• il y a 10 mois
Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00 Quasiment 19 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté.
00:04 Mathieu, bonsoir.
00:05 Bonsoir.
00:06 Arthur de Vatrigan, bonsoir.
00:07 Bonsoir.
00:08 Est-ce que vous allez bien tous les deux ?
00:09 Je m'autofiche humaniste ce soir.
00:11 Humaniste ?
00:12 Oui, j'y reviendrai.
00:13 Mais ça vous va très bien.
00:14 J'en doute pas.
00:15 Vous êtes également un grand humaniste Arthur de Vatrigan.
00:17 Pas du tout.
00:18 Pas la question, j'ai la réponse.
00:19 Vous êtes un humaniste.
00:20 Pas d'insulte.
00:21 Il est quasiment 19 heures, le point sur l'information c'est avec vous, Adrien Spiteri, journaliste.
00:27 Les pertes financières s'accumulent pour les pêcheurs dans le golfe de Gascogne.
00:32 Depuis le 22 janvier jusqu'à mardi inclus, près de 450 navires ont l'interdiction d'exercer.
00:37 Le but, éviter les captures accidentelles de dauphins.
00:40 Le gouvernement leur a promis des indemnités à hauteur de 80 à 85% de leur chiffre d'affaires.
00:46 Un adolescent de 16 ans mis en examen pour assassinat est placé en détention provisoire
00:51 cinq mois après la mort de Sokhaina.
00:53 Elle avait été tuée d'une balle perdue dans sa chambre, victime collatérale des
00:57 trafics de stupéfiants dans la cité phocéenne.
01:00 Au domicile du suspect, les enquêteurs ont découvert une Kalachnikov et un pistolet
01:05 de 9mm.
01:06 Et puis les ministres des affaires étrangères du G7 ont observé une minute de silence aujourd'hui
01:10 à Munich en hommage à Alexei Navalny.
01:13 L'opposant russe s'est décédé hier dans une colonie pénitentiaire de l'Arctique
01:18 après trois ans de détention.
01:19 Pour le G7, Alexei Navalny a été mené à la mort pour ses idées et son combat pour
01:24 la liberté.
01:25 A la une de face à Mathieu Bocoté ce samedi soir, décryptage du rapport de François
01:31 Jost sur CNews.
01:33 Le sémiologue, mandaté par Reporters sans frontières, dit avoir passé au rayon X la
01:37 chaîne de ses émissions pendant deux semaines, il y a deux ans, en comparaison à BFM.
01:43 Cette étude est la preuve pour RSF que CNews ne respecte pas ses obligations.
01:48 Le ministre autoproclamé avait bien du mal sur Sud Radio à rendre son étude crédible
01:54 et tout à fait gauche pour justifier un éventuel fichage des invités sur un plateau.
01:58 Le rapport de François Jost décodé par Mathieu, c'est dans un instant.
02:04 Mathieu, vous souhaitez ensuite vous arrêter sur la décision du Conseil d'Etat.
02:08 Ses conséquences sur un état de droit qui basculerait dans l'arbitraire à travers
02:13 cette affaire.
02:14 N'est-ce pas notre liberté d'expression qui est menacée ? On en parle.
02:18 Enfin Mathieu, vous recevez ce soir Michel de Jagers, Philippe de Villiers me disait
02:26 de lui qu'il est un esprit universel, un homme qui domine son sujet.
02:30 Vous allez revenir avec l'historien sur ces périodes où l'Europe faisait face aux grandes
02:35 invasions.
02:36 Voilà le programme face à Mathieu, au côté c'est parti.
02:38 Mathieu Bocquete, la décision du Conseil d'Etat contre CNews a suscité une vive
02:56 controverse cette semaine.
02:57 Cette décision est fondée sur un rapport, celui de François Jost, que plusieurs découvrent
03:04 tardivement, et c'est à ce rapport que vous souhaitez consacrer votre premier édito.
03:09 Oui, c'est un rapport dont j'ai eu l'occasion de parler cette semaine et je l'ai dit, pour
03:12 moi c'est un rapport, je ne parle pas de l'homme, je parle du rapport qui est intellectuellement
03:16 épouvantable.
03:17 C'est un des textes les plus faibles que j'ai lu dans ma vie.
03:20 Encore une fois, je dis, je parle du texte.
03:22 J'ai invité, je le précise, François Jost pour en parler ce soir ici.
03:26 Je lui ai proposé un format où vous auriez à lui présenter, animé, avec une stricte
03:30 égalité des temps de parole pour lui et pour moi, pour débattre de son rapport.
03:35 Il n'a pas voulu venir, c'est tout à fait son droit, m'expliquant que son rapport n'était
03:41 pas une opinion dont on discute mais une analyse objective.
03:43 Donc soit, c'est son droit, mais il nous permettra de ne pas être d'accord avec l'idée que
03:49 ce soit une analyse objective et de décrypter ce rapport qui fonde aujourd'hui une décision
03:53 de justice, il faut quand même le dire.
03:55 Premier élément, c'est une question de méthodologie élémentaire.
04:00 On nous dit, c'est la thèse de Jost qui est reprise par RSF, il y aurait une très
04:06 grande majorité d'intervenants sur ces news politiques et non politiques mises ensemble
04:12 qui seraient de droite ou d'extrême droite.
04:15 Ça, c'est la thèse de base.
04:16 D'ailleurs, ce rapport circule depuis un temps.
04:18 Vous savez, les chiffres lancés par Jost circulent depuis un temps dans l'espace public pour
04:21 dire qu'il y aurait une surreprésentation de la droite et de l'extrême droite sur
04:24 la chaîne.
04:25 Alors, premier élément, est-ce qu'on trouve une définition de l'extrême droite, parce
04:30 que c'est le vrai concept qui pose problème, est-ce qu'on trouve une vraie définition
04:34 de l'extrême droite dans ce rapport ou le début d'une définition de l'extrême droite?
04:39 Problème, non.
04:40 Il n'y a pas de définition.
04:41 Donc, on nous explique qu'il y aurait une surreprésentation d'un courant qu'on ne
04:46 prend pas la peine de définir.
04:48 Et nous savons, je crois, on peut en convenir, que le concept d'extrême droite est un concept
04:52 qui vise non moins à décrire qu'à décrier.
04:55 C'est un concept qui stigmatise, c'est un concept qui sert à marquer négativement
05:00 au fer rouge de l'infréquentabilité celui à qui on la colle.
05:04 Donc, on peut se demander comment savoir si quelqu'un est d'extrême droite.
05:08 Mais, de passage, sur Sud Radio cette semaine, François Jost, le sémiologue, nous a répondu.
05:13 Il nous a dit, en donnant l'exemple d'Omerta, si le monde dit qu'Omerta est d'extrême
05:19 droite, alors c'est d'extrême droite.
05:21 Je constate donc que le monde est transformé en autorité de fichage réglementaire, ayant
05:29 le pouvoir de donner le positionnement politique des uns et des autres.
05:34 Il ne semble pas venu à l'esprit de François Jost que le monde est en tant que tel critiqué,
05:40 qu'il y a plusieurs notes, les biens idéologiques du monde, que tous ne reconnaissent pas la
05:44 compétence universelle du monde pour ficher politiquement les uns et les autres.
05:48 Ce n'est pas un détail.
05:49 Donc, il nous dit, le monde le dit, donc c'est le cas.
05:54 Alors, pourquoi pas le Figaro alors?
05:56 Pourquoi pas l'Ibée?
05:57 Pourquoi pas l'incorrect?
05:58 Non, mais c'est le monde, selon François Jost.
