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Transcription
00:00On accueille maintenant notre invité, c'est vous Anthony Samrani. Bonjour à vous, vous êtes rédacteur en chef à l'Orient Le Jour.
00:07Avant de poursuivre cette discussion, Anthony, autour aussi de ce qui se joue en ce moment même, autour de cette possible négociation en vue d'une trêve,
00:14je voudrais qu'on prenne le temps de mesurer ce que vivent aussi les Libanais depuis plus d'un mois de guerre ouverte maintenant,
00:19si l'on prend pour point de départ seulement cette guerre ouverte.
00:23Le récit que vient de dresser à l'instant Yohann Baudin, j'imagine qu'il fait écho aux témoignages que vous recensez et que vous livrez dans les colonnes de l'Orient Le Jour.
00:32Cette population libanaise aujourd'hui, elle tente de survivre ?
00:37Bonjour et merci d'avoir invité.
00:40Oui, c'est une population qui vit une énorme trêve, une souffrance, avec le sentiment qu'il n'y a plus rien.
00:51C'est ça qui est tout à fait terrible, c'est qu'on est dans un tunnel et dans ce tunnel il y a des déclapés,
01:00il y a des bombardements quotidiens, il y a ce drone qui est au-dessus de nos têtes tout le temps.
01:05Pardonnez-moi Anthony Samrani, la connexion est quelque peu difficile, elle n'est pas tout à fait parfaite avec Beyrouth.
01:15On va visionner ensemble un sujet qui revient sur l'enjeu de cette trêve qui est en train d'être négociée.
01:20Et on se reparle juste après, le temps simplement de rétablir la connexion pour une meilleure qualité. A tout de suite.
01:26L'exil des habitants de la région de Balbek, à l'est du Liban.
01:31Après un appel à évacuer ce mercredi, la zone a été la cible de raids israéliens qui ont fait plusieurs morts selon les autorités libanaises.
01:39Une journée d'intenses bombardements avant cette annonce publique du gouvernement libanais, après un entretien avec un émissaire américain.
01:46Un cessez-le-feu pourrait avoir lieu dans les prochains jours.
01:51Espérons que dans les prochaines heures ou les prochains jours, nous aurons un cessez-le-feu.
01:56Je dois dire que lors de ma conversation avec lui, il était très optimiste, même s'il y a eu des commentaires dans les médias qui suggéraient le contraire.
02:04Il était censé retourner à Tel Aviv dimanche, mais certains obstacles ont retardé les négociations au cours des deux derniers jours.
02:13Une annonce surprise qui intervient quelques heures seulement après celle du Hezbollah.
02:18Le mouvement chiite libanais, soutenu par l'Iran, est en guerre ouverte avec Israël depuis octobre 2023.
02:24Son nouveau leader a lui aussi évoqué un potentiel cessez-le-feu, mais sous conditions qu'il n'a pas précisé,
02:30tout en assurant en même temps que les affrontements pouvaient bien continuer.
02:37Si les Israéliens décident de mettre fin à l'agression, nous acceptons, mais dans les conditions que nous jugeons appropriées et adéquates.
02:44Nous ne supplierons pas pour un cessez-le-feu, nous continuons et nous n'attendons pas, peu importe le temps que cela prendra.
02:55Des déclarations qui se multiplient. Car en coulisses, les médiateurs américains planchent sur une proposition de cessez-le-feu de 60 jours entre Israël et le Hezbollah.
03:04Une condition âprement discutée à l'occasion de la venue en Israël des médiateurs américains.
03:13Voilà ces espoirs de paix, cette perspective de parvenir à une trêve.
03:17On sait que le Président du Parlement, Nabi Behri, est actif sur cette question.
03:21En même titre que le Premier Ministre libanais, Najib Mikati.
03:25Puis un autre acteur aussi important dans cette guerre, c'est le désormais nouveau leader du Hezbollah, la personne de Naïm Kassem.
03:33Vous le savez, il a succédé à Hassan Nasrallah après son assassinat par l'État hébreu.
03:37On va tenter de comprendre qui est cet homme, désormais à la tête de l'organisation chiite,
03:41qui n'exclut pas un cessez-le-feu, mais qui pose toutefois ses conditions.
