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Dans ce témoignage inédit, deux jeunes des Yvelines racontent pourquoi ils ont participé aux nuits d'émeutes qui ont suivies la mort de Nahel en juin 2023. Cocktail molotov, révolte et violences policières : ils expliquent les évènements de l'intérieur.

Vous pouvez retrouver ces témoignages dans notre documentaire "Nahel, un an après : la révolte étouffée", un documentaire d'une heure qui décrypte les révoltes de 2023.

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Transcription
00:00On disait qu'il faut qu'on récupère des mortiers, qu'on récupère des molotovs, tout ce qu'il faut.
00:06Allumez-les !
00:09Non mais c'est une dinguerie ça les gars.
00:12Mon but c'est d'attaquer les policiers, clairement.
00:15J'avais de la rage, de la haine, c'était un mélange de plein d'émotions mais qui n'étaient pas bonnes, qui étaient négatifs.
00:21Il avait mon âge quand il est parti, ça aurait pu être moi.
00:26On a allumé tout ce qui avait à voir avec la police, commissariat, voiture de police, tout.
00:31Moi j'étais là pas pour piller, je dis ça parce que je sais qu'à côté dans des villes ça va piller tout ça.
00:37Moi j'étais là pour défendre une conviction.
00:46J'ai 17 ans et là je suis au lycée, je veux passer le bac.
00:50Moi j'ai 17 ans, je viens de Marpa, dans les Yvelines.
00:54La vidéo de Naël moi je l'ai vue dehors.
00:56Tu connais, entre potes ça tourne, regarde ce qu'il s'est passé et tout.
00:59C'est là où j'ai vu la vidéo de Naël.
01:01Premièrement c'est choqué.
01:03Parce qu'il avait mon âge Naël quand il est parti.
01:06Ça aurait pu être moi.
01:08Il voulait conduire, il n'avait pas à faire ça, ça c'est vrai.
01:12D'accord avec ça, il n'a pas le droit.
01:14Mais c'est pas une raison pour mourir, jamais de la vie.
01:17On ne peut pas enlever la vie de quelqu'un comme ça.
01:19Et c'est ça qui m'a fait encore plus mal, c'était quelqu'un qui avait mon âge.
01:22Donc tu te sens directement concerné.
01:24On s'est réunis, on s'est dit qu'on ne peut pas laisser passer ça comme ça.
01:28Il y a eu beaucoup trop de jeunes qui sont morts sous les coups de la police.
01:33Et l'affaire ne peut pas être classée comme ça.
01:36Il faut qu'on leur montre qu'ils aussi ont une voix.
01:39Qu'on peut se faire entendre.
01:41Et ça veut dire qu'on s'est dit qu'on va se donner rendez-vous à une heure précise.
01:44Et on va le faire.
01:46Donc je suis sorti le lendemain de la mort de Naël.
01:50Et ce soir, on allait faire des émeutes.
01:55On disait qu'il fallait qu'on récupère des mortiers, qu'on récupère des malentendants, tout ce qu'il faut.
02:08On a reçu des mortiers, on est partis pour cette mare.
02:11On a croisé une patrouille de police.
02:13Il ne fallait pas qu'elle soit là.
02:15Elle est tombée au mauvais moment, elle s'est fait allumer, elle est partie.
02:19Mon but, c'est d'attaquer les policiers.
02:21Clairement.
02:22J'avais de la rage, de la haine.
02:25C'était un mélange de plein d'émotions, mais qui n'étaient pas bonnes, qui étaient négatifs.
02:28Et même quand on les voyait la journée, on va dire que c'était vraiment tendu.
02:33Vraiment, quand tu les voyais, c'était des gens avec qui tu n'avais pas communiqué.
02:36Tu attends juste le soir pour faire ce que tu as à faire avec eux.
02:44On a allumé tout ce qui avait à voir avec la police.
02:47Commissariat, voiture de police, tout.
02:50Tout ce qui avait à voir avec la justice de passer.
02:53On était allumés tout en noir.
02:55Comme c'était la nuit, on ne nous voyait pas vraiment.
02:58C'était assez facile de partir.
03:00Tandis que la police ne rentrait pas dans le quartier, elle restait aux abords.
03:03Ça veut dire que pour les esquiver, c'était assez facile.
03:07Les pompiers, la police, ils prenaient énormément de temps à venir.
03:11Et ça, c'était choquant parce qu'on avait l'impression que c'était l'anarchie.
03:14Et la ville, elle était à nous.
03:16On avait l'impression que de fin du monde, tu pouvais faire ce que tu veux.
03:19Tu rentrais dans n'importe quel magasin, tu prenais et personne ne pouvait rien faire.
03:32Quand tu as tes amis déterminés, franchement, tu n'as peur de rien sur le coup.
03:36L'adrénaline, elle ne sort pas du corps.
03:39Dans cette semaine-là, j'étais en euphorie.
03:41C'était l'euphorie.
03:43Tu te découvres, en fait.
03:45Tu te dis, c'est moi qui fais ça.
03:48Je ne suis plus le même.
