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Flavie Flament reçoit Jean-Yves Le Naour, historien de la Première Guerre Mondiale, pour répondre à la question : 11 novembre 1918, savons-nous encore ce qu'est l'Armistice ?

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Transcription
00:00Bonjour Jean-Yves Lenahour, merci d'être avec nous ce matin, vous êtes historien, vous êtes spécialiste de la Première Guerre mondiale et du XXème siècle.
00:08Si je demande aujourd'hui à un jeune de 15 ans ce qu'est le 11 novembre 1918, est-ce que vous pensez qu'il est capable de me répondre ?
00:15J'espère, j'espère, il faudrait faire un sondage, mais j'espère parce qu'à 15 ans on est en troisième et au programme de troisième il y a la Première Guerre mondiale.
00:23Et tous les enseignants disent que, et j'en ai été un, que quand on enseigne la Première Guerre mondiale, il y a vraiment un intérêt, mais ça relève aussi de l'incompréhensible.
00:33C'est comme si on parlait de la guerre de Cent Ans, c'est-à-dire qu'ils ont des euros, il n'y a plus de frontières en Europe, quoi, on était dans les tranchées, on se battait contre les Allemands, il y a un truc qui...
00:41On leur parle d'un autre temps, c'est ça ?
00:42Complètement, alors que c'était il y a 110 ans, c'est vraiment, ça paraît très loin et en même temps c'est très proche.
00:48Puisque vous avez été justement prof et que vous enseignez, vous allez nous donner un petit cours, c'est quoi l'armistice ?
00:53Alors l'armistice c'est vraiment une journée incomparable, parce que vous avez plus de quatre ans de drame, un million et demi de morts, mais il faut imaginer ce que c'est, on balance un chiffre,
01:01mais imaginez un million et demi de pères, de mères, de grands-parents, d'oncles, de tantes, de fils, d'épouses, de sœurs, etc.
01:08C'est tout un pays finalement qui est mobilisé dans cette guerre totale et vous avez enfin, ce 11 novembre, les Allemands ont signé dans la clairière de Rotonde l'armistice,
01:16ils reconnaissent qu'ils ont perdu la guerre et l'armistice prend effet à 11h et à 11h, c'est toute la France qui descend dans la rue,
01:23c'est les sirènes des usines, les cloches qui sonnent, les sirènes des bateaux dans les ports, on tape sur des casseroles, on fait des farandoles, on rit, on pleure,
01:31ça y est, c'est fini, c'est fini et puis il n'y en aura plus jamais d'autres, parce que c'est la dernière des guerres.
01:37On a tué la guerre dans le ventre de l'Allemagne, maintenant on va faire les États-Unis d'Europe, on va faire une paix juste,
01:41les trônes des Césars vont tomber, terminer le Kaiser, terminer le Tsar, il est tombé déjà en 1917, mais tous les empires éclatent,
01:48il n'y aura plus que des républics sœurs et il n'y aura plus jamais la guerre.
01:51Mais pourquoi est-ce que je ne vous ai pas eu comme prof d'histoire, Jean-Yves Le Nahour, vous êtes fascinant et forcément vous nous racontez l'histoire de façon passionnante.
01:59Selon vous justement, il va y avoir beaucoup de monde aujourd'hui puisque ce sont les commémorations autour des monuments aux morts, il y en a 40 000 en France des monuments aux morts.
02:07Je me souviens quand j'étais petite, il y avait toujours une partie du village qui allait autour du monument aux morts, qui se recueillait.
02:14Est-ce que ça va ressembler à mon enfance aujourd'hui ?
02:16Je crois que ça se dépeuple, c'est aussi mon expérience, on le voit chaque année, ça se dépeuple.
02:21Dans les années 1920, les années 1930, c'était tout le village qui venait, parce que les noms qui étaient sur ces monuments, c'étaient les enfants du pays,
02:27c'était le mari, c'était le fils.
02:29C'était la famille en fait.
02:31C'était la famille, donc ces noms-là, ça disait quelque chose.
02:33Aujourd'hui, ces noms-là, avec surtout la mobilité des Français, peut-être qu'ils nous parlent moins.
02:38Et devant les monuments, on a surtout des officiels, conseils municipaux, gendarmes, pompiers, et puis les anciens combattants sont de moins en moins nombreux.
