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Écoutez la suite du récit consacrée à Georges Clemenceau par l’historienne Virginie Girod. Après avoir été maire du 18e arrondissement de Paris pendant la Commune et député au début de la Belle Époque, il devient ministre de l’Intérieur en 1906. Son amour de la justice pousse Clemenceau à s’atteler à un autre chantier. La réforme de la police dans une France dévastée par la délinquance. En 1907, il s’apprête à fonder l’ancêtre de la police judiciaire : les brigades du Tigre ! L’encadrement stricte des manifestations des mineurs du nord lui vaut d’être considéré comme un briseur de grève. On lui attribue désormais l’expression du premier “flic” de France. Clemenceau demeure pourtant un homme de gauche. Mais au nom de la justice, il favorise l’ordre. “Au cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.
Retrouvez "Au Cœur de l'Histoire - Des récits pour découvrir et apprendre l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-de-l-histoire
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Écoutez la suite du récit consacrée à Georges Clemenceau par l’historienne Virginie Girod. Après avoir été maire du 18e arrondissement de Paris pendant la Commune et député au début de la Belle Époque, il devient ministre de l’Intérieur en 1906. Son amour de la justice pousse Clemenceau à s’atteler à un autre chantier. La réforme de la police dans une France dévastée par la délinquance. En 1907, il s’apprête à fonder l’ancêtre de la police judiciaire : les brigades du Tigre ! L’encadrement stricte des manifestations des mineurs du nord lui vaut d’être considéré comme un briseur de grève. On lui attribue désormais l’expression du premier “flic” de France. Clemenceau demeure pourtant un homme de gauche. Mais au nom de la justice, il favorise l’ordre. “Au cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.
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NewsTranscription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:04 Dans le premier épisode de ce récit consacré à Georges Clémenceau, le Tigre a affûté
00:10 ses griffes en politique.
00:11 Après avoir été maire du 18e arrondissement de Paris pendant la Commune et député au
00:17 début de la Belle Époque, il devient ministre de l'Intérieur en 1906.
00:21 L'encadrement strict des manifestations des mineurs du Nord lui vaut d'être considéré
00:26 comme un briseur de grève.
00:27 Clémenceau demeure pourtant un homme de gauche, mais au nom de la justice, il favorise l'ordre.
00:35 Épisode 2.
00:37 Le Tigre et ses victoires.
00:39 Nous sommes à côté de la prison de Valence, le 22 septembre 1909.
00:47 La guillotine a été installée en face de la porte de l'établissement pénitentiaire.
00:53 Les curieux sont venus nombreux assister à l'exécution du gang des chauffeurs de la
00:58 Drôme.
00:59 Les trois malfrats ont été condamnés pour 18 meurtres, des cambriolages et des actes
01:04 de torture.
01:05 Leur spécialité ? Chauffer les pieds des personnes qu'ils cambriolent.
01:10 Autrement dit, les torturer en leur brûlant les pieds dans la cheminée pour leur faire
01:15 révéler la cachette de leurs magots, trésors souvent bien maigres pour des fermiers qui
01:20 ont travaillé la terre toute leur vie.
01:21 C'est pour arrêter ce genre de criminels que Clemenceau a tenu à créer les Brigades
01:27 mobiles.
01:28 Ils ne raffolent pas de la peine de mort, mais ces trois larrons ne feront pas défaut
01:32 à l'humanité.
01:33 Les Brigades mobiles sont créées à l'initiative de Clemenceau en 1907.
01:41 Au risque de vous décevoir, je dois vous dire qu'elles ne s'appellent pas encore
01:44 les Brigades du Tigre.
01:45 C'est le scénariste Claude Dessay qui leur donnera ce nom dans un feuilleton télévisé
01:49 des années 1970.
01:51 Quand Clemenceau arrive au ministère de l'Intérieur, il constate que pour l'année 1906, il y
01:57 a eu plus de 100 000 crimes et délits non résolus.
02:00 La police est totalement inefficiente.
02:03 Et pour cause, elle est surtout municipale.
02:07 Ses pouvoirs s'arrêtent à la frontière administrative de sa zone.
02:11 Impossible donc de prendre en filature ou de poursuivre un criminel muni d'une voiture
02:17 ou grimpant dans un train.
02:18 Or, pendant la Belle Époque, les gangsters s'équipent.
02:22 Ils achètent des voitures, prennent le train pour commettre leurs forfaits et se procurent
02:27 des pistolets.
02:28 Beaucoup de gangs, comme ceux des chauffeurs de la Drôme, terrorisent les campagnes en
02:32 cambriolant les fermes.