06:00 J'y vois, quant à moi, le signe de l'appartenance à un petit milieu autoréférentiel où on
06:05 colle les étiquettes les uns les autres et où les sources de légitimité sont très
06:08 restreintes, très limitées, où souvent, souvent je ne parle pas de lui, mais des militants
06:12 se prennent pour de grands universitaires et oublient la dimension idéologique de leur
06:16 travail.
06:17 J'ajoute que dans le texte de Jost, on parle de l'émission Face à l'info, vous savez,
06:21 l'émission à laquelle je participe tous les soirs du jeudi au jeudi.
06:23 Il y a une méconnaissance fascinante de l'équipe, parce que l'équipe de Face à l'info, vous
06:28 connaissez, c'est moi, Charlotte Dornelas, Dimitri Pavlenko, Marc Menand et Guillaume
06:34 Bigot.
06:35 Guillaume Bigot et Dimitri Pavlenko sont là deux jours dans la semaine, deux jours l'autre.
06:40 François Jost nous dit, c'est l'équipe de Boccote, Dornelas, Pavlenko et Eugénie
06:46 Bastien.
06:47 Ce qui est bien, c'est que Eugénie Bastien était là à deux ou trois épisodes au début
06:49 dans la période où Zemmour a quitté.
06:51 Donc, il y a deux ou trois émissions, peut-être quatre ou cinq, mais ce n'est pas une figure
06:55 structurante de Face à l'info.
06:57 Pourtant, il la présente comme si elle allait de soi.
06:59 Comment peut-il penser cela?
07:00 Encore une fois, si on cherche un peu, il dit aussi que c'est une équipe de chroniqueurs
07:04 ultra conservateurs.
07:05 Dimitri Pavlenko, pour quiconque regarde ça, est un libéral.
07:09 Marc Menand est un homme de gauche libertaire.
07:11 Je pense qu'il le dit de manière assez claire, libertaire et libertin.
07:14 Conservateur, moi, si vous y tenez à tout prix, mais d'abord et avant tout, indépendantiste
07:18 québécois.
07:19 Et Charlotte Dornelas, je la laisse auto-étiqueter, mais en ces matières, je pense que le mot
07:25 ultra conservateur est assez étrange.
07:27 D'où ça nous vient?
07:29 Encore une fois du monde, un article du 13 septembre 2021 qui qualifiait la nouvelle
07:34 équipe de chroniqueurs ultra conservateurs.
07:36 Donc, l'autorité du monde est encore reconnue.
07:38 François Jost, sur Sud Radio, a par ailleurs dit de quelle manière on va ficher les gens.
07:43 C'est quand même une question.
07:44 Comment on fiche les gens?
07:45 Comment on colle l'étiquette?
07:46 Il dit pour Valeurs Actuelles, par exemple, c'est le critère qu'il utilise, il dit
07:50 « Tout le monde le dit ». Donc, Valeurs Actuelles est d'extrême droite parce que
07:54 tout le monde le dit.
07:55 Mais qui est ce tout le monde?
07:56 Moi, je n'ai pas été consulté là-dessus.
07:58 Je pense surtout que la rédaction de Valeurs Actuelles n'a pas été consultée par François
08:01 Jost dans les circonstances.
08:02 C'est tout le monde.
08:03 Je voudrais savoir qui est ce tout le monde?
08:05 Il parle aussi du consensus.
08:06 Alors, qui est ce tout le monde qui peut fixer l'étiquette des uns et des autres encore
08:11 une fois?
08:12 Et il y a un problème ici.
08:14 Que faire de ceux qui ne se reconnaissent pas?
08:17 Parce que là, vous savez, il faut ficher les gens.
08:20 Donc, que faire de ceux qui ne se reconnaissent pas dans le clivage gauche-droite?
08:23 C'est quand même un problème.
08:24 Il y a beaucoup d'intellectuels.
08:25 Vous savez qu'on reçoit sur ce plateau, si on leur demande « êtes-vous de gauche
08:27 ou de droite? », ils vont nous dire « personnellement, je me dérobe à ce clivage.
08:30 Je ne m'y reconnais pas.
08:31 Je ne m'y reconnais plus.
08:32 Ce n'est plus un système dans lequel je me projette.
08:35 » Alors, la question que je pose, quand il va falloir, parce qu'on le sait, on a
08:38 maintenant l'idée, c'est de ficher les présentateurs.
08:40 Vous, Elliot, fichez les journalistes, fichez les chroniqueurs, fichez les invités.
08:45 Il prend la peine de nous dire, d'ailleurs, juste aussi sur le radio, pas seulement sur
08:49 le plan politique, mais peut-être aussi religieux et tout ça.
08:52 Je le sais, ce n'est pas moi.
08:53 Donc aussi fichage religieux.
08:54 Alors, moi, ce qui m'intéresse là-dedans, c'est premièrement, quel va être le système
08:58 de fichage?
08:59 Quel va être le critère de fichage?
09:02 Religieux, politique, idéologique, c'est intéressant quand même.
09:06 Il nous propose, mais ce n'est pas le seul à le dire, ça je le précise, on nous propose
09:10 trois méthodes pour l'instant pour être capable de ficher les gens, de savoir comment
09:16 les classer dans le système de fichage généralisé qu'il nous a proposé.
09:19 Le premier, c'est l'autodéclaration.
09:21 Dites-nous pour qui vous avez voté à la présidentielle.
09:26 On comprend.
09:27 Pour qui vous avez voté, donc on va demander aux gens, c'est la fin du vote secret.
09:31 Si vous êtes dans les médias, c'est la fin du vote secret, vous devez confesser
09:34 votre vote pour qu'on puisse vous qualifier.
09:36 Deuxième méthode possible, le titre auquel vous êtes associé.
09:40 Et c'est là que c'est intéressant que tout le monde, par exemple, classe Valeurs
09:43 actuelles à l'extrême droite apparemment selon Jost.
09:45 Donc, autrement dit, je veux savoir quelle est l'instance de pouvoir qui va pouvoir
09:49 définir l'identité idéologique du titre qui fait en sorte que l'individu qu'on reçoit
09:54 devienne un pur représentant d'une catégorie et non pas un intellectuel à part entière.
09:59 Ou alors, les colloques ou les événements auxquels on fait des conférences.
10:03 C'est un critère qui nous est proposé.
10:05 Donc là, ça veut dire, si je fais une conférence par exemple devant les LR et une autre devant
10:10 Reconquête et une autre devant une association du Parti Socialiste, je vous parle de moi
10:14 ici, j'ai déjà fait des conférences devant tous ces gens, où doit-on me classer à travers
10:18 cela?
10:19 Et le troisième critère qui nous est proposé, c'est faire une enquête simplement pour
10:21 savoir comment les gens se positionnent idéologiquement et socialement.
10:24 Donc, je devine qu'il y aurait une bureaucratie autorisée responsable d'accumuler les informations
10:29 selon un système de fichage clair qui permettrait de savoir qui représente quoi et qui est
10:35 transformé en quota représentatif d'un courant.
10:37 Je pose une question qui me semble importante.
10:40 Imaginons, parce que ça va arriver, qu'il y ait ce système de fichage généralisé,
10:44 cette haute autorité responsable du fichage des invités et des intervenants publics.
10:47 Imaginons que la haute autorité nous colle une étiquette dans laquelle on ne se reconnaît
10:51 pas.
10:52 Est-ce qu'il y aura une instance d'appel pour nous permettre de dire « je ne me reconnais
10:56 pas dans cette étiquette » et qui sera sur cette instance d'appel et que se passe-t-il
10:59 si au terme de l'appel, par exemple, on vous classe, Eliott, je ne sais pas, on vous classe
11:02 comme socialiste.
11:03 Et vous dites « je ne suis pas socialiste, je suis communiste ». Et là, vous contestez
11:08 et l'instance d'appel dit non, vous n'êtes pas communiste, vous êtes socialiste.
