Alors que les partenaires sociaux ont commencé leurs négociations vendredi dernier pour remettre en chantier la réforme des retraites, le président du Medef, Patrick Martin, est l'invité de Tout le monde veut savoir sur BFMTV.
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00:00L'invité du jour qui est derrière la caméra et qui, par magie, va apparaître juste devant,
00:08mesdames, messieurs, vous pouvez laisser place, au patron des patrons, comme on dit, président du MEDEF.
00:15J'accueille également Mathieu Croissando, éditorialiste politique BFM TV.
00:19Bonsoir, Patrick Martin.
00:20Bonsoir.
00:21Merci d'être avec nous ce soir.
00:23On va bien évidemment continuer cette discussion sur les conséquences économiques
00:27de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
00:28Y a-t-il un risque pour les entreprises françaises ?
00:30Mais d'abord, l'actualité, c'est cette déclaration de la ministre du Travail ce matin
00:34sur la mise à contribution des retraités.
00:36Elle dit, voilà, pour épargner, si j'ose dire, les entreprises, les actifs,
00:42pourquoi pas faire contribuer les retraités ?
00:45Elle fixe ce seuil, elle dit, ça pourrait être 40% d'entre eux,
00:48pourquoi pas à partir de 2 000 euros, 2 500 euros ?
00:51Est-ce que le président du MEDEF trouve que c'est une option qu'il faut regarder ?
00:57Il ne faut jamais perdre de vue que la meilleure réponse,
00:59c'est de baisser les dépenses publiques.
01:01Et là, je ne lâcherai rien sur ce sujet.
01:03Le gouvernement est assez peu diser, je dirais, à cette heure,
01:06pour des raisons qu'on peut comprendre, mais que je ne partage pas.
01:09Ensuite, si tout le monde doit contribuer à l'effort de guerre, en quelque sorte,
01:14pourquoi pas ?
01:15Effectivement, il y a une espèce de déni dans le débat public,
01:20et je pense dans l'esprit de beaucoup de retraités,
01:23qui, de bonne foi, disent, moi j'ai cotisé,
01:26donc j'ai droit à ma retraite, en oubliant que c'est un système par répartition.
01:30Et ce sont les actifs qui payent pour les retraites.
01:33Et donc voilà, ce sont les actifs et les entreprises qui payent pour les retraites.
01:36Je rappelle que les salariés payent 40% et les entreprises 60%.
01:41Donc à un moment donné, si la branche sur laquelle on est assis,
01:44si on surcharge les salariés et les entreprises,
01:46qui à un moment donné ne pourront plus payer ces retraites par répartition.
01:49Donc si je comprends bien, Patrick Martin, vous dites,
01:51faire contribuer les retraités, pourquoi pas ?
01:54Pourquoi pas temporairement, de manière ciblée,
01:56en protégeant les petites retraites,
01:59et puis en répartissant l'effort d'une manière équitable.
02:01Vous aviez vous-même proposé de supprimer l'abattement
02:05pour frais professionnels des retraités,
02:08et puis d'aligner leur taux de CSG sur celui des actifs.
02:11Écoutez, il faut avoir là les chiffres en tête.
02:13A minima, l'effort qui va être demandé aux entreprises
02:17au titre des budgets de 2025, c'est 12 à 13 milliards d'euros.
02:22En regard, le taux dérogatoire, le taux abattu de CSG pour les retraités,
02:27c'est 11,5 milliards d'euros par an.
02:29S'il était aligné sur le taux de droit commun,
02:31celui que vous payez, que je paye, ça serait 11,5 milliards d'euros par an.
02:34Il y a effectivement cette niche, comme on dit, un peu étonnante,
02:37dite pour frais professionnels, de 4,5 milliards.
02:41Alors je ne suis pas en train de dire qu'il faut que les retraités payent tout,
02:44évidemment non, mais s'il peut y avoir une répartition de l'effort,
02:46j'insiste, la vraie réponse est de baisser les dépenses.
02:49Et on va venir au budget dans un instant, simplement sur le seuil évoqué
02:52par la ministre du Travail qui dit, pour faire contribuer les retraités,
02:552 000, 2 500 euros.
02:57Et là, je pense à certains peut-être retraités qui nous regardent et qui se disent
03:00à 2 000, 2 500 euros de pension de retraite par mois, on n'est pas un retraité aisé.
03:04Est-ce que ce seuil-là, il vous paraît acceptable ?
03:06Est-ce qu'il faut au contraire considérer qu'il faut aller plutôt piocher
03:09vers des retraites encore plus importantes ?
03:12Non mais d'abord, je mesure la sensibilité politique du sujet.
03:15Donc il ne faut pas parler pour ne rien dire,
03:18s'il n'y a pas de voie de passage politique, autant ne pas en parler.
