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00:00Bienvenue au Coeur du Crime, un podcast ici des Archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Bonsoir, je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:56Ici, l'année avait vraiment mal commencé.
00:59Toute une série de cambriolages avait, dès le mois de janvier, mis en émoi les commerçants de la ville.
01:06Après avoir volé des bijoux, du matériel vidéo et même des kilos de foie gras,
01:11les malfaiteurs avaient dérobé des revolvers et des munitions chez un armurier.
01:17La police locale, ayant été mise en échec par les cambrioleurs qui étaient remarquablement organisés,
01:23avait ordonné de fréquentes patrouilles nocturnes en ville avec accompagnement de chiens policiers
01:28et, bien que nous n'ayons procédé à aucune arrestation,
01:32cette surveillance avait été efficace puisque les vols avaient cessé, comme par enchantement.
01:39Les commerçants semblaient avoir retrouvé leur calme
01:42et l'un d'eux, Christian Ventoux, un riche joaillier,
01:45était ce soir-là dans sa vaste maison de briocourt en compagnie de sa famille,
01:49Paul Ventoux, son père, âgé de 80 ans, Guylaine, sa femme et Joël, sa fille, âgée de 20 ans.
01:56La magnifique villa des Ventoux est située légèrement en retrait de la route nationale et un peu à l'écart de la ville.
02:03Nous sommes le 24 février, il est 21h30.
02:08Le dîner terminé, les Ventoux sont confortablement installés dans le salon où ils regardent la télévision.
02:16Soudain, la sonnette de la porte d'entrée retentit.
02:19Joël, qui attend son fiancé avec impatience, s'écrit « Ah, voilà Gérard ! »
02:24Légère et souriante, la jeune fille se précipite pour ouvrir la porte.
02:29Deux hommes masqués sont là, menaçants, armés de revolvers.
02:35Cloués sur place, muettes de stupeur, Joël, sous la menace, est poussé violemment vers le salon
02:41où les agresseurs pénètrent en criant « Les mains sur la tête, vite ! »
02:46Guylaine et Christian Ventoux ont tout de suite compris qu'il fallait obéir sans discuter.
02:52Et terrorisés, ils mettent les mains sur la tête comme leur fille Joël.
02:57Mais Paul Ventoux, le père, qui est vieux, sourd et qui ne voit plus très clair,
03:03s'était assoupi dans son fauteuil après le dîner, comme tous les soirs.
03:07Surpris par ces étranges visiteurs qu'il ne connaît pas et qui ont interrompu sa douce rêverie,
03:12il se lève et veut demander des explications.
03:15« J'ai dit les mains sur la tête ! » hurle l'un des malfaiteurs.
03:20Le vieux M. Ventoux n'entend toujours pas et se dirige vers l'homme masqué.
03:26Sans hésiter, celui-ci la bat froidement d'une balle dans la poitrine.
03:31M. Ventoux s'écroule lourdement sur le plancher et ne bouge plus.
03:36Ces enfants, atterrés, ne peuvent rien faire. Ils sont tenus en respect par le tueur.
03:42Pendant ce temps, l'autre bandit leur lit les mains derrière le dos
03:45avec des cordelettes qu'il a sorties de la poche de son blouson.
03:49Puis, s'approchant de la jeune fille Joël, il braque son revolver sur sa tempe
03:53et se tourne vers Christian Ventoux.
03:55« Dis-moi où sont planqués l'argent et les bijoux, sinon je tue ta fille ! »
03:59Sans hésitation, le joaillier répond.
04:01« Ils sont dans le coffre. Et où il est, ce coffre ? »
04:04« Derrière le tableau, qui est là, au mur. »
04:07« Et il y a un code ? »
04:08« Oui, oui, oui. GJV 1326. »
04:15Après avoir fait main basse sur le contenu du coffre, argent, titre, bijoux,
04:21les deux malfaiteurs s'enfuient rapidement.
04:24L'opération a duré à peine vingt minutes.
