Complement d'enquete S24E03 Exploites et maltraites qui sont les nouveaux esclaves

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Transcription
00:00:00En France, on pensait ces pratiques d'un autre âge.
00:00:09Des travailleurs exploités, maltraités et logés dans des conditions indignes.
00:00:14Complément d'enquête ce soir sur l'esclavage moderne.
00:00:30Bonsoir. L'esclavage a été aboli il y a exactement 176 ans.
00:00:40Pourtant, aujourd'hui encore, les victimes d'exploitation et de traite des êtres humains sont nombreuses.
00:00:46Nous avons recueilli des témoignages glaçants.
00:00:49Je dormais par terre au salon sur des couvertures, sur le carrelage froid, et la douche quand indécidée.
00:00:55Je ne déjeunais pas parce qu'elle ne le voulait pas. Sinon, j'étais tapé, j'étais sanctionné.
00:01:00« Que tu crèves », elle me disait.
00:01:02Parfois, l'esclavage moderne s'érige en système organisé.
00:01:06Nous avons enquêté sur le secteur viticole, qui nécessite une main-d'œuvre nombreuse et bon marché.
00:01:12Des salariés étrangers se retrouvent pris au piège et exploités par des employeurs peu scrupuleux.
00:01:18Comment c'est possible que vous dites à des gens de venir au travail, vous nous embarquez, vous nous amenez comme ça, on dirait des animaux.
00:01:27Nous avons posé les fauteuils rouges à l'OFI, l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
00:01:32Nous recevrons tout à l'heure Didier Leschi, son directeur général.
00:01:36Nous lui demanderons ce que font concrètement les autorités pour lutter contre l'esclavage moderne.
00:01:41Mais d'abord, je vous propose de regarder l'enquête signée Rola Tarsisi, Mathieu Drejoux et Michel Pignard.
00:01:49Rola Tarsisi, Mathieu Drejoux et Michel Pignard.
00:02:01Là, sur cette main, il y avait un coup de couteau.
00:02:04J'ai eu cinq ou six poings, je ne sais plus, à peu près.
00:02:07Donc là, j'ai mes doigts tordus, je ne peux plus les plier.
00:02:10Donc ça, ce sera la vie.
00:02:12Et là, ici, au bras, coup de couteau.
00:02:16Et là, pareil aussi, un coup de couteau aussi, là.
00:02:21Et des cicatrices comme ça, vous en avez partout ?
00:02:23J'en ai sur les jambes, le dos, le ventre.
00:02:27Et donc, mon oreille qui est déformée complètement.
00:02:30J'ai tellement eu de coups de poing que je n'ai plus de cartilage.
00:02:33J'ai un pain, mais c'est étiquement qu'elle n'est pas belle.
00:02:36J'avais une tête à des zombies.
00:02:40Des zombies.
00:02:42Je me dis, je vais y passer.
00:02:45Je vais y passer, et honnêtement, j'ai voulu la mort.
00:02:55Marion a été séquestrée et battue presque chaque jour pendant deux ans
00:03:00par son ex-belle-sœur, Alexandra.
00:03:03Elle devait s'occuper de ses cinq enfants,
00:03:05faire la cuisine, les courses, le ménage.
00:03:09Plus de 15 heures de travail par jour
00:03:11gratuitement, sous une menace permanente.
00:03:16Marion, ici en photo avec son ex-belle-sœur,
00:03:20a été victime d'esclavage domestique.
00:03:23Je dormais par terre au salon, sur des couvertures,
00:03:25sur le carrelage froid, et la douche, quand elle décidait.
00:03:29Je ne déjeunais pas, parce qu'elle ne voulait pas.
00:03:32Sinon, j'étais tapée, j'étais sanctionnée.
00:03:34« Que tu crèves », elle me disait.
00:03:36Et comment elle vous appelait ?
00:03:38« Oh, pute ! Oh, salope ! Eh, ça, tu ne l'as pas prié, connasse ! Eh !
00:03:42Je te dis de faire comme j'ai invité chez moi, donc tu vas écouter.
00:03:45Si tu n'écoutes pas, tu vas être sanctionnée. »
00:03:48Les sanctions, c'était coup de gifle, coup de poing, brûlure.
00:03:51Vous avez l'impression qu'elle vous considérait comme un être humain ?
00:03:53Non, comme un animal, comme une merde, une chose, un objet.
00:03:57Une esclave.
00:04:04Travailler jour et nuit sans contrat ni salaire,
00:04:06être hébergé dans des conditions indignes.
00:04:09Malgré l'abolition de 1848,
00:04:11des situations d'esclavage existent toujours aujourd'hui en France.
00:04:16Vous nous embarquez, vous nous amenez comme ça, on dirait des animaux.
00:04:20Vous dormiez par terre ?
00:04:21Oui, sur un matelas, 8 personnes, dans la même chambre.
00:04:26Vous, vous avez été payé ?
00:04:27Moi, je n'ai pas payé, elle n'a rien donné.
00:04:31Selon le code pénal, la traite des êtres humains
00:04:34est le fait de recruter une personne,
00:04:36de la transporter, de la transférer,
00:04:38de l'héberger ou de l'accueillir à des fins d'exploitation.
00:04:46L'infraction est très difficile à caractériser.
00:04:53Elle a généralement lieu à huis clos,
00:04:55les témoins sont peu nombreux
00:04:57et les victimes peinent à fournir des preuves.
00:05:00Ces situations-là, en fait, beaucoup de gens les vivent
00:05:03sans avoir totalement conscience de la gravité, de l'étendue
00:05:07et de ce que ça peut relever d'une infraction pénale en réalité.
00:05:12C'est pas rare qu'on ait des personnes
00:05:14qui soient accompagnées au niveau juridique depuis 10 ou 15 ans.
00:05:17C'est même la majorité des personnes.
00:05:20Selon les estimations du Global Slavery Index en 2021,
00:05:24il y aurait 135 000 victimes de traite d'êtres humains en France.
00:05:30Là, ils étaient vraiment pas payés,
00:05:33ils dormaient par terre, sans douche, sans eau, etc.
00:05:36Donc là, on est quand même sur une situation extrême.
00:05:38C'est pas mon problème.
00:05:42De la sortie de l'école
00:05:44aux appartements feutrés des quartiers chics de la capitale,
00:05:47des petits vignobles aux grandes maisons de Champagne.
00:05:52Ce qui m'en colère, c'est l'image de la Champagne qui est dégradée.
00:05:55Forcément, c'est l'écœurement.
00:05:57Enquête sur ces pratiques d'un autre âge
00:05:59qui ont peut-être cours juste à côté de chez vous.
00:06:13Le cauchemar de Marion commence en 2017,
00:06:16lorsque son petit ami de l'époque profite de sa faiblesse
00:06:19pour la dépouiller de toutes ses économies.
00:06:23Il l'emmène ensuite chez sa sœur Alexandra,
00:06:25où il va l'abandonner.
00:06:44Alexandra a un casier judiciaire bien rempli.
00:06:4711 condamnations au total.
00:06:55Violence aggravée.
00:06:57Extorsion.
00:06:59Vol aggravé.
00:07:03En attendant le retour de son petit ami,
00:07:05Marion est hébergée chez elle, son mari et leurs 5 enfants.
00:07:15Au début, elle s'intègre bien dans la famille
00:07:18et participe même aux frais de la maison,
00:07:20avec les 950 euros de chômage qu'elle perçoit chaque mois.
00:07:26Là, ça se passe bien.
00:07:28On est copines, on s'entend très bien.
00:07:30Et donc vous, vous l'aidiez dans la maison ?
00:07:32Oui, je l'aidais au ménage, aux enfants.
00:07:34On allait faire les magasins.
00:07:36On est partis en Espagne, à Salou.
00:07:38Ça se passait très bien en ce moment.
00:07:40Mais ensuite, elle raconte que cette complicité
00:07:43laisse place à l'enfer.
00:07:47Quand son mari est parti,
00:07:49elle a changé de comportement
00:07:51et la violence a commencé.
00:07:53Pour un rêve, des fois, elle va se lever,
00:07:55elle a mal dormi, une tasse est placée là,
00:07:57ça lui convient pas.
00:07:58Coup de gifle, coup de pied, coup de poing.
00:08:00Ça a été l'horreur, l'enfer.
00:08:03Un matin, ça allait.
00:08:04Le lendemain, ça a été contraire.
00:08:06C'était des brûlures de cigarettes,
00:08:08des noyades dans les WC, dans la salle de bain.
00:08:11Des morsures au front.
00:08:13Sans pitié.
00:08:17Elle me prenait la main dans le poignet carrément
00:08:19et la main dans le four, sur la grille.
00:08:22Poignet pizza, vitre aux cuites.
00:08:24Voilà. Voilà son excuse.
00:08:26Et ça a été de temps en temps,
00:08:28et après, ça a été au quotidien, tous les jours,
00:08:30plusieurs fois par jour.
