Avec Éléonore Slama, Maire adjointe dans le 12e arrondissement de Paris en charge du logement, de la lutte contre les inégalités et contre l'exclusion
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NewsTranscription
00:00On parle logement jusqu'à 10h avec vous, Sylvain Lévy-Vélency, et avec votre invitée.
00:04Absolument, merci. Bonjour, Eléonore Slamma.
00:06Bonjour.
00:07Merci d'être avec nous.
00:08Vous êtes maire adjointe dans le 12e arrondissement.
00:10Vous êtes en charge du logement, de la lutte contre les inégalités et contre l'exclusion.
00:14Vous êtes également maire du quartier Belair-Nord, c'est dans le 12e arrondissement.
00:18Tout à fait.
00:19Merci de répondre à nos questions.
00:20Vous avez publié un livre, que je vais montrer, je ne sais pas si on a une caméra, voilà.
00:26En finir avec le gâchis de mètres carrés, ce que vous dites finalement en substance,
00:30c'est qu'on n'utilise pas assez ces surfaces, et à l'instar d'une crise du logement
00:36sans précédent dans notre Vème République, vous vous insurgez contre ce phénomène-là,
00:42et vous vous dites finalement, on pourrait trouver des solutions, c'est bien ça ?
00:46Exactement.
00:47Aujourd'hui, il faut bien comprendre que nous vivons au cœur d'un immense gâchis,
00:51au même titre que le gaspillage alimentaire, que la fast fashion,
00:54le gaspillage de l'eau, de l'énergie.
00:55On vit au cœur d'un gaspillage immobilier, le gaspillage des mètres carrés,
00:58qui se caractérise très concrètement déjà bien sûr par la vacance,
01:023 millions de logements vacants aujourd'hui sur l'ensemble du territoire national,
01:065 millions de mètres carrés de bureaux vides rien qu'en Ile-de-France,
01:09et puis il y a aussi la sous-utilisation massive et généralisée de nos mètres carrés.
01:14Grosso modo, 80% du temps, nos bureaux, nos écoles, nos équipements publics
01:19sont vides et ne servent à rien ni à personne.
01:21Qu'est-ce qu'on peut faire ? On va loger des personnes dans les écoles,
01:25on va aller dans les bâtiments publics, on va ouvrir finalement en rotation.
01:28Comment on peut faire pour optimiser ça ?
01:30L'idée, c'est de penser les espaces autrement.
01:33Pendant des années, la ville a été pensée par spécialisation,
01:35avec des objets à usage unique, des bâtiments monofonctionnels,
01:38avec un mantra, un bâtiment, un usage.
01:41Or, par nature, les espaces monofonctionnels sont condamnés à être en sommeil
01:47à certains moments de la journée, de la semaine ou de l'année,
01:49et à l'inverse, des quartiers et des bâtiments mixtes
01:51sont plutôt tournés vers une utilisation plus intensive.
01:55Et donc, très concrètement, l'idée, c'est pourquoi pas, en effet,
01:58faire en sorte que votre restaurant d'entreprise puisse être transformé
02:01en brasserie ouverte à tous le soir et le week-end.
02:03Que nos écoles puissent proposer d'autres usages, d'autres services
02:06pendant les vacances scolaires.
02:08Que nos bureaux inutilisés à certains moments de la journée
02:11pourraient très bien être proposés à des étudiants en manque d'espace de travail
02:14qui font parfois la queue devant les bibliothèques pendant des heures
02:17juste pour obtenir un petit poste de travail.
02:19Tout est possible.
02:20Vous êtes sûr qu'un restaurant inter-entreprise,
02:22qui n'est pas forcément hyper sexy en termes de look,
02:25puisse aguerre du public en dehors des heures ?
02:27Mais oui, tout à fait.
02:28L'idée, ce n'est pas d'intensifier tout, tout le temps.
02:32N'allons pas dans la caricature.
02:34Mais de penser autrement nos mètres carrés,
02:36de changer de regard sur ces mètres carrés-là,
02:38et de penser plutôt les bâtiments, les espaces,
02:41un peu comme une grande salle polyvalente
02:43qui peut accueillir plusieurs fonctions, plusieurs usages,
02:45encore une fois, au cours de la journée, de la semaine ou de l'année.
02:48Prenons par exemple la crise du logement,
02:51avec la crise de l'immobilier qu'on vit actuellement.
02:53Vous le savez, c'est un drame absolu.
02:55Vous avez lu, comme moi, les articles sur les enfants
02:58de moins de 5 ans qui dampent à la rue tous les jours dans Paris,
03:01plus de 2000.
03:02Pas que dans Paris, dans toute la France.
03:04On a pris Paris parce que le chiffre est quand même très significatif.
03:07C'est assez violent, on peut le dire.
