Tension autour des exonérations de charges des entreprise, vote au Sénat d'une "contribution de solidarité", abrogation de la réforme retraites, accord sur le chômage et l'emploi des seniors, succession de plans sociaux, crainte d'une perte de compétitivité française sur la scène internationale... Regardez l'interview de Patrick Martin, président national du Medef.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 22 novembre 2024.
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00:00Et tout de suite, l'invité de RTL Matin, Thomas vous recevez aujourd'hui, le patron des patrons, Patrick Martin, le président du MEDEF.
00:08Bonjour et bienvenue sur RTL Patrick Martin.
00:10Bonjour.
00:11Dites-moi, quand vous ouvrez l'oeil le matin, vous pensez plutôt au ministre de l'économie, Antoine Armand, qui dit attention à l'impôt de trop,
00:16quand il parle de la réduction des allègements de cotisations patronales, ou au Premier Ministre Michel Barnier qui maintient son cap
00:22et fait savoir qu'il refuse de tomber dans toutes ces polémiques stériles ?
00:26Écoutez, je m'interdis de penser à tous ces débats, pour ne pas dire à toutes ces polémiques purement politiques.
00:32Moi, je pense surtout à la situation de l'économie, à la situation de mes 200 000 adhérents,
00:36qui pour la plupart d'entre eux, maintenant, sont quand même un peu soucieux.
00:39Alors, il y a le côté, effectivement, symphonie dissonante, mais il y a quand même deux directions de fond qui ne sont pas les mêmes.
00:45Entre celui qui ne veut pas toucher aux aides, et celui qui dit, maintenant, il faut faire des économies.
00:50Non, je crois qu'il y a un diagnostic partagé, d'ailleurs, je partage moi-même, sur l'état critique des finances publiques.
00:55Après, il y a des remèdes qui sont proposés, qui, effectivement, ne sont pas tout à fait les mêmes.
00:58Évidemment, nous, on pense qu'il faut prendre garde à ne pas alourdir le coût du travail,
01:03à ne pas alourdir la fiscalité, parce que c'est le meilleur moyen de ralentir encore l'activité,
01:07et donc de faire baisser les rentrées fiscales et sociales.
01:10Mais vous avez l'impression, vous, que le gouvernement va matraquer les entreprises,
01:13pour reprendre les mots, là encore, plutôt étonnants, vu sa fonction du ministre de l'économie, Antoine Armand ?
01:17Oui, écoutez, les chiffres sont là.
01:20Si, comme le prévoit, en l'état, le projet de loi de finances et de la sécurité sociale,
01:25les entreprises supportent 8 à 9 milliards d'euros de coût du travail de plus,
01:29pour imager les choses, c'est l'équivalent de 350 000 emplois.
01:33Donc, il faut être très, très attentif à ça.
01:35Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ça coûtera 350 000 emplois, l'économie française ?
01:38Oui, ça veut dire que les entreprises ne pourront pas recruter, pour certaines d'entre elles, devront licencier,
01:42et de toute façon, ne pourront pas augmenter les salaires.
01:44Donc, au même moment où le marché de l'emploi se retourne.
01:48Donc, je pense que le législateur et nos gouvernants devraient, quand même, faire attention à ça.
01:53Vous allez accueillir, ce matin, après cette interview, Michel Barnier et Antoine Armand, ensemble.
01:57Il n'y a pas un dispositif de sécurité particulier pour les séparer, a priori ?
02:01Pas plus que d'habitude.
02:02Non, mais qu'est-ce que vous allez leur dire ?
02:03Vous allez leur dire, les gars, on n'y arrive plus, vous nous mettez en danger ?
02:06Non, parce qu'ils nous font l'honneur de nous rejoindre dans le cadre d'un sommet trilatéral
02:10entre les patronats allemands, italiens et français.
02:13Donc, le Medef contient depuis hier, avec qui il y a en particulier l'intervention
02:16de la présidente du Parlement européen.
02:18Et nous, ce dont on veut leur parler, ce qu'on veut entendre, c'est comment l'Europe va évoluer.
02:22Parce que la France dans l'Europe, ça n'existe pas.
02:24Donc, nous, on veut une Europe puissante, comme on veut une France puissante.
02:27Et d'abord, il faut qu'on ait un budget qui tienne la route.
02:29Quelle est la jauge acceptable d'efforts pour vous, pour les entreprises ?
02:33Alors, c'est très difficile de donner un chiffre.
02:35Il faut un moment, parce que là, c'est ce qu'ils calculent.
02:37Il faut faire 60 milliards d'économies au total.
02:39Non, mais il y a eu une confusion, un malentendu entre nous.
02:42Puisqu'au départ, nous, on avait compris qu'il y avait des mesures ciblées et temporaires.
02:46Et qu'à raison d'un tiers au maximum, elles porteraient ces mesures douloureuses
02:50sur les contribuables et singulièrement sur les entreprises.
02:52La réalité des choses, c'est que c'est au moins deux tiers d'efforts pour les entreprises.
02:56Et que dans le package, il y a une part très importante de mesures durables.
03:00Notamment sur les charges sociales.
