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Retrouvez "Au Coeur du Crime " sur : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-du-crime

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00:00Bienvenue au Coeur du Crime, un podcast ici des Archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:56Lorsqu'après avoir pris sa douche, Edmond Favreau voulut ouvrir la porte de la salle de bain, la poignée lui resta dans la main.
01:06Il se retrouva enfermé à l'intérieur, comme dans une comédie de boulevard.
01:12Edmond Favreau se mit à appeler à l'aide, mais en fait il ne s'attendait pas vraiment à recevoir de réponse.
01:19La maison était fermée pour l'été.
01:22Il était le dernier à quitter les lieux.
01:24Sa femme, ses deux enfants, la bonne et la cuisinière, étaient tous partis.
01:29Les membres de la maisonnée se dispersant en divers endroits pour la période des grandes vacances.
01:36Il était d'ailleurs lui-même sur le point de partir pour son chalet dans les Pyrénées, afin de travailler à son livre.
01:46La salle de bain, petite et étroite, faisait en gros un mètre quatre-vingt sur trois mètres.
01:53Elle se trouvait au sous-sol de la vieille maison et n'avait pas de fenêtre.
01:58Personne à l'extérieur ne pouvait entendre ses cris.
02:02Il n'avait aucun outil à sa disposition.
02:06La porte, impossible à ouvrir, était épaisse et résistante avec toutes les garanties de solidité et de finition qu'offraient les portes à l'ancienne.
02:17Edmond Favreau, cinquante-trois ans, homme d'ordinaire haut teint et acerbe, se mit à appeler à l'aide d'une voix de plus en plus aiguë en martelant violemment la porte de ses points.
02:32Lorsqu'il entendit le léger frôlement, il était affalé par terre dans son peignoir pourpre, ne sachant trop combien de temps s'était écoulé.
02:45Il tourna la tête et vit un petit bout de papier blanc qu'on avait glissé sous la porte.
02:54Il le ramassa et lut le message tapé à la machine.
02:59« Cher peindre, si tu veux sortir de là, espèce de salaud, signe ce chèque. Une signature authentique. »
03:10Et c'était signé Barberousse.
03:17Après avoir lu le billet, Edmond Favreau s'aperçut que l'un de ses chèques vierges avait été passé sous la porte avec un stylo.
03:29Alors, il comprit tout.
03:33« Annick ! Tout ça est puerile et stupide. Tu sais à quel point je déteste les farces. Ouvre cette porte immédiatement ! »
03:43Plusieurs secondes passèrent.
03:46« J'attends, Annick. Tu m'entends ? Je suis très fâché contre toi. Allons, dépêche-toi d'ouvrir cette porte ! »
03:54C'est vrai, Annick avait toujours été puérile.
03:59Cette raie de caractère, déjà difficilement supportable quand elle était jeune et jolie, devenait parfaitement insoutenable maintenant qu'elle était moins jolie et qu'elle frisait la quarantaine.
04:12Heureusement, elle était toujours aussi riche. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il l'avait épousée dix-huit ans auparavant.
04:21Suite au marié, il s'était consacré à la gestion de la fortune de son épouse et à l'écriture du chef-d'œuvre qu'il portait en lui, il en était certain.
04:31Annick avait donné naissance à deux enfants désordonnés et bruyants, un garçon et une fille qui avaient maintenant respectivement dix et neuf ans.
04:41Annick était aujourd'hui plus grassouillette, plus nerveuse, mais toujours gentille et facile à intimider.
04:50Lui était plus maigre, plus sec, et il n'avait toujours pas livré son chef-d'œuvre, mais ça ne saurait tarder.
05:00« Annick, laisse-moi sortir ! Dépêche-toi ! Qu'est-ce qui te prend, voyons ? Annick ! »
05:07Edmond renonça à donner des ordres. Il était fermement résolu à ne pas donner à sa femme la satisfaction de l'entendre supplier.
05:18Finalement, un autre message apparut sous la porte.
05:23« Crétin, signe ce chèque ou tu mourras, sale vache ! C'est ta dernière chance, vieille avare ! »
05:32Signé Barberousse.
05:35Tout comme le premier billet, celui-ci était bourré de fautes d'orthographe.
05:43C'était grotesque. Tout à fait le genre d'Annick.
05:48Les fautes d'orthographe étaient-elles intentionnelles ou imputables à son incompétence congénitale ?
