:41 Il dirige cent mille hommes.
06:44 Laval a besoin de mettre un homme de confiance à ce poste pour négocier avec les Allemands
06:49 et préserver l'honneur de la France et la souveraineté de la police.
06:53 Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce régime de collaborateurs ne songe qu'au
06:58 redressement de la patrie face aux Allemands qui voient la France comme une source de revenus
07:03 et de travailleurs bon marché à cause du STO, le service du travail obligatoire.
07:07 Certes, c'est une vision du redressement qui leur est propre, travail, famille, patrie.
07:13 A Paris, les Allemands ont désarmé la police et leur ont appris comment les saluer.
07:18 C'est une blessure d'orgueil pour le corps des fonctionnaires de l'époque.
07:21 Le rôle de Bousquet est donc de continuer à garantir l'autonomie de la police française,
07:27 pas de sauver des vies.
07:28 Le régime de Vichy a d'ailleurs devancé les demandes des Allemands.
07:31 Dès 1940, Vichy ordonne la francisation de l'administration.
07:39 Cela veut dire qu'on en exclut les Juifs qui n'ont plus le droit d'être fonctionnaires.
07:43 Vichy fait aussi interner les Juifs étrangers dans des camps en zone libre.
07:48 Ces camps, où l'on enferme aussi des prisonniers politiques, n'ont pas grand chose à envier
07:53 aux camps allemands.
07:54 On y meurt de famine et de maladies.
07:56 En zone occupée, les Juifs sont recensés et on appose ce mot sur leur carte d'identité.
08:03 Les camps de transit vers l'Allemagne, comme celui de Dorancy, sont gérés par la police
08:08 française.
08:09 Le 5 septembre 1941, l'exposition "Le Juif et la France" est inaugurée au Palais Berlitz
08:16 dans le deuxième arrondissement de Paris, en partenariat avec les services de propagande
08:21 allemands.
08:22 Sur l'affiche, on peut voir une caricature de Juif aux doigts crochus en train d'étreindre
08:27 un globe terrestre pour montrer que les Juifs contrôleraient le monde.
08:31 Trois mois plus tard, le 12 décembre, les Allemands organisent la rafle des notables
08:36 à Paris.
08:37 700 intellectuels juifs sont arrêtés.
08:39 Quand Bousquet prend ses fonctions, la politique antisémite de Vichy s'est déjà déployée
08:45 dans toutes les administrations.
08:47 Ce qu'il ne sait probablement pas, ou très confusément, c'est que l'Allemagne est
08:52 en train d'organiser la solution finale dans les pays occupés, c'est-à-dire l'extermination
08:58 des Juifs d'Europe.
08:59 Les nazis ont pour objectif de tuer 11 millions de Juifs.
09:03 C'est dans ce contexte que l'Allemagne négocie avec la France l'un des épisodes
09:08 les plus tragiques de son histoire, la rafle du Veldiv.
09:12 Soyons très clairs, Bousquet ne se comporte pas comme un héros face aux Allemands.
09:18 Il signe tous les ordres qui sont validés par la Vale et contribue à organiser et superviser
09:23 toutes les opérations qui impliquent la police française.
09:26 Son rôle principal est seulement de protéger l'honneur de la police française en garantissant
09:32 sa souveraineté.
09:33 C'est ça que la Vale attend de lui.
09:36 Et c'est précisément ce qu'on constate dans les procès-verbaux des réunions de
09:40 la Gestapo auxquelles participe Bousquet.
09:44 En juin 1942, les Allemands exigent une livraison de 10 000 Juifs en zone libre et 20 000 en
09:50 zone occupée, des hommes et des femmes âgés de 16 à 45 ans.
09:56 Dans les procès-verbaux des réunions des Allemands, Bousquet considère comme très
10:00 gênant, le mot étant français dans le texte, de confier leurs arrestations à la police
10:05 française.
10:06 Comme l'écrira plus tard l'historien juif et ancien déporté George Wellers, le gouvernement
10:11 de Vichy, qui était consentant pour se débarrasser d'une bonne partie de ces Juifs, devait
10:16 donner l'impression d'être violé pour ne pas heurter l'opinion publique qui n'accordait
10:21 que peu de légitimité à Vichy.
