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Mélanie VOLLE-BERGER à 102 ans sera le porte flamme à Saint-Etienne. Mais connaissez-vous cette autrichienne ? Elle a été une résistante capturée pendant la guerre. L'histoire a voulu qu'elle épouse le capitaine Lucien Volle, également résistant.
Elle se livre sur son histoire, son incarcération aux Baumettes à Marseille, ces moments de doute et sa résistance Mémoire de nos derniers résistant dans la loire.

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Transcription
00:00 Je m'appelle Mélanie Vaud et j'étais une résistante.
00:05 Je suis née berger et je suis ici maintenant en Saint-Etienne
00:20 pendant 10 ans depuis la mort de mon mari.
00:23 Je suis née à Vienne en Autriche en 1921.
00:29 Donc à ce moment-là, c'était l'Autriche qui était excessivement pauvre,
00:36 il y avait beaucoup de chômage et que j'étais assez révoltée
00:42 puisque je ne comprenais pas pourquoi il y a des gens qui ont faim et d'autres qui ont tout.
00:49 Donc c'était déjà... je voulais changer le monde,
00:53 je voulais que tout le monde aie à manger, que tout le monde puisse se loger
00:58 et que j'étais évidemment contre ce racisme qui existait
01:04 puisqu'il y a de plus en plus de nazis à Vienne.
01:08 Donc Hitler est rentré pour annexer l'Autriche au monde de masse
01:17 et que j'ai quitté l'Autriche quelques mois après
01:22 parce que j'ai failli être arrêtée parce que je luttais justement dans le mouvement antifasciste.
01:29 Et ensuite j'ai traversé avec des amis l'Allemagne pour aller clandestinement en Belgique
01:39 et dès là nous sommes allés en France.
01:47 J'ai parti déjà une semaine après la venue de Hitler.
01:54 J'ai traversé d'abord l'Allemagne et ensuite jusqu'à Aix-la-Chapelle
02:01 qui n'était pas loin de la Belgique
02:04 et ensuite de la Belgique là aussi il fallait d'abord passer la frontière
02:14 et puis il pleuvait donc j'avais attrapé ensuite quelque chose qui n'était pas bien.
02:22 Et puis après à Liège on avait pris un autocar pour aller jusqu'à Bruxelles
02:30 et nous sommes arrivés à 3 heures du matin à Bruxelles.
02:35 Et comme j'avais rien pour savoir, tout le monde avait autre chose,
02:42 personne ne s'occupait de moi et parce qu'il y avait aussi d'autres réfugiés,
02:49 mais chacun s'occupait de soi et que je suis restée sous un banc à Bruxelles
02:58 jusqu'à 10 heures du matin.
03:01 Il faut dire que je n'avais pas mangé et que je n'avais pas dormi.
03:08 J'étais donc très fatiguée.
03:12 [Musique]
03:23 Et quelques temps après j'ai retrouvé mes deux amis
03:29 qui avaient, comme on n'avait rien, pu leur trouver quelque chose
03:35 et eux ils avaient une adresse pour la Belgique dans les Borinages,
03:45 là où il y a des mines en Belgique.
03:48 On avait resté quelqu'un politiquement, qui avait les mêmes idées comme nous, antifascistes.
03:56 Mais nous voulons quand même aller en France,
04:00 nous nous sommes restés quelques temps en Belgique
04:03 et que les amis belges pouvaient organiser avec une photo de moi,
04:14 uniquement pour avoir un papier, des droits de passer la frontière.
04:21 Je me suis coupé les cheveux, mais si on regarde bien là,
04:28 on voit bien que la chemise que j'ai, ce n'est pas une chemise d'homme.
04:35 Parce que les femmes c'est de droite à gauche, les hommes à gauche à droite.
04:44 J'aime passer la frontière, oui.
04:47 Nous sommes allés à Paris.
04:50 À Paris je me suis présenté à la préfecture,
04:54 comme beaucoup de réfugiés qui font ça maintenant ici aussi.
04:59 Il faut attendre pas mal de temps pour pouvoir arriver.
05:03 J'ai eu beaucoup de chance,
05:06 parce qu'avec mon nom, Mélanie Berger, un nom tout à fait résonant en français,
05:13 on m'a dit, mais vous savez peut-être, alors donc je l'ai laissé,
05:18 j'ai dit c'est possible, je ne sais pas.