03:02Moi, mon combat principal, c'est qu'on ait zéro augmentation du coût du travail.
03:07Notamment sur les charges sociales.
03:09Donc pour dire les choses clairement...
03:11Donc c'est 4 à 5 milliards de moins.
03:13Zéro augmentation du coût du travail, vous ne voulez pas qu'on touche aux allègements de charges sociales ?
03:17Mais bien sûr, parce qu'il y a beaucoup de confusion dans ce débat.
03:19On dit qu'il y a des cadeaux aux entreprises.
03:21Ça n'enlève rien au fait que le coût du travail en France est le plus élevé d'Europe
03:25et un des plus élevés au monde.
03:27Donc si on veut être compétitif, performant, redresser notre balance commerciale
03:29et créer des emplois, il faut qu'on ait un coût du travail compétitif.
03:32Ça, c'est le premier combat.
03:34Le deuxième combat, c'est que les grandes entreprises, dont la mienne,
03:36qui est une entreprise de taille intermédiaire,
03:39vont supporter sur 2 ans 12 milliards d'euros d'impôts sur les sociétés de plus.
03:44Mais il ne faut pas rêver, c'est autant d'investissements qu'on ne fera pas.
03:47C'est autant de trésors riches qui vont se dégrader.
03:50Et donc au moment où la croissance ralentit
03:52et surtout où la compétition internationale va se durcir encore
03:55avec les Etats-Unis au premier chef,
03:57c'est un peu, comment dire, à contresens.
03:59Le risque, c'est quoi ?
04:01C'est que ça soit moins confortable pour les entreprises
04:03ou c'est de tuer l'économie, pour dire les choses clairement ?
04:05Parce qu'on a l'impression que tout le monde tourne autour du pot.
04:07Avec les milliards, nous, on n'y comprend plus rien.
04:09C'est quoi le risque aujourd'hui ?
04:11Le risque, c'est que nos décideurs politiques
04:13n'aient pas suffisamment conscience
04:15de la fragilité de la situation
04:17et prennent donc des mesures qui vont aggraver cette situation
04:19là où au contraire, il faudrait doper l'économie.
04:21Mais alors il faut faire quoi ?
04:23Il ne vous a pas échappé qu'on a un déficit budgétaire monstrueux
04:25qu'on va essayer de ramener à 5% l'année prochaine ?
04:27Le gouvernement ne peut pas ne rien faire ?
04:29Mais j'ai commencé par là,
04:31en disant qu'on était tous parfaitement conscients.
04:33Enfin tous, malheureusement pas tous.
04:35Le MEDEF est bien conscient de la situation des finances publiques.
04:37Mais enfin,
04:39il n'y a pas besoin d'aller au bout du monde pour trouver des pays
04:41au sein de l'Union Européenne qui ont fait des efforts
04:43de réduction des dépenses publiques
04:45sans se mettre à feu et à sang,
04:47sans que la population soit dans la rue.
04:49Je pense en particulier au Portugal où ça a été fait
04:51avec beaucoup de détermination, courageusement.
04:53Maintenant le Portugal a une croissance bien supérieure à la nôtre,
04:55un taux d'emploi qui commence à être intéressant,
04:57des finances publiques équilibrées.
04:59Mais je peux parler de l'Espagne aussi.
05:01Et ça s'est fait sous des gouvernements de droite comme de gauche.
05:04Donc il y a une espèce d'interdit
05:06dans l'imaginaire de nos politiques
05:08sur la réduction de la dépense publique.
05:10Pas tout à fait parce que Michel Barrier dans son plan il veut faire
05:12deux tiers de réduction des dépenses publiques et un tiers d'impôt supplémentaire.
05:14C'est ce que j'ai dit tout à l'heure,
05:16ça n'est pas le cas. Alors on a tel ou tel ministre
05:18je dirais courageux,
05:20je pense au ministre de la fonction publique par exemple,
05:22mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin,
05:24beaucoup plus loin, beaucoup plus vite.
05:26Et les autres ont réussi à le faire.
05:28Les pays dont je parle, mais c'est vrai d'autres,
05:30c'est vrai du Danemark, ont réussi à baisser
05:32leurs dépenses publiques de 10 points
05:34de produits intérieurs bruts en quelques années.
05:36En France, ça ferait quoi ?
05:38300 milliards d'euros de dépenses
05:40publiques de moins. Donc, d'impôts
05:42de moins et de rétablissement des finances publiques.
05:44On sait que les entrepreneurs ont besoin
05:46de stabilité. Et c'est d'ailleurs ce qui a été mis au crédit
05:48d'Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir,
05:50notamment en matière de fiscalité. Là
05:52aujourd'hui, vous avez l'impression qu'il y a un cap, tout ça,
05:54ça fait une polémique ou c'est Rémi Bricoletout
05:56qui met des rustines là où il peut ?
05:58Je ne connaissais pas Rémi Bricoletout.
06:00Non, voilà.
06:02Alors, à la décharge du Premier ministre,
06:04tout ça se fait dans l'urgence, dans un panorama politique.
06:06Mais est-ce qu'il y a un cap ? C'est important, oui c'est l'urgence,
06:08oui c'est compliqué, mais est-ce qu'il y a un cap ?
