Patrick Martin, président du Medef, le 5 septembre 2023 sur franceinfo.
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00:00 Le climatologue Jean Jouzel s'est rendu aux journées d'été du MEDEF et il a été très déçu.
00:05 "J'ai décrit les choses telles qu'elles sont", dit-il, "face à un parterre de chefs d'entreprise et j'ai reçu un accueil glacial".
00:13 Le patron de Total, par exemple, lui a dit en gros qu'il allait continuer comme avant dans sa politique.
00:17 Est-ce qu'il y a du déni chez certains patrons face au réchauffement climatique ?
00:21 Alors d'abord, je suis extrêmement gêné et je m'en expliquerai avec lui que Jean Jouzel, pour qui on a beaucoup de respect, ait perçu cet accord comme glacial.
00:28 Moi, ce n'est pas comme ça que j'ai vécu les choses.
00:31 Il se trouve que dans mon discours inaugural de cette rencontre des entreprises de France,
00:36 j'ai réaffirmé notre engagement total à respecter les accords de Paris et atteindre la neutralité carbone en 2050.
00:43 Ce n'est pas un engagement vain, ce n'est pas un propos de circonstance.
00:46 Il se trouve que dans le cadre de cette table ronde, il y a eu une discussion, certainement pas une altercation, entre effectivement le président de Total et Jean Jouzel.
00:54 Ils ne sont pas d'accord. Ils sont d'accord sur les finalités, ils ne sont pas d'accord sur les modalités.
00:59 Donc je trouve...
01:00 - Lui, il dit qu'en fait, Patrick Pouyanné ne veut pas faire d'efforts et qu'il va continuer à faire comme avant, à savoir exploiter les énergies fossiles.
01:06 - Écoutez, moi, quand je regarde qui sont les gros investisseurs à travers le monde dans les énergies renouvelables, je pense que Total tient largement son rang.
01:15 Le propos de Patrick Pouyanné, que beaucoup d'entre nous partagent, c'est qu'il faut que nous soyons réalistes, j'insiste, pas sur les finalités, pas sur les calendriers, mais sur les modalités.
01:27 Et dire à l'opinion publique française, alors que 75% de notre consommation d'énergie est à ce jour d'origine hydrocarbure, dire "demain matin, on arrête", ça pose un vrai sujet pratique et ça pose un vrai sujet d'acceptabilité.
01:42 - Mais "modalité calendrier", c'est un peu la même chose, non ?
01:44 - Non, c'est le rythme. Si vous voulez, nous, quand on est très attaché, pardon d'être un peu technique, c'est la neutralité technologique.
01:51 Que l'on s'engage résolument, que l'on soit sanctionné si nos engagements ne sont pas tenus sur une trajectoire et un résultat, oui.
02:00 - Mais alors on prend un exemple très concret, Patrick Martin. Le gouvernement dit "il n'y aura pas de hausse d'impôts", mais il peut y avoir, dès l'année prochaine, dans le budget qui est en préparation, des suppressions de niches fiscales.
02:09 Celles qu'on appelle les niches brunes, qui encouragent l'utilisation d'énergie fossile. Là, vous dites banco, dès cette année ?
02:14 - Mais, sous réserve de vérification, c'est "delay" avec les professions concernées.
02:22 Précisément, c'est ce que je vous disais, sur un calendrier réaliste. Pourquoi ?
02:26 Parce qu'à ce jour, je prends un exemple, on dit à une entreprise de travaux publics "vous n'avez plus le droit d'utiliser telle pelleteuse à moteur thermique".
02:35 Très bien, à part qu'il n'y a pas d'offres techniques, technologiques, qui permettent de substituer des engins à moteur électrique à ces engins à moteur thermique.
02:46 Résultat des courses, on ne fait pas les travaux, on laisse ces entreprises disparaître.
02:51 - Donc il faut laisser le temps à la technologie de venir au secours de ces entreprises ?
02:54 - Mais bien sûr, et moi je suis très confiant, quand on voit le rythme des innovations qui apparaissent jour après jour, c'est spectaculaire, et il y a tout lieu de penser qu'on y arrivera.
03:02 Mais il ne faut pas que les pouvoirs publics fassent ce qu'on appelle du "micro-management",
03:06 et viennent nous expliquer, d'ailleurs en changeant d'avis d'une période à l'autre, les modalités techniques de ce qu'on doit faire.
03:12 - C'est ce que vous craignez, parce qu'Elisabeth Borne doit dévoiler, là, à la mi-septembre, les mesures qui doivent permettre de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.
03:24 Vous êtes en train de dealer avec le gouvernement pour ne pas qu'il charge la barque, en fait ?
03:29 - Le sujet n'est pas de charger la barque, c'est d'être réaliste au regard des évolutions technologiques,
03:34 d'être réaliste au regard de ce que font ou ne font pas, d'ailleurs, un certain nombre de pays, y compris immédiatement aux voisins.
03:41 Mais oui, on va s'engager très résolument. C'est une approche unique au monde, très volontariste, on va se prêter à l'exercice.