00:08:33Pendant des mois, Marion a été traitée en esclave
00:08:38et a absolument tout fait dans la maison,
00:08:40aux ordres d'Alexandra,
00:08:42qui la maltraite sous n'importe quel prétexte.
00:08:47Un matin d'avril 2019,
00:08:49son ex-belle-sœur la frappe tellement fort
00:08:51qu'elle est obligée de l'emmener aux urgences
00:08:54et ne la lâche pas d'une semelle,
00:08:56de peur que Marion la dénonce.
00:09:01J'ai inventé une excuse que j'étais tombé du toit.
00:09:03Alors que c'est faux.
00:09:05C'est elle qui vous a dit de dire ça ?
00:09:06Oui.
00:09:07Elle dit ça parce qu'il va se poser des questions.
00:09:10Donc j'ai inventé.
00:09:11Oui, je suis tombé du toit.
00:09:14Il n'y a pas des moments où vous vous disiez
00:09:15je vais partir ?
00:09:17Non, j'avais peur.
00:09:18Oui, j'avais peur.
00:09:20Après, je ne pouvais pas marcher
00:09:22vu l'état de santé que j'avais.
00:09:24Ça a été compliqué.
00:09:26Après, je n'avais pas de voiture,
00:09:27je n'avais pas de téléphone.
00:09:28Donc pour appeler quelqu'un,
00:09:29c'était compliqué aussi.
00:09:30Et puis j'étais toujours accompagnée,
00:09:32jamais seule.
00:09:33Certes, j'ai eu une emprise psychologique,
00:09:35mais j'avais peur de représenter par derrière.
00:09:37Parce qu'il faut savoir quand même
00:09:38qu'ils sont dans un jeu.
00:09:39Ils sont tous connus dans la justice.
00:09:43Une expertise psychologique
00:09:45décrira plus tard la jeune femme
00:09:46comme porteuse de vulnérabilité.
00:09:49Elle peut connaître des relations de dépendance,
00:09:51d'emprise négative.
00:09:57Comment Marion aurait-elle pu subir
00:09:59de tels traitements sans que personne ne réagisse ?
00:10:03Dans son lotissement,
00:10:04certains voisins nous ont confié
00:10:06avoir remarqué les bleus sur son visage.
00:10:08Mais face à leurs questions,
00:10:11Alexandra avait toujours une bonne excuse.
00:10:16On m'a dit qu'elle faisait de la boxe comme sport.
00:10:18Donc forcément, il y a des fois, ça marque.
00:10:24Une fois, j'ai demandé à Alexandra
00:10:26mais qu'est-ce qu'elle a fait ?
00:10:27Et elle a répondu,
00:10:28elle est tombée.
00:10:31Le pavillon porte encore les traces
00:10:33de sa mise sous scellée,
00:10:35quand Alexandra finira par être arrêtée.
00:10:39Voici ce qui y était inscrit.
00:10:42Viole.
00:10:44Séquestration avec acte de torture
00:10:46et de barbarie.
00:10:48Violence aggravée.
00:10:51Hop, le voilà.
00:10:54Des mots que le propriétaire
00:10:56n'aurait jamais imaginé lire un jour sur sa porte.
00:11:02Ça, c'était sur votre maison ?
00:11:04Oui.
00:11:05Ça vous a traumatisé ?
00:11:06Complètement.
00:11:07C'est un choc.
00:11:08Un choc.
00:11:10Acte de barbarie.
00:11:11Mais vous vous rendez compte ce que c'est ?
00:11:14Lorsqu'il allait réclamer ses loyers impayés,
00:11:16il croisait parfois Marion.
00:11:20S'il se souvient d'une jeune femme toujours en retrait,
00:11:22il dit n'avoir jamais été témoin
00:11:24de ce qu'elle endurait.
00:11:27Cette jeune fille était terrorisée.
00:11:29Même quand j'allais la voir
00:11:31ou que je tapais à la porte,
00:11:32elle avait même peur de parler.
00:11:34Parce que personne n'a su ce qu'il y avait.
00:11:37Mais parce que ça se passait vraiment à l'intérieur,
00:11:39personne n'avait une preuve de ça.
00:11:45Rares sont ceux qui avaient accès à l'intimité
00:11:47de la maison à cette époque.
00:11:50Mégane Roux, ici au milieu sur la photo,
00:11:53était une amie intime d'Alexandra, à droite.
00:11:57Leurs enfants fréquentaient la même école.
00:12:00Elles lui rendaient souvent visite.
00:12:03Aujourd'hui, cette esthéticienne
00:12:05a déménagé et pris ses distances.
00:12:12Elle regrette de ne pas être intervenue
00:12:14lorsqu'elle a commencé à avoir des doutes.
00:12:19Quand je lui posais des questions,
00:12:20est-ce qu'on te tape, est-ce qu'on te fait du mal ?
00:12:22En face de moi, j'avais une petite
00:12:24tétanisée, terrorisée.
00:12:26Et qui me disait, non, personne ne me tape.
00:12:28Ah non, là, c'est les petits, non.
00:12:29Il m'a fait ça, non, il m'a fait ça.
00:12:30Oh, le couteau, il a glissé.
00:12:32Et est-ce que, quelque part,
00:12:33vous vous en voulez un peu, aujourd'hui,
00:12:35de ne pas avoir vu plus tôt ou de ne pas avoir pu...
00:12:37Oui, bien sûr que je m'en veux.
00:12:38Quand j'ai eu la puce à l'oreille,
00:12:39j'aurais pu lui éviter beaucoup de choses.
00:12:41Beaucoup.
00:12:42Ce regret, vous l'avez ?
00:12:43Oui.
00:12:44Je l'ai.
00:12:45Et je m'en veux.
00:12:47Parce que c'est elle qui lui restera à vie.
00:12:51Mégane fait référence
00:12:53à l'ultime épisode de violence
00:12:55qui a bien failli coûter la vie à Marion.
00:12:59Ce matin de mai 2019,
00:13:01pour une simple histoire de shampoing,
00:13:03Alexandra s'est jetée sur elle
00:13:05pour la rouer de cou.
00:13:09Elle l'a attachée avec un câble
00:13:11au radiateur du salon,
00:13:13à genoux,
00:13:14les mains dans le dos,
00:13:16déshabillée
00:13:17et violée avec un rouleau à pâtisserie.
00:13:23Ah, mais là, j'ai cru que j'allais crever.
00:13:25Les rouleaux à pâtisserie, dans les parties intimes.
00:13:27Il faut être inhumain pour faire ça.
00:13:30Comment on peut faire ça ?
00:13:34Marion saigne beaucoup.
00:13:37Mais Alexandra la force à s'habiller
00:13:39et l'emmène avec elle
00:13:40pour aller faire le plein d'essence.
00:13:43Sa carte bleue ne passe pas.
00:13:45Les agents de sécurité appellent les gendarmes
00:13:47qui placent Alexandra en garde à vue
00:13:49pour défaut de permis.
00:13:52Marion en profite pour se réfugier chez Mégane
00:13:55et la supplie de l'aider.
00:14:01Elle était toute bleue.
00:14:03De la tête au pied, cette enfant était bleue.
00:14:06Je n'ai jamais vu ça au grand jamais.
00:14:09Elle était marquée du sang
00:14:11qui avait donc séché entre ses jambes,
00:14:13des hématomes,
00:14:15mais partout, partout,
00:14:16jusqu'en haut du ventre.
00:14:17Son visage, c'était affreux.
00:14:19Elle avait des balafres partout.
00:14:20Elle avait sa petite oreille toute tapissée
00:14:22comme ça qu'elle n'entendait pas ni rien.
00:14:24C'était impressionnant.
00:14:25Mais je lui ai dit, c'est qui qui t'a fait ça ?
00:14:27C'est Alexandra.
00:14:28Ah bon ?
00:14:29Je lui ai dit, ils m'apprennent tes affaires, tu t'en vas.
00:14:34Après deux ans d'exploitation et de violence,
00:14:37Marion réussit enfin à sortir de l'emprise d'Alexandra.
00:14:41Elle retrouve sa famille et porte plainte.
00:14:48Le verdict du procès a été rendu en mars dernier
00:14:51aux Assises de Montauban.
00:14:54Alexandra est condamnée en appel à 20 ans de prison.
00:14:59Il n'y a aucun doute sur la séquestration.
00:15:01Il n'y a aucun doute sur le viol.
00:15:03Il n'y a aucun doute sur les actes de barbarie.
00:15:05C'est bien mérité, t'as vu ?
00:15:07Un thing.
00:15:08C'est même le plus important.
00:15:09Oui.
00:15:10Qu'on reconnaisse que vous avez été victime.
00:15:12Vous vous sentez comment, là ?
00:15:14Soulagé.
00:15:15Soulagé, je réalise pas encore un corps.
00:15:17Et puis je suis pas menteuse.
00:15:19Même si elle a dit le contraire,
00:15:21là, j'ai bien dans l'air, cette vie.
00:15:25Les avocats de Marion affirment qu'il y a eu des ratés dans ce dossier.
