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00:00Bonsoir à toutes et à tous, ce soir dans l'Invité Éco, je reçois Catherine Magrégor.
00:08Bonsoir.
00:09Bonsoir.
00:10Vous êtes la directrice générale d'ENGIE, acteur mondial de l'énergie.
00:14A l'origine, le métier d'ENGIE, c'est le gaz, la vente, le stockage et la distribution
00:18de gaz, mais l'entreprise s'est spécialisée également ces dernières années dans les
00:23énergies renouvelables.
00:25Première question, toute simple, Catherine Magrégor, est-ce que vous craignez le retour
00:29au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, sachant que c'est un climato-sceptique avéré ?
00:33Alors, au-delà des effets d'annonce, ce qu'il faut regarder, c'est la réalité
00:39sur le terrain et sur le marché.
00:41Et aujourd'hui, ce qui se passe aux Etats-Unis, c'est qu'il y a une très forte demande
00:46pour davantage d'électricité.
00:48Pourquoi ? Parce qu'il y a une croissance économique, il y a développement, data center,
00:53IA, etc.
00:54Et aujourd'hui, les énergies renouvelables sont les meilleures solutions pour répondre
00:59à ce besoin rapide d'électricité.
01:02Pourquoi ? Parce qu'ils arrivent très rapidement à être développés et à être mis en service
01:06plus rapidement que d'autres moyens de production.
01:08Donc, on peut quand même compter sur le pragmatisme des Américains pour maintenir cette volonté
01:14de développer ces projets renouvelables.
01:16Et donc, de maintenir l'IRA, l'Inflation Reduction Act, ce sont des milliards de dollars
01:23de subventions publiques.
01:26Et vous, Angie, vous avez des projets dans l'énergie solaire et éolienne aux Etats-Unis.
01:31Vous comptez ?
01:32Et dans les batteries également.
01:33On développait les énergies renouvelables sous l'administration de Trump quand il a
01:37été président une première fois.
01:38Ce qui montre que même avant l'IRA, on développait déjà ces projets.
01:42Alors, l'IRA a des avantages aujourd'hui, on verra ce qu'il en sera.
01:46Mais en tout cas, on revient quand même toujours à ce pragmatisme des Américains.
01:50Après, moi, en tant que citoyenne, évidemment, si les Etats-Unis devaient sortir de l'accord
01:54de Paris, je ne pourrais que le regretter.
01:56Parce que, compte tenu du poids des Etats-Unis, ce serait quand même une mauvaise nouvelle.
02:00Donc, voilà, à suivre.
02:02À suivre, sauf que sur les éoliennes en particulier, vous avez, Angie, trois projets
02:07dans l'éolien offshore.
02:08Et Trump, pour le coup, sur les éoliennes, il a dit qu'elles tuaient les oiseaux et
02:13les baleines.
02:14Qu'est-ce que ça veut dire concrètement pour Angie ?
02:16Il y a effectivement eu des expressions assez fortes du candidat Trump sur l'éolien
02:21en mer.
02:22Et donc, on va voir s'il prend des décisions et auquel cas, si c'est le cas, on devra
02:27arrêter le développement de ces projets.
02:28Mais on a plein d'autres projets en France.
02:30Vous les arrêterez ?
02:31Si il prend des décisions radicales, on devra bien sûr arrêter ces développements.
02:36Mais encore une fois, à l'échelle du groupe, on a un portefeuille de projets qui est suffisamment
02:41diversifié pour faire d'autres projets en mer, en particulier en France, où on est
02:45bien sûr très actif.
02:46Alors, dans le même temps, pour rester sur Donald Trump, il a prévu la reprise des forages,
02:52ce qui veut dire davantage de gaz sur le marché.
02:56Et du coup, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les prix du gaz concrètement vont
02:59baisser ?
03:00Alors, c'est un peu difficile de prédire ce que Trump va faire et surtout, il faut
03:04faire la différence entre ce qui va se passer sur le marché domestique, donc la conséquence
03:08peut-être de plus de production, et puis des décisions d'exportation, puisque quand
03:12vous parlez du marché, ce qui nous concerne, nous, les Européens notamment, c'est le
03:16gaz naturel liquéfié, donc il doit être liquéfié et exporté des Etats-Unis.
03:20Et donc, la question, c'est est-ce qu'il y aura plus d'exportation ou pas ?
