• il y a 2 mois
Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00Quasiment 19 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté, cher Mathieu, bonsoir.
00:05Bonsoir.
00:06Arthur de Vatrigan est avec nous comme chaque samedi soir.
00:08Bonsoir Arthur.
00:10Le point sur l'information, c'est avec Isabelle Piboulot.
00:14Bonsoir Isabelle.
00:15Bonsoir Eliott, bonsoir à tous.
00:16Le prix Samuel Paty remis aujourd'hui à la Sorbonne après une semaine d'hommage au professeur assassiné il y a quatre ans.
00:23La ministre de l'Éducation a adressé un message à tous les professeurs du pays en assurant toujours se tenir à leurs côtés.
00:31« Ensemble, nous continuerons à défendre une école qui refuse l'abîme de l'obscurité », a déclaré Anne Gentay.
00:38Les cyclistes ont rendu hommage à Paul Vary, casque de vélo vissé sur leur tête.
00:42Plusieurs centaines de personnes ont observé une minute de silence dans la capitale, place de la République.
00:48Plus de 200 rassemblements ont été organisés dans le pays pour dire stop aux violences motorisées.
00:54Paul, 27 ans, a été tué mardi à Paris lors d'un différend avec un automobiliste de 52 ans, mis en examen pour meurtre et écroué.
01:02Enfin, les propos du conseiller municipal Ismaël Boudjekada ne passent pas.
01:07Mathieu Bloch, député UDR du Doubs, a saisi la justice.
01:10L'ancien candidat aux législatives ayant déclaré sur X un héros est mort.
01:15En parlant du chef du Ramas, Yaya Sinoir, éliminé jeudi.
01:19Des propos qui relèvent de l'apologie du terrorisme pour le député.
01:23Ismaël Boudjekada a déjà été condamné en première instance en juin pour ce délit.
01:29Isabelle pour le point sur l'information.
01:31À la une, de face à Mathieu Boquete, à peine entré en vigueur, un tribunal italien balaie le projet mis en place par le gouvernement Melloni.
01:40D'externaliser des demandes d'asile depuis l'Albanie.
01:43Au nom de quoi ? D'une jurisprudence venant de la Cour européenne de justice, bien sûr.
01:48Le cas italien est un cas d'école.
01:51Où est passée la souveraineté nationale ?
01:54Où est passée la volonté d'un peuple, à savoir, pour ce sujet-là, le peuple italien ?
01:59À la une également, le budget est au centre de toutes les attentions.
02:03On taxe plus sans pour autant dépenser moins.
02:06Plus compliqué de raboter un budget que de prélever les Français.
02:09Pourquoi est-ce si difficile de couper dans les dépenses ?
02:12Élément de réponse dans cette émission.
02:14Enfin, cher Mathieu, vous recevez ce samedi Arnaud Tessier, historien, auteur de Charles de Gaulle, l'angoisse et la grandeur,
02:21comme un voyage dans les mémoires de guerre du général.
02:26Et ce sera à 19h30.
02:27Voilà le programme de face à Mathieu Boquete.
02:30Et cher Mathieu, on a beaucoup parlé cette semaine de la stratégie d'externalisation de la gestion du droit d'asile,
02:37mise en avant par l'Italie.
02:39Le gouvernement italien, présenté comme une avancée européenne exemplaire,
02:43elle vient d'être invalidée par un tribunal, un tribunal romain.
02:47Faut-il y voir une manifestation du gouvernement des juges ?
02:51Quel sera votre sujet de votre première émission ?
02:53Alors oui, la réponse c'est oui, mais voyons pourquoi.
02:56Voyons pourquoi.
02:57Alors, point de départ, l'Italie, comme d'autres pays, mais l'Italie en particulier,
03:02comprend qu'il n'y aura jamais de gestion de l'immigration,
03:06et plus encore, qu'on ne pourra jamais stopper l'immigration massive
03:11si on ne restaure pas le principe et la réalité de la frontière.
03:17Une frontière, ce n'est pas simplement une idée, c'est une réalité.
03:20Donc, il faut restaurer une distance géographique entre le migrant et le pays,
03:27appelé soit à l'accueillir, soit à lui dire de retourner chez lui.
03:31C'est ce que disaient, soit dit en passant, les Britanniques avec ce qu'ils appelaient la stratégie rwandaise.
03:35C'est ce qu'on en avait parlé aussi dans les pays scandinaves,
03:39et c'est ce que faisaient donc les Italiens en disant, voilà la chose suivante,
03:42les migrants qui arriveront dans les navires,
03:45normalement d'ailleurs dans les navires des associations qui se disent humanitaires,
03:49les navires complices des passeurs, des différentes associations d'extrême-gauche pro-migrants.
03:53Ceux-là seront amenés en Albanie pour voir dans quelle mesure leur demande de droit d'asile est valable ou non.
04:03Je précise que ce n'est pas tous les migrants qui seront ramenés là,
04:08c'est essentiellement les hommes, donc les majeurs, les hommes,
04:12et pour les autres, ils seraient normalement ramenés en Italie.
04:15Donc, ça ne concerne pas tant de gens que ça, comprenons-le.
04:19On est loin du principe du refoulement.
04:21Le refoulement, ça consiste à dire, désolé, le droit d'asile est suspendu, il n'est plus applicable.
04:26Là, ce qu'on dit simplement, c'est on va traiter votre demande ailleurs.
04:29En Albanie, donc, pays avec lesquels on a fait une entente,
04:33je précise que Mme Mélanie a fait des ententes aussi avec d'autres pays africains.
04:38C'est un autre modèle.
04:39Alors, qu'est-ce qui se passe à travers cela?
04:42L'Italie dit, on va traiter les ententes à partir de l'Albanie,
04:45et ça va mieux se passer.
04:47Pas bien se passer, mais mieux se passer.
04:49En l'espace de 28 jours, vous devrez avoir une réponse.
04:51Si vous n'avez pas une réponse, ensuite, vous serez probablement rapatriés sur un continent.
04:55Vous avez un peu une idée.
04:56Donc, l'idée, c'est restaurer géographiquement la réalité de la frontière.
05:00Les associations de gauche, comme il se doit, les associations de la gauche radicale,
05:04s'opposaient à cette mesure en disant qu'elles violaient les droits de l'homme, comme d'habitude.
05:08Pour ces gens-là, dès lors qu'on fait respecter minimalement sa frontière, on viole les droits de l'homme.
05:12Mais, et cette semaine, les 16 premiers migrants sont arrivés en Albanie.
05:1616, c'est pas énorme.
05:19Déjà, la politique de Mme Mélanie est torpillée par les tribunaux italiens,
05:27notamment par la section des affaires migratoires du tribunal de Rome.
05:36Et qu'est-ce qu'on se dit à ce moment-là ?
05:37On se dit que c'est contre les droits de l'homme, c'est contre l'État de droit,
05:41c'est contre… On s'appuie sur une décision de la Cour européenne de justice,
05:45donc la légitimité européiste extérieure à la souveraineté nationale, extérieure à la souveraineté démocratique,
05:51pour dire « vous ne pourrez pas appliquer cette politique ».
05:53Vous avez été élue, Mme Mélanie, pour appliquer une politique de contrôle de l'immigration.
05:57Vous ne pouvez pas l'appliquer parce que nous refusons que vous appliquiez cette politique.
06:01Nos juges, véritables souverains, les juges, on en parle souvent ici, ce sont les super législateurs.
06:06Le juge, aujourd'hui, c'est le véritable législateur suprême.
06:09Il se permet de neutraliser une politique, de l'empêcher.
06:14Et, quelle est la suite?
06:15On nous dit qu'au nom de l'État de droit, au nom des obligations internationales et des engagements internationaux,
06:20dont on nous parle sans cesse, sans que les peuples ne soient jamais consultés pour savoir s'ils acceptent ces engagements et ces différentes obligations,
06:27eh bien, la politique italienne est censurée par les juges.
06:31Mme Mélanie réagit en disant « les Italiens m'ont demandé d'arrêter l'immigration illégale et je ferai tout ce qui est possible pour tenir parole ».