11:11 Et bien, qui va décider dans les circonstances dont votre propre jugement sur votre œuvre
11:16 n'existe plus?
11:17 Ce que vous dites en dernière instance, ça va être un échantillon représentatif,
11:21 une catégorie administrative censée représenter le pluralisme dans les médias.
11:27 Rappelons-nous encore une fois, pour l'instant, l'instance qui permet d'étiqueter les
11:33 gens, c'est le Monde, journal universellement reconnu pour son absence de biais idéologique,
11:39 nous le savons.
11:40 Permettez-moi de rester pour l'instant journaliste.
11:41 Non mais non, vous ne le permettez pas.
11:42 Avant d'être socialiste ou communiste.
11:43 Mais on ne vous le permet plus, vous n'êtes pas journaliste, vous êtes communiste.
11:47 Bon, peut-être animateur, il parle d'animateur.
11:49 Animateur communiste.
11:50 Vous savez parler du système de classement idéologique des uns et des autres, mais qu'en
11:56 est-il, Mathieu Bocquete, de la définition de l'information et de l'opinion selon
12:01 François Jost?
12:02 Alors, on en a un peu parlé cette semaine, moi je trouve ça fascinant, c'est qu'on
12:04 nous dit, il y a une chaîne qui fixe ce qu'est l'information, c'est BFM.
12:09 Et si on s'éloigne de BFM, alors on bascule dans l'opinion.
12:14 C'est dit comme tel, je n'exagère pas la portée de ce rapport, dont la méthodologie
12:19 de ce point de vue est discutable.
12:21 Je présume méthodologie fascinante, à mon avis, de faiblesse intellectuelle.
12:26 Donc je cite, au fil des jours, je cite le rapport Jost, on constate que plus de trois
12:32 des quatre ou cinq informations au cœur de la matinale de CNews n'ont pas d'existence
12:37 au même moment à l'antenne de BFM TV.
12:39 CNews ne retient pas forcément les informations qui font l'actualité pour ses concurrents.
12:43 En insistant fortement sur les dangers de l'immigration et de l'insécurité, la
12:48 chaîne crée un monde où l'information est sélectionnée en fonction de ses propres
12:52 valeurs, portées par des chroniqueurs qui interviennent pour dire ce qu'il faut penser
12:56 des informations.
12:57 Fin de la citation.
12:59 C'est assez intéressant.
13:00 Donc vous comprenez que BFM fixe la norme, fixe les événements dont on doit parler,
13:05 et si vous vous éloignez de la ligne éditoriale fixée par BFM, vous devenez une chaîne d'opinion.
13:10 Et ensuite Jost accuse CNews, il dit, de participer à la construction de ce que nous avons appelé
13:16 un monde qui est plutôt un microcosme peu soucieux du macrocosme de l'actualité.
13:21 Moi je pose la question, qui définit le macrocosme?
13:25 Qui a l'autorité encore une fois de fixer ce qui est le heureux gardien du macrocosme?
13:31 Et encore une fois, on touche à la question, vous savez on dit quelquefois on amplifie
13:34 des faits divers ou non, mais qui décide ce qui est un fait divers qui mérite d'être
13:38 considéré comme un fait de société, ou alors c'est un fait divers si il y en est
13:41 véritablement un?
13:42 Quelles seront les instances autorisées pour nous dire de quoi on peut parler?
13:46 Vous savez, il y a un tweet qui circule un peu, ça fait quelques années, on parlait
13:50 du livre d'Agnès Verdier-Bolligny, je pense que c'était sur la 2, j'espère de ne pas
13:54 me tromper, ou à tout de moins dans EGT, et François Jost s'en inquiète sur Twitter
14:00 en disant, mais pourquoi on parle de ce livre là, c'est de l'autopromo, et là je pense
14:04 qu'il y a un hashtag, on dit CSA.
14:06 Ensuite il s'autocritique en disant, ah j'ai réagi trop vivement, mais on comprend encore
14:10 une fois qu'il faudrait avoir une instance critique pour décider de quel livre on peut
14:13 parler, oui ou non, si c'est de l'autopromotion ou non.
14:16 Je ne sais pas si on parlait des livres de M. Jost dans le JT, est-ce que ce serait dans
14:20 ce cas-là de l'autopromotion?
14:21 Mathieu, si ce rapport est si mauvais, comment a-t-il pu fonder la décision du Conseil d'État?
14:27 Alors on l'a vu à Soud Radio, vous l'avez mentionné, je crois qu'il était incapable
14:31 de défendre son rapport.
14:32 C'est la preuve qu'il a évolué toujours dans le même milieu.
14:35 À ne jamais fréquenter les gens qui ne pensent pas comme nous, dès lors qu'on nous pose
14:38 des questions, on est incapable de répondre.
14:39 Moi, je trouve ça assez fascinant.
14:41 Encore une fois, je le redis, je l'ai invité à débattre ce soir dans un format où il
14:45 y aurait 50-50 % de temps de parole, et qui est mis en scène par vous, il a refusé.
14:50 C'était tout à fait son droit, mais qui nous permet de dire que ça aurait été intéressant
14:53 de débattre de tout ce que j'ai évoqué ici.
14:56 Qu'est-ce que je vois là-dedans?
14:57 Tout simplement, le Conseil d'État.
14:59 En fait, il y a un mouvement pour fermer ces news aujourd'hui, pour chercher à fermer
15:02 la chaîne, c'est très clair, il y a des appels politiques et tout ça.
15:05 Mais le Conseil d'État avait déjà sa condamnation.
15:07 Le Conseil d'État est assez socialiste dans ses orientations.
15:10 Il avait déjà la condamnation.
15:12 La preuve est venue après la condamnation.
15:15 Et même si la preuve n'était pas à la hauteur, la condamnation était déjà établie.
15:20 Et c'est ce dont nous avons été témoins ces derniers jours.
15:23 Arthur de Vatrigan, quel regard portez-vous sur le rapport de François Jost?
15:29 Alors, ce rapport, il date d'il y a deux ans.
15:32 Ça, c'est factuel.
15:33 S'il est brandi aujourd'hui comme un talisman antifasciste, ça, c'est un commentaire.
15:37 C'est évidemment la suite de la vie rendue par le Conseil d'État.
15:42 Mais il ne faudrait pas non plus oublier que dans le Cadi, il y a, vous savez, les états
15:46 généraux de l'information lancés par Emmanuel Macron il y a quelques mois, qui,
15:49 pour je cite, "que chacun voit respecter son droit à une information libre, indépendante
15:53 et fiable".
15:54 Ça, c'est une mise en contexte.
15:55 J'explique pour M. Jost.
15:56 Rappelons que dans ces états généraux, il y a un comité de pilotage qui est composé
16:00 de cinq personnes.
16:01 Parmi ces cinq membres, il y en a trois qui viennent de la presse.
16:03 Il y a Bruno Patino qui vient du monde de Télérama et de France TV.
16:06 Vous avez Nathalie Collomb qui est une ex de Libé et de L'Obs.
16:08 Et vous avez Christophe Deloire qui nous a montré avec talent tout son goût pour le
16:12 pluralisme et la démocratie.
16:13 Alors autant vous dire que dans ce comité, pour chercher une trace de pluralisme, même
16:17 avec un microscope, ça ne marcherait pas.
16:18 Donc, fort de son titre et de sa mission, le camarade Deloire monte au créneau pour
16:21 dénoncer ces news avec la crédibilité un peu d'un amoureux éconduit.
16:24 Je vous rappelle qu'il a reçu une fin de non recevoir de l'ARCOM et donc il va aller
16:28 chouiner au Conseil d'État comme un enfant qui en a privé de goûter.
