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Patrick Martin, président du Medef, était l'invité du Face à Face d'Apolline de Malherbe sur BFMTV et RMC, ce jeudi 9 janvier.

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00:00Apolline de Malherbe.
00:02Il est 8h32 sur RMC et BFM TV, bonjour Patrick Martin, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions.
00:08Vous êtes le président du MEDEF, autrement dit le patron des patrons,
00:12et ce qu'il se joue en ce moment même avec des réunions
00:16chaque jour et jusque tard dans la nuit avec un certain nombre de représentants des différents groupes
00:22partenaires sociaux, ça a été votre cas, vous avez été reçu à Matignon mardi, mais aussi
00:26de la gauche qui jusque tard dans la nuit discutait notamment avec Bercy pour tenter de trouver une sorte d'accord de non-censure, est-ce que
00:34pour obtenir un accord de non-censure
00:36le gouvernement n'est pas en train de vous sacrifier, vous, c'est-à-dire de sacrifier les accords qu'ils avaient avec les entreprises ?
00:42D'abord bonne année !
00:47Oui évidemment
00:49nous avons cette cette crainte que
00:51un accord politique dont on comprend la nécessité d'une certaine manière se fasse sur le dos, non pas des entreprises uniquement mais de l'économie
00:59d'une manière générale, ça veut dire y compris des salariés et y compris de l'endettement de la France.
01:04Donc tout ça on ne peut pas s'en accommoder, en tout cas ça nous inquiète beaucoup.
01:07Deux points en particulier sur lesquels je voudrais vraiment qu'on prenne le temps de comprendre quelle est votre position, ce que vous a dit François
01:13Bayrou et ce
01:15que pourraient être les conséquences des accords qui sont en train de se jouer. Quand je dis que c'est en train de se jouer
01:19jusque tard dans la nuit,
01:21notamment le parti socialiste, Europe Écologie Les Verts et les communistes se sont retrouvés ensemble
01:28pour avoir une position commune. Ce qu'ils demandent c'est notamment sur les retraites. Sur les retraites ils demandent la suspension
01:34de la réforme des retraites et ils disent que le gouvernement n'est pas totalement contre et qu'il est prêt à revenir sur l'âge des 64 ans.
01:42Est-ce que c'est aussi ce que François Bayrou vous a dit mardi ou est-ce qu'il y a deux poids deux mesures deux discours ?
01:48Je vais vous répondre sous un autre angle. Ce qui est en train de se jouer, pour reprendre votre expression, c'est la perte de confiance.
01:53Je vous cite deux, trois indicateurs. Le taux d'épargne des ménages
01:56historiquement n'a jamais été aussi élevé. C'est l'expression d'une crainte sur des impôts futurs.
02:01Les intentions d'investissement dans l'industrie sont retombées à leur plus bas niveau depuis
02:0623 ans et je finis par m'en d'être un peu long.
02:09Non, non, allez-y, au contraire, on a vraiment besoin de prendre le temps de comprendre ce qui se joue. C'est en ce moment puisque tout
02:14doit être fini avant le discours de politique générale la semaine prochaine.
02:17Un chiffre qui m'impressionne beaucoup.
02:19Les français
02:20détenaient 220 milliards de dollars de bons du trésor américain fin 2023, fin 2024.
02:27330 milliards. Il y a 110 milliards de dollars, on va dire d'euros, il y a la parité dorénavant,
02:32d'épargne des français qui sont partis aux Etats-Unis.
02:35Si ces trois indicateurs, et malheureusement je pourrais vous en citer d'autres, ne traduisent pas l'inquiétude qu'ont les agents économiques, les ménages,
02:41les entreprises, au regard de ce qui se passe sur le plan politique en France, je ne comprends plus rien.
02:47On va le dire, vous êtes inquiet.
02:49Mais je suis inquiet, je suis inquiet et c'est désolant parce qu'on est dans une période où d'abord il y a encore beaucoup d'énergie,
02:54beaucoup d'intentions de faire chez les chefs d'entreprise,
02:57il y a beaucoup d'opportunités et on est en train de rétro-pédaler, en tout cas de décrocher par rapport à d'autres pays,
03:02y compris européens, la Pologne, l'Espagne, le Portugal, l'Italie.
03:07Patrick Martin reviendra aussi sur un autre indicateur qui est saisissant, qui est le record du nombre de faillites d'entreprises.