06:10Moi, je ne vois pas de cap. Et nous, on est demandeurs
06:12d'un cap, effectivement. Alors, le Premier ministre
06:14a réuni ses ministres en séminaire,
06:16il va annoncer dans les prochaines semaines
06:1850 mesures, je crois, pour précisément
06:20dessiner une trajectoire.
06:22Mais nous, on est un peu dans l'urgence,
06:24parce qu'il y a quand même des dépôts de bilan qui augmentent,
06:26il y a un marché de l'emploi, je l'ai dit, qui se retourne,
06:28il y a des trésoreries qui se tendent.
06:30Alors, je ne veux pas être catastrophiste.
06:32On est à la veille d'une explosion du chômage ou pas ?
06:34Ce matin, dans les échos, la ministre du Travail dit
06:36il y a des tensions, mais il n'y a pas de retournement
06:38du marché du travail. Vous êtes d'accord avec ça,
06:40ou vous êtes moins optimiste ? Non, il y a des situations
06:42sectorielles qui deviennent, pour la plupart, assez
06:44tendues. Le bâtiment, c'est absolument
06:46critique, l'automobile, c'est critique,
06:48la chimie, c'est critique. Donc,
06:50oui, il y a quelques centaines de milliers
06:52de destructions d'emplois qui pourraient se produire.
06:54Un raison de plus pour ne pas... Quelques centaines de milliers ?
06:56Oui, bien sûr. Vous dites
06:58davantage que ce que disait Sophie Binet
07:00de la CGT, il y a quelques jours. Non, mais écoutez,
07:02y compris avec l'économie sociale et solidaire,
07:04on a commis, il y a quelques semaines, à communiquer
07:06démontrant que
07:08si les allègements de charges étaient
07:10enregniés à hauteur de 4 à 5 milliards,
07:12ça occasionnerait, simplement pour l'économie sociale
07:14et solidaire, ce ne sont pas les capitalistes
07:16du MEDEF, simplement pour l'économie sociale
07:18et solidaire, 186 000
07:20destructions d'emplois. Donc, voilà.
07:22J'ai deux petites questions très concrètes. Le Sénat
07:24a voté l'instauration de 7 heures de travail supplémentaire
07:26sans rémunération. Autrement dit, une deuxième journée
07:28de solidarité qui ne dit pas son nom. Vous y êtes favorables ou pas ?
07:30Mais nous, on est favorables. On n'est même pas
07:32favorables. Il est impératif qu'on travaille plus
07:34dans ce pays parce qu'on n'a pas la performance
07:36en termes de pouvoir d'achat, en termes d'équilibre
07:38de... Dans quelle proportion ? Il faut qu'on passe des 35 heures
07:40aux 40 heures ? Déjà, commençons par les 7 heures
07:42sous une forme ou sous une autre, en laissant
07:44aux partenaires sociaux, qui travaillent
07:46très bien, j'espère qu'on y reviendra,
07:48on a signé deux accords formidables
07:50la semaine dernière, aux partenaires sociaux dans les branches
07:52dans les entreprises, le soin d'organiser ça.
07:54Des accords notamment sur l'assurance chômage,
07:56sur le travail des seniors, sur l'usure professionnelle, il y a beaucoup
07:58de choses qui ont été... Oui, mais ça mérite d'être souligné
08:00parce que, quand vous comparez
08:02l'état du dialogue politique et l'état du dialogue
08:04social, je crois que les partenaires sociaux
08:06ne déméritent pas, dont le MEDEF.
08:08Ma dernière question concerne la colère des agriculteurs
08:10qui grondent, même si elle est un tout petit peu apaisée,
08:12en tout cas provisoirement, ce matin.
08:14On dit aussi que le traité de libre-échange,
08:16le Mercosur, pourrait profiter une partie
08:18de notre industrie. Vous y êtes favorables
08:20ou farouchement hostiles, vous, au Mercosur ?
08:22Nous, on regarde avec angoisse le monde
08:24se fermer. L'Europe est exportatrice,
08:26elle a un solde commercial positif,
08:28pas la France.
08:30Et donc, il ne faut pas se priver de déboucher
08:32à travers le monde. Il faut le faire de manière
08:34raisonnée. Il y a probablement certaines clauses
08:36à réviser dans ce traité Mercosur.
08:38Enfin, si vous voulez,
08:40si on ne peut pas commercer avec les États-Unis,
08:42parce que protectionniste avec la Chine, parce que
08:44insidieusement protectionniste et qu'on s'interdit
08:46de commercer avec, en l'occurrence, l'Amérique latine,
08:48avec qui commercera-t-on ?
08:50Donc, vous dites oui, il y a peut-être 10 virgules
08:52à changer, mais sur le principe, c'est oui.
08:54Je vois qu'il y a 20% des salariés français qui travaillent pour l'exportation.
08:56Bon, si demain matin, on dit qu'on n'exporte plus,
08:5820% moins.
09:00Merci beaucoup, Patrick Martin,
09:02d'être venu ce matin sur la tête. Vous nous enverrez un petit message
09:04pour dire comment ça se passe entre...