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Anne Fulda reçoit Gabrielle Halpern pour son livre «Créer des ponts entre les mondes» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à L'Heure des Livres, Gabrielle Alperne.
00:02Merci, bonjour.
00:03Bonjour, vous êtes philosophe, vous avez déjà écrit quelques livres,
00:07mais vous avez l'originalité d'avoir aussi co-dirigé un incubateur de start-up,
00:11conseiller des entreprises et des institutions publiques.
00:13Alors votre dernier livre s'appelle Créer des ponts entre les mondes, justement.
00:17Une philosophe sur le terrain, un essai stimulant qui est paru chez Fayard
00:22et qui invite à penser en faisant un pas de côté.
00:25Alors ce livre, ce sous-titre justement, Une philosophe sur le terrain,
00:29c'est votre spécificité, vous la revendiquez.
00:32Pourquoi ? D'où ça vient, ce désir d'être sur le terrain ?
00:35Oui, ce livre est d'abord effectivement un plaidoyer d'une philosophie,
00:38en tout cas pour les philosophes qui sortent de leur monde bien confortable des idées
00:42et qui viennent se confronter à la réalité.
00:44Moi, en quelques mots, quand je suis arrivée à l'école normale supérieure en 2008,
00:47c'était la crise financière et tout le monde autour de moi me disait
00:50« La philosophie, ça ne sert à rien, le monde s'écroule. »
00:52Et c'était une phrase qui m'énervait beaucoup et en même temps je me disais
00:55« Si les gens pensent ça des philosophes, c'est peut-être parce que les philosophes ont déçu,
00:58ils n'ont pas été là comme on avait besoin d'eux, quand on aurait eu besoin d'eux. »
01:02Et puis surtout, ils parlent d'une manière incompréhensible
01:04et puis ils ne s'intéressent pas toujours à la réalité.
01:06Et donc je me suis dit « Bon, voilà, moi en tant que philosophe,
01:08si j'ai envie d'être utile à la cité, il va falloir que je comprenne le monde de l'entreprise,
01:11que je m'intéresse aux politiques, à la cité, que je m'intéresse à l'agriculture,
01:15enfin en tout cas à plein de sujets.
01:16Et pour moi, être philosophe, c'est passer autant de temps à lire Anna Arendt et Montaigne
01:20que discuter avec une aide-soignante, un agriculteur, l'élu rural d'un petit village.
01:24C'est ça le réel.
01:25Il y a eu cette phrase peut-être que ce psychanalyste vous a lancée,
01:28là que vous écrivez, selon laquelle un philosophe avait peur de se confronter à la réalité.
01:34C'est ça aussi qui vous a engagé à y aller,
01:37à dire qu'un philosophe peut être utile dans la cité finalement.
01:40Exactement, à condition qu'il s'intéresse à la réalité.
01:42Encore une fois, on nous a appris en philosophie
01:44que tout se passait comme si la réalité avait quelque chose d'un peu sale, d'un peu inintéressant.
01:50Et moi encore une fois, j'ai voulu aller au réel.
01:53Si je pouvais peut-être paraphraser cette phrase de Jean Jaurès qui disait
01:56« le courage c'est de comprendre le réel et d'aller à l'idéal »,
02:00je pense qu'au contraire, le vrai courage c'est plutôt d'aller au réel.
02:04Et c'est vraiment ce livre, c'est le récit de ce tour de France.
02:07Voilà, depuis plusieurs années, je fais tout un tour de France dans tous les territoires
02:10à la rencontre de plein de personnes de métiers différents, de territoires différents
02:14pour pouvoir justement discuter avec eux et construire avec eux
02:17peut-être une autre vision et une autre France possible, si j'ose dire.
02:20Alors votre ambition, c'est de mettre en pratique, justement avec des acteurs de terrain
02:24que vous avez rencontrés, ce que vous racontez, votre concept d'hybridation,
02:29notamment en entreprise.
02:32Alors expliquez-nous ce que ça signifie ce concept d'hybridation.
02:34Oui, alors ce mot « hybridation » peut sembler un peu barbare.