16:31 Et comme par hasard, le renouvellement ou non des fréquences pour la diffusion des
16:34 TNT arrive prochainement.
16:36 Il faut lui reconnaître un sens du timing, fiable, libre, indépendant et désintéressé,
16:41 même si RSF, je rappelle, va toucher 3 000 euros de dédommagement de la part de l'ARCOM,
16:45 comme quoi la délation, ça rapporte aussi un peu.
16:47 Si on revient au rapport, il faut faire comme tous les mauvais romans de guerre, il faut
16:50 commencer par la fin, ça fait passer le temps et ça évite d'avoir des déconvenues.
16:53 La conclusion de ce rapport est sans appel, ces news avancent masquées.
16:57 C'est ce qu'il dit à la fin.
16:58 On a vu des agents doubles plus discrets.
17:00 L'auteur de ce rapport s'appelle François Jost.
17:02 On cherche encore sa légitimité, mais après tout, on lui commande un boulot, ça flatte,
17:07 ça occupe, ça permet de rapporter un peu.
17:08 Donc il exécute et puis il en profite pour donner un peu ses goûts, ses couleurs, ses
17:11 préférences.
17:12 Donc pour savoir la bonne information, il rate BFM et pour savoir qui est méchant et
17:15 qui est gentil, il lit Le Monde.
17:17 Mais comme il a expliqué il y a quelques jours, sur Sud Radio il me semble, ces news
17:20 et pour lui, je cite, une chaîne d'extrême droite et ça le gêne.
17:23 Encore un qui a oublié de changer les piles de sa télécommande, mais passons.
17:26 Pour savoir si le rapport doit être sérieux ou pas, lui il a compris, il doit tout justifier.
17:30 Donc qu'est-ce qu'il fait ? Il ressort l'animal préféré de Loire, le putoir, on appelle
17:33 ça l'extrême droite en journalisme.
17:34 C'est pratique, ça fait toujours son petit effet, surtout dans le camp de la gauche qui
17:37 est le camp de François Jost.
17:39 En tout cas, c'est ce qu'a indiqué sa fiche Wikipédia jusqu'à aujourd'hui.
17:42 Tout d'un coup, ça a disparu.
17:43 Et le camarade Jost, donc, en fin de lignée, débusque la supercherie.
17:46 Ce qui compte dans le pluralisme, c'est ne pas qu'inviter à parole illégale les représentants
17:50 politiques, mais c'est renifler d'ailleurs chaque intervenant, chroniqueur, journaliste,
17:55 éditorialiste, l'idéologie qui se cache.
17:57 Donc si vous voulez, là on parle de sémantique, traduction sur la chaîne BFM, les intellectuels
18:03 neutres et objectifs proposent des analyses sur des faits de société.
18:06 Sur ces news, vous avez des idéologues militants qui font des commentaires sur des faits divers.
18:10 Voilà la sémantique qu'ils proposent.
18:12 La question est donc comment différencier les deux ? Comment différencier le vrai bon
18:15 journaliste neutre objectif, qu'on appelle un journaliste de gauche, des autres ?
18:18 Alors il a expliqué qu'il y avait trois pistes au sein de l'ArkHom.
18:22 La première est déclarative.
18:24 Il a tout de suite compris que c'était mal barré parce que personne ne va dire, peut-être
18:27 un ou deux, "moi je suis d'extrême droite".
18:28 Donc ça ne marche pas.
18:29 La deuxième, elle est plus marrante, c'est on va chercher des liens passifs, des amitiés,
18:33 une présence dans les meetings de journalistes, de chroniqueurs, ce qui nous rappelle la belle
18:36 époque de l'astasie pour savoir à peu près où est-ce qu'ils sont.
18:38 Et la troisième, c'est celle qu'il préfère, et Mathieu l'a rappelé, c'est on se fonde
18:42 sur comment vous classe les gens, les gens étant le journal Le Monde.
18:45 Alors lui, il opte pour cette solution-là, forcément, parce que la deuxième, elle est
18:48 un peu risquée.
18:49 Par exemple, si vous étiez ami avec l'écrivain Rob Grillet qui expliquait, juste un peu avant
18:53 sa mort, "j'aime les petites filles, surtout si elles sont jolies", est-ce que ça vous
18:56 fait de vous un complice ?
18:57 Bon, si un canard, au hasard, Le Monde, pétitionnait pour la légalisation de la pédophilie, est-ce
19:02 qu'aujourd'hui, ils sont encore les promoteurs de la pédophilie ?
19:04 Si, encore à notre hasard, le journal Libération se réjouissait de l'arrivée de Mahaut au
19:08 pouvoir, est-ce que ça en fait un journal groupie de génocidaires ?
19:12 Voilà, c'est la question qu'on peut se poser si on commence à chercher dans le passé
19:15 des gens.
19:16 Et pour conclure, si vous voulez, moi je vois que toute cette petite casse commence à peine
19:18 à découvrir la boîte de Pandore qu'ils ont ouverte et on n'a pas fini de rire à
19:22 mon avis.
19:23 Autre question, autre sujet, mais qui est intimement lié, bien évidemment, quand l'état
19:29 de droit bascule dans l'arbitraire.
19:30 Vous voulez maintenant, pour votre second édito Mathieu, revenir sur la référence
19:36 à l'état de droit qui traverse notre société, mais qui justifie aujourd'hui l'appel à
19:41 la sanction contre une chaîne info ?
19:42 Je me ferai plus rapide parce que j'ai pris beaucoup de temps pour le premier édito.
19:46 Je vous le résume simplement.
19:47 On le sait, la première étape, qu'est-ce que c'est ? C'est le passage par l'ARCOM
19:53 qui dit « CNews respecte la loi ». CNews respecte la loi, c'est fini.
19:58 Théoriquement, c'est fini.
19:59 Dans une société, il faut respecter la loi et on ne nous demande pas de respecter autre
20:02 chose que la loi.
20:03 Tout le monde est mort, c'est des bonnes gens, mais bon.
20:05 Alors là, passage par le conseil d'état.
20:07 Et le conseil d'état, que fait le conseil d'état ? Parce que manifestement, je l'ai
20:10 dit, il veut frapper contre CNews.
20:12 Il décide de réinterpréter la loi, mais la réinterpréter à un point tel qu'il
20:17 en écrit une nouvelle dans les faits.
20:19 Le conseil d'état produit le droit.
20:21 Donc là, le conseil d'état se prend pour le législateur.
20:24 Il faut bien comprendre ce dont je parle ici.
20:27 Le conseil d'état dit « le législateur, c'est moi, je refais le droit ».
20:30 On nous a toujours expliqué que l'état de droit était là pour nous protéger de
20:34 l'arbitraire du politique, de l'arbitraire de l'État, de l'arbitraire du politique
20:40 qui serait en fait le lieu où on frappe indistinctement les gens.
20:43 Ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que c'est au nom de l'état de droit, les instances
20:48 sur lesquelles, par ailleurs, le commun est mortel, les électeurs n'ont pas d'emprise,
20:52 qui peut changer le droit de manière unilatérale.
20:54 Premier élément.
20:55 Deuxième élément, je l'ai dit, c'est au nom de l'état de droit, désormais, qu'on
20:59 va ficher les citoyens.
21:01 C'est au nom de l'état de droit qu'on dit, et là, c'est là où on bascule dans un
21:05 monde orwellien, où on décide qu'au nom de la liberté d'expression, il faut configurer
21:10 de manière autoritaire par l'État les paramètres dans lesquels le débat public doit évoluer.
21:17 Et avec le rêve d'un grand registre national des proscrits.
21:22 Et le dernier point qui me semble très important ici, selon toutes les questions, c'est une
21:27 volonté de fermer la chaîne, je l'ai dit.