06:39Matteo Salvini ajoute « s'ils veulent, les juges, la gauche radicale, les associations pseudo-humanitaires faire la politique d'immigration,
06:48mais qu'ils se fassent élire, qu'ils se fassent élire, mais pour l'instant, le point central, ce qui est confirmé ici, on y reviendra,
06:55c'est qu'il y a la souveraineté parlementaire, la souveraineté nationale, mais il y a une véritable souveraineté supérieure, révélée, verticale,
07:02et c'est ce qu'ils appellent l'État de droit avec le gouvernement des juges.
07:04Et ça, en la matière, on l'a vu, la démocratie est piétinée par des juges qui croient avoir une révélation au nom de laquelle ils peuvent piétiner le peuple.
07:11Mathieu Bocoté, ce n'est pas la première fois que vous appelez le gouvernement des juges qui censurent la politique migratoire italienne.
07:18Matteo Salvini ne s'est-il pas lui-même retrouvé devant les tribunaux pour de semblables raisons ?
07:24Ah, vous avez tout à fait raison de le rappeler.
07:26Ça, c'est absolument fondamental.
07:27Matteo Salvini, c'est-à-dire il y a quelques mois, non même pas, je pense, c'est le mois passé, au tribunal.
07:32Pourquoi ?
07:33Parce que lorsqu'il était, il y a six ans, ministre de l'Intérieur, il y a un navire qui voulait, comme d'habitude, en fait, c'est la politique des migrants,
07:39c'est-à-dire accoster sur les côtes italiennes, opérer son débarquement de migrants et poursuivre son travail, en quelque sorte.
07:46Et lui, il avait dit non, désolé, c'est le refoulement, maintenant, on arrête ça, vous n'avez pas de droits fondamentaux pour un bateau à vous installer ici, tout simplement.
07:56Vous n'avez pas ce droit-là, c'est comme ça.
07:58Et pendant plusieurs semaines, il avait laissé le bateau donc dans les eaux internationales.
08:03Je précise, soit dit en passant, qu'il s'était soucié de la santé des migrants, il s'était assuré que les conditions humanitaires, les conditions d'hygiène, les conditions sanitaires soient respectées.
08:14Pour cela, aujourd'hui, il est poursuivi, on en parlait il y a à peu près un mois, il est poursuivi parce qu'apparemment, on le dit, il a pour séquestration de personnes.
08:24Comme si c'était un gangster, comme si c'était un voleur, comme si c'était un gangster qui séquestrait des migrants voulant entrer en Italie.
08:30Sa réponse, à ce moment-là, ça consiste à dire, un instant, j'ai été élu pour stopper l'immigration massive et j'applique le principe de refoulement qui est un principe qui permet de gérer la question de l'immigration à l'échelle de notre temps.
08:44On n'est plus à une époque où l'immigration se présente sur le mode individuel, nous sommes devant des masses qui se présentent, des vagues migratoires.
08:51Donc, il dit, désolé, vous ne pouvez plus entrer. Et bien, finalement, les juges avaient rendu possible le fait pour le navire d'Acoste de mémoire à Lampedusa, surprise.
09:03Et aujourd'hui, Matteo Salvini est poursuivi, il est poursuivi. Il dit à l'époque, il y a un mois, il nous dit, si c'est à refaire, je le referai.
09:13La politique des ports fermés est la politique légitime dans les circonstances. Que disaient ceux qui l'accusaient?
09:19Je reviendrai un instant sur la situation actuelle, mais que disaient ceux qui l'accusaient à ce moment-là?
09:24C'est notamment le procureur du tribunal de Palerme qui dit, un principe clé n'est pas discutable.
09:30Entre les droits de l'homme et la protection de la souveraineté de l'État, les droits de l'homme doivent prévaloir dans notre système heureusement démocratique.
09:38Vous voyez à quel point on est devant une phrase orwellienne. On nous dit, la démocratie, ça consiste à consacrer, à sacraliser leur version des droits de l'homme
09:47qui nie la souveraineté populaire, la souveraineté de l'État, la protection de l'État, la protection de son peuple.
09:53Je note, soit dit en passant, quand je parle du gouvernement des juges, le gouvernement italien, dans la politique dont on parle aujourd'hui,
09:59il y a des pays que l'on considère des pays sûrs où on peut renvoyer les migrants. Il n'y a aucune raison d'accueillir des migrants venant de ces pays.
10:05Et donc le Bangladesh, l'Égypte, d'autres pays comme ça. Et les tribunaux européens ont dit, ah non, non, non, vous pensez, vous, que le gouvernement,
10:14que ce sont des pays sûrs, mais nous on considère que ce ne sont pas des pays sûrs parce qu'ils ne sont pas sûrs à la grandeur du territoire.
10:19Il y a des régions où c'est un peu moins sûr qu'ailleurs. Dès lors, c'est nous qui allons décider, nous tribunaux européens,
10:25quel est un pays sûr et vers où on peut renvoyer quelqu'un qui cherche à entrer illégalement en Europe.
10:31Je reviens, fin de la parenthèse, Salvini poursuivi, il pourrait faire de mémoire six ans de prison. Six ans de prison pour avoir appliqué sa politique.
10:40Donc comprenez le raisonnement. Vous vous faites élire aux élections, vous gagnez l'appui de la population, vous présentez votre politique,
10:47vous appliquez votre politique, et bien qu'est-ce qu'on voit? L'État de droit, encore une fois, notre ami, l'État de droit décide de dire,
10:54vous ne pourrez pas appliquer votre politique, non seulement vous ne pourrez pas, mais si vous l'appliquez, vous irez en prison.
10:58Tout ça me fait penser à ce qu'on a dû voir dans la dernière présidentielle en France et ensuite aux législatives.
11:03Rappelez-vous, quand il y avait, c'est une période oubliée aujourd'hui, mais quand Zemmour montait dans des sondages,
11:08ensuite quand certains s'inquiétaient d'une victoire possible de Marine Le Pen, au Conseil constitutionnel, on disait, faites-vous en pas.
11:15Si jamais le gouvernement cherchait à appliquer un programme qui va contre notre définition de l'État de droit, nous l'en empêcherions.
11:22Donc, si vous gagnez vos élections, si vous cherchez à appliquer votre programme, on va vous empêcher de l'appliquer, et si vous vous entêtez à l'appliquer,
11:29retour en Italie, on va vous poursuivre devant des tribunaux.
11:32Ça nous rappelle ce que j'appelle, quant à moi, la logique pénalitaire, la logique de répression revendiquée des partisans de ce qu'ils appellent l'État de droit,
11:40qui est dans les faits aujourd'hui une autocratie despotique, se cachant derrière les droits de l'homme pour nous imposer un programme immigrationniste.
11:48Ça vient avec toute une série de politiques de pénalisation du commun des mortels, mais c'est de cela dont nous parlons aujourd'hui, au nom de ce qu'ils appellent l'État de droit,
11:55c'est la négation de la démocratie et c'est la négation des libertés.
11:58Mathieu Bocoté, cela fait-il écho à la querelle de l'État de droit en France ?
12:03Vous avez raison de nous conduire en France, parce que c'est la question.
12:06Bruno Retailleau, pour avoir simplement remis en question, en disant que l'État de droit, ce n'est pas sacré, ce n'est pas important,
12:14il dit que la définition actuelle de l'État de droit, elle n'a pas une valeur religieuse, elle n'a pas une valeur hyper morale.
12:21On a fait son procès, incroyablement, on a cherché à le punir, à le diaboliser, à l'infréquentabiliser.
12:28Pourquoi ? Parce qu'il veut redonner du pouvoir au pouvoir, il veut redonner une capacité d'action au gouvernement.
12:36Qu'est-ce qu'on a vu à travers cela ? La séquence a trouvé son prix d'aboutissement dans une resacralisation du pseudo-État de droit,
12:44en expliquant que le politique ne peut pas agir.
12:46Je note, soit dit en passant, en parlant d'État de droit, un truc qui s'est passé cette semaine, on ne l'a pas vraiment noté.
12:51Je vous ai souvent parlé ici du colloque organisé par l'Institut Iliad, qui avait été organisé il y a peut-être un an ou deux,
12:58et annulé, annulé, avant même sa tenue, parce qu'on craignait que se tiennent à ce colloque des propos contraires à la loi Pleven.
