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Élections américaines : le "trumpisme" peut-il influer sur la politique française ? Regardez Pascal Perrineau, politologue et enseignant dans des universités nord-américaines (New York University, Middlebury College).
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 07 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud, 24 heures à peine après le triomphe de Donald Trump à la présidentielle américaine.
00:11Vous avez eu envie, Amandine, de nous donner quelques clés pour comprendre exactement ce qu'il se passe de l'autre côté de l'Atlantique.
00:17Alors vous avez choisi de recevoir le politologue Pascal Perrineau. Bonjour et bienvenue à vous.
00:21Bonjour Pascal Perrineau.
00:22Bonjour.
00:23C'est vrai qu'on a eu envie de vous entendre parce que vous connaissez parfaitement, bien sûr, la vie politique chez nous.
00:27Vous avez dirigé, entre autres, le Cevipof pendant une vingtaine d'années et puis vous enseignez régulièrement dans les universités américaines.
00:32Donc vous avez cette double casquette, si j'ose dire.
00:35Est-ce que vous aussi, vous avez été surpris par cette victoire finalement assez nette et franche de Donald Trump ?
00:40L'ampleur de la victoire m'a surpris, comme tout le monde.
00:43Le fait que Trump gagne, non, ça ne m'a pas surpris.
00:47On sentait, j'y étais encore il y a quelques semaines, on sentait un trumpiste profondément enraciné dans la société américaine.
00:56Et pas simplement, j'allais dire, chez les évangélistes blancs de plus de 50 ans.
01:01Ça, c'est une ânerie.
01:03On sentait même dans la jeunesse, et on l'a vu dimanche dernier, un Trump populaire.
01:08On sentait chez les minorités.
01:10Vous savez, d'habitude, le candidat démocrate ou la candidate démocrate fait un tabac dans les minorités asiatiques, latino et noires.
01:17Chez les latinos, c'est impressionnant.
01:19Donald Trump gagne 13 points par rapport à 2020.
01:22C'est gigantesque.
01:2345% d'entre eux ont voté pour lui.
01:25C'est très sensible dans l'état de la Floride, où les latinos sont extrêmement importants.
01:29Vous avez à la fois les femmes, mais surtout les hommes latinos sont allés voter massivement pour Trump.
01:35Et pourquoi ?
01:36Peut-être qu'il y a des raisons économiques, il y en a certainement.
01:39Mais il y a aussi, surtout, leur attachement à une certaine image du rôle de l'homme dans la société.
01:47Et c'est autour de ça que Trump a séduit les électeurs.
01:51Vous savez, dans la société américaine, on a l'impression de plus en plus que deux mondes dérivent.
01:56D'un côté, le monde des démocrates, très néo-féministes, militants.
02:02Woke, comme on dit.
02:03Woke, comme on dit.
02:04Cherchant à enfermer les gens dans leur identité raciale, sexuelle.
02:09Et de l'autre côté, il y a une Amérique, j'allais dire, assez ordinaire.
02:14L'Amérique des classes moyennes, qui se dit, mais qu'est-ce que ces gens nous racontent ?
02:19Est-ce qu'on peut faire société aux Etats-Unis comme ça ?
02:22Et leur réponse, de manière claire, est non.
02:25Ça veut dire, quand je vous écoute, qu'il n'y a pas eu, comme certains le disent, un rejet des démocrates.
02:30Ou en tout cas, qu'ils n'ont pas fait une bonne campagne et donc qu'ils n'ont pas été élus.
02:33Il y a une vraie envie de Trump.
02:35Oui, il y a une vraie envie de Trump.
02:36C'est très sensible.
02:37Quand il avait gagné en 2016, il n'était pas majoritaire dans l'électorat.
02:42Il avait gagné grâce à ce système que l'on connaît bien maintenant, des grands électeurs.
02:46Il avait un retard de 3 millions d'électeurs.
02:48Là, on n'a pas encore la comptabilité.
02:50Dans le vote populaire, il est à 5 millions.
02:53Plus de 5 millions de voix devant Kamala Harris.
02:56Donc, c'est un vrai succès.
02:58Et c'est un vrai succès populaire, oui.
03:00Pascal Perrineau, vous avez été l'un des premiers, d'ailleurs, à parler de Trumpisme de la vie politique française.
03:06C'était dès 2016.
03:07Est-ce que cette fracture que vous évoquiez à l'instant,
03:11entre d'un côté cette gauche woke et le reste de la population qui ne comprend pas bien tout ça,
03:17elle existe aujourd'hui en France ?
03:19Oui, elle existe. Elle existe fortement.
03:21Il y a de nombreuses années maintenant, j'avais un ami, Laurent Bouvet,
03:25qui avait écrit un livre qui avait eu un certain succès qui s'appelait « La gauche sans le peuple ».
03:28Tout était dit dans ce titre.
03:30Si vous voulez, si la gauche est dans l'état que l'on sait aujourd'hui en France,
03:34c'est parce que la gauche qui s'était construite politiquement sur sa proximité
03:39avec ce qu'on appelle les couches populaires, les ouvriers, les employés,
03:41peu à peu a dérivé et s'est intéressée à tout à fait d'autres enjeux.
03:46Beaucoup d'ouvriers et d'employés français comme d'ouvriers et d'employés américains
03:50ont l'impression que la gauche ou les démocrates aux Etats-Unis
03:54les ont laissés sur le bord du chemin, s'intéressent plus à eux,
03:57ne s'intéressent même plus à ceux qu'ils sont et à ceux qu'ils ont en tête.
04:01Et la sanction dans les urnes ensuite est redoutable.