04:29C'est Joël Ventoux qui parvient à se détacher la première
04:32et qui tente de téléphoner pour appeler au secours.
04:35Mais l'appareil ne fonctionne pas.
04:37Les bandits ont dû couper le fil du téléphone
04:40et la jeune fille est obligée de courir chez le voisin le plus proche
04:43pour appeler la gendarmerie et un médecin pour son grand-père.
04:48Vers 22h30, j'arrive sur les lieux du drame avec deux de mes hommes.
04:54Le médecin qui vient d'arriver ne peut que constater le décès de M. Paul Ventoux.
04:59La balle est apparemment logée dans le cœur.
05:01La mort a été instantanée.
05:03Le vieil homme n'a pas souffert.
05:06Le chef Beauvais, technicien des investigations criminelles,
05:09ne trouve aucune trace du passage des malfaiteurs
05:12à part les cordelettes qui ont servi à lier les mains
05:15de Christian, Guylaine et Joël Ventoux.
05:19À 22h45, le maître chien Perez arrive avec Basso,
05:23le chien policier de la brigade d'Andelot,
05:25qui est immédiatement mis en piste.
05:29Nous prévenons, bien sûr, les brigades voisines
05:31auxquelles nous transmettons le signalement des malfaiteurs
05:34tel que la famille Ventoux nous l'a donné,
05:36c'est-à-dire deux hommes, jeunes, entre 25-35 ans,
05:39plutôt minces et vêtus de treillis américains de couleur kaki.
05:43Le plus petit, mesurant environ 1m65,
05:46avec des cheveux très blonds, plaqués en arrière,
05:49et des yeux bleus, des yeux très bleus.
05:53Christian Ventoux, encore sous le choc de la mort brutale de son père,
05:57nous a fait une description précise de ces individus
06:00et il ajoute « les plus jeunes, ma femme et moi,
06:03on a l'impression de l'avoir déjà vu quelque part,
06:05mais c'est peut-être aussi pour cela qu'ils étaient masqués, n'est-ce pas ? »
06:10Basso, le chien policier auquel on a fait renifler la housse
06:13d'un fauteuil sur lequel s'est appuyé l'un des malfaiteurs,
06:16conduit son maître au pied d'un poteau électrique
06:19placé en bordure de la route.
06:21En examinant ce poteau, nous constatons que les fils
06:24desservant la maison Ventoux ont été sectionnés au point de relais.
06:29Sur la route goudronnée, le chien, hélas,
06:31perd la piste et ne peut aller plus loin.
06:35La coupure téléphonique ainsi réalisée
06:37semble être l'œuvre d'un technicien.
06:41Une enquête discrète, menée auprès du personnel des télécoms,
06:44mettra hors de cause tous les techniciens de la ville.
06:50Le 25 février, lendemain du drame,
06:54je m'rends sur place avec le commandant de compagnie Fernell
06:57et je me mets en liaison avec les magistrats du parquet
07:01et le commissaire de la police judiciaire
07:03chargé de la suite de l'enquête.
07:06L'autopsie du corps de la victime,
07:08M. Paul Ventoux, confirme le premier diagnostic.
07:13La balle retrouvée dans le cœur
07:15est une balle de calibre 5,5 mm.
07:18Je fais aussitôt le rapprochement avec le vol
07:20commis chez l'armurier de Chaumont au mois de janvier.
07:24Je me rends dans sa boutique et je me fais remettre
07:26la boîte ayant contenu une des armes volées
07:29et dans laquelle se trouve le dessin du revolver.
07:33L'armurier me précise que l'un des revolvers est noir
07:36et l'autre de couleur aluminium.
07:41Le 27 février ont lieu les obsèques de M. Paul Ventoux.
07:46À l'issue de la cérémonie,
07:48Joël Ventoux, très bouleversé par la mort de son grand-père,
07:52vient me trouver et m'affirme que parmi l'assistance venue nombreuses
07:55à lui la mémoire du vieux joaillier,
07:57elle a cru reconnaître l'un des deux agresseurs
07:59en la personne d'un proche voisin, Jacques Chastenet.