13:06Donc, on vous interdit le colloque parce que vous pourriez peut-être dire quelque chose contre la loi.
13:11C'était contesté cette semaine devant le Conseil d'État.
13:14Et bien, réaction du Conseil d'État, il a dit non.
13:16OK, la circulaire d'Armanin, à l'époque, est écrite de manière un peu maladroite, mais elle demeure légitime et nous la maintenons.
13:22Au nom de l'État de droit, aujourd'hui, en France, mais aussi ailleurs en Occident,
13:26on peut interdire un événement, un colloque, une manifestation, parce qu'il pourrait s'y tenir des propos allant contre l'idéologie dominante.
13:34Arthur de Vatrigan, ces dernières semaines, rappelez à quel point la politique migratoire mise en place par Giorgia Malini portait ses fruits.
13:47Plusieurs chefs d'État étrangers sont même allés en Italie pour essayer de comprendre quelle était la formule.
13:54Désormais, il y a la justice italienne qui lui répond, vous ne pouvez pas tout faire.
13:59En fait, il y a plusieurs sujets, deux principaux et qui sont intimement liés.
14:02Vous avez l'Union européenne, vous avez les juges.
14:05On va commencer par l'Union européenne, à l'exception de quelques mondialistes, férus d'aéroports et qui aiment parler anglais.
14:10Tout le monde a compris, en tout cas une grande majorité des peuples européens a compris que l'Union européenne n'était ni une union, ni une fédération,
14:16mais le royaume de lobby dans lequel toute idée de nation était vue comme un ennemi qu'il fallait immédiatement sulfater.
14:23Et Bruxelles, c'est la capitale justement d'un marché géant où la souveraineté des pays, de la France notamment, se vend à la découpe,
14:30mais avec l'accord pour la France de nos gouvernants.
14:33Et si je parle de royaume des lobbyistes, c'est parce que dans ce royaume-là, il n'y a pas d'intérêt général.
14:36S'il y a un intérêt général, on appelle ça l'Allemagne, on l'a vu avec le marché européen, mais ça c'est autre chose.
14:41Parce que dès qu'on veut faire quelque chose, on nous rétorque, non on ne peut pas, on a fini des traités, on est lié par telle convention,
14:47quand bien même c'est irré contre le droit français.
14:50Donc on a quand même connu des camisoles plus agréables.
14:53Sauf qu'il faut quand même sans cesse et toujours rappeler que si la France ploie le genou devant la sainte Union européenne,
14:59elle le fait toute seule et par la volonté unique de tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche.
15:04Car encore une fois, il faut le rappeler, la primauté du droit européen sur le droit français n'a jamais été décidée souverainement,
15:11mais il a été sournoisement par des juges, et que la seule fois où on a demandé aux Français s'ils voulaient que le droit européen prime sur le droit français,
15:19c'était en 2005, vous vous rappelez de la réponse, ils ont dit non, vous connaissez la suite, c'est revenu enlousé dans une annexe du traité de Lisbonne en 2007.
15:27Merci Nicolas Sarkozy.
15:28Mais le plus cocasse dans tout ça, c'est que notre premier ministre actuel, Michel Barnier, rappelez-vous en 2021,
15:33lors de la primaire des Républicains, l'avait expliqué en disant sur l'immigration, il faudra commencer à détacher les traités,
15:39sinon on ne pourra jamais régler le problème.
15:41Mais malheureusement, c'est la malédiction française, une fois arrivés au pouvoir, les convictions s'évaporent aussi vite qu'elles étaient arrivées.
15:48Et donc là on arrive au deuxième sujet, qui sont les juges ?
15:52En l'occurrence, en Italie, ce ne sont pas les gardes de chiottes de Bruxelles qui ont été parachutés chez Madame Mélanie.
15:57Ce sont les juges italiens qui ont enfilé leur costume de spéléologue pour aller chercher une jurisprudence pour asseoir leur pouvoir.
16:04Donc on découvre que si Bruxelles n'est pas au service des peuples français, italiens, polonais, ce que vous voulez, elle peut être au service des juges.
16:12Et tout ça évidemment au nom de l'état de droit.
16:14Et si vous voulez, l'état de droit, c'est un peu comme le vivre ensemble.
16:17C'est-à-dire que quand on commence à le brandir avec autant de vigueur, c'est que ça devient un peu douteux.
16:21Alors si on voulait se lancer dans la psychanalyse, on pourrait se dire que c'est un peu comme une coloscopie surprise sur l'anesthésie,
16:27pour filer la métaphore médicale de Mathieu la semaine dernière.
16:30Autrement dit, on veut imposer une règle par un magistère moral contre les peuples et l'état de droit et le vivre ensemble,
16:38parce que l'état de droit et le vivre ensemble existait avant qu'on popularise l'expression et avant même qu'on la sacralise.
16:44Mais en revanche, ce qu'on voit, c'est que les deux notions sont complètement incompatibles.
16:48Je m'explique. L'état de droit aujourd'hui, comme on nous l'explique, c'est le règne de l'individu.
16:53Et là, il faut relire Marcel Gauchet, notamment son dernier livre.
16:56Il dit que c'est une démocratie dans laquelle la liberté individuelle doit l'emporter sur l'autorité collective.
17:02Donc c'est l'individu contre le collectif. Le collectif, c'est le vivre ensemble.
17:05C'est pourquoi on a vu un Algérien pédophile qui a le droit de rester en France,
17:09ou le bourreau de Dominique Bernard qui n'a pas pu être expulsé.
17:13Et comme vous l'avez remarqué, les droits individuels sont aussi expansifs qu'une colonie de punaises de lit.
17:18Donc, ça ne fait que grignoter et à la fin, l'autorité collective ne va pas complètement disparaître.
17:22Et qu'est-ce que ça veut dire ?
17:24Encore une fois, Marcel Gauchet le dit, c'est une démocratie anti-majoritaire.
17:27Et qu'est-ce qu'une démocratie anti-majoritaire ?
17:30C'est une non-démocratie.
17:32Or, dans une non-démocratie, quelle est la loi ?
17:34C'est la loi du plus fort.
17:36Sauf qu'on n'est plus au temps de la préhistoire.
17:38Donc, la loi du plus fort, c'est celle de l'oligarchie, des réseaux associatifs
17:42qui peuvent saisir, à la différence de vous et de Mathieu, du français moyen,
17:47qui peuvent saisir le Conseil d'État, le Conseil Constit,
17:51tous les juges qui sont évidemment tout heureux de décider et donc de gouverner.
17:56Autre sujet à présent, Mathieu Bocoté.
17:59Québécois moyen, on dit aussi ? Français moyen ?
18:02Bien sûr !
18:03Depuis un peu plus d'une semaine, on parle beaucoup du budget.
18:06Et on parle moins de coupe de dépenses que de nouvelles taxes et de nouveaux impôts.
18:10Cela nous oblige à poser une question simple.
18:13Pourquoi est-il si difficile de couper dans les dépenses de l'État ?
18:18La semaine dernière, vous étiez amusé de ma formule où je disais que, pour moi,
18:22l'impôt aujourd'hui, et plus encore les hausses d'impôt,
18:25c'est comme un toucher rectal avec un gant de crin.
18:27Ce n'est pas agréable.
18:29Bon, à sec.
18:31Mais, cela dit, on note que cette semaine,
18:34on s'inquiétait la semaine dernière,
18:36est-ce que les éléments les plus productifs de la société vont se faire taxer,
18:40surtaxer jusqu'au braquage fiscal ?
18:43Cette semaine, on a appris qu'il y avait aussi d'autres idées qui circulaient.
18:46Par exemple, taxer les chiens.
18:48Donc, le commun des mortels va avoir, il a un chien,
18:51et là, il comprend que l'État a vu le chien et il s'est dit,
18:53ah, ah, voilà une ressource potentielle d'argent.
18:56Donc, qu'est-ce qu'on voit là-dedans ?
