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Transcription
00:00 -Nous sommes avec Jean-Paul Chaniolo,
00:02 président de l'IREMO,
00:03 l'Institut de recherche et d'études méditerranéens,
00:07 auteur notamment de "Proche-Orient",
00:09 7 ans de régression.
00:10 Jean-Paul Chaniolo, bonsoir.
00:12 Merci d'être avec nous sur France 24.
00:15 On vient de le voir dans le sujet.
00:17 11 Palestiniens tués hier à Naplouse,
00:20 en pleine journée.
00:21 Il y a eu aussi ce raid à Géline,
00:23 c'était le 26 janvier dernier.
00:25 Là, il y avait eu 10 morts,
00:27 10 Palestiniens tués.
00:29 Cela fait plusieurs mois que les forces israéliennes
00:32 multiplient ce type d'opérations.
00:34 La nouveauté, c'est que ça a duré longtemps.
00:37 Que cherchent les forces israéliennes ?
00:39 -Je crois que, vous savez,
00:41 on est dans un schéma qui va être répétitif encore et encore.
00:45 Ce dont nous parlons ce soir, on va en reparler
00:48 dans je ne sais combien de jours,
00:50 mais on va en reparler et en reparler encore.
00:52 Le scénario est simple.
00:54 On est reprenant un fondamental,
00:56 qui est le fait que nous sommes dans un territoire occupé,
01:00 par une armée et un Etat,
01:01 qui est une puissance occupante au sens du droit international.
01:05 Une jeunesse, et depuis des années,
01:07 sans la moindre perspective politique,
01:10 puisque tout s'est effondré avec le naufrage d'Oslo,
01:13 il y a maintenant plus de 20 ans.
01:15 Si on dit que c'était il y a plus de 20 ans,
01:18 ce sont des jeunes qui ont 20 ans,
01:20 et par conséquent, on est dans cette jeunesse
01:23 qui n'a pas connu les espoirs des années d'Oslo.
01:26 C'est le désespoir.
01:27 Donc, ils prennent les armes.
01:29 Il y a un pourcentage élevé dans la population palestinienne,
01:33 qui sont en faveur de la lutte armée.
01:36 Le dernier sondage de la Red, de 15 jours,
01:38 indiquait que 40 % de la population
01:40 était en faveur de cette méthode, la lutte armée,
01:43 puisque la négociation...
01:45 -L'autorité palestinienne n'a plus d'autorité.
01:48 -Le schéma est celui-là.
01:50 Il y a des jeunes qui s'héterogénient.
01:52 On disait que c'était le plus grave, le plus gros raid.
01:56 Un mois plus tard, on dit que c'est celui qui a eu Anaplouz.
01:59 Demain, on dit que c'est celui qui a Géricault ou Ayron.
02:03 Le schéma est simple.
02:04 Un raid israélien pour tuer ces jeunes.
02:07 Des représailles du côté de Gaza,
02:09 soit le djihad, là, c'est le djihad,
02:12 peut-être le Hamas une autre fois.
02:14 Israël envoie des avions, et nous sommes dans l'escalade.
02:17 Donc, il va y avoir...
02:19 Ce qui vient de se passer à Anaplouz,
02:21 il y a des dizaines de morts.
02:23 Je ne connais pas le chiffre exact.
02:26 -Anaplouz, c'est 11 morts, selon le dernier bilan,
02:29 11 Palestiniens tués et près de 100 blessés,
02:32 donc 80 par balle.
02:33 -Des dizaines de... Imaginez ce que ça veut dire.
02:36 Tous ces jeunes, une bonne partie,
02:38 n'étaient pas engagés dans cette bataille,
02:41 dans cette résistance.
02:42 Ils sont considérés comme des terroristes,
02:45 ce qui est absurde.
02:46 C'est des jeunes qui veulent vivre.
02:49 Ca va créer davantage de frustration.
02:51 Par capilarité, d'autres jeunes vont être solidaires.
02:55 Évidemment, ça va souder une jeunesse,
02:57 ça va souder en termes de radicalité.
02:59 -Plus de 60 Palestiniens ont été tués.
03:02 Ca alimente, justement, cette colère.
03:04 -Bien sûr. Et le gouvernement,
03:06 qui est un gouvernement de droite et d'extrême droite,
03:09 il faut savoir ce que ça signifie.