05:21 [Musique]
05:26 À Paris je suis restée pas tellement longtemps.
05:32 La guerre c'était en septembre, donc quelques temps après,
05:37 on a arrêté d'abord les garçons, tous les garçons réfugiés,
05:43 allemands et autrichiens antifascistes,
05:48 et on m'a expulsée de Paris pour pouvoir aller à Clermont-Ferrand,
05:54 au comité pour les étrangers qui existait à Clermont-Ferrand,
06:00 qui m'ont trouvé aussi du travail.
06:05 J'en ai fait pas mal de choses comme travail.
06:10 Et à deux, nous avons quitté Clermont-Ferrand quand les allemands sont entrés,
06:15 et nous avons erré comme des milliers, des milliers de français dans les rues.
06:22 Et que, ce sera trop long à expliquer pourquoi,
06:27 à un moment donné les trains s'étaient arrêtés un peu plus longtemps,
06:31 et la fenêtre était très sale, et que je nettoyais un peu la fenêtre
06:36 pour voir où nous sommes, et j'ai vu qu'en face il y avait un train
06:41 qui venait de l'autre côté, qui faisait la même chose que moi.
06:45 Et c'était un gars de notre groupe autrichien.
06:51 Alors il avait mis sur la vitre un manteau-ban,
06:56 donc je savais qu'on va se retrouver à Manteau-Ban.
07:00 Alors quelques semaines après, on s'est retrouvés à peu près
07:04 une quinzaine de notre groupe à Manteau-Ban.
07:08 La mairie nous a donné d'abord, en dehors de Manteau-Ban,
07:13 une vieille maison, et là nous étions à peu près une quinzaine,
07:19 comme je disais, et que, à mon nom, à moi, j'ai loué
07:25 un logement dans une vieille maison, il n'y avait pas de voisins,
07:31 qui aussi était un peu délabré,
07:34 où il n'y avait que quatre personnes avec moi qui connaissaient cette adresse.
07:40 On n'était que trois à ce moment-là, en train de travailler,
07:45 en réfléchissant à ce qu'on allait faire, et d'un seul coup,
07:51 on frappait à la porte. Donc on savait très bien que si quelqu'un
07:56 frappait à la porte, ça ne pouvait pas être un voisin,
07:59 ça ne pouvait pas être notre copain,
08:02 ça ne pouvait pas être notre copain de quatrième,
08:05 qui était en train de combler du chaud, quelque part,
08:09 et que c'était la police.
08:14 Alors moi, je ne pouvais pas nier les choses que j'avais là,
08:19 qu'on était en train de taper.
08:21 En Manteau-Ban, il n'existe pas une prison de femmes,
08:26 et donc pour la nuit, j'étais dans la prison des hommes,
08:31 et nous sommes dans un cachot.
08:34 Je suis restée presque une semaine pour me demander
08:42 pourquoi j'étais arrêtée.
08:45 Et ça, ça m'a travaillée, je ne pouvais pas le savoir tout de suite,
08:49 c'est dessus après.
08:51 Notre responsable avait fait une faute énorme.
08:55 Il avait fait connaissance avec une jeune fille
09:00 qui nous servait dans ce restaurant des Québécois.
09:05 Il avait amené ça chez nous.
09:09 Jamais il n'aurait dû l'amener là.
09:13 Et qu'elle avait écrit à sa copine
09:19 qu'ils ne pouvaient pas lui prêter sa machine à coups.
09:23 Ils ont ouvert cette lettre.
09:27 Ils ont arrêté cette fille.
09:30 Pourquoi vous demandez une machine à écrire ?
09:35 Ils ne se souvenaient pas de la rue, mais ils l'ont amenée.
09:39 Je suis restée 13 mois dans cette prison.
09:47 Quand j'ai été ensuite transférée,
09:52 avec toutes les politiques,
09:56 toutes les résistants,
09:58 je me dis résistante parce qu'il y a pas mal de Français qui sont arrivés,
10:02 on avait été transférée au Beaumét.
10:06 C'était une prison qui venait juste de tout neuf,
10:11 qui avait quelque chose de bien.