03:22Mais moi ce que j'observe, c'est que dans le même temps,
03:27on nous dit, et ça s'entend, qu'il faut revaloriser les salaires.
03:30Donc si on augmente les charges sur les entreprises,
03:33qui par voie de conséquence, et ça sera le cas,
03:36je parlais de 12 milliards d'euros de charges sociales et d'impôts supplémentaires
03:39sur les entreprises dès 2025,
03:42immanquablement, ça limitera les marges de manœuvre pour revaloriser les salaires.
03:46Et donc, des salariés à 2500 euros,
03:50le salaire médian en France est de cet ordre-là.
03:53Ça veut dire qu'il y a beaucoup de salariés, on le sait,
03:56il y a 17%, mettons 16% de salariés qui sont payés au SMIC.
04:00Donc je reviens à mon raisonnement, il y a un principe d'équité.
04:03Juste avant de parler de ce fameux conclave,
04:06puisque c'est le mot religieux, juste Mathieu Croissanteau, là encore,
04:09pour ceux qui nous regardent, effort de pédagogie,
04:11c'est ce qu'on appelle un ballon d'essai, c'est-à-dire une ministre qui va le matin à la télévision
04:14et qui dit ce qui lui passe par la tête, ou une conviction personnelle,
04:17puisque rappelons que Matignon dit que ce n'est pas l'ordre du jour.
04:19Voilà, Matignon dit que ce n'est pas l'ordre du jour.
04:21Dans le bloc central, ça commence aussi à pester
04:25contre cette initiative de la ministre du Travail.
04:29Après, elle pose une question qui est une vraie question,
04:31c'est sans doute un ballon d'essai, mais de quelle façon fait-on contribuer
04:34les retraités au financement de la protection sociale,
04:37à la vie collective ?
04:39C'est un vrai sujet, il faut rappeler que le niveau de vie médian,
04:42moyen des retraités, est plutôt au moins équivalent,
04:46si ce n'est plus élevé que celui des actifs, qu'il y a des retraités pauvres en France,
04:49il faut le dire, mais que le nombre de ceux qui touchent le minimum vieillesse
04:52n'a absolument rien à voir avec ce qui était le cas dans les années 70,
04:55et qu'il y a des transferts intergénérationnels qui se font déjà,
04:58et peut-être qu'on pourrait imaginer qu'on peut aider ces petits-enfants,
05:01on peut aussi aider un peu la collectivité, mais juste une chose,
05:04si on vous écoute, les retraités doivent faire un effort,
05:06les salariés aussi, on le voit dans la réforme des retraites,
05:08ils doivent travailler plus longtemps, mais les entreprises, en revanche,
05:11vous considérez qu'elles en font déjà assez ?
05:13Non mais à deux reprises, j'ai évoqué ce chiffre de 12 milliards
05:17de charges supplémentaires pour les entreprises dès 2025.
05:20La surtaxe d'impôts sur les sociétés, l'abattement sur les allègements de charges,
05:25ce qu'on aura moins ou plus dans certains cas en aide à l'apprentissage,
05:29et ainsi de suite, les taxes diverses et variées sur l'aéronautique par exemple,
05:33ça c'est bien les entreprises, ce ne sont pas les salariés.
05:37C'est pour le budget, mais c'est en partie pour la protection sociale.
05:41On parlait parfois de ces ballons d'aisselle lancés par des ministres,
05:44il y a aussi ce qu'a dit Catherine Vautrin, d'ailleurs la ministre de tutelle
05:47d'Astrid Panossian, qui dans les colonnes du journal du dimanche
05:49évoque la possibilité de travailler gratuitement 7 heures par an
05:53pour là encore tenter de résorber le déficit de la sécurité sociale.
05:57Est-ce que là encore, le président du MEDEF dit pourquoi pas
06:02demander cet effort aux travailleurs qui se rapprochent
06:06à la journée de solidarité, de dire voilà, 7 heures par an,
06:09on va travailler gratuitement ?
06:11Je me permets d'élargir la question ou le débat.
06:14Le problème de fond de l'économie française et de la protection sociale
06:19en France, c'est qu'on ne travaille pas assez, et que le financement
06:23de cette protection sociale est excessivement à la charge
06:26des entreprises, dont les salariés.
06:28Donc moi je pense que, plutôt que d'imaginer des rustines,
06:31parce que ce sont des rustines, il faut fondamentalement poser
06:35la question du niveau et du financement de la protection sociale.
06:38Moi je le fais, c'est peut-être prématuré, ça peut ne pas plaire,
06:43c'est pas une provocation, c'est une évidence.