03:46Pendant plus de trois décennies, il a été secrétaire général adjoint et porte-parole du Hezbollah.
03:53Le Sheikh Naïm Kassem accompagne le mouvement chiite depuis ses premières heures.
04:00Nous, en tant que Hezbollah, continuerons à nous préparer, à acquérir de la force, à augmenter en nombre,
04:06et à préparer autant d'équipements que possible, afin de persister sur le terrain face à Israël et à ceux derrière.
04:16Il se retrouve ce mardi propulsé en première ligne.
04:19Le conseil de la Shoura l'a élu pour succéder à Hassan Nasrallah au poste de secrétaire général,
04:24après l'assassinat de ce dernier par une frappe israélienne le 27 septembre.
04:29Un choix de succession qui n'a pas été une évidence.
04:32Début octobre, Rashem Safieddine, pressenti comme le remplaçant le plus probable,
04:37a lui aussi été tué par une frappe d'Israël.
04:39Et le gouvernement israélien a déjà prévenu. Kassem pourrait être le prochain.
04:46Son mandat à ce poste pourrait être le plus court de l'histoire de cette organisation terroriste,
04:51s'il suit les traces de ses prédécesseurs Hassan Nasrallah et Rashem Safieddine.
04:57Né en 1953 dans une famille sud-libanaise, il a grandi à Beyrouth.
05:01Il fait partie des fondateurs du Hezbollah en 1982, et a souvent parlé au nom du groupe quand Nasrallah se cachait.
05:08Naïm Kassem n'était pas particulièrement impliqué dans les affaires militaires,
05:12principalement gérées par Safieddine et Nasrallah.
05:15Depuis la mort de son prédécesseur, il a juré que le groupe continuerait de combattre Israël.
05:22Voilà les thématiques que nous allons emborder ensemble, Anthony Samrani posée.
05:25La connexion est désormais de meilleure qualité.
05:28Vous avez été interrompu, Anthony Samrani, lorsque vous parlez de ce ressenti de la population libanaise.
05:33Vous avez parlé de tunnel, je crois, si je vous ai bien entendu.
05:37Oui, j'espère que vous m'entendez mieux désormais.
05:39J'évoquais ce sentiment qui, à mon avis, est le pire et qui s'ajoute à toutes les difficultés qu'on vit au quotidien.
05:46C'est ce sentiment d'être dans un long tunnel ininterrompu, avec une absence totale de lumière à l'issue de ce tunnel.
05:55C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on parle de négociations de paix.
05:58Il est possible que les canons s'arrêtent dans les prochains jours, dans les prochaines semaines.
06:02On le souhaite, je suis sceptique, on y reviendra peut-être plus tard.
06:05Mais même si les canons s'arrêtent, le coût de cette guerre, le prix de cette guerre pour le Liban est déjà énorme.
06:11C'est des milliards en termes de reconstruction.
06:16C'est des vies humaines qui ont été volées.
06:19Des vies humaines ? Je me permets de vous interrompre.
06:21On a justement ces photos de Mathieu Karam que vous avez publiées dans l'Oriole aux Jures.
06:25L'Oriole aux Jures qui sont diffusées au moment où vous vous exprimez pour compléter ce propos.
06:29On sait que des Libanais dorment aujourd'hui dans la rue, ne sont pas sûrs de pouvoir regagner leur maison.
06:34Et pourtant, il y a cette lueur qui est espérée au bout du tunnel.
06:39On va devoir reconstruire un Liban qui était déjà un pays en morceaux, qui était déjà un pays en ambeaux avant le début de cette guerre.
06:47On va devoir le reconstruire alors que toute une partie de la population libanaise a le sentiment que cette guerre se fait directement contre elle.
06:54Donc elle a été déplacée, elle a été tuée, ses villages ont été rasés.
06:58Et comment rebâtir sur des ruines, ça va être ça le défi immense.
07:03Est-ce qu'aujourd'hui il y a une possibilité d'avoir un cessez-le-feu ?
07:06Je suis assez sceptique. Qu'est-ce qui fait que je le suis autant ?
07:10Qu'est-ce qui ferait aujourd'hui que Benjamin Netanyahou, à quelques jours d'une élection présidentielle,
07:16où Donald Trump a des sérieuses chances de l'emporter, pourquoi il ferait ce cadeau à Joe Biden ?