00:15:31Selon eux, la jeune femme aurait pu être secourue plus tôt.
00:15:37Quand on lit toute la procédure,
00:15:39on voit qu'il y a eu des moments où ça aurait peut-être pu être stoppé.
00:15:42Les voisins, finalement, voyaient ce qui se passait,
00:15:45mais ils ne disaient rien.
00:15:46Alors je peux entendre qu'il y avait peut-être des raisons
00:15:48Il y a le caractère aussi inaudible de la maman.
00:15:50C'est-à-dire que pendant ces deux ans, en parallèle,
00:15:53c'est une mère qui va désespérément crier auprès de toutes les autorités possibles
00:15:57pour dire qu'il y a quelque chose.
00:16:00Et son propos n'est pas entendu.
00:16:05La maman de Marion, présente au procès,
00:16:07est en colère quand elle se repasse le film de cette histoire.
00:16:11Dès septembre 2017, lorsque sa fille part subitement avec son petit ami,
00:16:15elle s'inquiète et écrit au procureur pour lancer l'alerte.
00:16:25« Ma fille a quitté le domicile du jour au lendemain.
00:16:28Elle est peut-être majeure, mais elle est fragile.
00:16:31Elle n'a pas l'air d'être enceinte.
00:16:33Elle a l'air d'être enceinte.
00:16:35Elle n'a pas l'air d'être enceinte.
00:16:37Elle a l'air d'être enceinte.
00:16:39Elle est peut-être majeure, mais elle est fragile.
00:16:43Je suis certaine que ma fille n'est pas libre de ses mouvements.
00:16:47Je souhaite l'intervention des gendarmes sans attendre qu'il arrive un malheur.
00:16:52Et je veux porter plainte contre lui pour abus de faiblesse envers ma fille. »
00:16:58Au même moment, la banquière de la jeune femme aussi s'interroge.
00:17:02Cette cliente, habituellement si peu dépensière,
00:17:05a vidé tous ses comptes en une journée.
00:17:08Elle le signale au parquet.
00:17:11En octobre, une enquête est ouverte.
00:17:14Marion est auditionnée, mais face aux gendarmes,
00:17:17elle assure qu'il n'y a aucun problème.
00:17:21« Votre mère a transmis un courrier afin de signaler son inquiétude
00:17:25par rapport à votre changement de comportement,
00:17:27tant sur le plan relationnel que financier.
00:17:30Qu'avez-vous à dire ? »
00:17:33« C'est normal qu'une mère fasse cela pour sa fille,
00:17:36mais elle doit respecter mon choix. J'ai 24 ans. »
00:17:40« Pensez-vous être responsable ? »
00:17:43« Oui, je suis consciente de tout ce que je fais. »
00:17:46« Des violences ont-elles été exercées sur votre personne par Alexandra ? »
00:17:51« Non. »
00:17:52« Donc on peut être rassuré, vous allez bien ? »
00:17:54« Oui, je vais bien. »
00:17:57À l'époque, le vice-procureur classe sans suite pour absence d'infraction.
00:18:03Joint par téléphone, il dit ne plus se souvenir de cette affaire.
00:18:18Aujourd'hui, Marion va mieux.
00:18:21Elle est entourée de sa famille et tente de tourner la page.
00:18:26Elle vient de trouver un travail dans une maison de retraite.
00:18:33Quand elles arrivent à surmonter leur peur et à s'enfuir,
00:18:36les personnes abusées sont parfois poursuivies par leurs exploiteurs
00:18:40qui tentent de les ramener sous leur coupe.
00:18:43Pour les recueillir et les protéger,
00:18:45il existe un appartement qui doit rester secret.
00:18:49Notre guide nous demande d'être extrêmement discret.
00:18:53« On a très régulièrement des exploiteurs qui continuent d'être en contact
00:18:56ou essayent d'entrer en contact avec les victimes
00:18:58pour les empêcher ou les dissuader de porter plainte.
00:19:00C'est pour ça que l'adresse doit rester absolument secrète.
00:19:05Là-même, en fait, il ne faudrait pas filmer.
00:19:09Si on peut éviter de montrer le matériel quand on rentre dans l'immeuble, c'est mieux.
00:19:12Ça ne génère pas de curiosité de la part des passants
00:19:14et chez les autres habitants de l'immeuble.
00:19:17Peut-être deux par deux et en cachant le matériel, idéalement.
00:19:19Allons-y.
00:19:25Hello !
00:19:27Hello !
00:19:29Marie Foucret travaille pour le Comité contre l'esclavage moderne.
00:19:33Cette association met à disposition de celles qui en ont besoin
00:19:36ce logement d'urgence.
00:19:40Bonjour, ça va ?
00:19:42Ici, la plupart des victimes sont des femmes,
00:19:44employées de maison et sans papiers.
00:19:48Donc là, c'est le salon, la pièce principale,
00:19:51où on a toute l'organisation collective,
00:19:54avec des plannings, des adresses dont ça aura besoin.
00:19:59Là, je vais vous montrer la cuisine.
00:20:03Bonjour, ça va ?
00:20:04Oui, ça se passe bien.
00:20:06Donc, elles sont six, il y a deux frigos,
00:20:09un micro-ondes, un four.
00:20:12Je regarde si elles ont bien tout en termes d'éponge,
00:20:15de liquide vaisselle, de matériel, tout ça.
00:20:20Voilà, c'est tout.
00:20:21Ça, c'est mon lit, et ça, c'est celui de mon amie.
00:20:26Rosalie est originaire des Philippines.
00:20:29Il y a quelques semaines, elle a fui ses employeurs,
00:20:32une riche famille originaire du Golfe,
00:20:34avec pour tout bagage, cette petite valise.
00:20:41Seulement ça ?
00:20:42Oui, seulement ça.
00:20:44Alors, c'est quoi ?
00:20:46C'est mon lit.
00:20:48Seulement ça ?
00:20:49Oui, seulement ça.
00:20:53Avant, je dormais dans la buanderie, par terre,
00:20:57juste à côté des produits d'entretien.
00:21:03Avec le frigo, la machine à laver, l'aspirateur.
00:21:08Je ne pouvais pas partir parce que je n'avais pas de clé.
00:21:12Alors, je restais dans la maison, toute seule.
00:21:15Ils vous donnaient à manger ? De l'argent ?
00:21:18Non, seulement de la nourriture, pas d'argent.
00:21:22Aujourd'hui, Rosalie fait des ménages, et grâce à son petit salaire,
00:21:26elle peut désormais s'offrir quelques produits d'hygiène,
00:21:29des chaussures, et même des vêtements pour l'hiver.
00:21:36Depuis que je suis là, je ne suis plus tendue comme avant.
00:21:39J'ai l'esprit libre, et je suis enfin libre de mes mouvements.
00:21:45Je n'ai plus de pensées négatives, et je n'ai plus peur,
00:21:48parce que maintenant, je sais que l'État français me protège.
00:21:55En moyenne, ces anciennes esclaves se réfugient ici six à huit mois,
00:21:59le temps de retrouver un emploi et un logement,
00:22:03le temps aussi de retrouver leur dignité.
00:22:05On donne une aide financière au moment de la prise en charge quand elles n'ont rien,
00:22:08donc elles peuvent s'acheter un téléphone, cours de français, réinsertion,
00:22:12trouver un travail, accès à la santé.
00:22:15Toutes apprennent le français.
00:22:23Dans l'espoir de pouvoir rester et se construire un avenir meilleur en France.
00:22:36Tous les mardis, les membres du comité contre l'esclavage moderne
00:22:40se réunissent pour faire le point sur les nouveaux signalements.
00:22:44Il y en a chaque année davantage.
00:22:47Joy, femme philippine, qui était dans un domicile de diplomate.
00:22:51Le soir, je suis allée la chercher au commissariat.
00:22:54Elle était vraiment en pyjama et en sandales.
00:22:57Les employeurs ne lui ont pas laissé récupérer ses affaires.
00:22:59Une dame qui s'appelle Safia, elle ne peut pas voir de médecin,
00:23:02elle a dû travailler même quand elle était malade.
00:23:04Miquela, une tranquenaire, originaire d'Amérique latine,
00:23:08elle commence à préparer le petit déjeuner à 6h et elle va se coucher à 23h.
00:23:12Donc on est sur une journée de 16-17h par jour de travail.
00:23:15Qu'est-ce qu'elle veut ? Sortir de ce travail, être hébergée,
00:23:17trouver un nouveau travail.
00:23:18Souhaitez-vous déposer plainte ? Oui.
00:23:22En fonction de la gravité des cas,
00:23:24elles décident ou non de les accompagner.
00:23:27Elles n'ont pas d'autre choix que de se déplacer.
00:23:30Elles n'ont pas d'autre choix que de faire un tri drastique.
00:23:35Les signalements, on en a presque un par jour en fin de compte
00:23:38parce que d'une année à l'autre, on en a entre 400 et 350.
00:23:41Donc sur tous ces signalements, il y en a à peu près 15% qu'on va accompagner.