08:03Immédiatement appréhendé et conduit à la brigade,
08:06celui-ci nie de toutes ses forces.
08:08Il n'est ni un cambrioleur, ni un assassin.
08:11C'est un simple paysan vivant de peu,
08:13mais d'une honnêteté sans faille.
08:15D'ailleurs, il a un alibi qui le disculpe totalement.
08:18En effet, le soir du drame, il était invité chez le curé du village
08:21avec plusieurs paroissiens qui pourront témoigner en sa faveur.
08:27Joël Ventoux reconnaît qu'elle s'est trompée
08:29et se confond en excuse auprès de son voisin,
08:31qui a tout de même passé un moment fort désagréable.
08:37Les membres de la famille Ventoux,
08:39à qui je montre le dessin du revolver ramené de chez l'armurier,
08:42reconnaissent formellement les armes dont se servaient les assassins.
08:46Voilà un point d'acquis.
08:49De plus, je ne sais pourquoi je suis convaincu
08:52que les malfaiteurs se cachent dans la région,
08:54et peut-être même à Chaumont.
08:56En collaboration avec la police locale,
09:00je décide de faire vérifier toute la population flottante,
09:03c'est-à-dire les gens habitant en hôtel ou en garnie.
09:07Nous sommes le 2 mars,
09:09et nous n'avons toujours pas découvert les criminels.
09:12De nombreuses vérifications de petits blonds aux yeux bleus
09:16sont effectuées tant par la PJ que par les brigades de gendarmerie.
09:20Hélas, toujours sans résultat.
09:23Malgré tous nos efforts, les contrôles de toutes sortes,
09:26les recherches les plus approfondies,
09:28une collaboration étroite avec la police judiciaire,
09:31nous n'avons aucune piste, aucun suspect à l'horizon.
09:37Le découragement commence à s'emparer de mes hommes,
09:40quand, le 3 mars, je reçois une lettre anonyme.
09:45Commandant, je connais les assassins du vieux Ventoux.
09:50Il s'agit de Serge Barrère et de Philippe Vellaire,
09:54demeurent en 3 rue de la Harpe, à Chaumont.
09:57Vous trouverez chez eux des cordelettes,
10:00comme celles avec lesquelles, je l'ai lues dans les journaux,
10:04ils ont ligoté leurs victimes.
10:07Je ne signe pas pour pas avoir d'ennuis.
10:12Cette lettre anonyme allait-elle enfin me mettre sur la voie ?
10:19C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
10:25Un bijoutier joaillier de Chaumont et sa famille
10:29ont été attaqués à leur domicile par deux bandits masqués et armés
10:33qui ont froidement abattu M. Paul Ventoux, 80 ans,
10:37le père du joaillier.
10:39Puis, ayant ligoté Christian Ventoux,
10:42sa femme Guylaine et leur fille Jeanine,
10:45il s'est rendu compte qu'il n'y avait plus qu'une seule victime.
10:50Et puis, ayant ligoté Christian Ventoux,
10:53sa femme Guylaine et leur fille Joël,
10:55les malfaiteurs, menaçant de tuer la jeune fille,
10:58ont obligé le commerçant à donner le code de son coffre-fort.
11:02En portant de l'argent, des titres, des bijoux,
11:06les malfaiteurs se sont enfuis sans laisser aucune trace.
11:15Une semaine plus tard,
11:17en collaboration avec l'APJ,
11:19interrogé à une centaine d'hommes jeunes,
11:21blonds, aux yeux bleus,
11:23correspondant au signalement de l'un des bandits,
11:26tout cela en vain.
11:28Je reçois une lettre anonyme dénonçant deux hommes,
11:31Serge Barrère et Philippe Vellaire.
11:34Tous deux sont des marginaux assez pur commandables,
11:37connus de nos services jusque-là,
11:39pour de menus larcins,
11:41mais qui sont peut-être passés à la vitesse supérieure.