21:29 Et là, les adversaires vont nous dire, ils vont dire « non, non, c'est pas pour délit
21:33 d'opinion, c'est pas pour délit d'opinion qu'on veut fermer ces news, c'est qu'elles
21:37 ne respectent pas les règles qui l'encadreraient.
21:41 » Un instant, on fait des règles d'exception, formulées de telle manière qu'elles visent
21:45 explicitement une chaîne, et là ensuite, on paramètre le droit pour faire une forme
21:52 de frappe particulière contre une chaîne, et ensuite on nous dit « vous respectez pas
21:56 le droit ». On appelle ça rire des gens de manière un peu trop ouverte, dans les
22:00 médias, il s'agisse d'une justice d'exception pour faire taire, censurer et mater.
22:03 Arthur de Vatrigan, sur cet état de droit, est-il fragilisé par cette nouvelle décision ?
22:09 Rappelez-vous, en septembre 2020, on en avait parlé, même ici je crois, il y avait une
22:12 centaine de médias qui avaient publié une tribune intitulée « Ensemble défendons
22:15 la liberté », une tribune dans laquelle ils affirmaient, je cite « il nous a paru
22:19 crucial de vous alerter au sujet d'une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie,
22:23 votre liberté d'expression ». Et ils rappelaient même avec des trémolos dans le crayon, l'article
22:27 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 89 « la libre communication
22:31 des pensées et des opinions est un droit des plus précieux de l'homme, tout citoyen
22:34 peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Mais ce qu'ils avaient oublié de nous
22:38 dire c'est que la liberté d'expression s'exerce dans un périmètre qui est défini
22:41 non pas par la loi mais par eux, et que la loi est juste leur bras armé et les institutions
22:45 leur laquaient.
22:46 La publicité, messieurs.
22:47 Dans un instant on retrouve Michel de Jagers, historien.
22:52 Vous allez revenir sur les grandes invasions européennes.
22:56 C'est à la une du Figaro Expo.
22:58 La publicité, on revient dans une seconde pour la suite de Face à Mathieu Bocoté.
23:05 Quasiment 19h30 sur CNews, l'information avec Adrien Spiteri.
23:09 Un homme armé d'une lame de boucher a été abattu par la police à Paris.
23:14 Les faits se sont déroulés dans le 19e arrondissement vers 3h du matin.
23:18 Les policiers ont d'abord procédé à des tirs de pistolet à impulsion électrique
23:22 avant de faire feu alors que l'homme menaçait les forces de l'ordre.
23:25 Deux enquêtes ont été ouvertes dont une confiée à l'IGPN.
23:29 C'est l'une des conséquences des températures clémentes enregistrées ces derniers jours.
23:33 La période des allergies aux pollens démarre plutôt cette année.
23:36 Plus des trois quarts de la France sont en alerte rouge.
23:39 70 départements au total selon le réseau national de surveillance aérobiologique.
23:45 Et puis c'est une première dans l'histoire du biathlon féminin.
23:49 Les françaises ont remporté le relais féminin lors des mondiaux de biathlon à Novemesto
23:54 avec 38 secondes d'avance sur la Suède et plus d'une minute sur l'Allemagne
23:57 malgré 11 pioches et deux tours de pénalité.
24:00 Les hommes eux terminent troisième du relais.
24:03 Merci beaucoup Adrien Spiteri.
24:05 Il n'y aura donc pas de doublé français ce samedi.
24:09 Mathieu Bocoté, Arthur de Vatrigan, Michel de Gégère, merci d'être avec nous.
24:13 Vous êtes historien.
24:15 Pourquoi avoir invité ce soir Michel de Gégère ?
24:18 Alors Michel de Gégère qui dirige le Figaro Histoire,
24:22 le tout dernier numéro du Figaro Histoire est absolument passionnant.
24:25 Il est consacré aux grandes invasions.
24:27 Et c'est un thème qui d'une manière ou de l'autre,
24:29 pour certains, a tout le moins fait écho à notre époque.
24:32 On parle souvent à la fin de Rome et les temps présents.
24:36 Donc les grandes invasions, est-ce qu'elles nous disent quelque chose sur les temps présents ?
24:39 Michel de Gégère, bonsoir.
24:41 Bonsoir.
24:41 Alors je lisais à propos de ce numéro consacré aux grandes invasions,
24:44 je crois qu'on peut voir la couverture.
24:46 Jean-Charles Gesselot, historien, disait de ce numéro
24:50 il y a quelques semaines, ne le lisez pas.
24:54 Alors imaginons qu'on ne respecte pas l'avis de M. Gesselot et qu'on décide de le lire.
24:59 Qu'y trouverait-on ?
25:00 Qu'est-ce qu'on peut trouver comme réflexion,
25:01 comme portrait de ce qu'ont été les grandes invasions ?
25:04 Je pense que c'est un grand compliment puisque, en gros,
25:07 je crois comprendre que notre contradicteur n'est pas d'accord
25:10 avec ce qu'il imagine qu'il y a dans ce numéro
25:13 et qu'il ne veut pas que les gens le lisent parce qu'il a peur
25:15 qu'il soit convaincu par sa lecture.
25:18 Et je pense qu'effectivement, elle est convaincante.
25:19 Vous savez, en fait, le thème des grandes invasions
25:21 a fait l'objet d'une prévision historiographique au XXe siècle
25:24 où on est un petit peu revenu, si vous voulez,
25:27 sur l'aspect romantique de l'histoire telle que l'avait pu la raconter Edouard de Guibon,
25:32 avec des hordes de germains qui viendraient abattre l'Empire romain
25:37 qui s'effondrerait laissant place à la nuit du Moyen-Âge.
25:39 On est revenu sur tout cela pour un processus beaucoup plus long,
25:42 beaucoup plus complexe, avec des allers-retours,
25:45 avec des contacts très nombreux entre les germains et les romains,
25:50 avec des germains qui sont au service des romains,
25:52 avec des séditions internes, avec des incursions extérieures.
25:55 Enfin donc un processus complexe qui a amené une certaine école historiographique
25:59 à en venir, à un petit peu négliger le contexte militaire,
26:04 négliger la dimension militaire de ces incursions barbares.
26:07 Et pour ne voir que des déplacements de peuples finalement peu significatifs.
26:11 Ils ne sont pas très nombreux.
26:12 Il faut bien reconnaître que c'est des très petits nombres
26:15 et qui n'auraient pas eu finalement de conséquences.
26:17 En revanche, il y a une autre école qui continue à maintenir le caractère décisif
26:23 du bouleversement non pas démographique mais politique
26:26 qu'ont suscité les invasions germaniques et donc à tenir sur le terme d'invasion.
26:31 Alors dans ce numéro du Figaro Histoire, nous avons fait dialoguer au fond les deux écoles
26:35 puisque j'ai deux représentants éminents de l'école,
26:38 disons un petit peu transformistes qui sont Bruno Dumézil et Michel Bagnard,
26:41 qui eux, minorent un petit peu le caractère dramatique
26:44 et insistent sur les éléments de continuité qui sont réels.
26:47 Et puis j'ai deux historiens plus portés sur l'histoire militaire,
26:52 Peter Iser, un Britannique, Alessandro Barbero, un Italien,
26:55 qui au contraire, montrent toutes les dimensions militaires et violentes du phénomène.
27:00 Donc je pense que c'est un numéro assez équilibré.
27:02 La réaction qui s'est faite, s'est faite sur le titre.
27:04 Le titre "Les grandes invasions", eh bien oui, lorsqu'on fait un journal,
27:08 on essaye de parler aux gens de ce qu'ils comprennent.
27:11 Et pour être clair, pour que l'on sache,
27:14 il se trouve que dans l'esprit du public,
27:16 les grandes invasions germaniques, c'est quelque chose qui est extrêmement connu.