00:23:46En 2017, on était à une trentaine de nouveaux accompagnements par an.
00:23:49Et là aujourd'hui, en 2024, on est déjà à 29 nouveaux accompagnements depuis janvier.
00:23:57Et nous ne sommes qu'en avril, au moment du tournage.
00:24:03La situation est tendue.
00:24:06C'est un gyronome ressortissant tunisien qui a été exploité dans l'est de la France,
00:24:10dans le BTP.
00:24:12Et au moment de la réclamation de ses salaires,
00:24:15il s'est fait violenter physiquement et mis dehors.
00:24:19Donc prise en charge déjà actée en urgence.
00:24:24C'est juste moi, je commence vraiment à me dire, c'est pas possible,
00:24:28on ne peut pas continuer comme ça.
00:24:30On n'est pas à la moitié de l'année et on est déjà à un chiffre important.
00:24:33Mais ok, on va dire ça.
00:24:35Mais voilà, je commence à m'inquiéter.
00:24:40L'association espère ouvrir bientôt un second appartement d'urgence,
00:24:44réservé aux hommes cette fois.
00:24:47En parallèle, elle accompagne les victimes dans leur quête de justice.
00:24:59Comme Lina, une femme de ménage qui attaque ses anciens employeurs.
00:25:03Pendant 5 ans et demi, elle a travaillé 15 heures par jour
00:25:07pour moins de 300 euros par mois.
00:25:12Allez-y, venez, je vais vous recevoir.
00:25:14Ce jour-là, son avocat n'a pas une bonne nouvelle.
00:25:18Installez-vous.
00:25:19Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus.
00:25:21Oui.
00:25:22Donc, on a déjà la procédure pénale avec une instruction qui est ouverte.
00:25:26Là, il y a un juge qui a été saisi pour enquêter sur votre dossier.
00:25:29Ok.
00:25:31Et puisqu'on n'a pas du tout d'informations sur ce qui se passe dans la procédure,
00:25:36nous, on a fait une demande au juge pour qu'elle enquête et qu'elle fasse des actes.
00:25:40On lui a demandé, par exemple, de vous entendre, vous,
00:25:43d'entendre les époux qui sont mis en cause.
00:25:47On a fait cette demande en mars et on n'a pas eu de nouvelles,
00:25:51on n'a pas eu de réponses.
00:25:547 ans après sa toute première plainte,
00:25:56elle ne sait toujours pas si ses anciens patrons seront jugés un jour
00:26:00pour traite d'être humain.
00:26:04Pour quelles raisons c'est si long ?
00:26:07Je ne sais pas.
00:26:08Il y a différentes raisons, probablement.
00:26:10Est-ce que c'est des dossiers qui sont un peu plus délicats,
00:26:12difficiles à enquêter, parce que ça s'est passé dans un huis clos,
00:26:15dans un appartement ?
00:26:16Est-ce que ce n'est pas forcément la priorité ?
00:26:18Je ne peux pas le dire.
00:26:19Mais en tout cas, on constate qu'effectivement,
00:26:20nos dossiers, dans ces situations, ont du mal à avancer, oui.
00:26:25C'est laborieux.
00:26:27Ce n'est pas rare qu'on ait des personnes
00:26:28qui soient accompagnées au niveau juridique depuis 10 ou 15 ans.
00:26:31C'est même la majorité des personnes.
00:26:33Souvent, elles nous disent que ce qu'elles veulent, c'est oublier,
00:26:35c'est vite passer à autre chose
00:26:37et que c'est pour ça qu'elles déposent plainte.
00:26:39Et là, il y a beaucoup de pédagogie à faire pour leur dire
00:26:41que ce n'est pas nécessairement ça qui permettra de passer à autre chose.
00:26:46J'ai commencé et j'irai jusqu'au bout.
00:26:50Même si ça prend des années ?
00:26:52Oui. Je suis ici, j'ai un travail, des papiers.
00:26:56Je vais patienter.
00:26:57C'est OK.
00:26:58Merci beaucoup.
00:26:59De rien.
00:27:03À plus.
00:27:04À plus.
00:27:05Au revoir.
00:27:07Au revoir.
00:27:12Parfois, l'esclavage moderne s'érige en système organisé et frauduleux
00:27:16quand il s'invite dans le monde du travail.
00:27:20Comme par exemple dans le secteur agricole
00:27:22qui nécessite une main-d'oeuvre nombreuse et bon marché.
00:27:26C'est comme ça.
00:27:28Vous faites.
00:27:29Petit à petit, vous partez.
00:27:32Comme ça.
00:27:34Ces 200 papiers racontent en avoir fait la meilleure expérience
00:27:38dans les vignes de Champagne.
00:27:41L'année dernière, ils ont été embauchés pour vendanger sur cette parcelle.
00:27:49Oui, j'ai la photo avec moi.
00:27:52Vous avez vu ?
00:27:53Ça fait ici.
00:27:57Avec eux, plus de 80 travailleurs, tous venus de régions parisiennes,
00:28:02tous précaires.
00:28:05Ils pensaient avoir décroché un bon plan
00:28:07malgré le travail pénible et la chaleur assommante.
00:28:13Souvent, à la montée, c'est tellement dur.
00:28:15Pour pousser la boîte, là.
00:28:17C'est pour ça qu'on a mal d'eau, mal aux trucs, tu vois.
00:28:21Pour remplir 200 paniers par jour,
00:28:23vous êtes payés 80 balles et tout, voilà.
00:28:25Donc, c'est comme ça, on est arrivés.
00:28:2880 euros non déclarés pour des journées de plus de 14 heures
00:28:32s'imposent en plein cagnard, selon eux.
00:28:38La nuit, ils étaient hébergés par leur employeur
00:28:41dans un village tout proche.
00:28:50C'est là.
00:28:52C'est le mauvais souvenir.
00:28:55Dans ce bâtiment aux allures de squat,
00:28:58il reste encore quelques vestiges de leur passage.
00:29:02Et toujours les mêmes récits de conditions indignes.
00:29:20Une situation si choquante qu'ils décident de filmer.
00:29:25Comme ici, l'unique repas de la journée,
00:29:28une assiette de riz.
00:29:31À l'intérieur de la bâtisse,
00:29:33dès l'ouverture de la porte,
00:29:35une odeur répugnante se dégage.
00:29:37C'est elle, là.
00:29:40Il y avait des personnes qui dormaient ici ?
00:29:41Bah oui, le premier jour où on est venus.
00:29:43Voilà, avec l'épaule, on dormait.
00:29:45J'ai vu.
00:29:46Ça, c'est quoi, devant ?
00:29:47Le bonflamme.
00:29:48C'est sur ça qu'on dormait.
00:29:52Et ça, c'est quoi ?
00:29:53Des douches. Là, on prenait des douches et tout.
00:29:58Voilà.
00:29:59C'est dangereux, c'est là.
00:30:01Vous avez magie, ici, le courant.
00:30:05Des câbles électriques dénudés qui passent dans la douche ?
00:30:10C'est les toilettes.
00:30:12Des toilettes insalubres et sans porte ?
00:30:16Ils étaient plus de 50 à se serrer ici pour dormir.
00:30:24Qu'est-ce que ça vous fait de revenir ici ?
00:30:26Ça nous rappelle de l'enfer.
00:30:29Franchement.
00:30:30Comment c'est facile que vous dites à des gens
00:30:32à venir au travail,
00:30:33vous nous embarquez, vous nous amenez comme ça,
00:30:35on dirait des animaux.
00:30:38Les critères d'un logement saisonnier sont pourtant stricts
00:30:41et fixés par le code rural.
00:30:44Au moins 7 mètres carrés par travailleur.
00:30:47Au minimum, un lavabo pour 3
00:30:50et un WC pour 2.
00:30:51Un lavabo pour 3 et un WC pour 6.
00:30:56Des contraintes très lourdes
00:30:58que la plupart des viticulteurs n'ont pas les moyens d'assumer.
00:31:05Ils payent donc des sous-traitants qui leur fournissent la main-d'oeuvre
00:31:08et la prennent en charge.
00:31:12Chaque jour, ces prestataires de service
00:31:14venaient chercher les vendangeurs.
00:31:17Chaque 5h du mat ou 6h,
00:31:20ils gardent 3 fourgonnettes,
00:31:22ils viennent, ils nous embarquent,
00:31:24et voilà, paf, on rentre.
00:31:27Là encore, ils ont photographié leur trajet
00:31:29entassé comme du bétail
00:31:31dans des camionnettes aveugles,
00:31:33sans climatisation.
00:31:35Ils ne savaient jamais chez qui ils allaient travailler.
00:31:45Au bout d'une semaine, certains craquent.
00:31:47Ils veulent rentrer chez eux
00:31:49et réclament leur salaire.
00:31:52Hors de question pour la patronne et son mari.
00:31:55Un couple originaire du Kazakhstan
00:31:57que l'on aperçoit sur ces images
00:31:59filmées au smartphone.
00:32:01Ils menacent de ne pas payer
00:32:02ceux qui partent avant la fin des vendanges.
