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Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 08 novembre 2024.

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00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Bonsoir Gilles Leclerc, vous avez été préfet délégué à la Sécurité dans les Bouches du Rhône,
00:08ancien directeur adjoint de notre police judiciaire, bref, ce qu'on appelle un grand flic,
00:11la lutte contre le narcotrafic désormais érigé en cause nationale.
00:16C'est l'une des mesures annoncées aujourd'hui à Marseille par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau
00:20et le ministre de la Justice Didier Migaud. Cause nationale, c'est nécessaire ?
00:25Je pense que c'est une cause nationale depuis un certain nombre d'années quand même.
00:27Bon, alors là, effectivement, j'allais dire ça empire, c'est même pas ça,
00:32parce que là, on a ce fait majeur lié à des histoires d'adolescents qui sont de plus en plus violents.
00:40Et en effet, cause nationale, c'est peut-être revoir un petit peu aussi la manière dont on élève les enfants.
00:48C'est malheureusement aussi un gros problème de tous ces ados qui sont laissés...
00:54Quand je vous écoute, je vous sens sceptique. Vous pensez que c'est un slogan ?
00:58Ou au contraire, vous nous dites, mais dites donc, ça fait un bout de temps qu'on devrait en faire une cause nationale ?
01:03Peut-être les deux d'ailleurs ?
01:04Ça fait depuis très longtemps que c'est une cause nationale, M. Calvi.
01:07Je me souviens d'être allé avec le président Chirac à une conférence internationale à l'ONU
01:12sur le trafic de stupéfiants en 1997.
01:15On sait très bien que le trafic de stupéfiants sur l'ensemble de la planète,
01:19c'est une espèce de ligne rouge de la criminalité.
01:26Et de temps en temps, on a des hauts, des bas,
01:29mais on ne peut pas considérer que parce qu'il y a un fait divers,
01:32même si ce sont des adolescents qui ont commis les faits,
01:36que ça devient une cause nationale.
01:37C'est depuis longtemps que c'est une cause nationale.
01:39On est tous mobilisés là-dessus, parce que de toute façon, ça sous-tend tout le crime organisé.
01:43Pourtant, on a l'impression en entendre les deux ministres qu'il y a une véritable prise de conscience.
01:48Ce qu'on se dit là cette fois, c'est d'aller beaucoup trop loin.
01:49Vous parliez effectivement des mineurs impliqués dans le trafic de drogue,
01:52mais aussi les mineurs victimes de ces trafics.
01:56Vous n'y croyez pas non plus ?
01:57Oui, on vous sent sceptiques.
01:58Non, mais ce n'est pas ça.
02:00Moi, je constate, j'ai 72 ans bientôt, j'ai un peu d'expérience.
02:03On a toujours l'impression qu'on réinvente la roue.
02:05Vous avez dit que j'étais préfet à Marseille.
02:07Mon prédécesseur s'est fait virer à cause d'un flingage à Marseille
02:11entre deux gamins de 15 ans et 13 ans.
02:14Et Nicolas Sarkozy l'avait saqué à l'époque,
02:16parce qu'il n'avait pas fait son travail, comme s'il pouvait dans toutes les cités.
02:20Donc, évidemment que c'est une cause nationale.
02:23Ça sous-tend toute la criminalité.
02:25C'est ce qui rapporte le plus.
02:26Mais ça veut dire quoi ? Qu'on ne peut vraiment rien faire ?
02:28On laisse tomber ?
02:29Bien sûr, ce n'est pas le problème.
02:30Je dis simplement que là, on parle de mots, c'est la cause nationale.
02:33On le dit aujourd'hui, on l'a dit il y a 20 ans, on l'a dit.
02:36Les gens travaillent.
02:37Le plan annoncé vous semble-t-il à la hauteur ?
02:40Je vous le dis le plus sobrement possible.
02:42J'ai regardé, il y a des choses qui sont très bien.
02:45Notamment, donner un statut juridique aux agents traitants,
02:49des infiltrés ou des informateurs, ça oui,
02:51parce que ceux qui sont dans le métier
02:54travaillent sur du funambulisme sans aucune garantie juridique.
02:57Donc là, oui, c'est bien.
02:58Un parquet national spécifique,
03:01où on a déjà quand même l'alcool,
03:04ça ne fonctionne pas trop mal.
03:05Si on veut effectivement faire un effet d'annonce, oui,
03:07mais est-ce que ça va entraîner...
03:08Vous comprenez que beaucoup de nos auditeurs ce soir,
03:10pardonnez-moi de vous interrompre,
03:12découvrent qu'on n'avait pas un parquet spécifique.
03:14Alors qu'ils estiment que c'est une cause nationale de première grandeur,
03:17parce qu'ils ont peur pour leurs mots,
03:19mais pour les gamins qui jouent en bas de l'immeuble, etc.
03:21Non, mais la Ginalco, 70% des dossiers de la Ginalco
03:26sont des dossiers stups.
03:27Donc, si vous voulez, on ne peut pas dire que ce n'était pas pris en compte.
03:30Là, vous nous parlez de la criminalité organisée.
03:31Oui, de la criminalité organisée,
03:32mais la criminalité organisée, elle est sous-tendue par le...
03:34Les stups sous-tendent la criminalité organisée à 70%.
03:38Donc, c'est bien.
03:40On verra ce que ça donne.
03:41Vous savez, on a eu aussi beaucoup de plans bien avant.
03:44On a créé des cours d'assises spéciales
03:46en matière de stupéfiants.
03:47Est-ce que vous en avez entendu qu'il y en a une qui s'est réunie ?