03:50On teste ses limites.
03:52On ne les teste pas, mais on les met à l'épreuve.
03:57Je me dis, il ne faut pas qu'une boule de mortier me vienne sur moi.
04:00Il ne faut pas qu'il tire au flash-ball dessus.
04:02Il m'écrase même, parce que des fois, il passait limite à deux tonnes écrasées.
04:07Sur la ligne de front, c'était ça.
04:10C'était ça que j'avais en tête.
04:12Il ne faut pas que je me fasse tirer dessus par un tir d'LBD.
04:15J'avais peur pour moi.
04:17Si je perds un oeil, s'il me tire dessus.
04:20Tu ne te réveilles pas facilement d'un tir d'LBD.
04:43Vas-y !
04:57En voyant des vidéos sur Snapchat,
04:59c'était un peu le rôle du
05:01qui sera le plus chaud ?
05:03Qui va faire le plus de bruit ?
05:04Qui va aller le plus loin ?
05:06Et du coup, c'est vrai que quand tu regardes des vidéos,
05:08tu te dis, ils vont loin.
05:09Tu te dis, pourquoi je ne peux pas faire mieux ?
05:11Après, nous, on s'est dit, on est de mental,
05:13on va rester fidèles à ça et c'est tout.
05:15On a juste police et c'est tout.
05:17Commissariat, police, rien d'autre.
05:19Je crois que ma vraie revendication, c'était vraiment
05:21contre la police et pas contre les commerçants qui essaient de s'en sortir.
05:24Ils n'ont rien demandé.
05:26Ils n'ont pas à se subir
05:28parce qu'un policier, il a fait n'importe quoi.
05:30Pour moi, ce n'est pas logique.
05:32Si j'avais croisé sa mère, lui dire que
05:34je ne vais pas prendre tout ce que j'ai payé et lui donner.
05:36C'est pour moi que je vais le faire.
05:38Ça veut dire que ça n'a pas de logique.
05:39C'est vraiment marquant parce que
05:41j'étais là pour soutenir.
05:43Moi, je n'étais pas là pour piller.
05:45Je dis ça parce que je sais qu'à côté,
05:47dans des villes, ça va piller tout ça.
05:49Moi, j'étais là pour défendre une conviction.
05:51Ça ne peut pas rester impuni.
05:53Parce qu'on se demande quand ça va s'arrêter.
05:55Je te parle des émeutes en 2005.
05:57Après, ça s'est calmé, on va dire.
05:59Après, ça repart avec Théo.
06:01Même si je te parle
06:03à l'international, je te parle
06:05de George Floyd
06:07et le mouvement Black Lives Matter.
06:09On ne sait pas quand ça va s'arrêter.
06:11C'est ça qui
06:13m'énerve un petit peu.
06:15Je suis susceptible
06:17d'être dogé dans certains endroits
06:19avec ma couleur de peau.
06:21J'aimerais dire qu'il n'y a aucun voyou
06:23avec moi.
06:25Il n'y a pas de racaille.
06:27La plupart des gens sont quasi verges.
06:29On n'a pas de problème avec la police.
06:31On est juste des gens qui ont été choqués par ce qui s'est passé.
06:33On a vu une mère pleure
06:35et on s'est dit que ça pourrait être
06:37notre mère et qu'on
06:39s'est révoltés, on va dire.
06:41Comme il y a eu plein de révoltes en France, nous aussi on s'est révoltés.
06:43On ne voulait pas juste
06:45faire du mal aux policiers, faire du mal
06:47à la mairie qui paye,
06:49à nos parents qui payent des impôts et après rentrer
06:51chez nous. Ce n'était pas ça le but. Le but, c'était vraiment
06:53de viser la police
06:55qu'ils soient vraiment conscients
06:57de ce qui s'est passé
06:59et après que ça change.
07:01C'était vraiment une semaine où il fallait se faire entendre.
07:03Et je pense qu'on s'est fait entendre.
07:05Je ne parle pas spécialement de ma ville,
07:07mais je parle du mouvement.
07:09C'est une roue qui tourne, qui tourne
07:11et qui ne s'arrête jamais. On a l'impression que même
07:13nos enfants, nos petits frères, etc.,
07:15ils vont faire exactement la même chose
07:17et que ça va continuer.
07:19On a l'impression qu'il y a toujours
07:21quelqu'un qui va mourir en moto, en voiture,
07:23qui va se faire renverser par un policier,
07:25qui va se faire tirer dessus pour des histoires comme ça.
07:27On a l'impression qu'après,
07:29il y a d'autres jeunes qui vont se révolter,
07:31qui vont refaire des émeutes
07:33et que ça ne va jamais s'arrêter.
07:35Et donc pour moi, c'est à l'état de réagir à ça.
07:37Quand tu vois qu'un enfant
07:39d'un si jeune âge,
07:41il meurt, normalement,
07:43tu dois être sensible à ça, tu dois te sentir...
07:45Je ne sais pas, ils ont des enfants eux aussi.
07:47Même si on va dire qu'ils ne sont pas dans le même banlieue que nous,
07:49ils ont des enfants aussi,
07:51ça veut dire que ça ne va pas arriver à tout le monde.
07:53Ça ne va pas arriver à tout le monde.

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