18:58On y revient, l'État, dans la logique présente,
19:00ne cesse de multiplier les possibilités d'extension de la logique fiscale
19:05dans tous les domaines de la vie,
19:07comme parce qu'il a compris que, dans son esprit,
19:09la coupe des dépenses publiques est presque inimaginable.
19:11Alors, mieux vaut toujours taxer, taxer et surtaxer.
19:14Le commun des mortels finira par l'accepter.
19:16Du moins, c'est le pari.
19:18Et la question qu'on peut se poser, c'est pourquoi c'est si difficile de couper ?
19:21Vous connaissez ma logique en la matière ?
19:23On nous dit aujourd'hui, il faut dépenser moins
19:25pour ensuite baisser les impôts et les taxes.
19:27Moi, j'inverse la formule.
19:28Il faut taxer moins et imposer moins
19:30pour nous contraindre ensuite à dépenser moins.
19:33Manifestement, moi, j'entends des arguments de certains de mes amis
19:35qui me disent, moi, ça ne me dérange pas de payer des impôts,
19:37même beaucoup d'impôts, si ça donne de bons services publics.
19:39Ok, d'accord, mais manifestement, ça ne fonctionne pas.
19:41Manifestement, ça ne fonctionne pas.
19:43On paye, on paye, on paye encore et ça ne fonctionne pas.
19:45Alors, qu'est-ce qu'il y a derrière cela ?
19:47Il y a véritablement le fait que l'État doit être pensé
19:50comme un organisme qui tire sa vie de sa capacité
19:53à vampiriser sans cesse les forces de la société
19:56et à créer un rapport de dépendance.
19:59Un rapport de dépendance de plusieurs manières.
20:01Un rapport de dépendance parce qu'il devient l'acteur central
20:04de la vie collective et si on voulait s'arracher
20:06à sa tutelle mortifère, il y aurait inévitablement
20:09un moment de bascule, un moment de presque turbulence
20:12où il faudrait réapprendre à faire l'exercice
20:14d'une certaine liberté en société.
20:16Je ne dis pas qu'il faut abonner à l'État.
20:17Je dis simplement restreindre son périmètre.
20:19Il y a la logique de la double dépendance à l'État.
20:22On parle souvent de l'assistanat,
20:23de l'assistanat qui est un vrai problème.
20:25Il ne faut pas oublier non plus que toutes les activités
20:27sociales aujourd'hui, d'une manière ou de l'autre,
20:29dépendent de cette sur-réglementation,
20:31de cette sur-imposition et de cette sur-redistribution étatique.
20:35Donc lorsqu'on décide de couper, si on décide de couper,
20:37inévitablement on crée de véritables insatisfaits.
20:40Et disons maintenant, vous me prenez à moi,
20:42comment osez-vous ? Ce sont mes droits fondamentaux.
20:44Et en fait, chaque fois que l'État fait une dépense
20:46d'une manière ou de l'autre, elle est considérée
20:47comme une dépense définitive sur laquelle
20:48il ne peut plus revenir.
20:50Donc logique d'assistanat, je l'ai dit.
20:52Logique propre à la social-démocratie,
20:53où l'énergie collective n'est plus mise à la création
20:55de richesses, mais au développement de stratégies
20:57pour être capable de s'emparer de la richesse des autres,
20:59et c'est le principe de redistribution.
21:01Et certains se demandent, devant tout cela,
21:03et on pourrait développer longtemps,
21:04mais le temps nous manque, certains se demandent
21:06est-ce qu'il est possible d'encore espérer une réforme
21:08de l'intérieur qui forcerait l'État à se transformer,
21:11ou est-ce qu'il faut attendre un choc extérieur
21:13qui nous obligerait à une forme d'austérité de l'extérieur,
21:15qui nous obligerait à faire ce qu'on ne veut pas faire
21:17par nous-mêmes.
21:18Ça c'est la question que plusieurs se posent.
21:20Alors posons la question, la réforme peut-elle venir
21:22d'une impulsion en quelque sorte démocratique?
21:24Je l'espère. Je ne suis pas partisan.
21:26Vous savez, ceux qui nous disent quelquefois
21:28il faut que ça tombe en faillite et ensuite on reconstruira,
21:30je ne suis pas comme ça.
21:31Le prix à payer pour cela serait catastrophique.
21:33Mais ce que je constate, c'est que dans la société actuelle,
21:35non seulement l'État prend beaucoup,
21:37non seulement l'État n'est pas capable de livrer
21:39les services pour lesquels il prend beaucoup,
21:41mais se constitue dans ses marges
21:43une forme de société parallèle,
21:45où tous ceux qui en ont les moyens
21:47cherchent à tout le moins à sauver leur peau.
21:49École privée, santé privée, sécurité privée.
21:51Donc on finance le public et ensuite on finance
21:53une forme de contre-société dans les marges.
21:55Il y a quelque chose qui ne tient pas dans cela.
21:57J'ajoute qu'il y a une forme de lutte des classes
21:59qui ne dit pas son nom aujourd'hui à travers cela.
22:01C'est une forme de lutte des classes
22:03entre la classe bureaucratique et la classe,
22:05les classes plus productives économiquement.
22:07Il ne s'agit pas de faire le procès de la démocratie légitime.
22:10Il y en a une.
22:12Mais l'extension infinie de la bureaucratie
22:14est un véritable problème.
22:16Donc de ce point de vue, les deux choses
22:18qu'il faut remettre en question, si on veut,
22:20on pense à une véritable restriction des dépenses,
22:22c'est faire le procès de cette extension
22:24infinie de la bureaucratie, et on le sait,
22:26faire le procès de cette logique d'assistanat
22:28dont tous profitent, et pas seulement
22:30les fameux plus faibles, mais aussi toutes
22:32les forces qui dans la société dépendent
22:34pour leurs avantages sociaux, de transfert
22:36de richesses massives de la population
22:38vers eux pour conserver les privilèges
22:40oligarchiques. Gardons cela à l'esprit aussi.
22:42Que bocotez-vous ce samedi soir sur le budget ?
22:44Ce qui est assez fascinant, c'est que vous remarquerez,
22:46dès qu'on parle budget,
22:48on vous répond, vous avez trois réponses.
22:50A chaque fois, il y a trois réponses.
22:52Première réponse, c'est non, ce n'est pas possible.
22:54Ça, c'est pour les grosses économies, type
22:56réduction de budget de ministère.
22:58J'avais parlé de l'éducation nationale, qui est le premier poste de dépense,
23:0060 milliards. Les résultats sont en chute libre.
23:02Il y a des dizaines et des dizaines de milliers de fonctionnaires
23:04payés par l'éducation nationale qui ne travaillent pas
23:06pour l'éducation nationale.
23:08Donc, réponse pas possible.
23:10Oui, mais en fait, c'est ridicule, on a besoin de beaucoup plus.
23:12Ça, c'est par exemple pour les suppressions de dispositifs
23:14telles que l'AME. L'RME,
23:16qui a, je le rappelle, financé jusqu'en 2011
23:18des cures thermales, et qui finance encore
23:20aujourd'hui le recollement d'oreilles et la
23:22pose anogastrique. Donc, on nous dit, oui, mais en fait,
23:24ça ne coûte qu'un milliard cinq, donc c'est un peu ridicule.
23:26Sauf que quand on est en manqueroute, il n'y a pas de petites économies
23:28comme disait ma grand-mère. Troisième réponse,
23:30c'est, c'est plus compliqué que ça.
23:32Et ça, c'est qu'on vous répond pour les réformes structurelles
23:34type régimes spéciaux, ou les organismes
23:36bidons, comme, vous savez,
23:38qu'on crée pour caser des copains pour service
23:40rendu, comme le Haut-Plan, Haut-Commissaire Haut-Plan,
23:42ou le CESE. Bon, sauf qu'il y a
23:44quand même une question qu'on pourrait se poser là-dedans,
23:46c'est, à quoi ça sert d'avoir plus de 3 000 milliards
23:48de dettes, et d'hypothéquer la France
23:50à des créanciers étrangers, si c'est pour payer
23:52un État qui ne peut jamais rien faire ?
23:54La publicité, on revient dans un instant.