03:50Ça fait 20 ans que ce texte existe.
03:52Jamais ?
03:53Peut-être un peu à Paris, deux, trois fois.
03:55Voilà, donc en fait, si on a des réformes bien précises,
04:00il faut qu'elles soient mises en place, sinon,
04:02bon, tu sais ce que je le disais,
04:03les lois qui ne sont pas appliquées sont des mauvaises lois.
04:05Mais que faudrait-il faire, selon vous,
04:07vous étiez quand même un acteur de terrain,
04:10pour que les choses changent enfin, pour que cela évolue ?
04:13Je ne vais pas vous donner en cinq minutes vraiment la recette.
04:17C'est bien ça que j'imagine.
04:18Une idée de Bonaloa, quoi.
04:20Dans les stups, si vous voulez,
04:21en tout cas pour le trafic, c'est la coopération internationale qui est le plus important.
04:24Si on a des pays consommateurs et des pays producteurs
04:29qui se font la guerre, ça ne peut pas fonctionner.
04:31Alors, je reviens sur Jacques Chirac,
04:33cette fameuse conférence en 1998, je crois que c'était ou en 1997.
04:38La conclusion de cette conférence de l'ONU, ça a été
04:41co-responsabilité.
04:42Pays consommateurs, on a des défauts, on consomme.
04:46Pays producteurs, oui, c'est nous qui nous apportons un truc.
04:49Co-responsabilité.
04:51Pour moi, on a perdu la guerre ce jour-là.
04:52Pourquoi ?
04:53Parce que si on ne fait pas,
04:55on ne prend pas des mesures importantes contre les pays producteurs,
04:58on sera toujours dans la même panade.
05:00C'est-à-dire que...
05:01Quel type de mesures, soyons très concrets ?
05:03Diplomatique.
05:04On peut prendre des mesures économiques.
05:06Oui.
05:07On peut...
05:08Des sanctions.
05:09Des sanctions, voilà.
05:10Moi, je reste persuadé que si on le laisse faire comme ça, c'est facile.
05:13Vous comprenez ?
05:14Il faut tempérer parce que la plupart des pays producteurs
05:17sont des pays où la misère est grande.
05:20Évidemment, ça permet à certains gens de vivre,
05:23mais si on compare à nos cités, c'est aussi l'économie de la misère.
05:26Mais bon, malgré tout,
05:28si la communauté internationale ne prend pas de décisions
05:31fortes à l'égard des producteurs,
05:33on continuera à en parler dans 20 ans.
05:35De ce que je sache, vous avez bien participé à Europol.
05:37Oui.
05:38Est-ce que vous aviez l'impression que vous travailliez les uns avec les autres
05:40et dans le même sens ?
05:41Oui, on travaillait, mais on travaillait entre européens.
05:43Bon, là, maintenant, oui.
05:44Ils ont une véritable action
05:46avec des officiers de liaison, même des pays de la Colombie, etc.
05:50Ils essayent de faire une coopération,
05:52mais c'est pas opérationnel, Europol.
05:54C'est un échange de renseignements,
05:56ce sont des fichiers,
05:57mais il n'y a pas encore un pouvoir exécutif.
06:00Ils ne font pas d'enquête en direct.
06:02Mais on n'a pas encore un procureur européen,
06:04qui a, non plus, toutes les possibilités de travailler.
06:08Voilà, donc on balbutie, mais on déconne.
06:11Moi, j'y étais en 98.
06:14Oui, arrêtez, vous m'angoissez,
06:15parce que j'ai l'impression qu'on ne va pas avancer.
06:17Là, vous parlez des pays producteurs.
06:19Si on revient chez nous, vous parliez tout à l'heure d'éducation.
06:22Ça veut dire quoi, l'éducation, dans le narcotrafic ?
06:25On fait des campagnes anti-tabac.
06:27On fait des campagnes anti-alcool.
06:30On ne fait pas de campagne anti-drogue,
06:33parce qu'on nous annonce que c'est illégal,
06:35donc on n'a pas le droit d'en parler.
06:36C'est ça, la vraie réalité.
06:38J'ai vu, moi, en Espagne, des pubs,
06:40je peux vous dire qu'elles étaient bien costaudes.
06:42Et on donnait aussi la composition des produits.
06:45Si les gens qui se mettent de la cocaïne dans le nez
06:47savaient qu'ils se mettent du kérosène,
06:49de l'acide nitrique,
06:51peut-être qu'ils s'en mettraient un peu moins.
06:54Je vous nomme ministre de l'Intérieur.
06:56Quelle est la première mesure que vous prenez
06:58pour lutter contre le trafic de drogue dans notre pays ?
07:00Je demande à la justice
07:03de faire une coordination plus resserrée
07:06avec le ministère de l'Intérieur.
07:08Pourquoi ? Elle n'existe pas ?
07:10Parce qu'on n'a pas les mêmes règles partout
07:13et qu'il faut aussi, à un moment donné,
07:15regarder la vérité en face.
07:17Merci beaucoup, Gilles Leclerc,
07:19d'avoir pris la parole ce soir sur RTL,
07:21ancien préfet délégué à la Sécurité dans les Bouches du Rhône
07:23et ancien directeur adjoint de notre police judiciaire.
07:26Dans un instant, Agnès,
07:28si vous aimez les voiliers...
07:29J'adore !
07:30Les aventures extraordinaires...
07:31J'adore !
07:32Et que vous passez par les Sables d'Olonne ce week-end...
07:34Vous savez me parler !
07:36On a une bonne idée pour vous !