00:32:05La tension monte.
00:32:18Dès le lendemain, alertés par les voisins,
00:32:21l'inspection du travail et la préfecture interviennent
00:32:24et ordonnent la fermeture administrative du logement.
00:32:29Une enquête est ouverte
00:32:30par le parquet de chalons en champagne
00:32:32pour traite d'êtres humains.
00:32:34Il va devoir établir les responsabilités.
00:32:42À qui appartiennent par exemple
00:32:44les parcelles où les vendangeurs ont cueilli le raisin ?
00:32:56Nous avons analysé ces photos
00:32:58et leurs données de localisation.
00:33:02Des informations
00:33:03qui s'enregistrent automatiquement dans le téléphone.
00:33:07Elles nous indiquent les coordonnées GPS
00:33:09des lieux où ces images ont été capturées.
00:33:14À l'aide d'indices dans le paysage
00:33:16comme la courbe de la route à gauche,
00:33:18nous avons pu déterminer que les travailleurs
00:33:21ont vendangé précisément sur cette exploitation.
00:33:29Elle appartient à un vigneron
00:33:31propriétaire d'une marque de champagne.
00:33:34Nous allons l'interroger en caméra cachée.
00:33:39Nous voulons lui montrer la vidéo des sans-papiers
00:33:41qui ont récolté son raisin.
00:33:45S'il reconnaît bien son terrain,
00:33:47il affirme que ce n'est pas lui qui employe à la main d'oeuvre.
00:33:50Il ne semble pas se sentir concerné
00:33:52par les méthodes de ses partenaires.
00:34:21Dans un petit village au milieu des vignes,
00:34:23nous avons retrouvé les employeurs directs
00:34:25des travailleurs exploités.
00:34:29Voici la maison de la gérante,
00:34:31la femme originaire du Kazakhstan,
00:34:33que l'on apercevait sur la vidéo.
00:34:36C'est elle qui coordonnait les équipes
00:34:38et leur mettait la pression, selon eux.
00:34:43Bonjour !
00:34:44Son mari vient à nous
00:34:46et affirme qu'elle n'est pas là.
00:34:51On travaille sur l'histoire des travailleurs sans-papiers
00:34:54qui ont porté plainte pour traite d'êtres humains, esclavage,
00:34:57et on aurait voulu discuter un petit peu avec elle.
00:35:01Vous êtes son mari ?
00:35:03Elle serait absente.
00:35:05Pourtant, nous entendons une voix de femme
00:35:07qui crie en russe depuis la maison.
00:35:14C'est elle.
00:35:15Mais elle ne veut pas nous parler,
00:35:16parce que j'entends qu'elle était là.
00:35:17C'est elle, elle ne veut pas nous parler ?
00:35:19Ne leur parle pas !
00:35:23Qu'ils aillent se faire foutre !
00:35:26T'as rien à leur dire !
00:35:28Ils font chier !
00:35:33Malgré nos multiples relances,
00:35:35ils ne nous rappelleront jamais.
00:35:38Ils devraient être jugés pour traite d'êtres humains
00:35:40en mars 2025.
00:35:43Les propriétaires des parcelles, en revanche,
00:35:45ne sont pas mis en cause, malgré le scandale.
00:35:49Les vendanges de la honte.
00:35:50C'est en ces termes que la récolte 2023 en Champagne
00:35:53a été qualifiée,
00:35:54notamment après la découverte d'un taudis
00:35:56où 52 vendangeurs étaient entassés.
00:36:00Une impression de déjà-vu.
00:36:03Cinq ans plus tôt,
00:36:05en 2018,
00:36:06même présentateur,
00:36:08même lui.
00:36:09En 2018,
00:36:10même présentateur,
00:36:11même lunettes,
00:36:12et déjà la même histoire,
00:36:14où les maisons de Champagne
00:36:15échappent à toute poursuite.
00:36:18Tout avait commencé à l'été 2018,
00:36:19près d'Épernay.
00:36:20Les autorités avaient alors découvert
00:36:22près de 190 saisonniers étrangers,
00:36:24la plupart des migrants,
00:36:25logés dans des conditions indignes
00:36:27et exploités au travail.
00:36:29À l'époque,
00:36:30des vendangeurs sans papiers
00:36:32avaient eux aussi été logés dans des conditions indignes.
00:36:36L'enquête avait révélé
00:36:38qu'ils avaient cueilli le raisin
00:36:40sur certaines parcelles
00:36:41de la prestigieuse maison Veuve Clicquot,
00:36:44propriété du géant du luxe LVMH
00:36:46et du milliardaire Bernard Arnault.
00:36:52Veuve Clicquot,
00:36:53le donneur d'ordre en haut de la chaîne,
00:36:55n'a pas été inquiété
00:36:56au moment du procès en 2022.
00:37:00Ce sont les entreprises sous-traitantes,
00:37:02considérées juridiquement
00:37:03comme les véritables employeurs de la main-d'œuvre,
00:37:05qui ont été condamnées.
00:37:09Ce système qui dilue les responsabilités,
00:37:12ce syndicaliste l'a combattu toute sa vie.
00:37:16Aujourd'hui à la retraite,
00:37:17il travaillait chez Veuve Clicquot
00:37:19au moment de l'affaire.
00:37:22Bonjour,
00:37:23je vous attendais.
00:37:24C'est par ici ?
00:37:25Oui, c'est ça, je vais vous ouvrir.
00:37:26Merci.
00:37:28Lorsqu'il découvre par hasard
00:37:29que son employeur
00:37:30est lié à cette sordide affaire
00:37:32de l'entreprise,
00:37:33il se rend compte
00:37:34qu'il n'est pas le seul
00:37:36employeur est lié
00:37:37à cette sordide affaire
00:37:38d'esclavage moderne,
00:37:39il met la question
00:37:40à l'ordre du jour
00:37:41de son comité d'entreprise.
00:37:45Il affirme se souvenir précisément
00:37:47de la réponse de son PDG.
00:37:50Ayant appris que le donneur d'ordre
00:37:51était Veuve Clicquot,
00:37:52évidemment j'ai posé la question
00:37:53à mon président,
00:37:54en lui demandant
00:37:55comment se fait-il
00:37:56qu'en tant que donneur d'ordre,
00:37:58il n'ait pas eu un devoir de vigilance
00:38:00sur ces problématiques
00:38:02de traite d'humains.
00:38:04Et il m'a répondu
00:38:05que nous ne sommes pas responsables
00:38:06chez Veuve Clicquot,
00:38:07c'est un détail,
00:38:08pourquoi on s'intéresse
00:38:09particulièrement à ce dossier,
00:38:11pour résumer,
00:38:12que de toute façon,
00:38:14eux, ils ne sont aucunement
00:38:16responsables de la situation.
00:38:18Selon vous,
00:38:19Veuve Clicquot aurait dû être
00:38:20poursuivi et condamné ?
00:38:21Absolument, absolument.
00:38:22Et je pense que
00:38:23si donneur d'ordre était condamné
00:38:24au même titre
00:38:25que les prestataires de service,
00:38:26je pense qu'il y aurait
00:38:27beaucoup moins de dérive
00:38:28dans la profession.
00:38:29Et je pense qu'il y aurait
00:38:30beaucoup moins de problèmes
00:38:31au vendange.
00:38:33Contactés,
00:38:34ni Veuve Clicquot
00:38:35ni le groupe LVMH
00:38:37nous ont accepté
00:38:38de répondre à une interview.
00:38:41Ils nous ont indiqué par mail
00:38:43avoir renforcé le contrôle
00:38:45de leurs prestataires.
00:38:55Au cours de notre enquête,
00:38:57nous avons découvert
00:38:58un système de traite
00:38:59d'êtres humains
00:39:00encore plus pervers,
00:39:01toujours dans les vignes.
00:39:04Non seulement
00:39:05des travailleurs étrangers
00:39:06sont exploités,
00:39:07mais en plus,
00:39:08ils ont dû payer pour cela.
00:39:12Cette vice-procureure
00:39:13l'a dénoncée
00:39:14il y a trois ans à Libourne,
00:39:16en repérant dans le centre-ville
00:39:18ces dizaines d'hommes marocains
00:39:20seuls,
00:39:21et visiblement SDF.
00:39:26On les remarque,
00:39:27on les voit se promener.
00:39:29C'est quelque chose
00:39:30qui est très visible
00:39:32dès lors qu'on arrive
00:39:34à Libourne.
00:39:37Ici, le soir,
00:39:38autour de cette boulangerie,
00:39:40de ce commerce,
00:39:41ils se retrouvent régulièrement
00:39:43pour être ensemble,
00:39:44tout simplement.
00:39:46Ils sont tous déracinés.
00:39:49Intriguée,
00:39:50elle cherche à en savoir plus.
00:39:53C'est en observant
00:39:54cette présence
00:39:56de travailleurs
00:39:57sans leur famille
00:39:58que je me suis interrogée
00:39:59sur mes...
