Lyon risque de perdre un quart de ses bureaux de poste entre 2020 et 2026. Son maire écologiste a écrit au PDG de La Poste. Le groupe s'est ému fin septembre de l'annonce gouvernementale d'une coupe budgétaire de 50 millions d'euros pour l'année à venir. Le ministre de l'Economie, Antoine Armand, a annoncé ce mercredi lors des questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale que "l'État ne changera pas une virgule au montant versé à la Poste pour sa mission de distribution de courrier". Laurent Mauduit, journaliste à Médiapart, est l'invité pour tout comprendre de RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 09 octobre 2024.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 09 octobre 2024.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:03Il est 18h43, bonsoir Laurent Mauduit.
00:05Bonsoir.
00:06Merci de nous rejoindre dans RTL Soir en cette journée mondiale de La Poste.
00:09Vous êtes journaliste à Mediapart et avez publié récemment une enquête intitulée
00:12« La Poste, une privatisation qui ne dit pas son nom ».
00:15Vous revenez sur le plan d'économie de 50 millions d'euros que le gouvernement exige.
00:18De son côté, Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon, vient d'écrire au PDG de La Poste
00:22« Il est furieux que la troisième ville de France puisse perdre un quart de ses bureaux de poste d'ici 2023 ».
00:28On se dirige doucement, mais sûrement, vers une privatisation, Laurent Mauduit.
00:32Oui, en fait, c'est un processus qui a commencé depuis 30 ans et les Français le sentent bien.
00:36Les Français, nos concitoyens, sont très attachés aux services publics et les gens voient bien que
00:41les bureaux de poste ferment les uns après les autres.
00:44Dans certains cas, ils sont remplacés par ce qu'on appelle publiquement des points de contact,
00:48mais en fait, ce ne sont pas des vrais bureaux de poste, il y a juste quelques missions allégées qui sont faites.
00:54Et donc, si vous observez bien le paysage des services publics français,
00:59il y en a beaucoup qui ont déjà été privatisés, il en reste très peu maintenant.
01:02Il y a la SNCF qui suit un petit peu la même évolution, et puis il y a La Poste.
01:06Et si vous regardez La Poste, vous voyez d'abord que dès 2008, il y a un patron de La Poste qui a le projet,
01:15il s'appelait à l'époque Bailly, qui a le projet de privatiser La Poste.
01:18Finalement, vous vous souvenez, il y a la tempête financière en 2008, il ne le fait pas.
01:23Et du coup, qu'est-ce qui s'est passé ?
01:25En fait, on a semi-privatisé toutes les activités rentables de La Poste, avec des filiales, voilà.
01:35Et puis en même temps, on a ouvert la concurrence, et vous avez eu un acteur majeur qui est rentré dans la course,
01:41vous le connaissez, c'est Amazon.
01:44Et le paradoxe, c'est qu'Amazon est devenu, donc c'est le géant américain, l'oligopole américain,
01:50est devenu à la fois le premier client de La Poste et son principal adversaire.
01:54Donc il y a l'aspect un peu de schizophrénie de La Poste, qui est étranglé par Amazon,
01:59mais qui en même temps, qui lui donne des marchés.
02:01Et donc voilà, les citoyens paient les pots cassés avec, je ne sais pas, je vous donne un exemple amis d'autres.
02:07Prenez un petit village très connu, la Clusaz, en Haute-Savoie, un village connu,
02:12il faut faire 15 kilomètres pour trouver un bureau de poste.
02:14Et tous les français ont des exemples de ce type-là.
02:16Agnès ?
02:17Par définition, une entreprise connaît des hauts et des bas et doit s'adapter au marché,
02:22même si là, on parle effectivement d'un service particulier qui est l'acheminement de lettres ou de colis.
02:30Oui, mais je suis d'accord avec vous.
02:32Et on se dit que si c'était ça le défi, il y a l'irruption d'Internet, 1992-1993,
02:41et si l'enjeu c'était d'organiser une transition pour basculer dans le numérique.
02:47On comprend bien que le courrier a tendance à diminuer et qu'il y a les envois par courriel, par mail qui les remplacent.
02:55Et donc on se dit qu'on avait à l'époque des atouts formidables avec un outil qui était le même intégré,
03:01ça s'appelait autrefois les PTT, ensuite c'était d'un côté La Poste, de l'autre côté France Télécom.