03:12 Ce sont des gens qui vont aller au bout de leur projet,
03:15 qui consistent à créer des faits accomplis,
03:18 de façon à coloniser davantage et encore,
03:20 et réprimer davantage ceux qui s'opposent à cette politique.
03:24 -Le gouvernement israélien actuel,
03:26 le plus droitier du pays,
03:28 il est dans une logique de confrontation ?
03:31 -Il est dans une logique d'impunité.
03:33 Il sait qu'il peut aller très loin.
03:36 Le rapport de force est, évidemment, asymétrique.
03:39 L'armée israélienne est puissante.
03:41 Il y a des jeunes qui ont quelques armes.
03:44 On est dans ce rapport.
03:45 Et la communauté internationale, c'est ce qu'on voit.
03:49 Et puis, en coulisses, il y a des tractations
03:52 entre l'autorité palestinienne et Israël,
03:54 et les Etats-Unis, et aussi souvent l'Égypte.
03:57 Les Etats-Unis vont dire à l'autorité palestinienne
04:00 d'essayer de calmer le jeu.
04:02 Les Israéliens vont faire telle ou telle concession
04:05 à l'autorité palestinienne.
04:07 Mais l'autorité palestinienne, comme vous l'avez évoqué,
04:11 est déconnectée de sa population.
04:13 Donc, on est dans un jeu d'escalade tragique.
04:16 C'est vraiment ça qu'il faut dire.
04:18 Et puis, il y a, comment dirais-je,
04:21 des tentatives de négociation
04:23 qui consistent à gérer le conflit.
04:25 Il n'y a pas une vraie initiative.
04:27 - On a le sentiment que les Etats-Unis sont gênés
04:30 avec ce nouveau gouvernement très à droite.
04:33 Il y a trois jours, à peine, un accord entre Netanyahou
04:36 et Washington pour réduire ces incursions
04:39 de l'armée israélienne.
04:40 - C'est ce que je vous dis.
04:42 Il y a un jeu à trois, les Etats-Unis, Israël,
04:45 l'autorité palestinienne, mais c'est pour gérer le conflit,
04:49 au racine du conflit.
04:51 On a abandonné depuis plusieurs années,
04:53 toute volonté politique de dire
04:55 qu'il y a une situation de territoire occupé,
04:57 c'est inacceptable, au point de vue du droit international.
05:01 Effayons de retrouver le chemin d'une vraie négociation.
05:04 La perspective d'un Etat palestinien est utopique,
05:07 car le rapport de force est totalement déséquilibré.
05:10 Mais il n'empêche que si on ne va pas dans cette direction
05:14 si difficile que j'évoque, on aura ce scénario
05:16 qu'on vient d'évoquer ce soir,
05:18 on en verra en plus grave, très probablement en plus grave.
05:21 Vous commencerez votre émission dans X semaines en disant
05:25 que ce raid est le plus important,
05:27 et on va être dans le plus important,
05:29 10, 15, 20 morts.
05:30 - Ca peut embraser la région aussi.
05:32 - La région, non, mais il est clair
05:34 que cette situation dure déjà depuis des mois et des mois,
05:38 sur un fond de des années de frustration.
05:40 C'est vraiment quelque chose de très profond.
05:43 Par conséquent, comme il n'y a aucune perspective
05:46 et les arrangements qu'on vient d'évoquer
05:48 entre Israël et les Etats-Unis,
05:50 ça ne va rien régler, rien régler du tout.
05:52 Et ces jeunes vont évidemment être tellement désespérés
05:56 de voir leurs amis et leurs copains morts ou blessés gravement.
05:59 Quand on dit "blessés", c'est quelque chose d'extrêmement grave.
06:03 On le sait, tout ça, mais pour l'instant,
06:05 personne ne veut rien faire.
06:07 Les Nations unies, en plus, on est focalisés sur l'Ukraine.
06:10 - La communauté internationale a les yeux rivés
06:13 sur la guerre en Ukraine.
06:15 Ce qui se passe en ce moment au Proche-Orient,
06:18 ça intéresse un peu moins.
06:21 C'est plus la priorité.
06:22 - Depuis plus de 10 ans, il n'y a plus de négociations.