05:54Peut-être essayait-elle de lui faire croire que l'auteur de cette stupide plaisanterie était quelqu'un d'autre, mais qui ?
06:01Henri ? Catherine ? Leurs enfants ?
06:05Non. Henri et Catherine s'étaient arrangés pour passer une semaine chez leurs amis, les Cabrel, avant de partir en camp de vacances, chez les Scoot.
06:14Un camp de vacances très huppé, mais horriblement coûté.
06:17Par souci d'économie, d'ailleurs, Edmond avait refusé de donner aux deux enfants de l'argent de poche pour s'acheter des bonbons et des jus de fruits à la boutique du camp.
06:26Pas de gaspillage.
06:29Bien sûr, il y avait Sophie. Ah, Sophie !
06:35Edmond avait toujours eu beaucoup plus de succès avec les Scretters qu'avec sa muse.
06:41Mais les muses, il en était convaincu, n'écrivaient pas de lettres désagréables après une rupture, ni ne téléphonnaient en larmes au beau milieu de la nuit, et ne passaient pas leur temps à réclamer de l'argent.
06:54De toute manière, Sophie était chez ses parents, sur la côte d'Azur.
06:59Non, non, ça ne pouvait être qu'Anick.
07:03Elle n'était pas, comme elle l'avait prétendu, partie chez sa sœur Martine la veille.
07:08Martine était la première sœur chez qui Anick devait faire étape durant l'été.
07:12Il y avait en tout cinq sœurs, avec cinq maisons et cinq brochettes de beaux-frères, de neveux et nièces.
07:19Anick avait bourré la voiture de bagages, de raquettes de tennis, de cadeaux pour les neveux et nièces.
07:25Elle avait tressé en queue de cheval ses cheveux blondas, enfilé un jean et un sweatshirt.
07:30Et, à sa grande surprise, elle était redevenue la jeune fille épanouie, débordante de gaieté qu'il avait connue à la fac.
07:41Donc, Anick n'était pas allé chez sa sœur Martine.
07:47Elle était revenue en secret.
07:50Et pourquoi ?
07:53Voulait-elle se venger de la vie qu'il lui faisait mener ?
07:58Ça, c'est ce que vous saurez dans quelques instants.
08:03Prisonnier dans sa salle de bain, Edmond Favreau se demande qui est la mystérieuse personne qui le séquestre
08:11et qui lui fait passer des messages sous la porte exigeant des chèques en blanc signés pour sa libération.
08:19Sa femme, Anick, serait-elle revenue de vacances ?
08:24Mais pourquoi ?
08:26La vengeance, c'est certain.
08:30Elle lui faisait payer toutes les misères qu'il lui avait fait subir,
08:33les brimades, les critiques cinglantes, les humiliations en public et en privé.
08:37Elle lui faisait payer le fait qu'il la dominait en tout.
08:41Elle se vengeait des aventures qu'il avait eues avec ses secrétaires,
08:44de la façon qu'il l'avait tué, de la façon qu'il l'avait tué.
08:49À présent, elle le tenait.
08:53Il était pris au piège.
08:56Elle devait savourer son triomphe, jubiler silencieusement derrière la lourde porte.
09:04Il l'avait sous-estimée.
09:08Il l'avait sous-estimée.
09:11Il l'avait sous-estimée.
09:14Il l'avait sous-estimée.
09:19Il l'avait toujours considérée comme une femme effacée, faible, inoffensive, gentille,
09:24en un mot, nulle.
09:28Mais maintenant, il avait presque du respect pour elle.
09:36Il signa le chèque en blanc et le poussa sous la porte.
09:43Et il attendit que la porte s'ouvre.
09:49— Annick, s'il te plaît !
09:54Toujours rien.
09:57Au prix d'un gros effort, il cessa d'appeler sa femme.
10:02Il n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé, des heures et des heures certainement.
10:08Trois autres chèques avaient été glissés sous la porte et il y avait eu un autre message,
10:14toujours bourré de fautes d'orthographe.
10:17— Radin, merci quand même, salopard !
10:20Signe encore cela, sinon...
10:23— Signez Barberousse.
10:26Et tous les chèques étaient vierges.
10:30Soudain, Edmond se figea, regardant avec stupéfaction
10:36le nom de la banque qui était inscrite sur les chèques.
10:40Il s'en apercevait seulement maintenant.