03:12Et quand on dit faillite d'entreprises, ça veut dire des emplois, évidemment, détruits.
03:16Je vous repose la question, sur le retraite, il vous avait dit quoi, François Bayrou ?
03:19Il m'a rien dit de particulier, en revanche, moi je sais ce que je lui ai dit.
03:23Ce que je lui ai dit, c'est qu'a fortiori dans le panorama très tendu des finances publiques sous surveillance
03:28de nos bailleurs de fonds étrangers, 54% de la dette française est détenue par des étrangers et pas que des européens dans cette affaire,
03:35il ne faut pas toucher au rendement de la réforme.
03:39Et le rendement de la réforme, on le sait, il tient essentiellement à l'âge légal de départ en retraite, 64 ans.
03:46Donc on n'est pas dans un monde théorique, on n'est pas dans des circonstances normales, on n'est pas en au calme,
03:51ça n'est pas le moment de reprendre cette réforme qui, je le rappelle, porte sur 14% du produit intérieur brut.
04:00Mais il ne vous a rien dit, c'est-à-dire que vous avez eu un rendez-vous, il n'y a que vous qui avez parlé ?
04:05Il a beaucoup écouté et je pense qu'il a raison d'une certaine manière.
04:08Et puis il est habile le Premier ministre, et c'est tant mieux d'une certaine manière.
04:12Mais...
04:13S'il veut durer ?
04:14Non, mais moi j'allais dire, si on y va, allons-y carrément.
04:18C'est-à-dire ?
04:19Eh bien, reposons la question centrale du niveau et du financement de la protection sociale en France, pas que des retraites.
04:26On est à un niveau de dépense sociale qui devient insupportable.
04:30Il devient insupportable pour qui ?
04:31Pour les salariés, pour les ménages, pour les entreprises qui supportent le coût de ce modèle social.
04:36Vous seriez prêt, Patrick Martin, à dire, écoutez, s'il y a un problème, ne touchons pas à un morceau de notre système de protection sociale, remettons toutes les cartes sur la table ?
04:47Non, mais je vais employer une image, une comparaison rugbistique.
04:51On est en face de nous dans la compétition internationale, les All Blacks et les Springboks.
04:55Nous, on est derrière la ligne de 22.
04:57Puisqu'on livre un match, menons un match offensif.
05:01Et donc, offensif, ça n'a rien à agresser.
05:03Quels sont les leviers ? Ça veut dire quoi ?
05:05Ça veut dire que, d'abord, il faut remettre en cause un certain nombre de dispositifs.
05:09Il y a de la gratuité à trop d'endroits en ce moment, sur le médicament, sur les transports publics.
05:14À un moment donné, ça déresponsabilise beaucoup de monde, pour ne pas dire tout le monde.
05:18Il y a des poches de recettes qui ne sont pas exploitées pour des raisons.
05:22Lesquelles ?
05:23La niche fiscale, qu'on les retraitait pour frais professionnels.
05:264,5 milliards d'euros par an.
05:28Qu'un retraité bénéficie d'une niche fiscale, d'une exonération fiscale pour des frais professionnels,
05:33je veux dire, c'est contre-nature, c'est aberrant.
05:354,5 milliards de recettes de ce côté-là, possibles.
05:39Et là, ça n'affecterait pas la compétitivité de l'économie française, l'emploi, les rémunérations.
05:45De la même manière, les retraités ont un taux de CSG abattu.
05:48Pourquoi ?
05:49Moi, j'ai le plus grand respect pour les retraités, ça nous menace tous, je dirais.
05:52Mais à un moment donné, on ne peut pas continuer à faire supporter l'effort sur des agents économiques,
05:57les entreprises au premier chef, qui sont déjà les plus taxées au monde.
06:00On se tire une balle dans le pied si on continue à faire ça.
06:03Donc, supprimer les avantages fiscaux des retraités pour récupérer un certain nombre de sous.
06:10Mais il y a quand même aussi cette question, vous dites, on ne touche pas à l'âge.
06:13C'est-à-dire que vous, vous commencez directement en disant, on ne peut pas toucher à la question de l'âge.
06:17C'est-à-dire que ce n'est pas le début d'une négo, quoi.
06:20Souvenons-nous que quand en 2018, le projet de réforme dit par point a été engagé, on n'a pas abouti.
06:27On n'a pas abouti après trois ans de négociations.
06:30Intellectuellement, c'est très séduisant, c'est peut-être pertinent.