11:45Escorté de trois de mes hommes,
11:47je me rends donc à l'adresse indiquée
11:49par notre mystérieux collaborateur.
11:53Tout en haut d'un immeuble sordide et sans ascenseur,
11:58dans une chambre minuscule et sale,
12:01Serge Barrère gît sur son grabat.
12:05Pas rasé, l'œil morne, l'haleine fétide.
12:10Il semblait nous attendre.
12:13Ah, commandant, quel bonheur vous amène.
12:18Serge Barrère, où étiez-vous le 24 février dernier au soir ?
12:23Ah, c'est donc de façon de réveiller les gens, commandant.
12:28Comment vous voulez que je sache où j'étais le 24 février ?
12:32Je sais même pas quel jour on est aujourd'hui, là.
12:34Ah, j'ai tout de même un point de repère, hein.
12:38Je suis tous les soirs en bistrot à partir d'huit heures.
12:41Alors, quelle que soit la date, je...
12:44Allez voir Pépito au bar des Amis.
12:48Il vous dira que j'étais là, comme tous les soirs.
12:52M. Barrère, il paraît que vous possédez des cordelettes
12:56comme celles que nous avons trouvées chez M. Ventoux,
12:59le joaillier assassiné.
13:01Ah, servez-vous, mon commandant, tout ce que j'ai, là.
13:05Dans la boîte, la faites comme chez vous.
13:08Et Serge Barrère me montre une caisse remplie d'objets hétéroclites,
13:13parmi lesquels des cordelettes,
13:15ressemblant étrangement à celles utilisées par les bandits
13:19pour lier les mains de la famille Ventoux.
13:22Qu'est-ce que c'est que ça, M. Barrère ?
13:25Ah, commandant, des cordelettes comme celles-là,
13:28on en trouve partout, dans les surplus américains, dans les drogueries.
13:32Vous allez pas m'arrêter pour ça, tout de même, hein.
13:35Franchement, soyons sérieux, commandant.
13:40Vérification faite, les cordelettes sont de fabrication américaine
13:44et de nombreux commerçants en vente dans la région.
13:48De plus, Barrère et Weller ont des alibis indiscutables
13:53pour la soirée et la nuit du 24 février.
13:57Malgré ces nouvelles peu encourageantes,
14:00les recherches se poursuivent inlassablement
14:03dans leur collaboration étroite et amicale avec la PJ.
14:07Le 8 mars, vers midi, un de mes hommes, le chef Lacaze,
14:11passe chez Georgette, un restaurant de chaumont.
14:14Là, il rencontre un certain Édouard Bordier,
14:18qui est entrepreneur dans le bâtiment.
14:20Édouard Bordier est un bon client de chez Georgette.
14:24Il en est à son sixième pastissé, ce n'est qu'un début.
14:28Ce jour-là, il est en veine de confidence.
14:31Ah, vous avez une bonne tête pour un gendarme, chef.
14:34Comme je suis dans Saint-Bonjour, je vous fais avoir de l'avancement, moi.
14:38Voilà, je connais les assassins de Paul Ventoux.
14:41J'avais des doutes, mais aujourd'hui, je n'ai la certitude.
14:45Ce sont les frères Zilinskis.
14:48Je les ai employés comme ouvriers charpentiers.
14:50Dès l'un d'eux, il a quitté la ville.
14:52Peu de temps avant l'assassinat du père Ventoux,
14:55j'avais remarqué que les cordelettes avaient disparu de chez moi.
14:59Je suis sûr que c'est eux qui ont fait le coup, en plus.
15:02Chef, ils correspondent parfaitement au signalement des bandits.
15:06Signalement que chez lui, dans les journaux, comme tout le monde,
15:09les cheveux jadins clairs, les yeux bleus,
15:12ils portent des blousons américains de couleur khaki.
15:15C'est eux, je vous dis.
15:17Celui qui l'est parti, là, c'est Antoine,
15:19mais celui qui l'est resté, c'est Charles Zilinski.