10:42C'était sa banque à lui, son compte personnel,
10:45non le compte commun qu'il partageait avec Annick.
10:48C'était son compte secret, qu'il avait édifié grâce à des prélèvements suprêmement habiles et indétectables,
10:55du moins l'avait-il cru, effectués sur leur compte commun,
10:59c'est-à-dire sur l'argent d'Annick,
11:02et transférés sur un autre compte, dans une autre banque.
11:05Son compte secret.
11:09Il aurait juré qu'une femme aussi confiante et stupide qu'Annick
11:14ne se douterait jamais de rien.
11:18Et pourtant, elle savait.
11:23Elle avait découvert le pot au rose.
11:27Mais alors ?
11:29Elle pouvait retirer jusqu'aux derniers centimes qu'il avait sur son compte ?
11:34Cet argent qu'il lui avait patiemment volé pendant toutes ces années, son argent à lui ?
11:40Elle pouvait le ruiner avec ces maudits chèques en blanc ?
11:44Oh la garce !
11:46Là, elle allait trop loin, beaucoup trop loin.
11:51Il la tuerait.
11:53Il la tuerait, c'était décidé.
11:57Il se recroquevilla dans sa robe de chambre à genoux sur le carrelage.
12:03Il avait signé les trois chèques.
12:07Les jours avaient passé, mais dans cette pièce dépourvue de fenêtres,
12:12il n'aurait su dire exactement combien.
12:15Il pouvait se désaltérer avec l'eau du robinet, mais il n'avait rien à manger, rien.
12:21La porte demeurait obstinément close.
12:26Il n'y avait plus le moindre bruit de l'autre côté de la porte.
12:30Il avait collé son oreille contre le panneau, retenant son souffle.
12:35En vain.
12:38Peu à peu, il en vint à penser qu'il avait peut-être l'intention de le tuer.
12:46Pas seulement de le punir, de lui prendre son argent, de l'humilier avant de le libérer.
12:50Non, non, l'intention de l'assassiner, de le laisser mourir de faim.
12:59L'ironie de la situation, c'était qu'elle pourrait le tuer en toute impunité.
13:06Oui.
13:08Annick, cette femme idiote, dépourvue totalement d'imagination,
13:13pourrait commettre le crime parfait.
13:15La seule et unique chose qu'elle aurait réussie dans sa vie, ce serait le meurtre de son mari.
13:20Bien sûr, la police conclurait à un accident stupide.
13:28Si jamais il sortait vivant de là, il ne mettrait plus jamais les pieds dans une salle de bain.
13:36Mon Dieu.
13:39Mourir de faim.
13:43Brusquement, il y eut un léger frôlement.
13:47Un autre chèque apparut sous la porte, et il s'empressa de le signer.
13:56Il n'aurait su dire combien de temps il avait sangloté, crié, supplié.
14:06Le visage qu'il vit dans la glace au-dessus du lavabo était méconnaissable.
14:10C'était une autre personne qu'Edmond Favreau, qui était pris au piège,
14:15et qui hurlait et martelait la porte à coups redoublés.
14:21Il s'allongea sur le carrelage, et somne là.
14:27Il rêva de foie gras, de volaille, de madère, de bon vin.
14:36Il fit des cauchemars.
14:39Il se mit à crier.
14:41Je t'aurai, je te punirai, je te ferai payer ce que tu m'as fait.
14:44Tu le regretteras, tu verras.
14:46Attends seulement que je sorte de là.
14:47Je t'apprendrai, moi.
14:48Tu le regretteras.
14:49Bon, d'accord, c'est vrai.
14:51J'ai emprunté cet argent, d'accord.
14:53Je l'ai pris, je l'ai volé, je l'admets.
14:55Je suis un voleur.
14:56J'avoue tout.
14:57Je suis un voleur.
14:58Annick, Annick, comment peux-tu être si cruel ?
15:01Ouvre-moi, s'il te plaît.
15:02Ouvre-moi.
15:03Je ne veux pas mourir.
15:04Je ne veux même pas mourir.
15:05Laisse-moi sortir.
15:06T'implore à genoux, s'il te plaît.
15:08Annick, pardonne-moi.
15:09Tu pourras faire tout ce que tu voudras.
15:11Je te donnerai tout ce que tu voudras, mais laisse-moi sortir.
15:14L'argent est à toi, entièrement à toi.