07:21Je n'arrive pas à le comprendre.
07:23Alors en même temps, comment est-ce que vous interprétez cet optimisme tout de même prudent de la part du Premier ministre Najib Mikati
07:29quand il dit qu'une trêve est possible dans les prochains jours, voire les prochaines heures ? Sur quoi il s'appuie ?
07:34Je pense qu'il s'appuie sur l'intensité de la diplomatie américaine,
07:39qui a tout intérêt à obtenir un deal avant les élections, qui a une courte fenêtre et qui va en profiter.
07:45Je pense qu'il s'appuie aussi sur une forme de flexibilité du côté iranien,
07:51d'autant plus après les frappes israéliennes, donc après la riposte israélienne contre l'Iran,
07:56qui a peut-être été moindre par rapport à ce que les Iraniens pouvaient redouter
08:01et qui seraient prêts à faire davantage de concessions désormais dans les négociations.
08:05Les Israéliens sont obligés de jouer le jeu parce qu'ils ne veulent pas paraître comme ceux qui vont bloquer le deal.
08:11Mais encore une fois, qu'est-ce qu'il ferait, qu'il accepterait aujourd'hui à quelques jours des élections ?
08:16Peut-être qu'il y a des enjeux dont on n'a pas connaissance, mais ce serait tout de même assez surprenant.
08:22En attendant de voir justement si ces efforts aboutissent, est-ce que vous en savez plus sur qui négocie côté libanais ?
08:29On sait que le Président du Parlement est actif, il y a ces déclarations aussi du Premier ministre Mikati.
08:35Quel rôle joue également Naïm Kassem, le nouveau leader du Hezbollah ?
08:40Alors, sur la scène, les principaux négociateurs sont effectivement le Président du Parlement,
08:45Nabil Beiré, et le Premier ministre Najib Mihati.
08:48Ceux-ci sont eux qui jouent les intermédiaires, en particulier le premier avec les Américains, avec l'envoyé spécial américain Amos Hochtin.
08:55Mais celui qui donne le la au final des négociations, je vais dire que ce n'est même pas Naïm Kassem qui lui aussi est un intermédiaire de ces négociations,
09:04c'est Ali Khamenei.
09:06C'est le pouvoir iranien qui négocie directement avec Israël à travers des représentants d'une part du Hezbollah et de l'État officiel libanais.
09:15Vous dites Anthony Samrani que c'est l'Iran aujourd'hui qui supplante les autorités libanaises et qui négocie directement ?
09:23Oui, c'est l'Iran qui aujourd'hui dirige directement le Hezbollah.
09:28On a quand même beaucoup d'informations à ce sujet.
09:31Même avec la figure de Naïm Kassem, on sait que l'Iran a été chapoté en tous les cas sous Nasrallah.
09:38C'est la même configuration aujourd'hui avec le nouveau leader du parti ?
09:43Naïm Kassem n'a pas du tout le poids qu'avait Hassan Nasrallah.
09:46Hassan Nasrallah faisait partie intégrante de l'appareil iranien, mais il était assis à la table.
09:52Il avait son mot à dire, il pouvait influencer y compris la politique du Guide suprême.
09:58Naïm Kassem a toujours été un numéro deux.
10:01Son discours hier me faisait beaucoup penser à un entraîneur qui vient de perdre son meilleur joueur,
10:06qui a acheté un joueur de second niveau et qui essaie de convaincre les supporters que son équipe sera tout aussi compétitive.
10:13Mais ce n'est pas le cas.
10:14On le voit bien, il n'a ni le charisme, ni les mêmes marges de manœuvre sur le champ politique libanais,
10:27et encore moins au sein de ce qu'on appelle l'axe de la résistance.
10:30Pour revenir sur ce que vous disiez à l'instant sur l'Iran,
10:33est-ce que l'Iran pourrait aussi négocier dans le même temps avec les Etats-Unis ?
10:37Ce retour autour de la table des négociations quant au nucléaire,
10:40on sait qu'en septembre dernier, le président Pézechkian avait tendu la main.
10:43Est-ce qu'en somme, l'Iran peut aujourd'hui laisser de côté le Hezbollah et négocier ses propres intérêts ?