23:56Vous l'avez dans les mains, le livre de
23:58Arnaud Tessier, historien,
24:00auteur de Charles de Gaulle, L'angoisse
24:02et la grandeur. Arnaud Tessier
24:04sera notre invité dans un instant,
24:06après la pause. A tout de suite. Restez avec nous pour
24:08Face à Mathieu Bocoté.
24:1219h30
24:14sur CNews pour la suite de Face à Mathieu Bocoté,
24:16toujours avec Mathieu, bien sûr, et Arthur
24:18de Vatrigan. Arnaud Tessier
24:20est avec nous, merci d'être avec nous.
24:22Vous êtes historien, bonsoir, vous êtes auteur de Charles
24:24de Gaulle, L'angoisse et la
24:26grandeur. Mathieu Bocoté, je me
24:28tourne vers vous, comme chaque zone d'histoire,
24:30je vous pose cette question, mais pourquoi
24:32avoir invité ce soir Arnaud Tessier?
24:34De Gaulle est le grand homme du 20e
24:36siècle français. Je dirais que peut-être même
24:38le grand homme du 20e siècle, et pas seulement en France.
24:40Premier élément. Et deuxièmement,
24:42les livres sur De Gaulle ne manquent
24:44pas, mais tous ne sont pas aussi passionnants.
24:46Et celui-là, c'est assez rare qu'il est possible
24:48de renouveler le sujet de Gaulle, de nous permettre
24:50de le comprendre autrement, de le comprendre
24:52à travers une biographie d'un format nouveau,
24:54et c'est l'occasion d'en parler de De Gaulle et de son
24:56héritage. Arnaud Tessier, bonsoir. Bonsoir.
24:58Alors, vous nous proposez une biographie, mais une
25:00biographie à partir d'un format nouveau.
25:02Si je peux me permettre, vous faites le fil
25:04conducteur, et vous l'annoncez
25:06dans votre sous-titre. C'est De Gaulle sous
25:08le signe de l'angoisse. L'angoisse transcendée
25:10par la grandeur. Vous faites une étude, finalement,
25:12des sentiments fondamentaux qui commandent
25:14la politique et la vision du général De Gaulle.
25:16On a l'habitude de se le représenter comme
25:18l'homme qui ne doute de rien, qui décide
25:20de tout, le souverain, presque
25:22le monarque. Vous nous dites non, c'est l'angoisse
25:24transcendée. Qu'entendez-vous par là?
25:26Oui, parce que dès le début des
25:28mémoires de guerre, d'ailleurs, le seul moment où il parle un peu
25:30de lui, il dit que ses frères
25:32y partageaient une sorte
25:34de fierté anxieuse vis-à-vis
25:36de la France, fierté anxieuse,
25:38et il éprouvait l'angoisse du destin,
25:40du déclin de son pays,
25:42et ensuite toute l'angoisse qui le portera pendant
25:44l'entre-deux-guerres, puis qui reprendra avec la 4ème
25:46République, et puis avec la guerre d'Agérie,
25:48puis avec la 5ème République. C'est un homme
25:50qui prend littéralement
25:52pour lui le destin français,
25:54mais presque physiquement. Et ce qui m'a frappé
25:56en relisant tous ses écrits,
25:58mais aussi ses instructions,
26:00les documents politiques, c'est que
26:02il domine toujours cette angoisse,
26:04mais elle est avec lui,
26:06et il la transcend dans quelque sorte, c'est-à-dire que c'est une
26:08angoisse personnelle, il vit le destin
26:10français de manière personnelle, de manière charnelle,
26:12mais il prend en charge
26:14l'angoisse collective pendant toute
26:16son existence. Quel est le propre de cette
26:18angoisse? Est-ce que je me permets de faire le contraste?
26:20Il y a l'angoisse des petites nations, qui est une
26:22angoisse de la disparition.
26:24Dans un siècle, nous ne serons plus là.
26:26L'angoisse générale de de Gaulle,
26:28c'est pas exactement celle-là, c'est l'angoisse de la déchéance,
26:30plutôt. La déchéance, et puis du danger.
26:32De Gaulle n'est pas un dépressif.
26:34C'est quelqu'un
26:36qui quelquefois doute, qui hésite
26:38entre plusieurs solutions, comme il le fera
26:40à Baden-Baden, où il dira
26:42j'ai envisagé toutes les hypothèses,
26:44et puis j'ai pris mes résolutions.
26:46C'est-à-dire que c'est un homme qui envisage toutes les hypothèses,
26:48mais lui, contrairement à tant d'autres, il finit
26:50par prendre ses résolutions. Donc c'est quelqu'un qui est capable
26:52de décider, après avoir envisagé toutes les hypothèses,
26:54c'est donc une angoisse qui n'est pas
26:56négative. Et donc c'est une angoisse
26:58tournée vers l'action, et la grandeur, ça va
27:00avec l'angoisse, parce qu'en réalité,
27:02c'est un élan. Il pense qu'il faut entraîner
27:04les Français vers le haut.
27:06Je pense que de Gaulle était convaincu
27:08que les nations, et en particulier les nations
27:10démocratiques, il en était convaincu depuis sa
27:12jeunesse, depuis la fin de la première guerre mondiale,
27:14depuis l'entre-deux-guerres, que les nations démocratiques
27:16sont fragiles, et que leur régime
27:18de vie normale, ce n'est pas la paix,
27:20la tranquillité, la prospérité, ce n'est pas
27:22le consensus. Le régime normal d'une
27:24démocratie, c'est d'être menacé. Et quand
27:26on regarde l'histoire depuis la mort
27:28de de Gaulle, depuis 1970,
27:30on se dit que finalement,
27:32c'était quand même pas si mal vu.
27:34On reviendra sur son héritage
27:36très bientôt, mais une dernière question sur le personnage
27:38en tant que tel. On le sait,
27:40très jeune, de Gaulle est hanté
27:42par l'idée qu'il aura un rôle destiné.
27:44Est-ce qu'il comprend, on pourrait dire,
27:46s'il nomme la première figure
27:48de ce destin imaginé par le général,
27:50on ne l'appelle pas encore le général de Gaulle, par Charles de Gaulle,
27:52dans sa jeunesse, lorsqu'il s'imagine
27:54« j'aurai un rôle dans le destin français », quel est-il?
27:56Un personnage qu'il admire.
27:58Oh, il admire tous les grands personnages.
28:00Tous les grands personnages
28:02de l'histoire de France. Richelieu,
28:04Clémenceau, ce sont ses
28:06admirations. La monarchie,
28:08mais aussi les grands révolutionnaires.
28:10Toutes les grandes figures qui ont
28:12porté le destin national.
28:14Il ne fait pas le tri dans l'histoire de France,
28:16parce qu'il a un disciple de Péguy,
28:18contrairement à Maurras, c'est-à-dire qu'il ne choisit
28:20pas telle ou telle période. Pour lui,
28:22l'histoire de France est un tout, il faut tout prendre,
28:24et il y a eu des grands hommes dans toutes les périodes.
28:26Mais en même temps, il est assez
28:28indulgent envers les
28:30hommes comme êtres humains. C'est un
28:32lecteur des moralistes du XVIIe siècle,
28:34il sait que l'homme est faible. Pour lui,
28:36c'est le système qui doit être bon et qui doit compenser
28:38la faiblesse humaine. C'est pour ça qu'il est obsédé,
28:40c'est la phrase merveilleuse de
28:42François Maurras qui dit « ce militaire a
28:44toujours été obsédé par la question constitutionnelle ».
28:46Arthur de Matrigan.
28:48Vous avez rappelé que
28:50De Gaulle, en février 1942,
28:52avait écrit à Maritain, pour lui expliquer que la défaite
28:54de 40, c'était dû à un affaissement
28:56moral du peuple français.
28:58Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qu'il
29:00entendait par affaissement moral,
29:02comment ça se décrivait, et s'il n'y
29:04aurait pas des points communs avec d'autres époques
29:06qui ont suivi, et peut-être même aujourd'hui ?