06:33Opérationnellement, ça ne marche pas. Premier commentaire.
06:37Deuxième commentaire, en 2018, on n'était pas du tout dans la même situation de finances publiques.
06:43La notation de la France n'était pas la même, le niveau de la dette n'était pas le même.
06:47Et donc reprendre ce sujet-là en ce moment, c'est s'exposer à ce qu'on n'aboutisse toujours pas, mais qu'on s'expose à des sanctions.
06:55Je vais vous donner deux témoignages que j'ai reçus ce matin sur RMC.
06:59Ils m'ont appelé au 3216, d'un côté Cyril et de l'autre Nathan, qui avaient tous les deux des expériences très différentes.
07:06Il y en a un qui a commencé à bosser à 15 ans et demi, qui est métallier.
07:10Il a aujourd'hui 52 ans. Il dit, je suis épuisé, je ne pourrai pas aller beaucoup plus loin.
07:16Mais il dit, en fait, ce qu'on aurait dû faire, c'est arrêter de nous parler d'âge.
07:20Le problème pour lui, il dit, moi, ma situation, j'ai commencé à 15 ans et demi.
07:24Donc la question, ce n'est pas 62, 64, c'est quand est-ce que j'ai commencé ?
07:27Et à l'inverse, l'autre auditeur, sa fille est à Bac plus 8.
07:32Elle travaille dans les sciences, dans la recherche contre le cancer.
07:35Elle va commencer à bosser, elle aura quasiment 30 ans.
07:37Donc lui, il dit, l'âge, ça n'a pas de sens non plus.
07:40Au fond, est-ce que ce n'est pas l'occasion de ressortir la réforme par points,
07:46qui était la promesse d'Emmanuel Macron, première version, qui a été abandonnée,
07:50parce qu'Edouard Philippe y a rajouté la question de l'âge, mais que les deux ne sont pas compatibles ?
07:54Soit on fait les points, soit on fait l'âge, non ?
07:56Est-ce que ce n'est pas ça la solution ?
07:58Non mais pardon, quand on voit des situations aussi disparates que ces deux témoignages que j'ai reçus ce matin.
08:03Moi, je prends en compte en particulier le premier cas, si je peux m'exprimer ainsi.
08:07C'est-à-dire le sujet des carrières longues.
08:09Il y a déjà 40% des Français, des actifs, qui partent avant l'âge légal.
08:15On a par ailleurs signé en décembre dernier, parmi d'autres, un accord sur les seniors,
08:22pour précisément mieux prendre en compte ces situations, mieux les préparer, mieux les accompagner,
08:27avec des bilans de santé, mais également des bilans de carrière, pour reconvertir à froid,
08:31consensuellement, un certain nombre de salariés qui sont dans ces situations
08:35où il y a des vrais phénomènes d'usure au travail.
08:37Donc les solutions existent.
08:39Mais le Big Bang, qui consisterait à remettre à plat globalement la réforme,
08:43alors qu'il est établi qu'elle ne sera déjà pas suffisante pour, dans la durée, payer les retraites,
08:47c'est ça le sujet.
08:49Qui va payer les retraites ? A quel niveau seront les retraites dans la durée ?
08:52Et donc, il y a un moment donné, ça n'est pas très romantique,
08:55à un moment donné, il y a un principe de réalité.
08:57C'est-à-dire que c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent.
09:00Mais à l'inverse, quelqu'un comme la CGT, Sophie Binet, partenaire sociale comme vous,
09:04reçue par François Bayrou, comme vous, en sortant de Matignon,
09:07elle dit que si on suspend la réforme des retraites, pour l'année prochaine,
09:10en tout cas, ce n'est que 3 milliards d'euros. Ça se trouve, quand même, non ?
09:133 milliards d'euros. Nous, on nous explique que, par exemple,
09:16on ne peut plus baisser les impôts de production comme prévu,
09:18alors que c'est une impérieuse nécessité au regard de la compétition internationale.
09:21On parle d'un milliard. On nous dit, un milliard, on ne vous les donnera pas.
09:25D'ailleurs, il ne s'agit pas de nous les donner, il s'agit de nous les rendre.
09:27Et 3 milliards, ça serait l'épaisseur du train.
09:30On en est là. On en est là.
09:32Et pardon, je continue là-dessus. Dans le même temps, parce qu'il faut se refaire
09:36de concessions qui seraient faites sur tel ou tel sujet, dont les retraites,
09:41on nous dit, on va porter le taux d'impôt sur les sociétés des grandes entreprises,
09:46à vrai dire, de beaucoup d'entreprises moyennes, à 35,5%.