10:50Laisser de côté le Hezbollah, c'est peut-être trop demander à l'Iran.
10:54C'est-à-dire que ce serait lui demander de couper un bras, peut-être un bras qui aujourd'hui est en très mauvais état,
11:01mais je ne crois pas qu'il soit prêt à le couper.
11:04Est-ce que pour autant, il a envie d'une négociation plus large qui pourrait impliquer le nucléaire ?
11:09Très probablement, mais là encore une fois, le timing de l'élection américaine complique un peu la tâche.
11:15Il est très improbable de voir un nouveau deal nucléaire à quelques jours d'une élection
11:21qui pourrait marquer le retour au pouvoir de celui qui avait déchiré le précédent accord.
11:27Donc l'Iran, très probablement aujourd'hui, est prêt à la négociation,
11:32est prêt à la négociation et peut-être plus prêt qu'auparavant à faire des concessions,
11:37mais va attendre là aussi de voir qui va être le prochain locateur de la Maison Blanche
11:42et quelles vont être ses intentions vis-à-vis du régime iranien et même de tout l'axe dans l'ensemble de la région.
11:48Ça veut dire que tous les acteurs pour l'instant de cette guerre pourraient jouer la montre ?
11:53Je crois que celui qui a le plus intérêt à jouer la montre aujourd'hui, c'est Benjamin Netanyahou.
11:59Parce qu'il a une armée israélienne et on entend cette musique déjà depuis une dizaine de jours,
12:05qui est que les opérations sont presque achevées au Liban et à Gaza.
12:10Il faudrait peut-être quelques jours, encore quelques semaines pour les terminer.
12:15Mais Benjamin Netanyahou a d'autres calculs.
12:18Il a d'abord un calcul interne vis-à-vis de son extrême droite, vis-à-vis de sa volonté de rester au pouvoir,
12:24même si de ce point de vue-là, sa situation est tout de même nettement meilleure qu'elle ne l'était il y a quelques mois
12:30ou même il y a un an où tout le monde le disait fini.
12:33Aujourd'hui, il est tout à fait possible que Benjamin Netanyahou parvienne à se maintenir au pouvoir,
12:38y compris à l'issue de cette guerre.
12:40Il a un second calcul qui est lié aux élections américaines.
12:44Probablement qu'il mise sur une victoire de Donald Trump qui pourrait lui permettre d'aller plus loin,
12:49notamment sur la question iranienne et peut-être de menacer les infrastructures nucléaires iraniennes.
12:54Et il a un troisième calcul qui est le calcul stratégique.
12:57On n'arrive toujours pas à comprendre au bout d'un an de guerre où est-ce que Benjamin Netanyahou veut arriver.
13:02Le Hamas est encore présent à Gaza alors que l'enclave est complètement détruite.
13:07La moitié du Liban est détruite mais le Hezbollah est encore présent.
13:11Au bout d'un moment, soit il va falloir faire des accords politiques et diplomatiques avec ses acteurs.
13:16Est-ce que Benjamin Netanyahou est prêt à le faire ?
13:19Soit il se lance dans une guerre sans fin et encore une fois sans lumière au bout du tunnel.
13:26Voilà pour l'analyse autour des objectifs du Premier ministre israélien.
13:30Vous voulez bien nous éclairer aussi sur la trajectoire que comprend le Hezbollah ?
13:34Vous venez de dire à l'instant qu'il est encore très présent au Liban
13:37et notamment avec la succession à la tête du parti de Naïm Kassem.
13:42Est-ce qu'il y a des dissensions au sein même aujourd'hui du mouvement chiite ?
13:46Aujourd'hui, est-ce que les ordres sont respectés ?
13:50Est-ce qu'il peut y avoir des défections au sein ? Où en est-il ?
13:54D'abord, la nomination de Naïm Kassem, c'est une volonté à la fois de l'Iran et des cadres du parti
14:02de marquer la continuité avec Hassan Nasrallah.
14:04C'est un homme qui ne va pas dévier de la ligne et qui sera un fidèle successeur.
14:09C'est un peu comme lorsqu'au Vatican on a un pape progressiste moderne
14:14qui est suivi d'une personnalité un peu plus traditionnelle, consensuelle,
14:18pour justement éviter plusieurs ruptures successives dans une courte période de temps.