15:23Si vous voulez le coincer, chef,
15:25il déjeune tous les jours au Café des Sports, tout près d'ici.
15:28À cette heure-ci, vous pouvez les cueillir tranquillement,
15:30sans faire de vagues, et c'est bon pour l'avancement, ça, hein, chef ?
15:33Allez, Georgette, c'est ma tournée.
15:35Allez, remettez ça.
15:39Le chef Lacaze décide de ne pas perdre de temps.
15:42Sans prévenir qui que ce soit,
15:44il va accompagner par le gendarme auxiliaire Yves Matté
15:48au Café des Sports.
15:51Charles Zilinski est là,
15:54plébrec nature, avec son treillis américain,
15:57ses cheveux blonds et ses yeux bleus lavandes.
16:02Le chef Lacaze s'approche de lui,
16:04parlemente avec lui,
16:06et, au lieu de l'emmener directement à la brigade pour qu'on l'interroge,
16:10il prend l'initiative d'aller au domicile de Zilinski.
16:15Il fait monter le suspect dans la voiture,
16:18conduite par le gendarme auxiliaire Yves Matté,
16:21qui, venant de se déséquiper, n'est pas armé.
16:26Arrivé à la maison de Zilinski,
16:29le chef Lacaze fait passer l'homme devant lui.
16:32Le jeune gendarme Matté fermant la marche.
16:37La chambre est dans l'obscurité.
16:41Le chef Lacaze demande de la lumière.
16:44Charles Zilinski répond qu'il va chercher une bougie
16:47et, à la lueur de leur briquet,
16:49les deux gendarmes le voient prendre dans un placard
16:52un objet enroulé dans un linge.
16:55C'est à ce moment précis que le gendarme auxiliaire Matté,
16:58qui est resté sur le pas de la porte,
17:00s'aperçoit que l'électricité est branchée.
17:02Mais il est trop tard.
17:04Zilinski s'est retourné vivement et tire trois coups de feu.
17:08Le chef Lacaze s'écroule pendant que Yves Matté
17:11se jette sur le tueur pour lui prendre son arme.
17:13Celui-ci résiste et les deux hommes roulent dans l'escalier.
17:16Une lutte farouche s'engage alors au bas de l'escalier
17:19et, malgré le courage du gendarme auxiliaire Matté,
17:22Charles Zilinski réussit à prendre la fuite.
17:27Quand le jeune gendarme remonte dans la chambre,
17:30le chef Lacaze a cessé de vivre.
17:37Dans la maison de Zilinski où je me rends
17:39dès que j'apprends la triste nouvelle,
17:41on trouve de l'argent, des titres, des bijoux,
17:44tout ce qui a été volé ou presque chez les Ventoux.
17:47Avec, en plus, tout un attirail de cambrioleurs
17:51et des masques en étoffe noire.
17:53Et des armes.
17:57Il n'y a plus aucun doute.
17:59Charles Zilinski est bien l'un des auteurs du meurtre
18:02de M. Paul Ventoux.
18:05Immédiatement, je préviens le commandant de compagnie Fernell
18:08qui fait aussitôt mettre en place des barrages
18:10et se charge d'informer les autorités
18:12et les services intéressés.
18:16L'assassin n'a pas laissé de traces,
18:18mais il ne peut pas être bien loin.
18:21Je fais le serment de le retrouver.
18:23Et vite.
18:25Je n'oublie pas, je n'oublierai jamais
18:27qu'il a tué froidement l'un des nôtres.
18:32Le chef Lacaze était mon ami.
18:34Il avait une femme, des enfants,
18:36et c'est à eux que je pense à cet instant précis.
18:42Tous les jardins environnants,
18:44les chantiers en construction sont visités sans résultat.
18:47À Chaumont, des patrouilles de police sillonnent les rues.
18:50Les recherches s'étendent à toutes les routes
18:52rayonnant autour de la ville
18:54et se poursuivent toute la nuit.
18:57En vain.