02:34 Si les propriétaires sont récalcitrants, ils sont assassinés sans état d'âme.
02:39 La police, qui ne se déplace qu'à vélo, voire à cheval, n'a aucun moyen de s'attaquer
02:45 à ces bandes organisées.
02:46 Clémenceau veut en finir avec cette délinquance.
02:49 Cela fait quelques années déjà que le criminologue Auguste Bertillon a mis au point la photo
02:54 anthropométrique, un procédé photographique pour standardiser les fiches des criminels
03:00 à la police.
03:01 Le procédé, vous le connaissez, c'est une photo de profil couplé à une photo de
03:06 face.
03:07 Ça a l'air simple, mais avant Bertillon, les photographes de la police n'avaient
03:11 aucune méthode spécifique.
03:13 Ils faisaient surtout de la photo d'art.
03:16 Sous l'impulsion de Clémenceau, les fiches des criminels sont donc standardisées.
03:21 On ajoute quand c'est possible le relevé des empreintes digitales, puisqu'on sait
03:25 depuis peu qu'elles sont uniques pour tous les individus.
03:28 Régulièrement, les fiches mises à jour sont envoyées sous la forme d'un bulletin
03:33 aux différents commissariats pour faciliter les enquêtes.
03:36 Mais ce n'est pas tout.
03:38 Clémenceau obtient deux décrets en 1907 qui font de l'ancêtre de notre police judiciaire.
03:46 Au début, il y a seulement 12 brigades mobiles installées sur tout le territoire.
03:51 Tous les policiers peuvent agir au niveau national.
03:54 C'est décisif pour élucider des affaires.
03:57 Pour vous donner une idée de cette nouvelle organisation, 500 policiers sont recrutés.
04:03 Ce sont des hommes en bonne forme, ils pratiquent tous la savate, un sport de combat qui s'apparente
04:09 à la boxe.
04:10 Ils ne doivent pas être trop grands pour ne pas être repérés pendant les filatures.
04:15 Ils font tous moins d'un mètre soixante-dix.
04:17 Pour se déplacer, ils disposent de voitures et de cartes leur permettant de prendre tous
04:23 les trains.
04:24 Ils ont aussi des téléphones et des télégraphes à leur disposition.
04:28 En un an, ce nouveau service d'élite qui commence à utiliser des techniques scientifiques
04:33 arrête plus de 2500 personnes.
04:36 C'est un succès pour les brigades mobiles et Clémenceau devient le premier flic de
04:41 France.
04:42 Est-ce que vous aviez remarqué qu'aujourd'hui encore, le logo de la Direction centrale
04:48 de la police judiciaire, la DCPJ, comporte une tête de tigre accolée au profil de Clémenceau?
04:56 Malgré ses nombreuses réussites, Clémenceau est détesté par bien des hommes politiques.
05:02 Il méprise les médiocres et le leur fait sentir.
05:05 Il fait toujours ce qu'il croit être juste, quitte à se faire des ennemis.
05:10 Résultat, il se met le Parlement à dos et se trouve obligé de démissionner en 1909.
05:16 Le jour de son départ du gouvernement, le journal L'Humanité, fondé par le socialiste
05:22 Jean Jaurès, titre "La fin d'une dictature", résume tout le mal qu'on pense de lui à
05:29 gauche.
05:30 Quatre ans plus tard, en 1913, Clémenceau fonde un nouveau journal, L'Homme libre.
05:37 Tous les jours, le tigre publie son éditorial où il commente la vie politique.
05:42 Et il n'est pas tendre.
05:44 Il sent monter les tensions en Europe.
05:46 Il défend même, avec une partie de la droite et des socialistes, le rallongement du service
05:51 militaire à trois ans.
05:53 Clémenceau a raison de se méfier.
05:55 Le 28 juin 1914, l'archiduc François Ferdinand est assassiné par un nationaliste yougoslave.
06:06 C'est l'attentat de Sarajevo.
06:09 Le défunt est l'héritier de l'Empire d'Autriche-Hongrie, alors aux mains de François
06:15 Joseph, l'époux de Sissi.
06:17 Cet empire est une mosaïque de peuples sans unité.
06:20 Or, en ce début de XXe siècle, le nationalisme est en train d'apparaître.
06:25 Chaque peuple veut pouvoir disposer de lui-même.
06:28 Dans ce contexte, les pays slaves rêvent de s'unir car ils ont la même culture.
06:33 Cela impliquerait la redéfinition des frontières de l'Europe centrale, ce que l'Autriche-Hongrie
06:38 ne veut pas.
06:39 Le 28 juillet, un mois après l'attentat de Sarajevo, l'Autriche-Hongrie déclare
06:44 la guerre à la Serbie.