14:26Est-ce qu'il y a des dissensions au sein du parti ? C'est très difficile à évaluer aujourd'hui.
14:31On écoute beaucoup de choses. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ?
14:34Je préfère ne pas rentrer sur ce terrain-là.
14:37Ce qui va être très intéressant, c'est que va devenir le Hezbollah ?
14:40Il ne va pas disparaître. Il va toujours représenter quelque chose au Liban.
14:46Il va toujours représenter une partie des aspirations de la communauté chiite.
14:50Est-ce qu'il aura toujours le même lien avec l'Iran ?
14:53Est-ce que le Hezbollah va se libaniser davantage, va devenir une milice plus libanaise ?
14:59Est-ce qu'il sera prêt, à un moment donné, à s'intégrer davantage dans l'État
15:03et donc à abandonner ses armes, à abandonner le concept de la résistance ?
15:07Ça va être ça les questions clés à l'issue de cette guerre.
15:11Et nous verrons comment la situation évolue de ce côté-là.
15:14Anthony Samrani, vous avez dit quelque chose en début de cette interview.
15:18Vous avez dit qu'il faudra de toute façon reconstruire le Liban, rebâtir le pays.
15:23Est-ce que l'unité, ce qu'on a appelé le pacte social libanais, existe toujours aujourd'hui ?
15:29Est-ce qu'il est préservé ?
15:33Là aussi, c'est très délicat de dresser un tableau honnête.
15:37Parce que s'il y a quelques mois, on m'avait dit ou on avait dit à beaucoup d'observateurs
15:43qu'un million de déplacés seraient accueillis dans toutes les régions du Liban
15:48malgré les tensions, malgré les peurs d'être visées par les frappes israéliennes.
15:53Personne n'y aurait cru.
15:55Si on m'avait dit de la même façon que l'assassinat de Hassan Nasrallah,
15:58qui était à la fois l'homme le plus adoré mais aussi le plus détesté du pays,
16:02serait accueilli avec beaucoup de décence de la part de la population libanaise,
16:08y compris chez ses principaux opposants, je n'y aurais pas cru.
16:12Donc il y a quand même une forme de miracle libanais.
16:15Il y a quelque chose qui existe encore au Liban et qui lui permet,
16:19il y a une espèce d'écume de nations qui lui permet de ne pas complètement imploser.
16:24Mais tout ça, ça reste extrêmement fragile.
16:28Et dans un tel contexte, comment on peut renforcer tout ça ?
16:36J'ai beaucoup de mal aujourd'hui à être optimiste.
16:40Mais est-ce que les différentes communautés peuvent continuer de résister
16:44à ces tentatives de division, si on peut les qualifier comme telles ?
16:49Il faudra pour ça un nouveau pacte politique et un nouveau pacte social au Liban.
16:54Aujourd'hui, on a une communauté, les shérites,
16:57qui ont l'impression de vivre leur Nakba, leur grande catastrophe,
17:01qui ont le sentiment que cette guerre est existentielle pour eux.
17:04Et à qui va falloir donner une alternative, offrir une alternative au Hezbollah ?
17:09On a une communauté chrétienne qui, depuis des années,
17:12est obsédée par l'idée d'une séparation avec le reste du pays.
17:17Et là aussi, à qui il va falloir convaincre de rester à l'intérieur de la sphère libanaise.
17:25Et on a une communauté sunnite qui est orpheline depuis le départ de Sahra Tralili
17:31et depuis que le lien politique a été coupé entre le Liban et l'Arabie Saoudite.
17:39Donc tous ces éléments doivent être aujourd'hui mis autour d'une table
17:45où on doit parler peut-être d'une réforme constitutionnelle,
17:51d'une meilleure répartition des pouvoirs au sein des talibanais,
17:55mais aussi de la nécessité pour le Hezbollah de déposer ses armes.
18:00Car cette négociation ne pourra pas être possible
18:03tant que l'un des acteurs autour de la table sera armé.
18:07Est-ce qu'on peut aller jusqu'à considérer, Anthony Samrani,
18:10que le spectre d'une nouvelle guerre civile est aujourd'hui agité dans le pays ?
18:16Le spectre, il est là.
