Chaque mardi et mercredi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Eugénie Bastié livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Eugénie Bastié - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/eugenie-bastie-les-signatures-deurope-1
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00:00Ce qui nous permet de prendre notre temps avec Eugénie Bastiat. Bonjour Eugénie !
00:02Bonjour à tous !
00:03Vous voulez nous parler ce matin d'une nouvelle tendance technologique, la sélection des embryons
00:08qui va sans doute se développer, nous dites vous Eugénie, dans les années à venir.
00:11Est-ce que vous connaissez la start-up Heliospect Genomics ?
00:15Une enquête du Guardian a révélé ces jours-ci les agissements eugénistes de cette société américaine.
00:21Elle propose aux parents qui ont recours à une fécondation in vitro
00:24de pouvoir analyser les embryons qu'ils conçoivent, puis de les trier et de les sélectionner en fonction du QI
00:29du futur bébé. Les responsables de l'entreprise ont affirmé qu'ils pouvaient augmenter le QI d'un enfant jusqu'à 6 points.
00:36En novembre dernier, le PDG de l'entreprise, Michael Christensen, se réjouissait que tout le monde puisse avoir
00:43autant d'enfants qu'il le souhaite, des enfants exempts de maladies, intelligents et en bonne santé.
00:48Mais ce n'est pas tout. Christensen envisage à terme l'avènement d'ovules cultivées en laboratoire
00:54pour que les couples puissent créer des embryons à l'échelle industrielle, un millier voire un million,
00:58pour effectuer ensuite une sélection de bébés sans défaut. Bienvenue à Gatacal.
01:03Ah oui, j'allais vous le dire, c'est exactement ça. Est-ce qu'on peut parler d'eugénisme ?
01:06Écoutez, trier des embryons pour choisir le plus performant, je ne vois pas comment appeler ça d'un autre nom.
01:12D'ailleurs, parmi les cadres dirigeants de la société Heliospect Genomics, figure Jonathan Anomaly,
01:17il porte bien son nom, un universitaire qui assume de défendre une forme d'eugénisme libéral.
01:23Alors l'eugénisme libéral, non, ce n'est pas un parti politique que j'aurais créé,
01:26c'est de l'eugénisme, non pas contraint par l'Etat, par coercition, mais reposant sur le choix des parents
01:34qui devraient, selon ses promoteurs, être libres d'améliorer les performances de leurs enfants.
01:39Mais de quelle liberté parle-t-on ? Comme le souligne l'essayiste Robin Rivaton dans L'Express,
01:44la sélection des embryons, comme beaucoup de technologies, aura de forts effets de contagion.
01:49Des couples qui pourraient être hostiles à l'idée au départ, pourraient s'y résoudre afin de ne pas
01:54laisser leurs enfants génétiquement défavorisés. Vous savez, dans une société où les diplômés raflent de plus en plus la mise,
02:00l'intelligence, qu'on sait être en grande partie héréditaire, devient aussi déterminante dans la trajectoire sociale
02:07que les quartiers de noblesse sous l'Ancien Régime, certains parents seront prêts à tout pour l'obtenir.
02:11Et est-ce que c'est inquiétant Eugénie ?
02:13Bah écoutez, moi je trouve que c'est plutôt un cocktail infernal. Les parents, vous savez,
02:18on a des parents qui font des enfants de plus en plus tard, ce qui provoque des problèmes de fertilité
02:22et un recours accru à la fégondation in vitro. On a des progrès de l'intelligence artificielle qui permettent d'accumuler des données biologiques
02:28de façon inédite. On a une compétition qui sera introduite dans les années qui viennent par cette même IA sur le marché du travail,
02:35qui conduira probablement au remplacement des intelligences moyennes par la machine, ce qui va accentuer la pression.
02:40Dans la guerre des cerveaux à venir, il faudra peut-être augmenter le QI de ces enfants.
02:45Le meilleur des mondes, jadis prophétisé par Huxley, sera le monde des meilleurs,
02:50mais aussi et surtout le monde des plus riches, qui auront les moyens de ces technologies coûteuses.
02:54Alors restera-t-il aux Etats assez de morale et de courage pour mettre un frein à ces pratiques ?
03:00Qui a envie de vivre dans un monde où l'enfant devient un produit choisi sur étagère,
03:05un investissement dont il faudrait minimiser les risques et maximiser les performances ?
03:10Je vous le dis tout de suite, pas moi.
03:11C'est vertigineux. Merci beaucoup Eugénie Bastier.