15:17Je ne m'amèlerai plus de l'éducation des enfants, je t'en supplie, Annick.
15:20Ouvre-moi.
15:26À présent, il gisait sur le carrelage de la salle de bain, recroquevillé en chien
15:33de fusil.
15:35Il avait cessé de jurer, de sangloter, d'implorer, de prier.
15:43Le regard vide, il contemplait le mur en battant des paupières de temps à autre.
15:50Soudain, un bruit.
15:54Il tourna la tête et observa la porte.
16:01Elle était entrebâillée.
16:05Il la fixa un moment les yeux vitrus, comme s'il avait du mal à enregistrer ce qu'il
16:10voyait.
16:11Enfin, il déplia son corps maigre avec précaution, comme pour éviter d'effaroucher la porte.
16:20Puis, brusquement, il poussa un cri aigu et trotta à quatre pattes vers le seuil.
16:25Il s'échappa.
16:26Il était libre.
16:29Un peu plus tard, Edmond Favreau se mit péniblement debout.
16:37Il resta quelques secondes immobile, le visage dépourvu de toute expression.
16:42Enfin, il entreprit d'épouster son peignoir avec les mains, lentement, puis de plus en
16:52plus vite.
16:55Armé d'un revolver de calibre 22, Edmond Favreau tenta de tuer son épouse, Annick,
17:02tandis que celle-ci, attablée avec sa soeur Martine dans un restaurant bordelaitre et
17:06huppé, dégustait une délicieuse lamproie.
17:11Edmond Favreau n'était pas rasé et portait pour tout vêtement un peignoir pourpre.
17:16Il parvint à tirer une fois, plus ou moins au jugé.
17:19La balle atteignit un serveur qui, pourtant, avait repéré cet étrange client.
17:23La balle égratigna le bras du dit serveur, faisant voler en éclats une bouteille de
17:28Lafite Rothschild 1975 que le serveur portait sur un plateau.
17:33Des dégustateurs scandalisés se jetèrent sur Edmond Favreau et, dans leur juste indignation,
17:38le désarmèrent sans ménagement.
17:41Quand ils arrivèrent, les policiers secoururent Edmond Favreau et lui signifièrent son arrestation
17:48pour « tentative de meurtre et divers autres délits ».
17:52Edmond Favreau allait passer de nombreuses années derrière les barreaux.
17:58Tandis que la police l'emmenait de force, Favreau cria des insultes et des menaces assorties
18:03de considérations vengeresses sur les salles de bain en général et la sienne en particulier.
18:13Presque au même instant, à des kilomètres de là, Toro Healy, le chef de patrouille des scouts
18:20de Notre-Dame-des-Flots, déclara en secouant la tête.
18:25« Non seulement vous n'êtes pas allé chez Nicolas Cabrel, comme vous aviez promis à vos parents
18:29de le faire, non seulement vous êtes resté tout seul chez vous à faire je ne sais quelle sottise,
18:34mais en plus vous arrivez avec ça !
18:37Ça, campeur, c'est tout simplement une escroquerie ! »
18:41Le chef de patrouille agitait en l'air une petite liasse de chèques bancaires
18:46libellés à l'ordre de Barberousse.
18:49Toro Healy regarda avec sévérité les deux enfants Favreau, chacun arborant allègrement une Barberousse.
18:57« Que va dire votre père, hein ? »
19:01Le chef de patrouille examina de nouveau les chèques.
19:04Il y en avait cinq au total, et la signature qui figurait sur chacun d'eux
19:09ressemblait à s'y méprendre à celle de M. Favreau.
19:14Les sommes indiquées étaient les suivantes.
19:176 francs 50, 11 francs, 8 francs 50, 27 francs et 9 francs.
19:26Le petit garçon protesta avec vigueur.
19:30« Après tout le mal qu'on s'est donné, chef, vous n'allez quand même pas nous dire qu'avec tout cet argent,
19:35on ne pourra pas s'acheter des bonbons à la boutique du camp, enfin tout de même ! »
19:44Vous venez d'écouter Au cœur du crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
19:50Réalisation, Julien Tharaud.
19:52Production, Raphaël Mariat.
19:54Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova et Antoine Reclus.
19:59Promotion, Marie Corpet.
20:02Au cœur du crime est disponible sur le site et l'appli Europe 1.
20:06Écoutez aussi l'épisode suivant en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute.

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