06:25 Il y en a eu jusqu'en 2008, 2009, à peu près, 2010,
06:28 et après, en 2013, il y a 10 ans,
06:30 où il y a eu des tentatives, notamment des Etats-Unis.
06:33 La dernière résolution importante qui prenait les choses
06:36 sur le fond, c'est une résolution du Conseil de sécurité
06:39 qui date de décembre 2016. Nous sommes en 2023,
06:42 donc ça fait 7 ans.
06:44 Aujourd'hui, c'est vrai que l'Ukraine prend beaucoup de...
06:47 C'est la tension, pour des raisons évidentes et légitimes.
06:50 N'empêche qu'on va sans doute avoir
06:52 une détérioration grave de la situation
06:55 en Israël-Palestine.
06:56 Alors là, les Nations unies, les Américains,
06:59 les Européens, la France,
07:01 seront bien obligés de s'y intéresser.
07:03 C'est ça qui est un peu dramatique.
07:06 On sait que ça va s'aggraver, on ne fait rien.
07:08 Quand ça va s'aggraver, on va essayer de faire quelque chose.
07:12 C'est comme le schizophrénie politique
07:14 où on essaie de calmer le jeu,
07:16 alors qu'on sait que le drame est là et davantage encore.
07:19 - Que peuvent faire les Etats-Unis ?
07:22 - On peut toujours... - Ils condamnent.
07:24 Ils ont condamné la légalisation de 9 colonies.
07:27 - Bien sûr. - Et en même temps,
07:29 qui, à l'ONU, font blocage
07:31 quand on condamne la politique du gouvernement israélien.
07:34 - Exactement.
07:35 En fait, les Américains...
07:37 En plus, il ne faut jamais oublier que derrière tout ça,
07:41 il y a aussi le rapport à l'Iran.
07:43 Et les Américains soutiennent Israël à fond,
07:45 aussi sur la question iranienne, la question du nucléaire.
07:49 Donc on est dans un jeu très complexe, évidemment.
07:52 Mais s'il n'y a pas une volonté politique
07:54 du Conseil de sécurité ou des Etats-Unis et des Français,
07:58 ils pourraient aussi essayer d'avancer quelque chose,
08:01 même si, aujourd'hui, les perspectives de diplomatie
08:04 sont extrêmement réduites.
08:06 Mais si on ne fait pas ça, et je pense qu'on ne va pas le faire,
08:10 on est dans une escalade qui consiste à frapper, à tuer,
08:13 et donc en représailles, il se passe des choses.
08:16 C'est un cycle infernal.
08:17 - Le secrétaire général de l'ONU a dit
08:19 que dans les territoires palestiniens occupés,
08:22 c'était la situation la plus inflammable depuis des années.
08:26 - Je crois qu'on peut retenir une idée,
08:28 qui est que dans ce conflit qui dure depuis des décennies,
08:31 vous avez des séquences,
08:33 qui correspondent à une génération.
08:35 Par exemple, il y a eu la génération
08:37 qui a abouti à la première intifada et à Oslo.
08:40 Et puis là, on est dans une génération,
08:42 des enfants qui avaient 3-4 ans en 2000, par exemple,
08:46 qui sont nés dans cette période,
08:48 eux, c'est une nouvelle génération,
08:50 et essayer de comprendre comment ils sont,
08:53 quelles représentations ils peuvent avoir sur leur propre vie.
08:56 Je ne parle pas en termes politiques,
08:58 et les organisations politiques sont discréditées.
09:01 J'en parle même pas. Ils sont complètement déconnectés.
09:05 Les jeunes sont laissés à eux-mêmes.
09:07 C'est pas par hasard s'il y a plein de groupes
09:10 qui prennent les armes, qui en fabriquent,
09:12 qui bricolent... On en est là.
09:14 Cette jeunesse va continuer à vouloir,
09:16 pas simplement s'exprimer,
09:18 je vais dire un mot un peu plus fort,
09:20 vouloir vivre. Mais vivre, ça peut vouloir dire
09:23 vouloir la liberté, et la liberté, pour certains,
09:26 ça signifie "je préfère mourir".
09:28 - Merci beaucoup, Jean-Paul Chagnolau,
09:31 d'avoir été notre invité ce soir sur France 24
09:34 pour revenir sur ces tensions
09:36 dans les territoires palestiniens occupés au Proche-Orient.

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