03:09Parce qu'on y voit, je reprends votre livre,
03:12il y a des solutions extrêmement pragmatiques.
03:14On ne peut pas être forcément d'accord sur tout, on est d'accord.
03:17Mais par contre, on se dit,
03:20est-ce que ce n'est pas une solution alternative
03:23à la crise du logement ?
03:25Comment on peut faire ?
03:26Je vous donne un exemple.
03:27Est-ce que c'est réaliste de vous dire que dans une école
03:29où il y a du mètre carré disponible,
03:31qui n'est pas forcément utilisé ou qui est très largement sous-utilisé,
03:34on pourrait en faire des logements, par exemple, de transition,
03:37de l'urbanisme temporaire, par exemple.
03:39Est-ce que ce sont des solutions concrètes ?
03:41Vous avez raison de dire qu'on vit dans une aberration.
03:43Aujourd'hui, en effet, on sous-utilise massivement le mètre carré.
03:46On est au cœur de ce gaspillage.
03:47Et en même temps, on continue à artificialiser les sols.
03:49C'est 4 à 5 stades de foot toutes les heures
03:51qui sont aujourd'hui artificialisés.
03:53Et on connaît les conséquences.
03:54Un peu moins en ce moment, avec 50% de baisse de la construction du logement.
03:57Les chiffres sont quand même très importants.
03:58Et on connaît les conséquences, malgré tout, de cette artificialisation.
04:01On l'a vu en Espagne il y a quelques semaines encore.
04:03Et vous l'avez dit, nous vivons absolument une crise sans précédent
04:06de la question du logement.
04:074 millions de personnes mal logées.
04:11330 000 sans-abri.
04:122 000 enfants qui dorment toute la France à la rue aujourd'hui.
04:15Donc, il est temps vraiment de changer de regard là-dessus.
04:17Il y a des choses qui existent.
04:18Par exemple, l'association des bureaux du cœur
04:20qui permettent à un sans-abri d'être accueilli dans les bureaux la nuit
04:24pour y dormir.
04:25Des sans-abris qui sont suivis socialement par des travailleurs sociaux
04:30qui n'ont pas d'addiction, etc.
04:31Donc, ce n'est pas forcément toute la population générale
04:33de ce public particulier.
04:36Mais c'est une solution.
04:37Vous me parliez des écoles.
04:39Oui, par exemple à Noirmoutier, l'école se transforme en centre d'hébergement
04:42touristique à Bacou l'été pour accueillir des familles.
04:46Ce sont des choses qui existent.
04:48Il y a déjà des exemples très précis un peu partout sur tout type d'actifs.
04:51Là, on parle des écoles, on peut parler des logements
04:53parce qu'on pourrait très bien imaginer demain
04:55que nos logements puissent accueillir un atelier partagé,
04:59une chambre d'amis partagée.
05:00Ça nous évite parfois d'avoir une pièce en plus.
05:02La buanderie partagée, comme c'est le cas à New York.
05:05Mais on peut aussi penser, pour les immeubles tertiaires,
05:08à ce qui peut se faire, par exemple, Novaxia.
05:10Le siège social de cette entreprise se transforme en tiers-lieu associatif
05:14le soir et le week-end.
05:16BNP Paribas Real Estate, dans son nouveau siège, Métal 57,
05:19a créé une rue intérieure bardée de tout un tas de commerces
05:22et services à Boulogne, donc pas très très loin,
05:24qui est ouverte à toutes et tous.
05:26C'est une nouvelle façon de penser la ville
05:28qui nous permet de mieux utiliser nos espaces.
05:30C'est extrêmement intéressant que les entreprises s'en parlent.
05:32Vous faites allusion à Novaxia, c'est le siège Rue Saint-Charles, me semble-t-il.
05:35Dans le 15e arrondissement de la capitale.
05:38Ah oui, un arrondissement très cher à notre amie Jean-Marie.
05:42Vous avez mis en place un indicateur, on va en savoir plus,
05:46universel, je cite, du taux d'utilisation des espaces,
05:49qui s'appelle l'intensiscore.
05:51À quoi ça correspond ?
05:53En fait, mon idée, c'était sur le modèle du DPE ou du nitiscore.
05:56L'idée, c'est de révéler au monde le gâchis des mètres carrés.
05:59Pour ça, il faut le mesurer.
06:00Et donc, on a mis en place cet intensiscore,
06:02qui est une plateforme en ligne gratuite.
06:04Tout le monde peut s'y connecter, qui est très pédagogique,
06:06très simple à utiliser, et qui, en répondant à quelques questions,
06:09vous permettra d'avoir une idée objectivée de l'utilisation
06:12d'un espace, d'un immeuble, et puis de faire varier cette utilisation
06:15en fonction des jours, des moments de l'année, de la semaine, etc.