02:36En fait, à travers ce mot, c'est tout simplement cette idée de créer des ponts entre les mondes,
02:40le fait de mettre ensemble des métiers, des secteurs,
02:42des choses qu'on n'avait pas forcément l'habitude de trouver ensemble
02:45mais qui justement ensemble permettent de créer des choses nouvelles.
02:48Par exemple, on adore distinguer les métiers manuels et les métiers intellectuels.
02:52Je trouve que c'est terrible.
02:53Et surtout, justement, pour le monde économique,
02:56c'est quelque chose qui peut être particulièrement ennuyeux,
02:59enfin en tout cas poser un certain nombre de problèmes.
03:01Donc justement, j'interviens dans un certain nombre d'entreprises
03:03et j'accompagne des entreprises.
03:05Se dire effectivement, et si l'on réunissait des secteurs,
03:07voilà le monde sanitaire, le monde de l'automobile,
03:10tel monde et tel autre monde, de manière justement à se dire
03:13il y a peut-être d'autres innovations possibles.
03:15L'innovation, ce n'est pas juste le numérique.
03:17Il y a plein de manières d'innover possibles.
03:19Oui, alors cette manière de faire en sorte que des univers
03:22qui n'ont rien à voir se frottent,
03:23c'est aussi peut-être une façon de répondre
03:26à ce que Jérôme Fourquet a appelé l'archipel français.
03:29C'est cette sectorisation qui est favorisée par les réseaux sociaux d'ailleurs.
03:34Exactement.
03:35Disons que Jérôme Fourquet fait ce constat de l'archipélisation.
03:38Eh bien moi, effectivement, oui, elle existe.
03:40Mais moi, j'ai voulu, à travers ce petit tour de France
03:43que je raconte dans mon livre,
03:44montrer qu'il y a plein de petits signaux faibles
03:46montrant qu'il y a des tentatives, des initiatives,
03:48des projets d'hybridation où là, pour le coup,
03:50oui, bien sûr, ce n'est pas facile.
03:51Il y a des divisions.
03:52Mais comment est-ce que...
03:53Le sujet, ce n'est pas les jeunes et les seniors,
03:54c'est l'intergénérationnel.
03:55La question, ce n'est pas le cœur de ville et la ruralité,
03:58c'est comment est-ce que l'on réconcilie ces mondes.
04:00Et j'ai voulu faire la preuve par le terrain,
04:02montrant que ça existe.
04:03Voilà.
04:04Et comment est-ce qu'on transforme ces petits signaux faibles
04:06en signaux forts ?
04:07Alors, vous citez par exemple le rôle important
04:09du commercial dans l'entreprise.
04:10Vous dites que c'est comme un passeur.
04:16Un exemple parmi d'autres.
04:18Effectivement, le commercial a à la fois un pied dedans
04:20et un pied dehors.
04:21Et justement, au jour où...
04:23Enfin, en tout cas, à l'heure où la relation avec les clients,
04:26les usagers, les bénéficiaires doit être complètement réinventée,
04:29puisqu'ils veulent être finalement bien plus impliqués
04:32dans les processus de décision.
04:34Là, le commercial, que l'on maltraite toujours en disant
04:37le commercial, c'est le vendeur de tapis.
04:39Non, le commercial, c'est aussi la relation à l'autre.
04:41D'ailleurs, quand on disait avoir un commerce épistolaire
04:44avec quelqu'un, c'était avoir une relation épistolaire
04:47avec quelqu'un.
04:47Donc, cette question de la relation,
04:49c'est le commercial qui la porte.
04:51Oui, et le mot commerce a une acception noble.
04:53Exactement, tout à fait.
04:54Ne pas l'oublier.
04:55En tout cas, c'est à lire.
04:57C'est vrai que c'est intéressant.
04:58C'est rafraîchissant comme essai.
05:00Ça nous fait penser un peu différemment.
05:02Ça s'appelle donc Créer des ponts entre les mondes.
05:04C'est paru chez Fayard.
05:05Merci beaucoup, Gabrielle Halpern.
05:07Merci pour votre invitation.

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