03:24Ça nous ramène toujours à la question de la dépendance de l'Europe et de sa souveraineté
03:29énergétique.
03:30On a remplacé le gaz russe par beaucoup de gaz naturel liquéfié, c'est bien, mais
03:35c'est des nouvelles dépendances.
03:36Et donc, aujourd'hui, mon message, c'est accélérons la transition énergétique parce
03:41que la transition énergétique, c'est plus de moyens de production sur nos territoires,
03:46ça renforce notre souveraineté.
03:47Sauf que ce gaz, si effectivement, Trump le permet qu'il soit exporté vers la France,
03:54vous, vous avez des ports métaniers, ça peut être bon pour le prix du gaz, je le
04:00disais, et bon pour Engie également.
04:01Alors, nous, aujourd'hui, d'abord, se rappeler qu'effectivement, nous, on a des
04:06terminaux qui jouent un rôle très important, et le gaz, effectivement, va faire
04:11partie du mix énergétique pendant encore un moment.
04:14Mais rappelez-vous, on va baisser cette consommation de gaz dans les années à venir, c'est
04:18la clé de la transition énergétique réussie.
04:20Et on va surtout utiliser d'autres molécules, les molécules vertes du biométhane, qui
04:25est la même molécule que le gaz naturel, mais produit localement.
04:28Donc là, vous avez une substitution vertueuse avec 0 CO2 émis pour la production de ce
04:34biométhane et puis de la même molécule qui est produite localement.
04:39Vous avez une meilleure souveraineté.
04:40Et nous, on est plutôt, aujourd'hui, en faveur de ça, évidemment.
04:43Et on en est où, justement, Catherine McGregor, sur la production de ce gaz que vous faites
04:50vous-même ? Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui en Europe ? On est en retard ? J'ai vu que
04:53vous lanciez un appel à l'Europe pour davantage d'actions face aux risques qui persistent
04:59concernant la trajectoire de décarbonation en Europe.
05:02Je vais vous parler un peu plus généralement sur la trajectoire de décarbonation, effectivement,
05:06parce qu'on a un point de passage qui est important à 2030.
05:09A 2030, vous avez entendu parler des 55 %, on s'est engagé en Europe à diminuer nos
05:14émissions de 55 %.
05:16Et en fait, aujourd'hui, nos projections, c'est qu'en fait, on est plutôt en bonne
05:19voie.
05:20On est pas loin.
05:21On produit suffisamment d'énergie décarbonée.
05:23Il y a beaucoup de leviers, mais notamment l'électrification est un levier très important.
05:29Et puis, un peu plus tard, on va utiliser la substitution du gaz naturel avec ces molécules
05:35décarbonées.
05:36Donc aujourd'hui, on est plutôt en bonne voie, surtout grâce à l'électricité, puisqu'on
05:41a électrifié les usages et développé massivement les énergies renouvelables.
05:44Il faut continuer.
05:45Il faut d'ailleurs accélérer le développement des énergies renouvelables pour pouvoir passer
05:49ce point 2030 à moins 50, moins 55 %.
05:53En revanche, là où il y a encore beaucoup de travail à faire, c'est sur la deuxième
05:56partie 2030-2050, où là, il faut s'atteler à l'ensemble du système énergétique.
06:03Continuer à électrifier et puis s'attaquer à ce qu'on appelle la molécule.
06:06C'est aujourd'hui plutôt ce gaz naturel.
06:09Mais tout ce que les industriels et les moyens de transport lourds utilisent aujourd'hui,
06:15qui sont de gros émetteurs, et qu'on va aussi décarboner.
06:18Donc il faut vraiment transformer ce système.
06:21Et là, on a encore beaucoup de travail à faire.
06:23Et qu'est-ce qui manque justement ? Est-ce qu'il ne manque pas une impulsion politique
06:27pour que cette transformation soit réelle ?
06:31Je me souviens qu'il y a quelques mois, avant les élections européennes, vous vous inquiétiez
06:35justement de l'arrivée de climato-sceptiques au pouvoir ici même en Europe, avec un risque
06:40pour cette trajectoire de décarbonation.
06:43Aujourd'hui, ce risque, il est levé.
06:45Alors moi, je suis effectivement assez rassurée par le fait qu'on a une Commission européenne
06:50aujourd'hui qui va plutôt garder le cap en matière d'ambition de transition énergétique.