04:04Les ouvriers qui aujourd'hui pour beaucoup ont voté rassemblement national
04:07ici en France aux dernières élections, c'est l'ERN le trumpisme français ?
04:11Oui, il faut être très prudent parce que par définition,
04:14un nationalisme ça s'explique beaucoup par des facteurs nationaux.
04:17Mais on le voit bien, c'est pas simplement France-Etats-Unis.
04:20Regardez dans le monde, dans le monde, le populisme est à l'ordre du jour.
04:25Les populistes de type nationaliste, regardez le président argentin,
04:29regardez monsieur Modi en Inde.
04:31Voyons, on prend des pays extrêmement éloignés les uns des autres
04:34mais qui sont touchés par le même phénomène de nationalisme,
04:39de protectionnisme et de populisme.
04:41Avec ses discours autour de rejet des élites, qu'elles soient politiques ou économiques,
04:45de colère d'une partie de la population, le pouvoir d'achat, l'immigration,
04:48la priorité nationale, tout ça ce sont des thèmes qui font écho
04:52à ceux portés par Marine Le Pen encore lors de la dernière présidentielle.
04:56Comment vous expliquez qu'elle ait eu une réaction aussi sobre Marine Le Pen
05:00en 2016 et 2020 ? Elle avait très clairement soutenu Donald Trump.
05:04Là on sent que c'est soft si j'ose dire.
05:07Si vous voulez, quand vous regardez les dernières élections en France,
05:10on a redécouvert qu'il y avait encore des morceaux de plafond de verre,
05:14si je peux me permettre, qui empêchent l'accès du RN au pouvoir.
05:19Et donc Jordan Bardella comme Marine Le Pen sont à la recherche
05:24à tout prix d'une respectabilité.
05:26Et c'est vrai que pendant la campagne, Donald Trump n'était parfois pas très respectable.
05:31Ou du moins il ne donnait pas des propos très respectables.
05:34Et il y a eu certainement cette volonté de se mettre à distance
05:38des bruits et des fureurs que véhiculent Donald Trump.
05:42Mais maintenant, ça y est, on applaudit à la victoire de Donald Trump
05:46au RN et surtout chez les militants et parfois même chez certains électeurs
05:52du RN qui se disent au fond aux Etats-Unis,
05:56les Américains ont osé ce que les Français n'ont pas osé
06:00il y a au moment des législatives de juin 2024.
06:04Dans le Figaro ce matin, la journaliste franco-américaine Anne Toulouse
06:07qui a publié plusieurs livres sur Trump dont L'Art de Trumper
06:10estime que finalement c'est le discours de Jean-Luc Mélenchon
06:12qui est le plus proche de celui de Donald Trump.
06:14Vous êtes d'accord avec elle ?
06:15Il y a un populisme d'extrême-gauche évident.
06:19Cependant, je serais plus modéré qu'Anne Toulouse
06:22parce que sur le terrain du wokisme, de la politique identitaire,
06:26ça n'a strictement rien à voir.
06:28Au contraire, Jean-Luc Mélenchon flatte le vote communautaire
06:31et en particulier, on le sait, le vote musulman.
06:34Finalement, ça n'est pas du tout la logique de Donald Trump
06:38qui a tenu même des propos, j'allais dire, extrêmement racistes.
06:41Le paradoxe veut que les Latinos qui ont voté pour lui
06:45ont été, par un humoriste proche de lui, littéralement insultés.
06:50Mais ça n'a pas eu de conséquence.
06:51Comment vous l'expliquez ? C'est fou quand même.
06:53Il y a toujours cette figure de l'homme.
06:55Oui, bien sûr, il y a cette figure de l'homme
06:57particulièrement forte dans la culture latino,
07:00chez les Cubains, tous ces immigrés qui viennent du Mexique,
07:03d'Amérique centrale.
07:05On est dans une culture latino-américaine un peu machiste,
07:09il faut le reconnaître, il faut faire avec, bien sûr.
07:12Et puis, il y a le facteur, n'oublions jamais, économique.
07:15Ce que les Américains avaient en tête, c'était l'économie.
07:19Et on sait qu'aux États-Unis, c'est encore beaucoup plus important
07:22que dans les démocraties européennes.
07:23C'est ce que les Américains appellent le vote du porte-monnaie.
07:26Et le porte-monnaie, il a été mis à mal aux États-Unis.
07:29Il suffit de vivre, comme je l'ai fait aux États-Unis,
07:32croyez-moi, vous souffrez dans votre porte-monnaie.
07:36Parce que l'inflation a laissé des traces,
07:38même si, voilà, la présidence Biden, sur la fin,
07:42s'est mise à lutter de manière un peu efficace contre l'inflation.
07:45Mais il y a eu un envolé des prix gigantesques aux États-Unis.
07:47Bien plus qu'ici en France, juste d'un mot,
07:50un Donald Trump ici pourrait l'emporter en 2027 ?
07:53Oui, bien sûr, bien sûr.
07:55Ce serait qui alors ?
07:56Bien sûr, un Donald Trump, ça peut être un Donald Trump au féminin,
08:01Madame Marine Le Pen.
08:03C'est elle, pour vous, qui est le plus...
08:05Oui, oui, quand vous regardez toutes les enquêtes faites aujourd'hui,
08:08certes, on est très loin de la présidentielle de 2027,
08:11mais enfin, c'est elle qui fait la course en tête.
08:13Merci beaucoup, Pascal Perrineau, d'être venu nous voir ce matin.
08:16Je rappelle le titre de votre dernier livre,
08:18Le goût de la politique, c'est publié chez Hottie de Jacob.

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