29:08Si, c'est le lâcher prise, c'est-à-dire
29:10il a eu l'impression que la société
29:12a été lâchée prise, mais parce qu'elle n'était pas aidée
29:14par le système, parce que la Troisième République était
29:16faible, la Quatrième République sera
29:18faible aussi. Tout le projet
29:20de la Cinquième République, il vient des origines
29:22mêmes du combat de De Gaulle. À la limite,
29:24pour De Gaulle, gagner la guerre, c'est capital,
29:26libérer la France, c'est capital,
29:28mais si c'est pour revenir à la Troisième République
29:30et se retrouver dans la même situation, alors tout ça
29:32n'aura servi à rien. Donc De Gaulle est obsédé
29:34par l'idée de donner à la France
29:36un système qui lui permettra
29:38d'être un système
29:40le plus fort possible, armer la démocratie,
29:42et puis aussi essayer
29:44de dépasser la lutte des classes.
29:46C'est un peu le côté pégiste.
29:48Il admire beaucoup
29:50cette pensée. La lettre
29:52que vous évoquez à Maritain,
29:54elle est très belle. Il y a une pensée sociale
29:56de De Gaulle, et qui n'est pas seulement une pensée sociale
29:58qui vient du christianisme. C'est l'idée
30:00qu'il faut dépasser la lutte des classes par quelque
30:02chose qui associe
30:04le salarié et l'employeur
30:06dans quelque chose de porteur.
30:08C'est quelque chose qui va le dominer et qu'il va
30:10trouver avec l'idée de participation.
30:12Revenons un instant sur une catégorie dont vous nous parlez
30:14dans le livre, et on reviendra sur son héritage.
30:16La catégorie politique centrale
30:18pour De Gaulle, c'est l'État.
30:20C'est une catégorie fondamentalement positive.
30:22Sans l'État, la nation s'affaisse.
30:24Sans l'État, la nation se décompose.
30:26Mais quelle est
30:28sa conception de l'État? Parce qu'on devine
30:30que ce n'est pas exactement l'État Providence
30:32tel qu'il a pris forme depuis 50 ans.
30:34Ce n'est pas strictement l'État régalien
30:36tel qu'il peut exister dans le monde anglo-saxon.
30:38Quelle est la conception de l'État du général De Gaulle?
30:40L'État, c'est ce qui, pour lui,
30:42doit porter la société, notamment
30:44quand elle est faible. Il se substitue
30:46en réalité à la faiblesse de la collectivité humaine.
30:48C'est l'expression juridique
30:50et institutionnelle de la nation, du corps des citoyens
30:52à l'État. Pour lui, l'État, c'est
30:54d'abord un système politique fort.
30:56Ce sera le système de 1958.
30:58C'est une administration puissante. Il ne faut pas
31:00se le dissimuler. De Gaulle est pour une administration
31:02très forte. Il est pour les corps.
31:04Il est pour une administration...
31:06Il n'est absolument pas décentralisateur.
31:08Il est pour une administration centralisée.
31:10Il est aussi pour une
31:12constitution sociale forte.
31:14L'idée de sécurité sociale, c'est quand même de créer
31:16une base sociale à la démocratie.
31:18Pour une constitution militaire forte.
31:20Pour lui, c'est très important d'avoir une diplomatie
31:22qui est adossée à une politique
31:24militaire cohérente et qui assure l'indépendance.
31:26La monarchie nucléaire, c'est quelque chose
31:28de capital. Pour De Gaulle, l'État, c'est tout cela.
31:30C'est un ensemble. C'est pas simplement
31:32l'État. C'est pas simplement l'administration,
31:34comme on le dit aujourd'hui. C'est pas seulement le système politique.
31:36C'est pas seulement les relations entre les pouvoirs.
31:38C'est un ensemble de fondements qui sont
31:40à la base, qui tiennent la société
31:42et qui en fait reposent sur une idée
31:44qui lui vient de Richelieu et du
31:46XVIIe. C'est que les intérêts
31:48publics doivent toujours l'emporter
31:50sur les intérêts privés. L'État de droit,
31:52pour lui, c'est quelque chose
31:54qui n'a pas véritablement
31:56de sens s'il finit par l'emporter
31:58sur l'exercice de la souveraineté nationale et sur
32:00l'expression du peuple. Alors revenons justement sur cette formule.
32:02Vous nous conduisez à la prochaine question.
32:04Il y a une querelle aujourd'hui sur la fameuse question de l'État de droit.
32:06Imaginons la pensée constitutionnelle
32:08générale de De Gaulle. Ce que plusieurs nous disent, quelquefois,
32:10De Gaulle, ce n'est qu'un pragmatisme. Il n'y a pas de pensée
32:12constitutionnelle, pas de pensée sociale. Vous nous dites, non, il y a une pensée
32:14forte. Ce qu'on appelle aujourd'hui
32:16l'État de droit. Vous nous dites, pour le général De Gaulle,
32:18tout cela semblerait... On lui prête
32:20par exemple la formule, il n'y a qu'une cour suprême,
32:22c'est le peuple. À partir de sa
32:24pensée telle qu'on la connaît, quel regard jeterait-il,
32:26si on peut faire parler des morts en instant,
32:28sur ce qu'on appelle l'État de droit aujourd'hui?
32:30On peut déjà dire ce qu'il en disait, puisqu'il avait été
32:32très réticent, il avait bloqué
32:34les textes ratifiant la Convention européenne des droits
32:36de l'homme, parce que Jean Foyer lui avait expliqué
32:38que ce seraient des juges extérieurs
32:40à la France qui finiraient par trancher des problèmes
32:42qui relevaient de la souveraineté française. C'est
32:44un homme qui respecte le droit, pour qui le droit
32:46et les institutions, c'est très important.
32:48Jean Foyer, dans ses mémoires, le raconte.
32:50Sur les chemins du droit, le général, c'est un agrégé
32:52de droit, etc. C'est la fameuse phrase
32:54de De Gaulle, il y a d'abord la France,
32:56ensuite il y a l'État, et pour autant
32:58que leur salut à tous deux est assuré,
33:00il y a le droit. Ça ne veut pas dire que le droit
33:02ne compte pas, mais ça veut dire que pour lui,
33:04les débats, le juridisme,
33:06une sorte d'algébrisme juridique,
33:08une jurisprudence qui devient une édiction de normes
33:10trahit l'esprit de la démocratie.
33:12Parce que la démocratie, à la base, c'est
33:14une décision qui vient de l'exercice de la souveraineté
33:16du peuple. Je pense qu'il y a une formule
33:18qui date du 19ème de Dupont-White qui résume
33:20très bien cela. La première des libertés,
33:22c'est le pouvoir que le peuple a sur lui-même,
33:24exerce sur lui-même. Je crois que ça,
33:26c'est ce qui définit la vision
33:28de De Gaulle. Et puis, effectivement, il y a l'État du droit
33:30qui est le fait du législateur,
33:32il y a le juge et sa jurisprudence,
33:34mais la jurisprudence ne doit pas finir
33:36par devenir une norme qui s'impose
33:38au législateur. Le peuple doit toujours
33:40avoir le dernier mot. C'est la fameuse histoire
33:42soulevée par Alain Supiot du dernier mot.
33:44Qui a le dernier mot ? Ça ne doit pas être le juge.
33:46– Alors, vous nous conduisez donc à la question
33:48de l'héritage général de Gaulle.
33:50Je regarde la vie politique française depuis 30 ans
33:52et tous, finalement, se sont voulus
33:54les héritiers du général de Gaulle.
33:56Je peux penser à Jacques Chirac, je peux penser
33:58à Édouard Balazur. Lui, c'était par la médiation
34:00pompidolienne, mais il s'en réclamait néanmoins.
34:02Aujourd'hui, Marine Le Pen s'en réclame,
34:04mais Emmanuel Macron n'a pas oublié de s'en réclamer
34:06non plus. Et il arrive que la France insoumise,
34:08à travers Jean-Luc Mélenchon, s'en réclame à tout le moins
34:10pour la politique étrangère. Que veut dire
34:12ce fait que tous réclament leur part d'héritage
34:14chez de Gaulle ? Et qui sont les héritiers légitimes ?
34:16– C'est difficile de dire
34:18tel ou tel est héritier.