06:46Je vous renvoie à l'excellente éditoriale du Monde de jeudi dernier,
06:49Le Monde, qui dit que compte tenu de la démographie,
06:53le système de protection sociale français ne sait plus se financer.
06:57Je le dis depuis des mois, à un moment donné, en responsabilité,
07:00sereinement, objectivement, posons ce sujet-là.
07:03Donc, proposition de Catherine Doutrin, une rustine.
07:06Vous parlez de démographie de protection sociale.
07:08On arrive donc tout naturellement à la question de la réforme des retraites.
07:11Vous avez l'honneur, le privilège de participer à ce qu'on clave
07:14avec les syndicats. Trois mois pour tenter de trouver
07:19des améliorations quant à la réforme des retraites.
07:24On a du mal à voir, Patrick Martin, comment entre Sophie Binet,
07:27patronne de la CGT, et vous-même, il pourrait y avoir une voie de passage.
07:31Et pour lever tout de suite tout malentendu, puisque certains continuent
07:34à dire que leur objectif, c'est de faire tomber les 64 ans.
07:37De l'autre côté, par exemple, la France Insoumise dit
07:40mais ce ne sera pas parce que le patronat a un droit de veto
07:43sur la fin des 64 ans. Est-ce que de cette négociation
07:46peut sortir la fin de l'âge légal à 64 ans ?
07:51Moi, je ne le souhaite pas parce que je crois qu'il est
07:53académiquement démontré que l'âge légal de départ en retraite
07:58est l'élément le plus efficace en termes de rendement.
08:02Maintenant, si on nous propose des solutions alternatives
08:05qui, j'insiste lourdement, ne renchérissent pas le coût du travail
08:09parce qu'on va peut-être en parler d'une compétition économique
08:12internationale qui va devenir infernale.
08:15Si on veut véritablement régresser, augmentons le coût du travail.
08:18Si on nous trouve une solution miracle, pourquoi pas.
08:21En même temps, une solution miracle, si on ne demande pas aux entreprises
08:24de contrôler l'avantage...
08:25En restant dans ces métaphores, on parle de conclave.
08:28Moi, je ne crois pas trop au miracle, en tout cas en matière économique.
08:32Un point de méthode, si je dois dire, Patrick Martin,
08:34puisque nos confrères du Parisien disent à l'instant
08:36que François Bayraud réfléchit à faire intervenir les parlementaires,
08:39les politiques dans ce fameux conclave.
08:42Est-ce que c'est une bonne idée ou est-ce que vous dites
08:44alors, si on met les partenaires sociaux tous ensemble,
08:46ce n'est pas pour qu'il y ait...
08:47Je crois que le mot que vous utilisiez il y a quelques jours
08:49chez nos confrères de France Inter, c'est celui de parasitage.
08:51C'est ça ? Vous dites aux politiques, laissez-nous tranquilles ?
08:53Non, je ne crois pas avoir parlé de parasitage.
08:55D'interférence, vous disiez.
08:56Moi, je crois dur comme fer à l'autonomie des partenaires sociaux
09:01à leur sens des responsabilités.
09:02La manière dont on gère les retraites complémentaires est exemplaire
09:05et devrait d'ailleurs inspirer un certain nombre de gestionnaires publics.
09:08Et donc, il faut maintenir ce paritarisme
09:11et cette confiance dans le paritarisme, je dirais,
09:13dans leur pureté cristalline.
09:15Donc, pureté cristalline, pour dire la chose, ça veut dire sans politique ?
09:18Sans interférence.
09:19Et c'est ce qui est prévu aujourd'hui ?
09:21Je cite ce précédent.
09:23Au printemps dernier, nous avons échoué sur deux négociations
09:26entre partenaires sociaux.
09:27Je l'affirme, parce qu'il y avait des interférences permanentes
09:30de l'exécutif et parfois du législatif.
09:32Les mêmes négociations ont abouti à l'automne.
09:35Pourquoi ont-elles abouti ?
09:36Les mêmes négociations.
09:37Parce que nous nous sommes appliqués,
09:39tous les partenaires sociaux, organisations syndicales,
09:41organisations patronales,
09:43à tenir respectueusement à distance
09:45tous ces gens qui, matin, midi et soir,
09:47veulent nous expliquer comment on doit marcher droit.
09:51Donc, simplement, c'est bien envisagé ?
09:53Moi, je comprends que c'est envisagé.
09:55Je comprends que c'est envisagé.
09:56Je pense que ça pose un problème fondamental de confiance.
10:00Et puis, que voulez-vous ?
10:01Quand on est sous les projecteurs,
10:03quand on a des gens qui nous surveillent,
10:05qui nous cornaglent, qui nous drivent,
10:07eh bien, on s'installe dans des postures.