09:50À quel niveau M. Trump veut-il baisser le niveau d'imposition sur les entreprises ?
09:5415%. L'argent part à gros bouillons, là où il est sécurisé, là où il est rentable.
09:59Et quand je dis l'argent, quand je dis l'argent, c'est l'argent des épargnants français.
10:03Qui l'osent, qu'ils auraient défoncé en France.
10:07Mais il serait mieux en France à soutenir l'économie.
10:09Patrick Martin, si je vous entends bien, effectivement, vous dites, vous alertez
10:13en quelque sorte, ce matin, sur ces dangers.
10:16Vous avez parlé tout à l'heure de niches fiscales.
10:18Il y a aussi des niches fiscales pour les entreprises.
10:20Il y a beaucoup d'allègements de charges, il y a beaucoup d'allègements.
10:23Est-ce que vous redoutez que ces allègements soient supprimés
10:28ou au moins réduits par le nouveau gouvernement ?
10:30Pardon, mais je voudrais crever cette baudruche.
10:33Il y a effectivement, à hauteur de 80 milliards d'euros, des allègements de charges.
10:39C'est la correction partielle d'une aberration.
10:42C'est-à-dire qu'il y a par ailleurs beaucoup trop de charges.
10:44Et à la fin, en net, le salaire en France est-il inférieur,
10:48le coût du travail est-il inférieur en France à ce qu'il est dans les autres pays ?
10:51Je ne vous parle pas du Vietnam ou du Mali, je vous parle de l'Allemagne, je vous parle des Etats-Unis.
10:57Le coût du travail en France est supérieur à celui de nos concurrents à partir de 2 SMIC.
11:02Donc, moi je suis pour, là aussi, remettre à plat tout le système et le faire à froid.
11:07Prendre en compte nos impératifs de compétitivité,
11:11nos impératifs de production et qu'on ne se trompe pas de débat.
11:15Il y a de l'argent en France, mais il faut aller le chercher là où il dort.
11:18Certainement pas sur le dos des salariés,
11:20certainement pas sur le dos des entreprises qui tirent tout le modèle social.
11:24Est-ce que vous avez une marge de manœuvre là-dessus ?
11:27Sur ?
11:28Sur la question des allègements de charges. Est-ce que, malgré tout, il peut y en avoir un peu ?
11:32Non, alors, certains disent finalement ça va nous faire moins mal que ce qu'on craignait au départ,
11:36donc on va s'en accommoder.
11:37Moi, je persiste et signe, même si c'est 1,6 milliards de réduction des allègements de charges,
11:43ça n'est pas la bonne approche.
11:45Je rappelle que Mme Borne, quand elle était première ministre, avait ouvert des travaux,
11:48on l'avait encouragée, le Medef l'avait encouragée à ouvrir ses travaux
11:51pour rééquilibrer les revenus du travail et les transferts sociaux dont la prime d'activité.
11:56Il y a 11 milliards d'euros de primes d'activité qui sont versées chaque année
11:59et qui viennent polluer, en quelque sorte, le coût du travail et l'attractivité du travail.
12:04Ça, c'est un bon sujet.
12:05Patrick Martin, 66 420 entreprises françaises ont été en défaut, c'est-à-dire en faillite, en 2024.
12:13C'est 260 000 emplois.
12:16Est-ce que 2025, ce sera pire ?
12:19Ça dépendra notamment des arbitrages politiques qui vont être rendus.
12:22Si on a le courage dans ce pays de faire ce que d'autres ont fait,
12:25c'est-à-dire de ramener la dépense publique à 10 points de moins que ce qu'elle est en France,
12:29on laissera, on donnera des marges de manœuvre,
12:31on donnera de l'oxygène à l'économie pour créer des emplois,
12:34pour permettre à des entreprises de survivre.
12:36Que vous disent les patrons de France ?
12:39Que vous disent les patrons de France sur l'emploi ?
12:42On a quand même l'impression que c'est devenu le trio.
12:43La question de l'emploi était presque une question fondamentale politique en 2012.
12:48On se souvient évidemment de la question récurrente de la courbe du chômage.
12:53Est-ce qu'on n'est pas au-devant du grand retour de cette question du chômage et de l'emploi ?