00:40:00Pourquoi sont-ils là ?
00:40:02Et évidemment, en parallèle,
00:40:04j'ai assez vite entendu parler
00:40:06de ce fameux contrat.
00:40:11Que payaient les travailleurs
00:40:12ou les futurs travailleurs
00:40:13pour pouvoir venir ici ?
00:40:18Pour comprendre
00:40:19de quel contrat il s'agit,
00:40:21nous avons convaincu
00:40:22l'un de ces hommes de témoigner.
00:40:29Hassan raconte
00:40:30que dans son petit village
00:40:31du Maroc,
00:40:32un intermédiaire
00:40:33lui aurait fait miroiter
00:40:34un contrat saisonnier
00:40:35de trois ans,
00:40:36bien payé,
00:40:37en France.
00:40:40Mais pour saisir cette chance,
00:40:42il devait d'abord
00:40:43verser une grosse somme.
00:41:00Mais quand je suis venu
00:41:01ici en France,
00:41:02je n'ai trouvé rien.
00:41:07Et finalement, c'était quoi ?
00:41:19Vous avez payé combien ?
00:41:23Est-ce qu'à ce moment-là,
00:41:24vous saviez
00:41:25que c'était illégal ?
00:41:30On ne savait pas
00:41:31que le contrat
00:41:32était interdit pour le vent.
00:41:35Ma mère,
00:41:36elle a vendu ses bijoux
00:41:37pour le financer.
00:41:39C'est la honte
00:41:40de voir mes parents.
00:41:43C'est dur.
00:41:45Cette histoire,
00:41:46elle touche mon cœur.
00:41:50Lui a osé porter plainte
00:41:52et a finalement réussi
00:41:53à trouver un travail
00:41:54dans une usine.
00:41:56Mais beaucoup d'autres
00:41:57ont plongé
00:41:58dans l'abandon.
00:42:09Nous avons enquêté au Maroc,
00:42:11dans le village
00:42:12d'où est originaire Hassan,
00:42:14Sidi Slimane,
00:42:15au nord du pays.
00:42:20Ici,
00:42:21ces histoires de contrat
00:42:22n'étonnent plus personne.
00:42:25Beaucoup connaissent
00:42:26quelqu'un qui a tenté
00:42:27d'aller travailler
00:42:28dans les vignes de Libourne.
00:42:32La plupart des gens ici
00:42:33sont en souffrance.
00:42:35Donc dès qu'ils entendent
00:42:36parler d'une opportunité,
00:42:37ils essaient de partir.
00:42:40Il y a pas mal de gens
00:42:41qui ont réussi
00:42:42à obtenir ce fameux contrat
00:42:43et à partir d'ici.
00:42:45Les victimes,
00:42:46ce sont majoritairement
00:42:47des jeunes,
00:42:48les pauvres.
00:42:49Ils sont obligés
00:42:50d'emprunter de l'argent.
00:42:52Ou alors,
00:42:53leurs parents
00:42:54leur donnent
00:42:55toutes leurs économies.
00:42:58En à peine quelques heures,
00:42:59par le bouche à oreille,
00:43:01notre journaliste sur place
00:43:02réussit à entrer en contact
00:43:04avec un intermédiaire.
00:43:07Il prétend vouloir aider un ami.
00:43:09Allo, bonjour.
00:43:13Je t'appelle de la part
00:43:14de quelqu'un
00:43:15qui m'a donné tes coordonnées
00:43:16et j'ai besoin de toi.
00:43:20C'était quel sujet ?
00:43:22Ça concerne un petit jeune
00:43:23qui a des soucis
00:43:24et qui a besoin
00:43:25de trouver un travail
00:43:26pour se construire un avenir.
00:43:28Tu sais bien.
00:43:32Ok, retrouvons-nous demain.
00:43:34Je t'appelle vers
00:43:3510h30 ou 11h.
00:43:38Merci.
00:43:46Pour des raisons de sécurité,
00:43:48il s'équipe juste d'un micro
00:43:50et se rend au rendez-vous
00:43:51sans caméra.
00:43:56Exactement comme
00:43:57nous l'a raconté Hassan,
00:43:59on va lui proposer
00:44:00un contrat de travail payant.
00:44:05Comment je fais
00:44:06pour avoir un contrat
00:44:07pour aller en Europe ?
00:44:11Je viens te voir
00:44:12parce que j'ai besoin de toi.
00:44:14J'entends qu'il y a des gens
00:44:15que tu peux envoyer en France,
00:44:16dans la région de Bordeaux,
00:44:18Libourne,
00:44:19qu'il y a encore des gens
00:44:20qui partent là-bas.
00:44:26J'ai trouvé des contrats.
00:44:27J'en ai trouvé pas mal.
00:44:29Mais maintenant,
00:44:30pour des contrats
00:44:31dans l'agriculture,
00:44:32c'est devenu plus dur.
00:44:34Donc il faut payer.
00:44:36Combien ça coûte ?
00:44:38Ça coûte entre
00:44:3910 et 12 millions de dirhams.
00:44:41C'est un contrat
00:44:42de 3 mois seulement,
00:44:44mais ça permet d'améliorer
00:44:45sa situation.
00:44:46Et c'est toujours mieux
00:44:47que de rester ici
00:44:48à Glenday.
00:44:51D'accord, merci.
00:44:52Je te tiens au courant.
00:44:57Un trafic juteux
00:44:58semble s'être mis en place.
00:45:01Pour y parvenir,
00:45:02ces intermédiaires
00:45:03détournent l'un
00:45:04des processus
00:45:05de recrutement
00:45:06de la main-d'oeuvre étrangère.
00:45:08En Gironde,
00:45:09les travaux viticoles
00:45:10font partie
00:45:11des métiers en tension
00:45:13pour lesquels
00:45:14des prestataires
00:45:15ont le droit
00:45:16de faire venir
00:45:17des saisonniers
00:45:18de l'étranger.
00:45:19Bonjour !
00:45:20Alors, vous n'avez pas
00:45:21signé le contrat ?
00:45:23Alors, soit...
00:45:26Ici, c'est ce que tu vas gagner.
00:45:28Au printemps dernier,
00:45:30Benjamin Banton
00:45:31a recruté,
00:45:32en toute légalité,
00:45:33ses 7 ouvriers marocains.
00:45:36Il s'est occupé
00:45:37de tout leur papier.
00:45:39Bonne journée !
00:45:40Bon repos, à demain !
00:45:41A bientôt !
00:45:42Bye !
00:45:44Bonne journée !
00:45:46Ils ont décroché
00:45:47un vrai contrat saisonnier
00:45:48de 3 mois
00:45:49et un salaire
00:45:50de 1 500 euros.
00:45:53Au revoir !
00:45:57Pour leur arriver
00:45:58en France,
00:45:59les démarches administratives
00:46:00sont extrêmement simples.
00:46:02Comment tu fais ?
00:46:03Elles se font
00:46:04en quelques clics
00:46:05sur Internet.
00:46:08Alors,
00:46:09on va sur la plateforme
00:46:10des travailleurs étrangers
00:46:12et on demande
00:46:13l'autorisation de travail
00:46:15pour qu'ils puissent
00:46:16rentrer en France
00:46:18et avoir leur visa
00:46:19pour pouvoir
00:46:20venir travailler.
00:46:22Il y a quelque chose
00:46:23à payer pour ces démarches ?
00:46:24Non,
00:46:25aucune démarche
00:46:26n'est payante.
00:46:27Le salarié paiera
00:46:28une fois qu'il aura
00:46:29obtenu son titre de séjour
00:46:30tout notamment fiscal
00:46:31de 75 euros.
00:46:34C'est cette plateforme,
00:46:35dépendant du ministère
00:46:36de l'Intérieur,
00:46:37qui est au cœur du système.
00:46:40En lien avec
00:46:41les intermédiaires marocains,
00:46:42des recruteurs
00:46:43véreux en France
00:46:44l'utilisent
00:46:45pour obtenir légalement
00:46:46des visas
00:46:47qu'ils vendent
00:46:48à prix d'or au saisonnier.
00:46:51Vous étiez au courant, vous,
00:46:52que ce système
00:46:53était dévoilé
00:46:54et que des personnes
00:46:55le vendaient ?
00:46:57Oui, oui.
00:46:58Assez rapidement,
00:46:59on s'est rendu compte
00:47:00des pratiques
00:47:01qu'il pouvait y avoir
00:47:02puisque certains sont arrivés
00:47:03en disant
00:47:04mais c'est sympa
00:47:05parce que chez vous
00:47:06on n'a rien à payer.
00:47:07Et nous on s'est dit
00:47:08pourquoi, comment,
00:47:09ça se passe comment ailleurs ?
00:47:10Et donc on a eu assez
00:47:11rapidement vente
00:47:12de ces méthodes-là.
00:47:13Ça vous choque ça ?
00:47:14C'est quelque chose
00:47:15qui n'est pas admissible.
00:47:17Ils ont immédiatement
00:47:18prévenu la préfecture
00:47:19de ces dérives.