06:46 Par le jeu des alliances, l'Allemagne soutient l'Autriche-Hongrie.
06:50 C'est officiellement le début de la guerre.
06:52 Peu après, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie cette fois-ci, qui, elle, soutient
07:04 la Serbie.
07:05 Le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France.
07:09 Cela entraîne la déclaration de guerre du Royaume-Uni à l'Allemagne.
07:12 Et le jeu des déclarations de guerre se poursuit.
07:15 Au bout de trois mois, toute l'Europe est en guerre.
07:18 A ce stade, il y a deux camps, la triple alliance et la triple entente.
07:27 La triple alliance est formée des Allemands, des Austro-Hongrois et des Italiens jusqu'en
07:33 1915.
07:34 La triple entente, ou les alliés si vous préférez, est formée de la France, des Britanniques
07:39 et des Italiens à partir de 1915 et aussi des Russes, mais jusqu'en 1917.
07:45 A cette date, les Russes entrent en pleine révolution bolchevique, c'est pour ça
07:49 qu'ils se retirent.
07:50 Ils sont remplacés dans la triple entente par les Américains.
07:53 Aujourd'hui, les historiens en ont fini avec le mythe des poilus qui partent au front,
08:01 la fleur au fusil.
08:02 On sait que les Français n'étaient pas contents de partir à la guerre.
08:06 Dès 1914, les principales lignes de front se trouvent à l'est de la France.
08:11 Les soldats allemands et français qui se trouvent sur cette ligne de front sont animés
08:15 par la même haine qu'en 1870.
08:18 Pour eux, c'est la suite de la dernière guerre et ce sera la der des ders.
08:23 Cette fois encore, les Allemands veulent Paris et les Français les repoussent pendant la
08:28 bataille de la Marne en septembre 1914.
08:31 C'est à cette occasion que les taxis de la Marne ont été réquisitionnés pour emmener
08:35 des renforts sur le front.
08:37 C'est une victoire décisive des alliés mais ce n'est que le début du conflit.
08:41 Ce qu'on nomme la guerre de mouvement se change dès 1915 en guerre de position.
08:48 C'est là qu'on commence à creuser des tranchées.
08:51 On va maintenant se battre pour quelques centaines de mètres inlassablement perdus
08:56 et regagnés au prix du sang.
08:57 De son côté, Clémenceau enrage.
09:01 Pour lui, il n'y a que des incompétents de l'Élysée à l'état-major.
09:06 Il fustige le gouvernement qui est parti se mettre en sécurité à Bordeaux et le défaitisme
09:12 ambiant.
09:13 Pour lui, la guerre est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux militaires.
09:18 Il se débrouille donc pour devenir le président de la commission de l'armée.
09:22 C'est à ce titre qu'il se rend sur le front et découvre les conditions de vie des
09:27 poilus.
09:28 Avant que Clémenceau n'arrive dans les tranchées, il faut que je vous explique quelque chose.
09:33 Les poilus ne s'appellent pas les poilus parce qu'ils ne se rasaient pas.
09:37 Les photos montrent que la majorité d'entre eux portent des moustaches bien taillées
09:41 dont ils s'occupent pendant les temps d'attente entre les combats.
09:44 Comme l'explique mon grand frère Jean-Yves Le Nahour, le grand spécialiste de la guerre
09:48 14-18, le poil renvoie alors au courage et à la virilité.
09:51 Ces poilus, ce sont donc des hommes courageux, de ceux qui n'ont pas peur de se battre
09:57 pour la nation.
09:58 Et ça, Clémenceau le voit bien.
10:01 Les journalistes et les photographes sont présents pour immortaliser les visites du
10:06 vieux tigre sur les premières lignes.
10:07 Mais il n'est pas là pour la propagande.
10:10 Il risque sa vie quand il se met debout à la sortie des tranchées face aux Allemands
10:14 en criant le point levé qu'on les aura.
10:17 C'est un miracle qu'aucun Allemand ne l'ait abattu.
10:21 L'un d'eux lui offre même un petit bouquet de fleurs en signe d'admiration.
10:26 Clémenceau est profondément touché par les poilus qui servent vaillamment leur pays.
10:32 Dans les tranchées, les hommes patauchent dans la boue.
10:36 Les rations alimentaires sont suspendues en hauteur ou protégées par des sachets en
10:40 cote de maille pour ne pas être dévorées par les rats.
10:42 Les petits barraquements avec les lits sont ouverts aux quatre vents et puis les soldats
10:47 manquent de tout, de chaussures et de vêtements.
10:49 Clémenceau fait son possible pour que les hommes aient de quoi se ravitailler correctement.