12:58Dans un pays où 56% du PIB relève de la dépense publique,
13:02on est anormalement, dangereusement suspendu à la décision politique.
13:06Donc je vous réponds en vous disant que oui,
13:08les chefs d'entreprise retiennent leurs investissements,
13:11retiennent les créations d'emplois,
13:13commencent à supprimer des emplois,
13:15parce que la consommation ne redémarre pas,
13:17les Français épargnent,
13:18l'investissement ne redémarre pas,
13:20les entreprises ont peur de ce qui va leur tomber dessus en matière de fiscalité.
13:23Prenons le problème dans le bon sens.
13:25Si on ne le prend pas dans le bon sens,
13:26oui, le chômage va réaugmenter, il commence à réaugmenter.
13:29Et c'est ce qui se passe aussi dans les entreprises.
13:31La croissance du PIB, tel que l'imagine le gouvernement,
13:39et ce n'est pas seulement l'imagine,
13:40mais fait ses calculs en fonction de cette prévision,
13:43c'est 1,1%.
13:45Alors qu'en réalité, tous les indicateurs le montrent,
13:48ce sera au mieux 0,8%.
13:51La Banque de France, d'ailleurs, dit que ce ne sera pas plus de 0,8%.
13:54Est-ce que là aussi, vos indicateurs,
13:57c'est-à-dire vos remontées du terrain des entreprises,
13:59vous montrent que 1,1% de croissance, ce n'est pas réaliste ?
14:03Cela me paraît quasi inaccessible.
14:07Je réinsiste là-dessus, il y a un aléa politique
14:10qui de toute façon, à lui seul, pèse sur la croissance.
14:13L'EFCE a chiffré cela à 0,3%,
14:16donc moins 0,3% par rapport, par hypothèse, à 1%.
14:20Et puis, qu'est-ce que vous voulez ?
14:22Si à un moment donné, les entreprises ont moins de capacité d'investissement,
14:25si la consommation ne redémarre pas,
14:28il n'y aura pas de croissance.
14:29Ce qui est très préoccupant, le plus préoccupant dans la situation actuelle,
14:32c'est que l'investissement des entreprises est sur un rythme de baisse de 3% par an.
14:37Il faudrait, ne serait-ce qu'au titre de la trajectoire de décarbonation de notre économie,
14:41que l'investissement des entreprises augmente de 10%.
14:44Simplement à ce titre, on a déjà un gap, un différentiel, une insuffisance de 13%.
14:48Est-ce que vous partagez ce cri du cœur du patron d'EDF,
14:52qui était aux côtés du patron de Total et qui a dit
14:55« Investir en France, c'est l'enfer » ?
14:58Alors, oui.
15:00À une différence près, c'est que ce sont de très grandes entreprises
15:03pour lesquelles j'ai un infini respect et qui traquent elles aussi l'économie française,
15:07mais qui ont la possibilité d'arbitrer.
15:09C'est-à-dire d'aller investir en Arabie Saoudite, d'aller investir aux États-Unis,
15:12alors que l'immense masse des entreprises françaises,
15:15l'immense masse des adhérents du MEDEF, 200 000 entreprises,
15:18sont des PME, des ETI, qui sont dans la NAS.
15:22Et donc, qui partagent cette analyse, c'est infernal,
15:25cette surréglementation européenne et française.
15:28Parce que c'est l'enfer, pour des raisons, effectivement, administratives.
15:32Mais bien sûr. Non, mais c'est une machine infernale.
15:35Alors, ça fait des mois et des années que le MEDEF le dit,
15:37et que tout ça est balayé d'un revers de la main
15:40par un certain nombre de politiques et la haute administration.
15:43On aimerait bien qu'ils viennent travailler dans nos entreprises
15:45pour toucher du doigt les aberrations que ça génère,
15:48les coûts que ça génère, l'inertie que ça génère.
15:50Patrick Martin, vous qui êtes à la tête du MEDEF,
15:52comment vous réagissez quand vous entendez le gouverneur de la Banque de France,
15:55François Villeroy de Gallo, qui hier disait qu'il fallait certes
15:59tenter de ramener le déficit public à un niveau le plus proche possible de 5%,
16:03mais qu'il disait que ça devait se faire, en tout cas à court terme,
16:06via des hausses d'impôts ciblées ?
16:09Alors, je l'ai entendu comme vous, il n'a pas dit que ça.
16:12Il a dit, et dans un deuxième temps, des dépenses mieux maîtrisées.