02:46Il faut dire aussi que les rites, ils ont été forgés justement au début des années 1920 par les anciens combattants pour rendre hommage à leurs camarades.
02:55C'est un côté un peu militaire, un peu figé, qui ne parle peut-être plus trop à la jeunesse.
02:58Et je pense qu'avec la disparition des anciens combattants, il faudra repenser, repenser les commémorations.
03:03Est-ce qu'on perd la mémoire, Jean-Yves Le Nahour ?
03:06Je veux dire par là que plus on avance, plus les événements se succèdent, et plus finalement, ce genre d'événements comme l'armistice s'éloignent de nous et s'éloignent aussi de la société actuelle et des jeunes.
03:16Alors on a envie de dire oui, parce que ça paraît logique.
03:19Eh bien non, pas nécessairement, parce que figurez-vous que la Première Guerre mondiale, on n'en parlait pas entre 1945 et la fin des années 70, début des années 80, on n'en parlait pas.
03:28C'était complètement effacé par la geste de la Résistance, par la Seconde Guerre mondiale.
03:31Puis les poilus qui avaient cru triompher de la guerre en 1918, il a fallu remettre ça 20 ans plus tard.
03:37Donc finalement, c'était aussi d'une certaine façon des perdants, des victimes, alors que le Résistant avait triomphé.
03:43La Première Guerre mondiale, on l'a oublié entre 1945 et 1980, il y a eu un grand retour dans les années 90, et regardez, le dernier poilu est mort en 2008.
03:51Mais les commémorations, on n'a jamais autant parlé de la Première Guerre mondiale entre 2014 et 2018, avec des initiatives qui venaient d'en bas, d'associations, du théâtre, des expos, des conférences.
04:01C'était des milliers de projets qui venaient d'en bas.
04:03Mais vous l'avez dit en fait, le dernier poilu est mort, donc il n'y a plus personne finalement réellement pour en parler, personne qui l'ait vécu.
04:10Comment est-ce qu'on peut transmettre cette histoire un peu lointaine aux plus jeunes aujourd'hui ?
04:15Comment est-ce qu'on peut la rendre attractive, et puis comment les sensibiliser dans une période où la guerre fait rage, le conflit parfois est aux portes du pays ?
04:21Comment est-ce qu'on peut les sensibiliser à la gravité de ces conflits ?
04:25Évidemment, il y a les cours, mais ça ne suffit pas. Je crois qu'il faut aussi passer par l'émotion, faire sentir, ressentir.
04:32C'est ce que vous avez fait là, vous en avez fait une démonstration en nous racontant l'armistice.
04:35Oui, parce que vous savez, l'émotion ça vient de mot verré du latin et ça veut dire bouger.
04:39Et quand on est ému, finalement il y a quelque chose qui est touché en nous et qu'on comprend.
04:45Même si l'historien, bien souvent dans son écriture, il s'interdit de toucher ces cordes-là,
04:50mais en fait je pense que c'est très important, surtout avec les jeunes.
04:52Alors aller dans les musées, aller sur les lieux, aller à Verdun, c'est quelque chose.
04:57Et puis il y a plein d'autres façons, d'ailleurs ce que vous faites aujourd'hui, c'est aussi l'omission du service public.
05:04Rapidement, une nation qui n'oublie pas les horreurs du passé, c'est une nation qui est éveillée aussi aux dangers de l'avenir ?
05:09Oui, mais en même temps, ça voudrait dire qu'il y a des leçons de l'histoire.
05:14Et ce n'est pas aussi simple que ça, les hommes ne tirent pas toujours les leçons de l'histoire.
05:20Et je terminerai par une citation de Lao Tzu qui dit que l'histoire finalement c'est une lanterne accrochée dans le dos des hommes.
05:30Et qui éclaire le passé, mais pas l'avenir. Nous marchons toujours dans l'obscurité.
05:35Merci infiniment, c'était passionnant.
05:37Et je rappelle, parce que vous êtes avec nous là tout de suite,
05:40mais que vous serez également juste après cette émission dans l'édition spéciale de la rédaction de France Télévisions consacrée aux commémorations du 11 novembre.
05:47Merci à vous.

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