00:47:22En parallèle,
00:47:23la mairie de Libourne
00:47:24a reçu dès 2021
00:47:26des transcourriers anonymes.
00:47:30Ce corbeau par exemple
00:47:31est un habitant excédé.
00:47:36Ça ce sont
00:47:37quelques-unes des plaintes
00:47:38et des signalements
00:47:39qui nous sont faits
00:47:40de personnes qui dénoncent
00:47:41des contrats
00:47:42qui sont achetés
00:47:43au Maroc
00:47:44pour venir en France.
00:47:45Je souhaite rester anonyme
00:47:46s'il vous plaît.
00:47:48Monsieur Trucmuche,
00:47:50il fait venir
00:47:51ces personnes
00:47:52en leur vendant
00:47:53les contrats
00:47:54entre 8 000
00:47:55et 13 000 euros
00:47:56par contrat.
00:47:57Cet homme,
00:47:58comme beaucoup d'autres,
00:47:59sont malhonnêtes.
00:48:01Ils ont des villas,
00:48:02des belles voitures
00:48:03dans leur pays
00:48:04et nous on galère
00:48:05ici à Libourne.
00:48:08Et cette personne,
00:48:09elle me donne
00:48:10le nom
00:48:11des passeurs.
00:48:12On me donne le nom
00:48:13de ceux qui s'enrichissent
00:48:14sur le dos
00:48:15de ces pauvres bougres
00:48:16qui viennent
00:48:17de bonne foi
00:48:18et qui sont exploités.
00:48:20Le maire
00:48:21a reçu une dizaine
00:48:22de lettres
00:48:23comme celle-ci
00:48:24qu'il a transmises
00:48:25à la vice-procureure
00:48:26de la République.
00:48:30C'est un système
00:48:31très large
00:48:32qu'il faut
00:48:33démanteler.
00:48:34On est dans
00:48:35une organisation
00:48:36qui est
00:48:37absolument
00:48:38insupportable
00:48:39et qui n'est pas
00:48:40conforme
00:48:41à ce qu'on peut imaginer
00:48:42quand on parle du luxe
00:48:43des produits viticoles
00:48:44les plus prestigieux
00:48:45du monde.
00:48:48Finalement,
00:48:49en mai 2023,
00:48:50pour la toute
00:48:51première fois,
00:48:52cette nouvelle filière
00:48:53est sur le banc
00:48:54des accusés.
00:48:57Quatre personnes
00:48:58sont condamnées,
00:48:59dont trois,
00:49:00pour traite
00:49:01d'être humain.
00:49:03Parmi elles,
00:49:04un prestataire
00:49:05malhonnête
00:49:06qui vendait illégalement
00:49:07des autorisations
00:49:08de travail délivrées
00:49:09par la plateforme
00:49:10du ministère
00:49:11de l'Intérieur.
00:49:13On voit son nom
00:49:14ici,
00:49:15à la rubrique
00:49:16employeur.
00:49:17Et là,
00:49:18le nom
00:49:19de l'entreprise
00:49:20de sous-traitance
00:49:21viticole.
00:49:24Ce jugement
00:49:25rare et exemplaire
00:49:26est le fruit
00:49:27du travail acharné
00:49:28de la vice-procureure.
00:49:35Donc voilà
00:49:36mon bureau.
00:49:38Aujourd'hui,
00:49:39elle dirige
00:49:40quatre autres enquêtes
00:49:41sur ces pratiques
00:49:42qu'elle a contribué
00:49:43à dévoiler.
00:49:46Moi, ce qui m'a sauté
00:49:47aux yeux,
00:49:48c'est que c'était pas
00:49:49de l'exploitation de misère,
00:49:50mais que c'était parfois
00:49:51de la création de misère.
00:49:52C'est-à-dire que c'était
00:49:53des personnes
00:49:54qui n'étaient pas
00:49:55dans une situation
00:49:56de dénuement
00:49:57dans leur pays d'origine,
00:49:58donc le Maroc.
00:49:59La preuve,
00:50:00elles ont été capables
00:50:01de payer 12 000 euros.
00:50:02Donc c'était pas des gens
00:50:03qui étaient dans une pauvreté,
00:50:04qui nécessitaient
00:50:05une migration
00:50:06comme on peut voir,
00:50:07parfois.
00:50:08Ils ont été vraiment
00:50:09démarchés, en fait.
00:50:11On a le géant,
00:50:12donc l'exploitant,
00:50:13celui qui est le décideur,
00:50:14le recruteur,
00:50:15celui qui part
00:50:16pour demander
00:50:17est-ce que ça t'intéresse ?
00:50:18Est-ce que tu connais
00:50:19pas des gens ?
00:50:20Il y a une organisation,
00:50:21il y a une hiérarchie
00:50:22pour que ça puisse marcher.
00:50:23En fait, tout n'est pas
00:50:24sur les épaules
00:50:25d'une seule personne.
00:50:26On peut tout à fait en déduire
00:50:27qu'il s'agit bien
00:50:28d'un système.
00:50:32À l'issue de notre enquête,
00:50:33nous avons demandé
00:50:34au ministère de l'Intérieur
00:50:35comment un tel détournement
00:50:36de sa plateforme
00:50:37de recrutement
00:50:38était possible.
00:50:41Nous n'avons à ce jour
00:50:42obtenu aucune réponse.
00:50:43Et nous sommes de retour
00:50:44avec vous, Didier Leschi.
00:50:45Bonsoir.
00:50:46Bonsoir.
00:50:47Vous êtes directeur
00:50:48de l'Office français
00:50:49de l'immigration
00:50:50et de l'intégration.
00:50:51Votre mission,
00:50:52c'est de veiller
00:50:53à l'accueil des immigrés
00:50:54en France,
00:50:55à leur insertion.
00:50:56Quand on voit ce reportage,
00:50:57on se dit
00:50:58que ce n'est pas forcément
00:50:59une réussite.
00:51:00Non ?
00:51:01D'abord, c'est globalement
00:51:02une réussite.
00:51:03Il ne faut jamais oublier
00:51:04que la majorité
00:51:05des immigrés en France
00:51:06s'intègrent sans problème.
00:51:07On a des minorités
00:51:08qui peuvent avoir
00:51:09des difficultés
00:51:10et en particulier,
00:51:11on a un sujet
00:51:12qui est celui
00:51:13qui vient sans titre préalable
00:51:14de séjour
00:51:15et qui, du coup,
00:51:16peuvent se trouver
00:51:17à la merci d'exploiteurs
00:51:18ou de ceux
00:51:19qui sont pris en charge
00:51:20par des filières
00:51:21dont la finalité
00:51:22n'est pas de permettre
00:51:23aux personnes
00:51:24de vivre bien ici,
00:51:25mais qui sont
00:51:26des filières d'exploitation
00:51:27en vue de la traite
00:51:28des êtres humains.
00:51:29Oui, parce qu'on le voit
00:51:30dans le reportage,
00:51:31la majorité
00:51:32des victimes
00:51:33d'esclavage moderne
00:51:34sont des personnes étrangères,
00:51:35parfois en situation irrégulière.
00:51:36Comment vous l'expliquez ?
00:51:37Alors,
00:51:38dans les secteurs
00:51:39de l'immigration,
00:51:40dans les secteurs
00:51:41du travail en particulier
00:51:42et agricoles,
00:51:43puisque c'est là
00:51:44où vous avez pointé
00:51:45votre reportage,
00:51:46oui, on a une vulnérabilité
00:51:47qui est liée
00:51:48avec des personnes
00:51:49qui sont soit
00:51:50sans titre de séjour,
00:51:51soit qui sont venues
00:51:52et qui sont venues
00:51:53à travers une filière
00:51:54qui est manifestement
00:51:55une filière d'exploitation,
00:51:56de traite
00:51:57des êtres humains.
00:51:58Je vous propose
00:51:59de regarder
00:52:00dans quelles conditions
00:52:01sont logées
00:52:02des immigrés
00:52:03qui viennent récolter
00:52:04le raisin en champagne.
00:52:05On regarde.
00:52:06Des câbles électriques
00:52:07dénudés
00:52:08qui passent dans la douche
00:52:10C'est les toilettes.
00:52:12Des toilettes insalubres
00:52:13et sans porte.
00:52:15Ils étaient plus de cinquante
00:52:16à se serrer ici
00:52:17pour dormir.
00:52:25Qu'est-ce que ça vous fait
00:52:26de revenir ici ?
00:52:27Ça nous rappelle
00:52:28de l'enfer.
00:52:31L'enfer,
00:52:32c'est ce que décrivent
00:52:33ces immigrés.
00:52:34Qu'est-ce que vous vous dites
00:52:35quand vous entendez ça ?
00:52:36Que c'est décrit
00:52:37de l'exploitation patronale
00:52:38à partir de
00:52:39de travailleurs immigrés
00:52:40et en particulier
00:52:41des travailleurs vulnérables
00:52:42et que donc
00:52:43il faut toujours
00:52:44faire attention
00:52:45quand on dit
00:52:46qu'il faut absolument
00:52:47de la main-d'oeuvre étrangère
00:52:48que les conditions
00:52:49d'accueil
00:52:50et les conditions d'emploi
00:52:51soient conformes
00:52:52au code du travail.