27:19 Et donc ce que nous vous proposons, c'est d'en montrer la complexité, les enchaînements.
27:23 Alors si on veut les définir historiquement pour ceux d'entre nous qui connaissent,
27:26 on connaît l'expression "les grandes invasions" ou "les invasions barbares",
27:28 ce sont des termes qui habitent l'imaginaire collectif.
27:31 Mais si on cherchait à les définir à peu près pour l'honnête homme
27:34 qui voudrait savoir de quoi nous parlons exactement ?
27:36 Alors les définir, c'est un phénomène qui s'étend sur un siècle ou deux siècles,
27:39 en fait, et qui s'étend de la fin du deuxième siècle au milieu du sixième siècle,
27:46 si vous voulez, donc, qui est très long,
27:48 avec une période particulièrement dramatique pour l'Empire d'Occident,
27:51 entre 378 et 476.
27:56 Les dates ne veulent rien dire, et en même temps, ce sont des butoirs
27:59 qu'on est obligé de donner, au cours duquel,
28:01 et bien finalement, les structures politiques de l'Empire d'Occident vont s'effondrer,
28:04 à la suite d'une part d'incursions germaniques,
28:07 et d'autre part, de concessions faites par les autorités romaines
28:10 qui vont accepter sur leurs terres des bandes guerrières,
28:14 des troupes barbares qui vont constituer des États dans l'État
28:17 et constituer quelquefois des peuples,
28:20 car ce ne sont pas des peuples très anciens qui viennent envahir l'Empire romain,
28:25 pas du tout, c'est au contraire l'intensité, si vous voulez,
28:30 des contacts qui existent entre le monde romain et le monde germain limitrophe,
28:34 qui crée un pouvoir d'attraction de la part du monde romain,
28:38 qui paraît très désirable à ces bandes germaniques,
28:41 et en engageant certains de leurs chefs comme généraux,
28:45 en engageant certaines de leurs troupes comme mercenaires,
28:48 et bien un certain nombre de flux de richesses se font,
28:51 qui font que certains chefs barbares vont pouvoir constituer des peuples
28:55 qui auront la taille critique pour affronter une armée romaine.
28:58 Ce qui fait qu'il y a un historien américain qui s'appelle Patrick Gerry,
29:00 qui dit que le paradoxe de cette histoire, c'est que c'est l'Empire romain lui-même
29:04 qui finalement a constitué les peuples qui allaient finalement provoquer sa perte.
29:07 Alors, quelle est la puissance d'attraction ?
29:08 Parce qu'on nous dit, les barbares, pour prendre la formule,
29:13 arrivent à Rome attirés par quelque chose.
29:15 Qu'est-ce qui attire finalement ces peuples, ces populations à Rome ?
29:18 Le prestige de la paix, de la prospérité, des richesses, des produits.
29:21 Il y a des échanges commerciaux, il y a de l'or qui circule.
29:24 Et donc, les barbares sont attirés par la lumière de cette prospérité,
29:31 de cette civilisation, sans toujours en partager les principes,
29:35 mais simplement en en convoitant, si vous voulez, les résultats.
29:39 Et puis, il y a aussi, en arrière, la poussée des nomades,
29:42 il y a la poussée des Huns qui se déplacent d'Asie centrale
29:47 et qui poussent devant eux les barbares germaniques
29:49 qui sont installés au nord de la mer Noire,
29:51 et qui, pour fuir les Huns, vont finalement aller se réfugier chez ces Romains
29:56 qu'ils connaissent et dont ils convoitent les richesses.
29:59 - Alors, quand on s'intéresse justement à la fin de Rome
30:02 et demeurer un objet de méditation depuis la fin de Rome, justement,
30:06 c'est-à-dire comprendre l'effondrement de l'Empire romain,
30:08 comprendre les grandes invasions,
30:09 est-ce qu'on a toujours considéré que ça nous disait quelque chose
30:11 au temps présent, le thème des invasions barbares,
30:14 des grandes invasions, de la chute de Rome ?
30:15 Est-ce que c'est un mythe, finalement, qui a accompagné l'histoire
30:18 du monde occidental depuis quelques décennies ou quelques siècles ?
30:20 - Oui, évidemment. Et d'ailleurs, l'historien doit être prudent avec cela,
30:23 parce que justement, il y a l'idée qui est présente dans la pensée occidentale,
30:28 au moins depuis Machiavel, et qui a triomphé chez Gibbon,
30:32 que l'Empire romain nous donnait le spectacle de la fragilité des civilisations
30:35 et que l'effondrement de l'Empire romain d'Occident,
30:39 encore une fois probablement exagéré de façon romantique par Gibbon,
30:43 nous donnait le spectacle de ce qui pouvait attendre toute civilisation
30:47 un petit peu élaborée, qui était toujours sujette à être renversée par des barbares.
30:51 Et donc, évidemment, chaque époque a un petit peu projeté ses peurs sur cette histoire.
30:56 Alors, c'est ce qui explique la grande prudence des historiens.
30:59 Vous avez dit que j'étais historien, je ne suis pas véritablement historien,
31:01 ma formation c'est des historiens des idées.
31:03 Je dirige un journal d'histoire, je fréquente des universitaires,
31:06 mais les universitaires, les historiens de profession,
31:09 sont généralement extrêmement prudents avec cela,
31:11 parce qu'ils voient bien le risque de projeter ses propres peurs
31:14 sur l'analyse de la situation et finalement, de raconter une histoire
31:18 qui est notre histoire, mais qui n'est pas celle que l'on prétend raconter.
31:23 Il n'empêche qu'il me semble que l'intérêt de l'histoire,
31:26 c'est aussi de nous donner des sujets de méditation
31:29 pour aiguiser notre discernement, pour nous conduire ici et maintenant.
31:31 - Arthur de Matrigan.
31:33 - Alors, dans votre formidable édito qui ouvre ce numéro,
31:35 vous proposez à retenir, je crois, cinq leçons de ce siècle.
31:40 Et il y en a une qui a attiré mon attention, je crois que c'est la troisième,
31:43 c'est le rôle déterminant et essentiel que joue la religion,
31:47 notamment au lendemain d'une conquête.
31:48 Est-ce que vous pouvez nous rappeler ce rôle-là,
31:49 qui, je le trouve souvent oublié ou négligé ?
31:52 - Alors, c'est absolument fondamental dans le cadre des invasions germaniques,
31:56 puisque, en fait, les barbares avaient été très largement christianisés,
32:01 car l'empereur Constance II avait envoyé un missionnaire,
32:04 Oulfila, christianiser les gonds.
32:07 Et le christianisme s'était répandu chez les barbares
32:10 sous la forme de l'hérésie arienne,
32:11 parce que l'empereur Constance II, étant lui-même arien,
32:13 avait envoyé un missionnaire.
32:14 - Une hérésie religieuse, allez.
32:15 - L'hérésie arienne, c'est une hérésie qui, en gros,
32:17 ne croit pas à la divinité du Christ
32:19 et pense que c'est un homme élevé à la divinité,
32:22 par ses mérites.
32:22 Enfin, c'est très très complexe, en réalité,
32:24 il y a un tas d'écoles, mais en gros, c'est cela.
32:27 Et donc, ces barbares sont déjà en grande partie chrétiens,
32:33 et ceux qui ne le sont pas sont porteurs d'une culture extrêmement sommaire
32:40 qui ne va pas tenir la route face au splendeur de la civilisation chrétienne
32:44 telle qu'elle s'est épanouie dans le monde romain.
32:47 Ce qui fait que cette conversion des gonds,
32:51 si vous voulez, conversion des autres peuples barbares,
32:55 ultimement, va permettre une certaine transmission de la civilisation.