18:59D'autre part, le signalement de Charles et Antoine Zilinski
19:02a été transmis à la gendarmerie de Chevillon.
19:05Des documents, en effet, trouvés dans la maison,
19:08nous ont permis d'établir qu'Antoine Zilinski
19:10pourrait s'être installé dans cette petite ville.
19:14Et soudain, les événements se précipitent.
19:17Un message de la brigade de Loinville nous apprend
19:19qu'Antoine Zilinski, trouvé en possession
19:21de deux revolvers et d'une somme d'argent importante,
19:24a été arrêté à Chevillon.
19:26Il a avoué, sans trop de difficulté,
19:29sa participation à l'agression
19:31dont les Ventoux ont été les victimes.
19:34Apparemment, Antoine Zilinski
19:37est moins coriace que son frère Charles.
19:41Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.
19:44Je retrouverai l'assassin du chef Lacaze
19:47et de M. Paul Ventoux.
19:50Le 10 mars, vers 14h30,
19:52on nous signale, près de la forêt de Matonce,
19:55un individu suspect qui correspond
19:57au signalement de l'homme que nous recherchons.
20:00Aussitôt, quatre gendarmes de la brigade de Doullevent
20:03sont envoyés sur place, mais l'homme prend la fuite.
20:06Les gendarmes se lancent à sa poursuite
20:08et, après sommation, tirent sur lui plusieurs rafales,
20:11sans l'atteindre.
20:13À 16h, je suis à Matonce avec mes hommes.
20:16Une battue est organisée dans tout le secteur
20:18entre Matonce, Dommemartin et Gains-de-Recours.
20:22Je sais que Charles Zilinski est là.
20:25Il n'a pas pu aller plus loin.
20:28Non seulement mes hommes sont mobilisés,
20:30mais aussi ceux des brigades de Loinville,
20:32de Doullevent et d'autres des alentours.
20:35Même la population s'est mobilisée.
20:37Une véritable chasse à l'homme s'organise.
20:41Le fuyeur est vraisemblablement
20:43dans les environs de Saint-Sévis.
20:46La nuit tombe.
20:47Toutes les routes sont gardées.
20:49L'ensemble du dispositif est en place.
20:52L'homme est cerné de toutes parts.
20:55La battue sera reprise demain matin.
20:58En attendant, chacun veille.
21:02Il est 22 heures.
21:05Fatigué, tenaillé par la faim,
21:07Charles Zilinski, comme une bête aux abois,
21:10ne sait plus où aller.
21:12Il finit par descendre avec d'infinies précautions
21:14au hameau de Cizeron ou sur mes instructions.
21:18Les maisons sont grandes ouvertes
21:20et les lumières allumées.
21:23Les habitants sont prévenus
21:24qu'un poste est installé au village
21:26où ils peuvent nous prévenir en cas d'alerte.
21:30Charles Zilinski entre dans la maison de Lucien Jaquet
21:33qui n'est pas là pour la bonne raison
21:35qu'il participe activement à la chasse à l'homme.
21:39Mais Micheline Jaquet, sa femme et sa sœur Monique
21:42sont dans la cuisine.
21:44Soudain, un homme armé d'un revolver
21:46fait irruption et pointe son arme
21:47en direction des deux femmes.
21:49« Donnez-moi à manger, vite, et à boire ! »
21:53Les jeunes femmes s'exécutent.
21:55En quelques secondes,
21:56Charles Zilinski a devant lui
21:58jambon, pâté, pain, fromage, vin,
22:00tout ce qui leur tombe sous la main.
22:03Monique fait un pas vers la porte.
22:04Zilinski saisit son arme
22:05qu'il avait posée sur la table.
22:06« Ne bouge surtout pas ou je tire ! »
22:10Terrorisés, les deux jeunes femmes
22:11se serrent l'une contre l'autre
22:12pendant que l'homme avale goulûment
22:13ce repas improvisé.
22:17Tout à coup, on entend des cris d'enfants.
22:19Zilinski saisit son arme.