10:23 Et en même temps, Bousquet, toujours ambigu, n'a de cesse de vanter l'efficacité de
10:29 sa police à la Gestapo.
10:31 Une négociation est alors menée entre les Allemands, Laval et Bousquet.
10:36 Une négociation amorale dans un contexte inhumain.
10:40 La police française livrera les Juifs étrangers, mais pas de Juifs français.
10:46 Pour atteindre les quotas demandés, elle livrera les enfants à partir de deux ans.
10:52 Pour rendre cette idée supportable, Laval l'avent comme une mesure humanitaire pour
10:57 ne pas séparer les parents et leurs enfants.
10:59 Les Allemands sont un peu embarrassés parce que les deux chambres à gaz de Auschwitz
11:05 ne tournent pas encore à plein régime.
11:07 Il faut donc une autorisation de Berlin pour prévoir une date à laquelle déporter les
11:12 plus petits.
11:13 Selon les historiens, à cette date, Bousquet ne connaît pas l'existence des chambres
11:20 à gaz qui sont nouvelles, mais il ne peut pas ignorer que les déportés sont envoyés
11:24 vers une mort certaine.
11:25 A l'issue de la négociation avec les Allemands, il est convenu que c'est donc la police
11:35 française, souveraine sur son territoire et aux ordres de Bousquet, qui se chargera
11:40 des arrestations massives des 16 et 17 juillet 1942.
11:43 15 juillet au soir, on distribue à 9000 policiers mobilisés les 25334 fiches recensant les
11:52 Juifs à Paris et en proche banlieue.
11:53 Les historiens savent, sans vraiment pouvoir le quantifier, que dans la nuit du 15 au 16,
12:00 certains policiers sont allés frapper à des appartements de Juifs ou prévenir les
12:04 gardiennes d'immeubles pour leur dire de partir avant leur arrivée.
12:06 Selon l'historien Robert Paxton, cela pourrait représenter environ 5% des personnes visées
12:12 par cette rafle.
12:13 Dès 4h du matin, la police commence son triste labeur.
12:19 Elle arrête sans distinction tous les Juifs qu'elle trouve.
12:23 Il ne reste plus beaucoup d'hommes valides à Paris.
12:25 Elle arrête donc des femmes, des enfants, des vieillards et des malades sous le regard
12:31 désapprobateur et impuissant de nombreux voisins.
12:33 Les célibataires sont envoyés à Drancy.
12:36 Les autres sont entassés au Vélodrome d'Hiver.
12:39 Les bus de la ville, réquisitionnés pour l'occasion, sont encadrés par des fourgonnettes
12:44 de police.
12:45 Ils y déposent 3031 hommes, 5082 femmes et 4051 enfants.
12:52 Les déportés y passeront plusieurs jours, sans eau, sans nourriture et sans hygiène,
12:58 au milieu des cris d'enfants, des tentatives de suicide et des femmes qui s'avortent
13:02 dans les toilettes en espérant une évacuation.
13:04 Au final, c'est bien le gouvernement français qui enverra les enfants du Veldiv au camp
13:26 de Bonarolande où ils attendront seuls pendant plusieurs semaines que les trains de la SNCF
13:31 les acheminent vers l'Allemagne.
13:32 La VAL refuse même qu'une association humanitaire américaine vienne les emmener dans leur pays.
13:39 Le Veldiv n'est qu'un demi-succès pour les nazis, mais les chefs de la police allemande
13:43 félicitent Bousquet pour son efficacité.
13:45 En février 1943, Bousquet fait de nouveau face aux demandes de déportation des Allemands.
13:52 Il fait à l'occupant une nouvelle réponse ambiguë dont seule lui elle se crée.
13:57 Pour découvrir la suite de ce récit consacré à René Bousquet, rendez-vous sur votre plateforme
14:13 d'écoute préférée.
14:14 Sous-titrage Société Radio-Canada
14:17 © Sous-titrage Société Radio-Canada
14:19 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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