34:20Je pense qu'on ensevelit de Gaulle
34:22sous les hommages pour ne pas tenir compte
34:24du message qu'il nous adresse.
34:26Une figure qui, à mon avis, était typiquement
34:28gaullienne, viscéralement gaullienne,
34:30c'était Philippe Séguin. – À qui vous avez consacré une biographie.
34:32– Voilà, le principe de souveraineté du peuple.
34:34Pour de Gaulle, par exemple,
34:36le référendum, c'est capital.
34:38C'est ce qui permet au président de la République
34:40non seulement de vérifier sa légitimité,
34:42mais de s'assurer que le peuple
34:44va le suivre dans de grandes réformes.
34:46On a laissé tomber complètement le référendum depuis 20 ans.
34:48C'est comme si la Vème République
34:50respirait avec un seul poumon, ou marchait
34:52avec une seule jambe. Donc déjà,
34:54il y a un certain nombre d'héritages
34:56qui sont très vivants. De Gaulle,
34:58ce n'est pas un homme du passé. Il est vivant
35:00dans nos institutions, dans notre système de défense,
35:02dans notre conception de la diplomatie.
35:04Donc c'est assez facile de voir
35:06qui peut s'en réclamer
35:08ou pas en réalité. – Alors je vous écoute,
35:10un instant. Comment s'étonner
35:12qu'il... page 623.
35:14Comment s'étonner qu'il suscite la nostalgie
35:16alors que depuis 30 ans au moins,
35:18les institutions, le régime gaullien
35:20dans toutes ses composantes
35:22ont profondément dévié de leur course
35:24laissant à nouveau la France sans armure.
35:26Est-ce que la Vème République du général de Gaulle,
35:28c'est la Vème République dont nous nous réclamons
35:30aujourd'hui, telle que nous la vivons ?
35:32– Non, parce que... – Ce n'est plus la même Vème République ?
35:34– Je dirais que c'est un organisme génétiquement modifié.
35:36C'est-à-dire que le quinquennat,
35:38la pratique répétée des cohabitations,
35:40l'affaiblissement de l'État,
35:42tout cela... – Le pouvoir de...
35:44je me permets d'ajouter une question, le pouvoir du Conseil constitutionnel ?
35:46– Voilà, la transformation
35:48du Conseil constitutionnel en juridiction
35:50de plein exercice, tout cela a changé
35:52considérablement les rapports de force.
35:54Mais la Vème République a toujours des ressorts.
35:56Elle a toujours des ressorts.
35:58Tout le monde critique le 49-3.
36:00Mais tout le monde oublie, ou personne ne sait
36:02que c'est un ancien président du Conseil
36:04de la 4ème, Guy Mollet, qui avait proposé
36:06ce dispositif, parce que ça oblige
36:08les ministres à être un petit peu solidaires
36:10de leur gouvernement et de se tourner vers leur groupe
36:12parlementaire à chaque fois qu'une décision doit être prise.
36:14C'est un système qui a été conçu pour la décision
36:16et qui concerne un certain nombre
36:18de ressorts, mais il faut savoir s'en servir.
36:20– Arthur de La Trigueur ? – Il y a un autre
36:22affaiblissement au sein de l'État, c'est l'affaiblissement
36:24intellectuel, parce que globalement
36:26presque tous les hommes politiques se réclament de De Gaulle.
36:28On peine depuis quelques années
36:30à trouver des références intellectuelles
36:32chez nos hommes politiques. Qu'a été l'important justement
36:34de sa culture au général De Gaulle ?
36:36Vous avez parlé de Peggy, mais est-ce qu'il y avait d'autres
36:38intellectuels qui ont construit
36:40sa réflexion et quel poids ça avait dans sa
36:42pensée de notre régime et de la démocratie ?
36:44– Il y avait Bergson, Maurice Barrès,
36:46Bergson, il aimait beaucoup
36:48Mauriac, il lisait beaucoup les essais,
36:50beaucoup les histoires, il était moins porté
36:52sur les romans, il lisait énormément,
36:54c'était un homme d'une culture prodigieuse et il était
36:56façonné par l'histoire, il était très bergsonien
36:58en ce sens que pour lui le temps c'était
37:00pas un découpage entre passé, présent et avenir.
37:02Pour lui l'avenir était dans chaque geste
37:04que l'on accomplit dans le présent
37:06et c'est cette responsabilité éminente
37:08et ce qui fait l'humanité profonde de De Gaulle
37:10c'est que c'est une vie sous tension, rien n'est anodin,
37:12rien ne doit être laissé au hasard.
37:14Et la culture est non seulement importante pour lui
37:16à titre personnel, mais au sein de l'État.
37:18La poétie culturelle de De Gaulle, Malraux,
37:20c'est capital, tout cela a été mis en place
37:22parce que De Gaulle, Malraux
37:24et un certain nombre de hauts fonctionnaires
37:26qui étaient autour de Malraux et de figures
37:28intellectuelles pensaient qu'on allait vers une crise
37:30de civilisation. De Gaulle et Malraux voyaient
37:32la crise de civilisation qui est la nôtre,
37:34c'est-à-dire une sorte de matérialisme.
37:36Ce que Péguy annonçait dès 1913 dans l'argent,
37:38la société du livret d'épargne.
37:40C'est-à-dire une société entièrement tournée
37:42vers le bien-être, oubliant l'esprit de sacrifice,
37:44oubliant l'esprit du service,
37:46de servir. Servir c'est un terme
37:48qui est capital chez De Gaulle.
37:50Donc pour lui la poétie culturelle c'était une dimension
37:52je pourrais presque dire,
37:54je parlais de constitution sociale et de constitution administrative,
37:56je pourrais presque dire qu'il y a une constitution culturelle
37:58de la Ve République.
38:00Mais où en est-elle aujourd'hui?
38:02Parce que pour comprendre le système gaullien,
38:04donc qu'il y reste des éléments vivants,
38:06il faut comprendre de quoi il était fait.
38:08C'est une vision d'ensemble extraordinaire.
38:10Il avait comme Napoléon plusieurs atlas dans la tête.
38:12Alors je m'étais dit que je ne parlerais pas
38:14de ces cinq pages, mais elles sont trop importantes,
38:16ces cinq pages sur le Québec.
38:18Parce que vous nous dites, au-delà du Vive le Québec libre,
38:20qui se réalisera tôt ou tard,
38:22vous nous dites, c'est très important,
38:24c'est un discours qui tient compte d'une réalité
38:26qui réalisera dans les temps à venir
38:28l'importance des identités nationales.
38:30Au-delà de la question du Québec,
38:32on pourrait aussi parler du discours de Pnoppen,
38:34la question des identités nationales,
38:36elle est centrale chez de Gaulle,
38:38la permanence des cultures,
38:40le fait que les peuples s'inscrivent
38:42sous le signe de la continuité de la permanence.
38:44Est-ce que de ce point de vue,
38:46la conception de la nation chez de Gaulle
38:48n'a peu à voir avec la définition
38:50strictement républicaine qu'on en a aujourd'hui?
38:52Oui, c'est la culture, l'identité culturelle,
38:54c'est une civilisation,
38:56c'est les gouttes de passé vivant dont parlait Simon Veil,
38:58la philosophe qui avait rejoint la France libre,
39:00et donc de Gaulle était un lecteur.
39:02Les gouttes de passé vivant,
39:04pour lui, c'est ce qui sauve le monde
39:06de la barbarie.
39:08Et le discours de Québec, effectivement,
39:10s'intègre dans toute une autre série de discours
39:12qu'il a prononcés, qui sont mal compris en général.
39:14On a fait de de Gaulle une sorte d'esprit obsédé
39:16par les Etats-Unis,
39:18faisant du flonflon et de la rhétorique à Katsou,
39:20alors qu'en réalité,
39:22il a une pensée très construite
39:24sur la culture et sur l'identité des nations
39:26et sur la notion de civilisation.
39:28Il pense qu'il faut aller au-delà
39:30de ce que sont les sociétés
39:32encore aujourd'hui, c'est-à-dire des demi-civilisations.
39:34Ce qui est très frappant chez de Gaulle, en réalité,
39:36c'est ce qui m'a frappé après avoir travaillé sur lui
39:38pendant des années, c'est qu'il dit toujours la même chose.