06:18Et puis, parce qu'il ne suffit pas de dire
06:20« il y a un problème, il faut le traiter »,
06:22on donne aussi des clés pour agir très concrètes,
06:24puisqu'en plus de cet intensiscore, avec le groupement d'acteurs
06:26publics et privés que j'ai créé pour cela,
06:28on a rendu public un guide, pareil, disponible gratuitement en ligne,
06:30n'hésitez pas à le télécharger,
06:32pour vous donner des pistes très concrètes,
06:35pour lever les freins, les obstacles,
06:37qui aujourd'hui, nous empêchent d'aller un peu plus loin,
06:39les freins juridiques, assuranciels, techniques de gestion.
06:43Alors, vous avez raison de le signifier,
06:45parce que votre livre a la vertu, finalement,
06:47de mettre un focus vraiment particulier,
06:50je cite, en finir avec le gâchis de Medgaré,
06:52aux éditions Apogée.
06:54Vous êtes une élue dans la ville de Paris,
06:56ça arrive à tout le monde,
06:58ça peut arriver, je vous taquine.
07:00Paris connaît un taux de vacances, c'est vrai, très important,
07:02un taux de vacances, c'est-à-dire ?
07:04Vacances locatives.
07:06Voilà, vacances à la location,
07:08c'est-à-dire qu'on a des propriétaires qui conservent leurs immeubles
07:10ou leurs appartements, et qui préfèrent, mon cher Jean-Marie,
07:12ne pas louer, par exemple.
07:14D'accord, qui ne les utilisent pas, mais qui en plus les louent.
07:16Voilà, de la vacance locative.
07:18On a 128 000, actuellement, logements vacants à Paris.
07:20Alors, il ne s'agit pas,
07:22je vais prendre une préocclusion oratoire,
07:24il ne s'agit pas de fustiger les propriétaires
07:26dont on a réellement besoin dans ce pays,
07:28puisque je rappelle quand même que 62% des locataires
07:30du parc locatif seraient éligibles au logement social,
07:32mais ça, vous le savez déjà.
07:3470%.
07:36Donc, on a besoin de ces millions de propriétaires,
07:38et mesdames et messieurs, vous toutes qui nous écoutez,
07:40on a besoin des propriétaires qui louent.
07:42Il y a un nombre important de bâtiments,
07:44qui est également public.
07:46Est-ce que la ville, globalement,
07:48Madame Hidalgo,
07:50la collectivité, s'en est emparée,
07:52et quelles sont les démarches qui ont été entreprises ?
07:54Bien sûr.
07:56Il y a une politique volontariste sur la question du logement
07:58en règle générale, et aussi sur la question du logement
08:00vacant, puisque, vous l'avez rappelé,
08:02les chiffres sont extrêmement importants.
08:04Nous mettons en place un certain nombre de dispositifs
08:06pour inciter les propriétaires à mettre
08:08leur bien sur le marché.
08:10Je pense, par exemple, à louer solidaire et sans risque,
08:12qui permet aux propriétaires
08:14d'obtenir, en cas d'impayé,
08:16les revenus qui vont bien.
08:18Mais même si, par exemple, votre logement
08:20a été dégradé, la ville peut
08:22vous donner des fonds pour pouvoir
08:24le remettre en état.
08:26Mais sur la question plus générale
08:28du gaspillage immobilier et de la sous-utilisation,
08:30nous avons un patrimoine
08:32municipal, un patrimoine public,
08:34et nous faisons en sorte de mieux l'utiliser,
08:36de mieux l'optimiser.
08:38On a mis en place
08:40un catalogue de nos équipements,
08:42des délibérations qui permettent à tout un tas,
08:44et même aux particuliers,
08:46de louer nos équipements publics
08:48pour réaliser des événements
08:50quelconques.
08:52Et puis nous avons, par exemple, ouvert depuis 3 ans
08:54à Paris les cours d'école et de crèche
08:56aux petits parisiens le week-end.
08:58C'est bête à dire, mais c'est
09:00quand même très pertinent, moi qui ai des enfants
09:02en bas âge, de pouvoir justement
09:04leur permettre de bénéficier de ces espaces
09:06qui, sinon, étaient fermés
09:08et ne servaient strictement à rien.
09:10Merci beaucoup. Le temps nous est
09:12compté, mais on aura l'occasion de se revoir avec
09:14beaucoup de plaisir. Merci d'être venue à Léonore Slama.
09:16Je rappelle que vous êtes maire adjointe dans le 12e arrondissement
09:18et maire du quartier Belair.
09:20Dans le 12e, également
09:22l'autrice de, en finir avec le mail,
09:24le gâchis de Maître Carré aux éditions Apogée.
09:26Procurez-le. Procurez-vous-le,
09:28pardon, et vous allez voir, c'est très intéressant.