32:58 C'est ce qui va permettre à la civilisation spirituelle,
33:01 si vous voulez, de se maintenir.
33:02 Il y aura beaucoup, contrairement, je pense, à ce qu'on dit trop parfois,
33:06 il y aura quand même beaucoup de destruction matérielle,
33:08 beaucoup de pertes de savoir-faire,
33:10 donc un recul de la civilisation matérielle.
33:12 Mais en revanche, la civilisation spirituelle, la langue latine,
33:17 la littérature sera transmise dans les évêchés, dans les monastères
33:21 et surtout, et ça c'est un point fondamental,
33:24 si vous voulez, par exemple en Gaule, c'est vraiment l'exemple le plus important,
33:28 la conversion de Clovis au catholicisme nicéen,
33:32 c'est-à-dire non pas à l'hérésie arienne,
33:34 mais à la religion qui était déjà celle de la Gaule.
33:38 Ce n'est pas Clovis qui a converti la Gaule au christianisme,
33:40 Clovis, avec une petite poignée de gardiens francs,
33:43 a envahi une Gaule qui était peuplée de galops romains
33:46 qui eux-mêmes étaient très généralement chrétiens et catholiques.
33:50 Et donc le fait que le chef barbare, le roi barbat aient la même religion
33:54 a fait qu'il y a eu une fusion des deux peuples
33:56 et que les francs en réalité ont disparu.
33:58 Pourquoi ? Parce que les gens se sont mariés.
34:00 Quand on a la même religion, on peut se marier.
34:02 Et donc en trois générations,
34:05 on ne sait plus qui est galop romain, qui est franc
34:07 et tout le monde se prétend franc.
34:09 Pourquoi tout le monde se prétend franc ?
34:10 Parce qu'en justice, c'est plus intéressant de se dire franc,
34:13 on a des privilèges que l'on n'a pas si l'on est galop romain.
34:17 Et donc au bout de trois générations, il n'y a plus qu'un seul peuple qui est franc
34:19 et dont l'unité est faite autour du catholicisme nicéen.
34:22 On a un contre-exemple en Espagne où les visigots sont ariens.
34:25 Et donc l'élite visigothique, qui encore une fois,
34:28 c'est une petite poignée d'hommes dans l'Espagne,
34:32 ne se mélange pas pendant un siècle avec les populations autochtones
34:36 jusqu'au moment où le roi Ricarède se convertit du larianisme au catholicisme.
34:40 Et à ce moment-là, il y a à nouveau la fusion.
34:43 Donc vous voyez, ce phénomène religieux,
34:45 il a vraiment une double importance que l'on voit dans cet exemple,
34:49 à la fois de transmetteur de la civilisation gréco-latine
34:52 et de moteur de la fusion en un seul peuple des populations réunies.
35:00 - Alors, vous nous conduisez à la deuxième partie de cet entretien.
35:03 Donc la première partie, c'est selon se rappeler ce qu'ont été historiquement
35:06 les grandes évasions.
35:08 Ensuite, la question des leçons, c'est-à-dire de quelle manière,
35:10 vous dites, l'histoire est objet de méditation.
35:13 Lorsqu'on se tourne vers ces événements aujourd'hui,
35:16 quelles leçons, entre guillemets,
35:18 quelles réflexions peut-on en tirer pour éclairer les temps présents,
35:21 tout en sachant qu'aucune époque ne reproduit celle qu'il inspire
35:26 ou celle sur laquelle il réfléchit ?
35:28 - Oui, il faut bien être conscient des différences.
35:30 Les grandes invasions ne sont pas un apologue de notre temps.
35:36 Il est évident que tout le monde y pense, compte tenu du fait que l'Europe
35:39 est aujourd'hui l'objet de courants migratoires qui font ressentir
35:44 à une grande partie de sa population l'impression d'une possible submersion.
35:49 Et donc, on se tourne facilement vers l'exemple de ces grandes invasions
35:52 pour savoir qu'est-ce qui s'est passé, qu'est-ce qu'on peut faire, évidemment.
35:56 Il faut savoir que les circonstances sont très, très différentes
35:59 dans la mesure où il s'agissait à l'époque de tout petites entités démographiques.
36:05 Si vous voulez, ça se compte en dizaines de milliers de personnes.
36:08 L'ensemble des envahisseurs germaniques sur un siècle,
36:13 dans l'Empire romain d'Occident, c'est de l'ordre de 1 million
36:16 pour une population de 25 millions.
36:18 1 million en un siècle, pas 1 million en même temps.
36:20 Les peuples dont on parle, les vandales qui conquièrent l'Afrique,
36:25 c'est-à-dire la Tunisie, enfin le Maroc, l'Algérie, mais très peu romanisé,
36:28 et surtout la Tunisie qui est le grenier de Rome, c'est 80 000 personnes.
36:32 Les Francs, c'est quelque chose d'analogue, de l'ordre de 100 000 personnes.
36:37 Seulement, ce sont des bandes armées qui, de 80 000 personnes,
36:41 tirent 20 000 guerriers. Dans le même temps, l'Empire de 25 millions d'habitants
36:45 a du mal à constituer des armées de 30 000, 40 000 guerriers.
36:48 - Et pourquoi ? Parce que ça me semble, c'est en lien avec,
36:50 on dit quelquefois qu'il y a une forme de molesse de Rome à un certain moment donné.
36:53 - C'est en lien d'abord entre le fait que la différence entre un peuple nomade
36:56 et un peuple sédentaire, c'est-à-dire que la population romaine,
36:59 elle est adonnée aux arts de la paix.
37:00 Elle a besoin de sa population pour travailler la terre.
37:02 On est dans une économie agricole qui n'a pas une technologie
37:05 extrêmement sophistiquée, et donc il faut des bras pour travailler la terre.
37:09 Et donc, ce ne sont plus des peuples de guerriers.
37:12 Ils sont dans la paix depuis cinq siècles.
37:15 Et donc, il y a une inégalité qui se crée par là.
37:20 Donc, de grandes différences.
37:23 Mais ces différences ne doivent pas...
37:25 Et puis, ce sont des bandes armées qui arrivent comme des armées...
37:28 Enfin, on dit qu'il ne faut plus parler d'invasion,
37:32 il vaut mieux parler de migration.
37:33 Mais alors, je trouverais ça, l'analogie à ce moment-là,
37:35 un petit peu dangereuse et insultante,
37:37 puisque c'est la migration de peuples en armes.
37:40 - Ah oui, d'accord.
37:41 Alors, on revient donc sur cette période de petites forces
37:45 qui sont une énergie vitale conquérante.
37:48 De l'autre côté, un empire habitué à la paix.
37:51 - Alors, si vous vous demandiez quelle leçon on peut en tirer,
37:53 la leçon, c'est qu'il y a peut-être quelque chose d'utopique
37:55 dans l'idée de faire perdurer...
37:57 Je n'ai pas de grande solution à proposer, malheureusement,
38:00 de faire perdurer une zone de civilisation prospère et pacifique
38:03 entourée de zones d'anarchie.
38:05 Si vous voulez, la seule façon...
38:06 Pourquoi les Germains ne sont pas arrivés
38:10 plutôt dans l'Empire romain ?
38:11 Probablement parce que leur démographie ne leur permettait pas,
38:15 les peuples étaient une poussière de peuples, etc.
38:17 Mais sinon, il y a un attrait irrésistible de la civilisation
38:21 pour les populations qui vivent dans le chaos et l'anarchie,
38:26 sont forcément tentées d'aller là où ça se passe le mieux.
38:30 - Arthur Le Batrigan ?
38:31 - Même si vous mettant en garde dès le départ
38:33 de ne pas faire d'anachronisme et de ne pas calquer l'histoire
38:36 sur notre histoire d'aujourd'hui,
38:37 il y a quand même des choses qui marquent un peu.