10:09Donc, pureté cristalline.
10:10Il nous reste peu de temps, Patrick Martin.
10:11Je voudrais qu'on aborde, bien évidemment,
10:13le sujet du débat précédent
10:15et ce qui a frappé le monde entier,
10:17l'arrivée au pouvoir de Donald Trump,
10:19avec beaucoup d'inquiétude.
10:20On parlait des réactions européennes,
10:22peut-être d'une sorte de faiblesse
10:24du côté des dirigeants européens.
10:26Est-ce qu'on a raison de craindre l'arrivée
10:28de Donald Trump au pouvoir
10:30et la perspective de l'augmentation des droits de loine
10:32qui pourrait avoir un impact direct
10:33sur les entreprises que vous représentez ?
10:35Bien sûr qu'on a raison de craindre cette arrivée.
10:38Elle est avérée, elle est démocratique.
10:40Je pense qu'il faut positiver les choses.
10:42Passez-moi la grossièreté de l'expression,
10:44ça nous donne un grand coup de pied dans le derrière.
10:46Eh bien, c'est l'occasion, ou jamais,
10:48d'accélérer, de se déciler,
10:51de sortir de cette espèce de naïveté,
10:53d'angélisme, de poésie,
10:56qui fait que depuis trop longtemps,
10:58l'Europe est dans la rêverie.
11:02La France est dans la rêverie.
11:04Donc, les Américains vont nous soumettre
11:06à un régime très dur.
11:08Eh bien, je pense qu'on a les moyens
11:10de tenir tête.
11:12Il faut sortir de la naïveté ?
11:14Il faut appliquer sans aucun état d'âme
11:16les préconisations des rapports
11:18l'État et Draghi.
11:20On a la feuille de route.
11:22Tout le monde est conscient que sur les financements,
11:24l'innovation, la formation, la compétitivité,
11:26on a des marges de progression considérables.
11:28On en a encore les moyens.
11:30Il y a un point qu'on ne souligne pas assez.
11:32Les États-Unis, les ménages, les entreprises,
11:34l'État lui-même sont hyper endettés.
11:36L'Europe a une épargne nette colossale.
11:38Ça veut dire que l'Europe, concrètement,
11:40doit jouer la carte du protectionnisme
11:42et joue aussi sur ses barrières douanières ?
11:44Au cas par cas, vis-à-vis de la Chine,
11:46vis-à-vis des États-Unis,
11:48mais je pense que ça n'est imaginable
11:50qu'une manière très temporaire, très ciblée
11:52et sincèrement, je ne le souhaite pas.
11:54Non, il faut dans l'urgence se remuscler.
11:56Se remuscler,
11:58cela passe aussi peut-être à l'échelle nationale,
12:00Patrick Martin, par le fait d'avoir un budget.
12:02Ce à quoi on a assisté
12:04la semaine dernière,
12:06c'est-à-dire le fait que les socialistes
12:08décident de ne pas censurer François Bayrou,
12:10ce qui peut amener
12:12le fait que ce budget soit enfin voté.
12:14Vous dites merci, bravo aux socialistes
12:16d'avoir fait preuve de responsabilité
12:18pour que la France soit dotée d'un budget ?
12:20Je vais vous dire que c'est un dilemme pour nous.
12:22La stabilité politique a une valeur
12:24considérable.
12:26Jusqu'à quel prix faut-il aller ?
12:28C'est un dilemme.
12:30Je ne vous réponds pas.
12:32En l'état sur cet équilibre-là, vous dites
12:34que ce budget, même s'il n'est pas terrible,
12:36il vaut mieux que pas de budget ?
12:38Ce que je vois, c'est que
12:40on va alourdir encore les charges pour les entreprises.
12:42Le monde est ouvert.
12:44L'Allemagne va accélérer.
12:46L'Espagne se porte bien.
12:48Le Portugal se porte bien.
12:50L'Italie se porte d'une certaine manière assez bien.
12:52C'est dans l'Union Européenne, ce qui veut dire
12:54qu'il n'y a pas de fatalité européenne.
12:56À un moment donné, je souhaite
12:58que tous nos politiques
13:00prennent conscience de ce qui se passe autour de nous.
13:02Et puis, on considère qu'on ne peut pas
13:04se mettre à l'arrêt pendant
13:06deux ans et demi, c'est-à-dire jusqu'à la prochaine
13:08élection européenne, parce qu'on aura
13:10relativement, en valeur absolue, accru
13:12notre retard.
13:14Non, ce n'est pas un bon budget.
13:16Réponse claire de Patrick Martin,
13:18président du MEDEF. Merci d'être venu nous voir
13:20dans Tout le monde veut savoir.
13:22On vous retrouve demain matin dans
13:24Première édition.