10:14 Il y avait quelques trous pour communiquer avec d'autres cellules.
10:21 Mais je savais très bien que si j'écrivais "poste restante",
10:26 la police allait lire.
10:29 Ce copain-là avait quelqu'un de la résistance dans cette poste.
10:36 Quand il voyait quelque chose qui venait de la prison,
10:41 il avait quelqu'un de berger, garder la lettre et la faire transmettre.
10:47 Petit à petit, je pouvais absolument expliquer cela.
10:52 C'est que je suis tombée très malade.
10:55 Je savais qu'il devait arriver à peu près le 8 octobre,
11:00 parce qu'ils voulaient le faire pour mon anniversaire.
11:05 En plus, ils avaient quelque chose que je pouvais faire.
11:09 Dans le 3ème, notre groupe avait déjà des liaisons
11:13 avec la résistance française, qu'on n'avait pas avant.
11:17 Simplement, je suis tombée très malade.
11:21 Ils sont arrivés dans la prison.
11:24 Une de celles qui était dans ma cellule,
11:28 elle était professeure d'école, avant c'était inséditrice.
11:34 Elle connaissait, il fallait que je lui dise ce que je voulais faire.
11:39 Ils vont venir, il faut expliquer où je vis,
11:43 pour qu'ils puissent me chercher à l'hôpital,
11:46 parce qu'ils avaient peur que je mourrais.
11:50 J'ai vomi, j'ai absolument tout.
11:53 Tout ce que j'ai mangé, j'avais une infection.
11:57 Je souffre jusqu'à maintenant là-dessus.
12:01 Ils sont venus à l'hôpital.
12:05 Il fallait quand même un gars que je connaisse,
12:09 parce que autrement ça aurait pu être la geste de la pauvre.
12:13 Il y avait une dame que je ne connaissais pas,
12:17 de notre groupe, qui portait un truc de croix rouge,
12:22 et un soldat, et je ne savais pas que c'était un vrai soldat,
12:27 allemand, qu'on avait gagné pour notre cause.
12:31 Et donc quand ils sont arrivés, je leur ai dit qu'il fallait faire vite, vite, vite.
12:36 Ils ne nous parlaient pas en papier, mais en allemand,
12:40 ils n'ont pas écrit en allemand.
12:43 Et que je leur ai dit surtout entre midi et demi, et une heure.
12:49 Pas avant, ni après.
12:52 Parce qu'à ce moment-là, il y avait moins de gardiens.
12:56 Et puis on est allés changer plusieurs fois le train, aussi, jusqu'à Lyon.
13:08 À Lyon, un couple français m'avait hébergé.
13:13 J'ai continué la résistance après,
13:16 mais là j'étais déjà en liaison avec un groupe de Toulouse,
13:23 et j'ai transporté des choses entre Paris, Lyon,
13:29 une ou deux fois Toulouse aussi,
13:32 sans savoir ce que je transporte, jusqu'à la fin de la guerre.
13:37 Mon mari était très connu,
13:50 il a fait la résistance avec une responsabilité,
13:54 avec ses armes en main.
13:56 C'est lui et son groupe qui ont libéré la ville du Puy.
14:01 Et pourquoi je suis à Saint-Etienne ?
14:04 C'est parce qu'après on a travaillé à Paris,
14:09 on ne s'est pas connus tout de suite,
14:13 on a rencontré quelque chose d'incroyable.
14:19 On s'est rencontrés à Vienne.
14:23 Lucien était le seul résistant qui est rentré dans l'armée officielle.
14:32 Donc mes parents, après la guerre,
14:36 c'était la zone américaine,
14:40 ils ont donné un très grand logement à mes parents.
14:44 Mes parents louaient toujours une pièce,
14:49 qui n'était pas loin du bureau.
14:52 Ils se sont dit, dans le journal,
14:56 que pour les mamans on louait cette pièce,
15:00 parce que c'était vide à ce moment-là.
15:03 Il est venu avec quelqu'un qui parlait allemand,
15:08 et ma mère m'a dit,
15:10 "ouvre la porte, on n'attend personne."
15:14 J'ai ouvert la porte,
15:16 on s'est regardés, on ne s'est pas quittés
15:19 pendant jusqu'à ce moment-là, depuis 55 ans.
15:23 [Musique]

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