38:40 Vous dites notamment que l'Empire multinational,
38:42 c'est très bien pour la conquête, pour l'expansion, pour les échanges.
38:45 Par contre, quand il s'agit de garder des frontières
38:47 ou de se protéger pour la défense, là, on est mal barré.
38:50 Évidemment, on peut penser que l'Union européenne,
38:53 on se dit qu'on a même un problème.
38:54 C'est-à-dire qu'on est un foutu de gérer nos frontières et notre défense.
38:57 - Ce qui est très frappant,
38:59 mais parce qu'avant l'Union européenne,
39:00 il y a quand même toutes sortes d'exemples historiques,
39:03 c'est que la forme impériale est une forme qui permet de réunir,
39:07 d'avoir une démographie importante,
39:10 qui permet d'avoir des armées importantes.
39:11 Et quand on est en phase d'expansion,
39:13 de réunir des grandes armées,
39:15 pensons à Napoléon, pour aller conquérir la Russie.
39:18 Voilà. Donc, il y a une puissance agressive,
39:22 une puissance expansionniste de la forme impériale.
39:24 En revanche, la forme impériale en défense,
39:27 elle se retrouve avec une énorme frontière à défendre.
39:31 Elle ne sait pas à quel endroit concentrer ses forces.
39:33 Et donc, c'est l'adversaire qui choisit où il attaque.
39:36 Et par ailleurs, il est évident qu'il n'y a pas,
39:39 dans un empire multinational,
39:41 le patriotisme qu'il existe dans une nation identitaire.
39:45 Et l'exemple de Rome nous le montre.
39:49 Les Romains étaient patriotes au sens où
39:54 il y a une immense adhésion de toute la population
39:56 de l'Empire romain au IVe, Ve siècle,
40:00 à la forme de vie des Romains,
40:02 au mode de vie des Romains,
40:04 à la Roman way of life, si vous voulez.
40:07 Mais ça ne crée pas un patriotisme
40:10 qui implique de sacrifier justement
40:13 cette douceur de vivre pour défendre sa frontière.
40:17 Alors, vous avez écrit un livre, un autre,
40:19 je me permets de le mettre en lien,
40:20 « Les derniers jours »,
40:21 qui était une réflexion sur la chute de Rome.
40:23 Une histoire, en fait.
40:24 Vous avez contesté votre statut d'historien,
40:25 mais vous me permettrez de vous le redonner.
40:26 « Les derniers jours », donc un livre majeur.
40:30 Et vous revenez donc sur la chute de Rome.
40:31 On nous a dit ces dernières années,
40:33 Rome n'est pas vraiment tombée.
40:34 Et en fait, ça s'est très bien passé.
40:35 Et finalement, rien n'a eu lieu.
40:38 Et vous nous expliquez dans ce livre,
40:39 non, Rome est tombée.
40:41 Et c'était une catastrophe à bien des égards.
40:43 Je vous demanderais, dans le cadre romain,
40:45 que veut dire lorsqu'une civilisation s'effondre ?
40:47 Quelle forme prend cette effondrement ?
40:49 Je devine que ça se fait pendant un jour.
40:50 Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
40:51 Alors, je ne pense pas qu'on puisse parler,
40:52 encore une fois, de l'effondrement de la civilisation.
40:55 Là, c'est pour le coup Brian Ward Perkins,
40:57 qui est un historien britannique,
40:59 qui a écrit un livre là-dessus qui est tout à fait éclairant,
41:02 qui montre que, s'il vous plaît, il compare deux exemples.
41:04 C'est la conquête arabe vis-à-vis du sud de l'Empire romain d'Orient
41:10 et la conquête germanique avec l'Empire d'Occident.
41:14 Dans un cas, la conquête germanique,
41:15 vous avez une conquête qui, encore une fois,
41:17 dure deux ou trois siècles avec de grandes destructions
41:19 et d'une destruction de la civilisation matérielle.
41:22 Mais comme les barbares n'ont pas, eux,
41:24 de culture alternative, s'il vous plaît, à proposer,
41:27 eh bien, on vit moins bien, dans un confort réduit,
41:30 un monde dégradé.
41:31 Mais malgré tout, la langue, la culture, la religion se maintiennent.
41:36 Dans le cas de la conquête arabe, tout se règle
41:38 avec la bataille de Yarmouk qui est un désastre pour l'Empire d'Orient.
41:43 Et après, il y a quelques batailles, bien entendu.
41:45 Mais tout ça est réglé en très peu de temps.
41:47 La conquête est fulgurante.
41:48 Et donc, il y a peu de destruction matérielle.
41:50 Et le monde arabe, le monde qui est conquis par les Arabes,
41:55 va être capable de réalisations matérielles extraordinaires.
41:58 Si vous regardez les mosquées qui sont construites à Jérusalem
42:03 sur l'esplanade du Temple, ce sont des mosquées qui sont construites
42:07 sur le botte-byzantin, à une époque où on est incapable,
42:09 on est devenu incapable de construire quelque chose d'analogue en Occident.
42:14 En revanche, la civilisation spirituelle a disparu.
42:17 L'Arabe s'impose, le Coran s'impose.
42:21 Et les populations n'ont plus le choix qu'entre le fait d'adopter
42:26 les modes de vie impliqués par le Coran ou vivre dans un statut
42:32 de soumission dégradée ou dégradante.
42:35 Et donc, le phénomène n'est pas le même.
42:41 Il y a donc la question de comment on est détruit.
42:43 Est-ce que l'on résiste, si vous voulez,
42:45 au risque de grande destruction matérielle?
42:48 Et il y a la question de par qui on est détruit.
42:50 Est-ce qu'on est détruit par des gens qui sont eux-mêmes porteurs
42:52 d'une culture forte ou est-ce qu'on est détruit par des gens
42:54 qui n'attendent qu'une chose, c'est d'adopter notre civilisation?
42:57 - Alors, il nous reste une minute, une question toute simple.
42:59 J'ai l'impression qu'il y a un principe qui est donc dans d'autres
43:02 de vos ouvrages d'ailleurs, mais qu'on voit dans ce numéro
43:04 du Figaro Histoire. Il existe une telle chose,
43:06 une forme d'instinct vital ou de principe.
43:08 Et c'est difficile de le quantifier, c'est difficile de le conceptualiser
43:12 formellement, mais il existe une telle chose que les civilisations
43:14 qui sont conquérantes, vivantes et d'autres qui sont portées
43:17 par une fatigue de vivre. Est-ce que c'est présent?
43:20 Ou est-ce que ces concepts veulent dire quelque chose
43:22 pour penser les civilisations?
43:23 - La fatigue de vivre, elle se traduit dans la démographie,
43:25 parce que quand même, une des sources, si vous voulez,
43:27 des ennuis de l'Empire romain, on n'a pas pu aborder toutes les causes
43:29 parce que réduire la chute de l'Empire romain à une seule
43:31 cause est absurde. Mais l'une des causes importantes,
43:34 c'est la faiblesse démographique de l'Empire, qui a un immense territoire
43:36 à tenir avec trop peu de monde et qui donc a fait appel
43:39 à des soldats barbares parce qu'il n'a pas assez d'hommes
43:41 pour tenir ses frontières. Mais cette fatigue démographique,
43:44 elle dit elle-même quelque chose.
43:46 Lorsqu'un peuple renonce à se perpétuer,
43:50 il y a des chances qu'il renonce à se défendre.
43:53 - Eh bien, écoutez, un grand merci à tous les trois.
43:56 On se retrouve évidemment la semaine prochaine.
43:58 Et dans un instant, c'est l'heure des pro 2.
44:01 ...