22:20« Qu'est-ce que c'est, ça ? »
22:23Micheline répond d'une voix tremblante.
22:25« C'est ma fille, Cécile, qui fait un cauchemar.
22:28Elle a trois ans.
22:29Elle est toute seule dans l'autre aile de la maison.
22:32Laissez-moi aller la calmer,
22:33sinon elle va réveiller tout le village
22:35et les gens viendront.
22:36Vous comprenez ? »
22:38« Dépêche-toi !
22:39Et surtout, fais la terre, hein ! »
22:42Micheline sort,
22:43et au lieu d'aller voir sa fille,
22:45elle court à toutes jambes jusqu'au poste
22:47où je me trouve avec les gendarmes
22:48Bolon et Germain.
22:51Immédiatement, mes hommes et moi
22:53allons nous embusquer
22:54à la maison des Jaquets.
22:56Mais Zilinski, qui s'est rendu compte
22:57que Micheline l'avait bernée,
22:59est sorti à son tour,
23:00s'est rendu dans l'aile droite
23:02et a pris sous son bras la petite Cécile
23:04qui pleure de plus belle.
23:07Charles Zilinski porte l'enfant
23:08sous son bras gauche,
23:10et dans sa main droite,
23:11il tient fermement son revolver.
23:14Il sort dans la rue et crie.
23:17« Si je vois un seul gendarme,
23:19je tue la gosse.
23:20N'oubliez pas que j'ai rien à perdre
23:22et que j'hésiterai pas à tirer.
23:24Que personne se mette en travers de mon chemin,
23:26sinon elle est morte ! »
23:30Protégé par l'obscurité,
23:31je me glisse derrière lui,
23:34mon revolver bien en main.
23:37Zilinski ne m'a pas vu.
23:39Il s'enfonce dans la nuit,
23:41je le suis comme son ombre.
23:44Ne pas penser,
23:46ne pas réfléchir, viser juste.
23:49Je vise l'épaule droite
23:50puisqu'il porte l'enfant du côté gauche.
23:52Je tire.
23:53Zilinski lâche la fuyette
23:54qui tombe à terre
23:55et se met à hurler encore plus fort.
23:57Bien que blessé,
23:58le tueur prend la fuite dans la nuit.
24:00Je le poursuis en tirant à nouveau
24:01dans sa direction.
24:02Soudain,
24:04j'entends le bruit d'un corps
24:05qui s'écroule dans l'herbe.
24:08Je m'approche avec précaution.
24:12Charles Zilinski est là,
24:14étendu sur le dos,
24:15les yeux grands ouverts.
24:18Je me penche vers lui.
24:22Il répond à mes questions.
24:25Il avoue,
24:27dans un sourire,
24:29avoir tué Paul Ventoux
24:31et le chef Lacaze.
24:33Il avoue,
24:34toujours en souriant,
24:36avoir participé à plusieurs cambriolages,
24:38dont celui de l'armurerie de Chaumont,
24:40et il ajoute
24:43« Je ne regrette rien.
24:45J'ai bien vécu.
24:47C'était l'aventure, quoi.
24:51Et puis, je hais cette société
24:54qui m'a fait ce que je suis
24:56et qui m'a repoussé.
24:58Cette société qui ne mérite pas qu'on la respecte.
25:02Et salut, commandant.
25:04Rendez-vous en enfer. »
25:14Charles Zilinski m'aura le lendemain matin
25:16des suites de ses blessures.
25:18Son aventure était terminée.
25:32Quant à cette société qu'il haïssait tant
25:35et dont il se disait issu et victime,
25:39elle ne produisait pas, grâce à Dieu,
25:41que des individus de son acabie.
25:44Elle générait aussi et surtout des braves gens.
25:47Et parmi ces braves gens,
25:49c'est la même qui, dorénavant,
25:51prendrait en charge les enfants du chef Lacaze,
25:54tombé au champ d'honneur victime de son devoir et de son courage.
25:58Mort pour que d'autres puissent vivre en paix.

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