16:15Bien sûr. Je reprends l'exemple de l'Italie.
16:19L'Italie a une croissance assez modeste, inférieure à celle de la France en 2024.
16:23Il n'en demeure pas moins que l'Italie aura réduit son déficit public
16:27de 7,2% à 3,8% du PIB entre 2023 et 2024.
16:32Comment l'ont-ils fait ? Par des réductions de dépenses publiques.
16:36C'est l'éléphant au milieu de la pièce, nous sommes drogués à la dépense publique,
16:39notamment à travers nos régimes sociaux.
16:42La situation a au moins ça de bon qu'on ne peut plus se dérober.
16:46Soit on sort du jeu mondial et le risque existe réellement,
16:49soit on reste dans le jeu mondial et on en tire parti, faisons un régime.
16:55Un régime, avec effectivement moins de dépenses.
16:58Mais je vous repose la question sur la première partie de son traitement de choc
17:02du gouverneur de la Banque de France.
17:04Les hausses d'impôts ciblées, est-ce qu'il faut entendre ciblées sur les entreprises ?
17:09Non, elles sont ciblées sur les contribuables d'une manière générale.
17:13Il y a une chose qui m'intrigue, et ce n'est pas le propos de François Villeroy de Gallo,
17:17mais je l'ai dit tout à l'heure, c'est qu'on va encore alourdir la charge
17:20sur des gens qui sont déjà les plus taxés au monde.
17:22À un moment donné, les gens lèvent la plume et disent
17:25« Bon écoutez, moi je ne travaillerai pas plus, je n'investirai pas en France. »
17:29Donc il y a des assiettes fiscales qui sont beaucoup plus larges.
17:32J'évoquais le financement du modèle social, mais ça peut être vrai d'une manière plus générale.
17:36D'autres pays l'ont fait, et ça a marché.
17:39C'est la CSG, c'est la TVA dite sociale.
17:42Voilà, on a une assiette large, c'est assez indolore,
17:45et on ne pénalise pas la performance de l'économie.
17:47La question aussi de la contribution des entreprises sur, effectivement,
17:52non seulement le travail, mais aussi la contribution exceptionnelle
17:57sur les hauts revenus, qui avait été évoquée par Michel Barnier,
18:00sera reprise vraisemblablement par François Bayrou ?
18:03Vous ne vous battez même plus là-dessus ?
18:05Ah bah si !
18:06Mais ce n'est pas innocemment, tout à l'heure, que je rappelais
18:09qu'aux Etats-Unis, le taux d'impôt sur les sociétés devrait baisser à 15%.
18:12En France, pour les plus grandes et les moyennes entreprises,
18:15monter à 35,5%.
18:16Qu'est-ce que vous voulez ?
18:18Mais que les entreprises qui ont eu les plus hauts revenus
18:21contribuent exceptionnellement dans le contexte actuel
18:23pendant un an, deux ans, trois ans ?
18:25Non mais, si c'est temporaire, si c'est ciblé,
18:31mais surtout, si ça s'accompagne de mesures beaucoup plus structurelles,
18:35beaucoup plus durables, beaucoup plus fondamentales,
18:37pour redonner à l'économie française du punch et de la compétitivité,
18:42on peut en parler.
18:43Tel que ça s'était dessiné sous le précédent gouvernement,
18:46et malheureusement, je le crains, tel que ça se dessine avec ce gouvernement,
18:49il n'y aura pas cet équilibre.
18:51Donc ça ne trompera pas, ça ne trompera pas ni les agents économiques,
18:55les ménages, les entreprises, ni nos bailleurs de fonds,
18:58on ne fera que reporter et amplifier le problème du déficit
19:02et de la non-compétitivité.
19:04Il faut faire des choix courageux, il faut les faire en confiance.
19:07J'entends vous tirer le signal d'alarme ce matin, Patrick Martin,
19:10merci de l'avoir fait sur RMC et BFM TV,
19:13vous qui êtes donc le président du MEDEF,
19:16et qui alertez effectivement sur votre inquiétude
19:19que les accords ne se fassent trop sur le dos des entreprises,
19:23même si, et ça je l'ai entendu, vous êtes prêt à discuter,
19:26à moyen terme, d'une redéfinition globale de la question des protections sociales.
19:32Demain matin.
19:33Demain matin, s'ils vous proposent de venir à Matignon, vous y serez demain matin.
19:36Merci Patrick Martin.

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