10:54 Et puis, il faut aussi assurer l'assistance médicale.
10:58 La première guerre mondiale est le premier conflit à utiliser les armes chimiques.
11:03 Les attaques de gaz causent des cécités inconnues jusque-là sur les champs de bataille.
11:07 Aucune guerre jusqu'alors n'avait été une telle boucherie.
11:12 En 1917, Clémenceau redevient ministre de la guerre et président du conseil, c'est-à-dire
11:18 chef du gouvernement.
11:19 Il promet la guerre et la victoire.
11:22 Il continue à y croire quand les alliés sont prêts à baisser les bras.
11:26 Il faut dire que la bataille de Verdun a été un carnage.
11:29 Pendant presque toute l'année 1916, les français et les allemands se sont affrontés
11:35 pour un bilan de 163 000 morts côté français.
11:38 En 1918, Clémenceau, qui trouve pétain à leur commandant d'armée trop timoré, impose
11:45 le général Foch comme commandant en chef des forces alliées sur le front de l'Ouest.
11:50 Le 11 novembre, avant le lever du jour, le téléphone sonne dans l'appartement de Clémenceau.
11:58 Foch lui annonce que l'armistice a enfin été signé.
12:02 Les combats vont cesser à 11 heures ce matin.
12:06 Les cloches sonneront à travers toute la France pour célébrer ce moment.
12:10 Le 28 juin 1919, Clémenceau, âgé de 78 ans, pénètre dans la galerie des glaces du château
12:20 de Versailles.
12:21 C'est là que sera signé le traité de paix.
12:24 Le Tigre, qui se contrefiche de saluer les politiciens et les diplomates, s'avance
12:29 vers des gueules cassées qu'on a installées près des hautes fenêtres d'Odans sur les
12:32 jardins.
12:33 Il les salue chaleureusement.
12:35 La guerre, c'est eux qui l'ont gagnée.
12:38 Et ils méritent d'être là.
12:40 En homme juste, celui qu'on surnomme désormais le Père la Victoire, refuse d'humilier
12:47 outre mesure les allemands.
12:48 Contrairement au président de la République, Raymond Poincaré, il refuse de réclamer
12:54 des territoires à l'Est du Rhin.
12:56 La France récupérera l'Alsace et la Lorraine.
12:59 C'est suffisant.
13:00 Clémenceau est devenu un héros national.
13:08 Et Pétain aussi.
13:09 Clémenceau lui offre une promotion en lui remettant le bâton de maréchal.
13:14 Mais Clémenceau n'est pas dupe des prétendus exploits de Pétain et il en plaisante même
13:18 avec Fauche.
13:19 C'est eux qui l'ont mené à la victoire à coup de pompe dans le cul.
13:24 Oui, Clémenceau avait parfois un langage fleuri.
13:25 Après la guerre, le vieux Clémenceau, au réolé de son prestige, se retire de la vie
13:31 politique.
13:32 Il fait des voyages triomphaux en Inde et en Amérique.
13:36 Il meurt des suites d'une crise d'urémie à 88 ans chez lui à Paris.
13:41 Il ne voulait pas de funérailles nationales.
13:44 Il voulait le strict minimum, c'est-à-dire lui-même.
13:48 Il est enterré sous une sépulture modeste près de la tombe de son père dans sa Vendée
13:54 natale.
13:55 Il n'a pas été enterré debout comme on le raconte souvent, mais son cercueil est
13:59 un peu incliné à cause des racines d'un gros arbre près de la tombe.
14:03 Dans son cercueil, il y a un petit bouquet de fleurs séchées qu'un soldat lui avait
14:07 offert dans les tranchées.
14:09 C'est le bouquet qui symbolise sa seule religion, à lui, le républicain athée.
14:15 C'est l'allégorie du patriotisme du tigre.
14:18 C'est la fin de ce récit consacré à Georges Clémenceau.
14:29 Je vous remercie de l'avoir écouté.
14:30 Au cœur de l'histoire est un podcast original Europe 1 Studio et c'est aussi un travail
14:36 d'équipe.
14:37 A la production, Camille Bichler.
14:39 A la réalisation, Clément Ibrahim.
14:42 A la direction artistique, Julien Tharaud et Adèle Imbert.
14:45 A la composition, Julien Tharaud et Sébastien Guidis.
14:49 A la diffusion et à la communication, Kelly De Croix et Romain Vatias.
14:53 Quant à moi, l'auteur de ce récit, je vous donne rendez-vous sur votre plateforme
14:58 d'écoute préférée.
14:59 A très bientôt.
15:00 [Musique]
15:05 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org