06:55Et ça, je trouve que c'est très bien.
06:56Après, peut-être un appel à bien intégrer la compétitivité et la souveraineté.
07:01Très important.
07:02Parce qu'on ne peut pas faire la transition énergétique aux dépens de l'industrie.
07:09Il faut la faire avec l'industrie.
07:12Et pour ça, effectivement, aider nos industriels et notamment s'ils peuvent s'électrifier
07:17une impulsion pour qu'ils s'électrifient et s'ils ne peuvent pas s'électrifier,
07:21au contraire, leur fournir cette molécule décarbonée avec quelques aides au début
07:26pour aider l'industrie à se décarboner.
07:29Et là, on aura vraiment la transition énergétique la plus vertueuse possible.
07:32Et comment est-ce qu'on les aide à se décarboner, les industriels ?
07:35Alors, on peut avoir des aides pour la demande, pour qu'ils puissent s'engager et avoir
07:41des aides pour payer moins cher une énergie qui est plus verte.
07:45Sauf qu'on a vu aujourd'hui que ce qui manque quand même, c'est notamment de l'argent
07:49public.
07:50Le rapport Draghi disait qu'il fallait 800 milliards d'euros par an justement pour
07:55aider notamment l'industrie européenne à se décarboner.
08:00Cet argent public, il en manque en France, en Europe.
08:03Donc, ça ne va pas pouvoir se faire tout seul.
08:05Donc, le coût de la transition, on en parle beaucoup, il est réel.
08:09Nous, on estime à peu près en ligne avec tous les grands chiffres qu'on est à peu
08:12près à entre 1,5 et 2% de points de PIB de coût de transition énergétique à mettre
08:18en regard, bien sûr, avec les coûts de l'importation des énergies fossiles et de cette dépendance.
08:24Et puis surtout, il faut mettre tout ça en regard du coût de l'inaction.
08:28Le coût de l'inaction n'est jamais dans les équations.
08:32Donc, on parle beaucoup de dettes économiques.
08:34Il faut aussi parler de dettes climatiques.
08:36Quand vous regardez quand même les événements en Espagne absolument tragiques, évidemment
08:40les vies humaines, des tragédies monstrueuses.
08:44Et puis après, des coûts de réparation.
08:46Vous avez vu, on parle de 11 milliards, on parle de 20 milliards, 30 milliards.
08:49En fait, les chiffres deviennent vertigineux.
08:51Justement, les chiffres deviennent vertigineux.
08:53On sait qu'on a demandé aux entreprises de contribuer à l'effort collectif, notamment
08:57en France, avec une surtaxe pour les grandes entreprises.
09:00Combien vous allez payer, vous, chez Engie, Catherine Lagrégoire ?
09:02Nous, on va participer à l'effort national à travers, a priori, cette surtaxe.
09:06Encore une fois, il faut que le budget soit voté.
09:09Ce n'est pas encore le cas.
09:10Mais quand il sera voté, il y a effectivement un dispositif qui nous demandera une surtaxe
09:15sur l'impôt sur les sociétés, qui est un impôt qui est relativement simple, assez
09:22prévisible, qu'on arrive à quantifier en avance, qui sera borné dans le temps, si
09:27on a bien compris.
09:28Alexandre Compare dit qu'il est confiscatoire, le patron de Carrefour.
09:31Alors, moi, je me prononcerai un petit peu différemment, dans la mesure où il remplit
09:36les conditions que je viens de citer.
09:37Je pense qu'aujourd'hui, Engie est prêt à prendre ses responsabilités.
09:41On a besoin d'avoir des finances publiques, évidemment, qui soient saines.
09:45Et donc, si on doit faire un geste en ce sens, on préfère un dispositif comme celui-ci
09:49que des dispositifs très compliqués qui essayent de cibler tel secteur ou même tel
09:54type d'actifs, comme il en a été question dans le débat public jusqu'à présent.
09:58C'est un peu compliqué, mais nous, on préfère la simplicité.
10:00Et on pense que comme tout investisseur, on a besoin de stabilité, de clarté dans le
10:06cadre d'investissement.
10:07Merci beaucoup, Catherine McGregor, directrice générale d'Engie.
10:11Invité Echo de France Info ce soir.