03:08Mais vous vous rendez compte, les points d'appui qui auraient pu être pour aider à l'émergence de services publics numériques.
03:16Or, on n'a pas fait ce choix-là, on a décidé de céder la place aux grands oligopoles d'un côté Amazon, de l'autre Google et Facebook.
03:25Et donc le service public a été étouffé par, en fait, son manque de pugnacité.
03:31Alors, le gouvernement a compris qu'on s'inquiétait, on va écouter le ministre de l'Economie, Antoine Armand, c'était cet après-midi à l'Assemblée.
03:37Le projet de budget que nous allons vous présenter ne changera pas une virgule au montant que l'État verse à La Poste
03:44pour sa mission de distribution du courrier et de service universel postal.
03:49Il y a quelques semaines, on parlait de 50 millions d'économies. Pourquoi il recule d'après vous ?
03:53Le chiffre, c'est le patron de La Poste, c'est Philippe Valle qui le donne, les 50 millions.
03:57Il annonce à des élus locaux. Donc si le gouvernement a décidé de mettre le haut-le-la, parce que les élus locaux sont très sensibles,
04:06tant mieux, tant mieux. Il reste que sur 10 ans, 15 ans, la tendance est très préoccupante,
04:12et d'autant plus préoccupante qu'on est dans un contexte d'austérité budgétaire.
04:16Mais si La Poste échappe à cette coupe sombre, tant mieux.
04:21La Poste n'a pas fait les bons choix, si je vous écoute, mais est-ce qu'elle est bien gérée ?
04:28Écoutez, le rôle d'un service public, ce n'est pas d'être rentable, c'est d'apporter un service aux citoyens.
04:37Un service public se définit par deux critères très importants, c'est l'égalité d'accès des citoyens, tout le monde peut y accéder,
04:44et la péréquation des tarifs. Donc quelqu'un qui poste un courrier dans une petite commune de haute montagne
04:51a le même accès à La Poste et paye le même prix, il n'y a pas de variation de tarif.
04:57Et donc il est assez logique que le critère ne soit pas qu'il y ait une bonne gestion, mais que le critère ne soit pas un critère de rentabilité.
05:04Et donc il faut assumer ce choix-là, et moi ça me semble d'autant plus important de le dire,
05:09mais vous savez, souvent on se dit qu'en France, on est dans un système d'économie sociale à la française,
05:15et on pense que la spécificité de cette économie sociale, c'est la sécu. Ce n'est pas vrai.
05:20Le grand apport français au modèle social européen, ce sont les services publics.
05:25C'est une invention française, les services publics. Et c'est pour ça que c'est très important de le défendre.
05:30Mais donc ça veut dire que sans la remise en cause du monopole de distribution dont bénéficiait La Poste,
05:34Amazon n'aurait jamais pu s'implanter sur le marché français ?
05:36Évidemment. Évidemment. C'est quand même assez... Observez les conséquences de cela.
05:42Prenez un autre aspect du problème, les livres. Il y a un grand acquis démocratique en France qui est le prix...
05:48Oui, moi je suis content quand Amazon me livre mon livre en 24 heures, vous voyez.
05:52Oui, certes. Mais vous seriez... Moi, je serais encore plus content...
05:54Si c'est le vôtre, vous serez encore plus content.
05:56Si les libraires indépendants avaient le droit, au même tarif, de livrer leur livre.
06:02Or, en fait, il y a un accord privilégié entre La Poste et Amazon qui fait que Amazon est privilégié.
06:08Et je trouve ça assez choquant parce que la logique d'Amazon, on le comprend bien, c'est pratiquer des prix bas
06:12pour avoir tout le marché et ensuite faire ce qu'ils veulent. C'est une situation d'oligopole ou de monopole.
06:18Et donc, je trouve très préoccupant que le gouvernement avantage Amazon au détriment des libraires indépendants
06:22parce que ce qui est en jeu derrière, c'est le prix unique du livre qui est un acquis démocratique.
06:26Merci beaucoup, Laurent Mauduit. Je renvoie à votre enquête.
06:28La Poste, une privatisation qui ne dit pas son nom, publiée et à retrouver sur le site Mediapart.
06:32Dans un instant, lui est public ou alors tout public. Marc-Antoine Lebray.