18:18Et finalement, le spectre, il n'a jamais disparu au Liban presque depuis 1975.
18:23Il est plus ou moins important à des moments donnés,
18:27en fonction du contexte, en fonction d'une dynamite
18:30qui vient le plus souvent là aussi de l'extérieur.
18:36Mais aujourd'hui, qui ferait la guerre civile ?
18:38On a une milice surarmée qui est le Hezbollah,
18:41mais en face, on n'a pas d'autres acteurs armés.
18:44Ce qui est plus inquiétant à court terme, ce sont des grandes tensions,
18:50ce sont des risques de radicalisation des discours et des esprits
18:54qui pourraient mener à terme, s'il n'y a pas de stabilisation de la situation,
18:59vers des conflits directs, voire vers une situation de guerre civile.
19:04Est-ce que le grand gagnant, et je mets des guillemets aussi,
19:08de cette crise actuelle, ça peut être le gouvernement en place ?
19:12Il est démissionnaire et pourtant, il est là, il résiste
19:15et il continue, devrait, notamment, à la négociation d'une trêve.
19:20Je pense au Premier ministre Mikati.
19:23Alors, on peut boire le verre à moitié plein
19:27et se dire que ça aurait pu être encore pire.
19:30Le Premier ministre aurait pu disparaître complètement de cette scène,
19:35compte tenu du fait qu'Israël et l'Iran sont les principaux belligérants.
19:40On pourrait, cela dit, boire le verre à moitié vide
19:43et se dire que l'État n'en fait pas assez,
19:46que l'État a quasiment disparu,
19:48qu'aujourd'hui, les un million de déplacés dont je parlais tout à l'heure
19:51ne sont pas gérés par l'État ou pas suffisamment par l'État,
19:55qu'aujourd'hui, l'État libanais n'envoie pas des délégations
19:59à Washington, à Téhéran, à Riyad, à Paris,
20:02afin de négocier et d'améliorer la position du Liban,
20:06que la classe politique libanaise, dans son ensemble,
20:09ne s'est pas réunie une seule fois depuis le début de ce conflit,
20:14ce qui, quand même, est tout à fait regrettable,
20:17ne serait-ce que pour avoir une position commune,
20:20peut-être qu'elle n'influerait pas sur le terrain,
20:23peut-être qu'elle n'aurait aucun impact sur les acteurs concernés,
20:26mais elle permettrait de montrer que le Liban officiel est là, existe,
20:31et n'est pas aligné, ni sur la position du fastball là,
20:34ni celle du négociateur américain.
20:37Si vous deviez, ce sera le mot de la fin, formuler un souhait aujourd'hui,
20:40c'est que le Liban cesse d'être une terre
20:42où des puissances étrangères se livrent leurs guerres ?
20:46Pour qu'on arrive à cela, il faut que chaque Libanais
20:49en soit convaincu en son âme et conscience.
20:52Bien sûr que les facteurs géographiques et historiques
20:55ne sont pas à notre avantage,
20:57mais nous sommes, à mon avis, les principaux responsables
21:00de cette situation.
21:01C'est-à-dire ?
21:03C'est-à-dire que tant que nous ne serons pas convaincus
21:07que l'avenir du Liban passe avant tout par la décision
21:13des Libanais, que nous n'avons pas besoin
21:16de lier notre sort à celui d'autres pays,
21:19que ce soit l'Iran, que ce soit l'Arabie Saoudite,
21:21que ce soit la France.
21:22De regagner en souveraineté, c'est ce que vous voulez dire ?
21:25Bien sûr, bien sûr, regagner en souveraineté,
21:27mais la souveraineté, elle passe déjà par une conviction intellectuelle.
21:30C'est-à-dire que si on continue de considérer que,
21:34oui, mais l'Iran est le seul pays qui nous aide à affronter Israël,
21:40mais on pourrait tout à fait répondre que l'Iran aussi nous a mis
21:44dans une situation où la moitié du pays est aujourd'hui détruit.
21:49Merci beaucoup, Anthony Sambrani, rédacteur en chef à L'Orient Le Jour.
21:53Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions sur France 24.
21:56On se retrouve dans quelques instants pour la suite de ce pari direct.
21:59Merci de votre attention.

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