39:40Tout simplement, il faut savoir l'écouter.
39:42Lorsqu'il se raconte, notamment,
39:44vous racontez par exemple, lorsqu'il se raconte à Roosevelt,
39:46il raconte l'histoire de la France.
39:48En fait, lorsqu'il parle de lui, il parle de son pays.
39:50Avec toujours un peu le même récit.
39:52Alors, comment résumeriez-vous
39:54le récit gaullien lorsqu'il se présente,
39:56lorsqu'il parle à Roosevelt,
39:58lorsqu'il parle au monde, lorsqu'il parle à ses proches?
40:00C'est de dire que le monde a besoin d'une France forte.
40:02Et qu'on ne peut pas se passer d'une France
40:04au sommet de sa civilisation.
40:06Ça ne veut pas dire que c'est une France
40:08qui doit menacer les autres.
40:10Ça ne doit pas être une France invasive,
40:12ça ne doit pas être une France conquérante.
40:14Ça doit être une France solide, fière, assise dans sa culture
40:16et ayant la dignité d'une vraie civilisation.
40:18Et c'est ça qu'il dit à Roosevelt.
40:20C'est ça qui est extraordinaire dans la lettre
40:22qu'il écrit à Roosevelt pendant la guerre.
40:24Il lui dit qu'il est essentiel
40:26que la France ressorte de la guerre
40:28telle qu'elle doit être.
40:30Un grand pays, si c'est une France diminuée,
40:32ça aura des conséquences
40:34catastrophiques pour l'ensemble de la civilisation occidentale.
40:36Alors, j'en reviens à la question de l'héritage
40:38parce qu'elle me semble fondamentale.
40:40J'ai souvent l'impression, mais vous me corrigerez
40:42si je me trompe, que lorsque je dis le général de Gaulle,
40:44tel que vous nous le présentez,
40:46aussi tel qu'on le rencontre chez Perfit, par exemple,
40:48mais aussi dans Versions de la couture et chez Barré,
40:50j'ai l'impression que le général de Gaulle
40:52serait aujourd'hui, s'il revenait
40:54par je ne sais quelle bizarrerie de la Providence,
40:56s'il revenait parmi nous,
40:58il serait considéré comme un esprit inquiétant,
41:00antidémocratique, dangereux,
41:02extrême peut-être même,
41:04tellement sa pensée ne se réduit pas
41:06aux catégories contemporaines de...
41:08ce qu'on appelle le plus politiquement correct.
41:10Est-ce que de Gaulle, imaginons sa résurrection,
41:12imaginons un instant, serait-il le bienvenu
41:14dans l'arc républicain ?
41:16Je ne sais pas s'il serait le bienvenu, en tout cas,
41:18il ne serait pas surpris de ce qu'il verrait.
41:20Quand de Gaulle, dans les années 30,
41:22notamment grâce au colonel Maillère
41:24qui est son mentor militaire,
41:26essaie d'avertir les élites dirigeantes
41:28de la menace que représente Hitler,
41:30il leur dit de lire Mein Kampf,
41:32comme le disait d'ailleurs le Reichsratlioté,
41:34il passe presque pour ce qu'on dirait
41:36aujourd'hui un complotiste.
41:38Certains le trouvent complètement obsédé,
41:40on trouve qu'il exagère l'état de faiblesse
41:42du système français, c'est parce qu'on voit un militaire
41:44et on n'a pas toujours vu que c'était un militaire
41:46qui était aussi un grand politique,
41:48qui s'est emparé, comme disait Pierre-Jean Jouve,
41:50un militaire qui s'empare totalement de la politique un jour
41:52et c'est cela qui fait sa force.
41:54Je trouve que c'est ça qui est émouvant
41:56en réalité chez de Gaulle,
41:58c'est le terme qui m'en vient toujours le plus.
42:00Après avoir travaillé sur lui,
42:02c'est quelqu'un d'émouvant parce que la façon
42:04dont il endosse tout cela
42:06est émouvante.
42:08Aujourd'hui, je ne sais pas comment il serait reçu,
42:10est-ce qu'il pourrait seulement émerger ?
42:12C'est une autre question.
42:14Une question un peu dystopique,
42:16vous nous dites qu'à chaque fois,
42:18dans tous les moments,
42:20il pose toutes les hypothèses
42:22et il décide. A quoi vont-nous échapper
42:24sur un des grands moments
42:26de l'histoire ?
42:28Par exemple, quand il écrit
42:30au début,
42:32quand il somme pendant la débâcle,
42:34au début de la débâcle, Paul Reynaud le prend au gouvernement,
42:36avec une lettre
42:38invraisemblable où il lui donne l'ordre,
42:40quasiment ils se connaissent, de le faire entrer au gouvernement.
42:42S'il n'était pas entré au gouvernement,
42:44ce n'était pas par ambition personnelle à ce moment-là,
42:46il n'aurait pas rencontré Churchill.
42:48Ce n'est pas quelqu'un qui saisit les occasions,
42:50c'est quelqu'un qui provoque le destin.
42:52Je crois que c'est très important de le comprendre.
42:54Il ne se contente pas de s'aspirer à des circonstances,
42:56c'est quelqu'un qui provoque le destin
42:58et effectivement qui prend ses résolutions.
43:00C'est quelqu'un qui sait décider
43:02d'une manière extrêmement forte
43:04et constante, mais il est capable de douter.
43:06Tout le monde a brodé
43:08sur l'histoire de Baden-Baden
43:10et ce qu'il a songé à ceci.
43:12Il l'a dit, même dans son discours du 30 mai,
43:14quand il reprend le gouvernement, il dit
43:16« j'ai envisagé toutes les hypothèses, y compris le départ,
43:18y compris la fuite, mais j'ai pris
43:20mes résolutions ». C'est l'homme qui prend ses résolutions,
43:22c'est un homme qui ne lâche jamais prise,
43:24comme le personnage politique
43:26mis en exergue
43:28par Julien Gracq
43:30dans le rivage des Cyrthes qui fascinait
43:32Georges Pompidou.
43:34Est-ce qu'il a à quelques moments
43:36pensé tout quitter ?
43:38« Je ne suis plus l'homme des circonstances,
43:40les hommes ne sont pas à la hauteur,
43:42je ne suis plus de ce temps ».
43:44Est-ce qu'il a eu la tentation quelquefois de se retirer définitivement ?
43:46Oui, il y a eu plein de faux départs.
43:48Il l'a dit dans un entretien avec Michel Droit
43:50juste après les événements de 68.
43:52« Vous savez, j'ai été tenté à plusieurs reprises
43:54de m'en aller ». Il les graine tous les moments
43:56où il a failli partir, y compris en décembre 65,
43:58quand il a hésité
44:00à se représenter
44:02devant le suffrage des Français.
44:04Mais il dit « je suis toujours resté ».
44:06Parce que ce qui est extraordinaire
44:08chez De Gaulle, et c'est un message
44:10qu'il nous parle aujourd'hui,
44:12c'est que c'est un homme qui ne désespère pas.
44:14Il faut lire la dernière page des « Mémoires de guerre ».
44:16Curieuse page, d'ailleurs un peu mélancolique,
44:18alors qu'il vient de revenir au pouvoir.
44:20Le livre est en 59.
44:22Il vient de revenir au pouvoir.
44:24Il est très mélancolique,
44:26très parisien pour le coup,
44:28avec le paysage de Colombais.
44:30Tout renaît, la nature renaît,
44:32tout renaît, et de toute façon,
44:34tout recommencera toujours.
44:36C'est un homme qui ne l'a jamais prise,
44:38mais qui ne désespère jamais,
44:40et qui ne désespère jamais de la France.
44:42Ça, c'est quand même pas si courant.
44:44Un grand merci à Arnaud Tessier
44:46pour nous avoir permis de nous refonger
44:48dans les « Mémoires de guerre »
44:50et dans le personnage que pouvait être
44:52le général De Gaulle.
44:54Merci à vous Mathieu Bocoté,
44:56merci Arthur de Vatrigan dans un instant.
44:58Restez avec nous, bien sûr.

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