00:52:53Est-ce que le cœur
00:52:54du problème
00:52:55c'est pas ça ?
00:52:56C'est-à-dire
00:52:57de faire appel
00:52:58à une main-d'oeuvre étrangère
00:52:59par définition
00:53:00fragile,
00:53:01précaire ?
00:53:02Est-ce qu'on ne crée pas
00:53:03un contexte favorable
00:53:04à l'exploitation ?
00:53:05C'est le problème
00:53:06par moment
00:53:07de l'appel
00:53:08à de la main-d'oeuvre étrangère.
00:53:09Dans les secteurs
00:53:10où il n'y a pas
00:53:11de qualification requise
00:53:12ou très peu,
00:53:13encore qu'être
00:53:14ouvrier agricole
00:53:15c'est compliqué,
00:53:16ça peut être dur
00:53:17mais on a une tendance
00:53:18à la baisse des salaires,
00:53:19à la dégradation
00:53:20des conditions de travail.
00:53:21Et là,
00:53:22c'est un peu ce qu'on voit
00:53:23puisque au fond
00:53:24pourquoi on fait appel
00:53:25à ces gens ?
00:53:26Parce que la filière
00:53:27elle-même
00:53:28elle cherche
00:53:29la rentabilité maximum
00:53:30et dans cette rentabilité
00:53:31maximum
00:53:32il y a des gens
00:53:33qui sont mal payés
00:53:34Pour bien comprendre
00:53:35vous êtes en train
00:53:36de nous dire
00:53:37que finalement
00:53:38aujourd'hui
00:53:39on privilégie
00:53:40la rentabilité
00:53:41du secteur agricole
00:53:42à la dignité humaine ?
00:53:43Je ne sais pas
00:53:44qui est le on
00:53:45puisque
00:53:46En pratique
00:53:47c'est ce qui se passe
00:53:48aujourd'hui
00:53:49dans le secteur agricole,
00:53:50on privilégie
00:53:51une main-d'oeuvre
00:53:52bon marché,
00:53:53étrangère.
00:53:54Je ne sais pas
00:53:55qui est le on,
00:53:56ce qui est clair
00:53:57c'est que les services
00:53:58de l'État
00:53:59sont mobilisés
00:54:00pour lutter
00:54:01contre la traite
00:54:02des êtres humains
00:54:03à la fois
00:54:04l'inspection du travail
00:54:05et l'inspection
00:54:06des services sanitaires
00:54:07qui ferment le lieu
00:54:08vous avez
00:54:09des procédures
00:54:10qui sont lancées
00:54:11les procureurs
00:54:12la justice
00:54:13et l'État
00:54:14Depuis quelques années
00:54:15de plus en plus
00:54:16de Marocains
00:54:17viennent en France
00:54:18pour répondre
00:54:19à la pénurie
00:54:20de main-d'oeuvre
00:54:21dans le secteur agricole
00:54:22alors faudrait vous faire
00:54:23écouter Hassan
00:54:24on l'a rencontré
00:54:25il est venu du Maroc
00:54:26et on l'a rencontré
00:54:27à Libourne
00:54:28près de Bordeaux
00:54:29Hassan
00:54:30raconte que
00:54:31dans son petit village
00:54:32à Maroc
00:54:33un intermédiaire
00:54:34lui aurait fait miroiter
00:54:35un contrat saisonnier
00:54:36de 3 ans
00:54:37bien payé
00:54:38en France
00:54:41Mais pour saisir
00:54:42cette chance
00:54:43il devait d'abord
00:54:44verser une grosse somme
00:54:50Oui il m'a dit
00:54:51quand tu vas à la France
00:54:52tu travailles
00:54:53tu gagnes de l'argent
00:54:55il y a du logement
00:54:57il te donne beaucoup
00:54:59de promesses
00:55:00mais quand je viens
00:55:01ici en France
00:55:02je trouve rien
00:55:04Vous avez payé combien ?
00:55:06Moi j'ai payé
00:55:0712 000 euros
00:55:0912 000 euros
00:55:10c'est une somme
00:55:11colossale
00:55:12au Maroc
00:55:13pourquoi
00:55:14ce Marocain
00:55:15se retrouve dans
00:55:16cette situation ?
00:55:17Qu'est-ce que vous
00:55:18connaissez de cette situation ?
00:55:19Les contrats
00:55:20saisonniers
00:55:21c'est des contrats
00:55:22qui permettent
00:55:23pendant 3 ans
00:55:24de venir 6 mois
00:55:25par an
00:55:26travailler
00:55:27dans un secteur
00:55:28en l'occurrence
00:55:29un secteur
00:55:30d'école
00:55:31la personne
00:55:32il s'est fait escroquer
00:55:33en l'occurrence
00:55:34ce Marocain
00:55:35la personne
00:55:36elle sait
00:55:37qu'elle ne paye pas
00:55:38personne ne paye
00:55:3912 000 euros
00:55:40avec un contrat
00:55:41qui ne peut fonctionner
00:55:42que 6 mois par an
00:55:43uniquement pour 3 ans
00:55:44lui dit qu'il ne le sait pas
00:55:45qu'au Maroc
00:55:46il ne le savait pas
00:55:47il ne va pas vous dire
00:55:48à vous qu'il savait
00:55:49pourquoi vous pensez
00:55:50qu'il savait ?
00:55:51mais parce que
00:55:52ça se sait
00:55:53il ne va pas se faire
00:55:54escroquer
00:55:55sachant qu'il se fait
00:55:56escroquer
00:55:57il paye quoi précisément ?
00:55:58il paye le fait
00:56:00avec un visa
00:56:01et dans des conditions
00:56:02de sécurité
00:56:03qui sont masquées même
00:56:04puisqu'en réalité
00:56:05il va prendre l'avion
00:56:06voilà
00:56:07et il sait très bien
00:56:08puisque c'est ça
00:56:09les contrats
00:56:10de saisonnier
00:56:11qu'il doit revenir
00:56:12au bout de 6 mois
00:56:13mais en réalité
00:56:14il ne va pas revenir
00:56:15et donc
00:56:16il le sait parfaitement
00:56:17et donc
00:56:18il y a un jeu dupe
00:56:19dans cette affaire
00:56:20vous dites que
00:56:21il le fait en connaissance
00:56:22de cause ?
00:56:25personne ne paye
00:56:2612 000 euros
00:56:27simplement
00:56:28pour être
00:56:293 ans en France
00:56:30voilà
00:56:31personne ne fait ça
00:56:32vous ne pensez pas
00:56:33qu'ils sont victimes
00:56:34d'intermédiaires véreux
00:56:35au Maroc ?
00:56:36qui leur ont fait croire
00:56:37qu'ils allaient avoir
00:56:38une vie meilleure ?
00:56:39le passeur
00:56:40est un intermédiaire véreux
00:56:41auquel malheureusement
00:56:42trop de gens font appel
00:56:43voilà
00:56:44et donc
00:56:45c'est un passeur
00:56:46qui est un intermédiaire véreux
00:56:47auquel trop de gens
00:56:48font appel
00:56:49et qui après
00:56:50vend en partie du rêve
00:56:51en lui disant
00:56:52ben voilà
00:56:53tu vas être en France
00:56:54et d'une certaine manière
00:56:55tu vas pouvoir y rester
00:56:56voilà c'est ça
00:56:57bien évidemment
00:56:58la personne
00:56:59que vous interrogez
00:57:00elle ne va pas vous dire
00:57:01je savais pertinemment
00:57:02qu'au départ
00:57:03je fraudais
00:57:04l'ensemble du système
00:57:05parce que c'est ça
00:57:06qui se fait
00:57:07la particularité
00:57:08de cette histoire
00:57:09c'est que les escrocs
00:57:10véreux
00:57:11les passeurs
00:57:12dont vous parlez
00:57:13ils détournent
00:57:14un processus officiel
00:57:15français
00:57:16la plateforme
00:57:17une plateforme
00:57:18censée faciliter
00:57:19la délivrance
00:57:20des visas
00:57:21pour les saisonniers étrangers
00:57:22si les escrocs
00:57:23prospèrent
00:57:24c'est grâce à cet outil
00:57:25qui ne fait pas
00:57:26l'état
00:57:27essaie de lutter
00:57:28contre ça
00:57:29et il y a
00:57:30des contrôles qui se font
00:57:31des procédures
00:57:32qui sont ouvertes
00:57:33comme on vous l'a dit
00:57:34le procureur de la république
00:57:35d'autres procédures
00:57:36sont aujourd'hui ouvertes
00:57:37et c'est pour ça
00:57:38que nous nous travaillons
00:57:39par exemple au Maroc
00:57:40avec les autorités marocaines
00:57:41pour qu'il y ait
00:57:42une présentation
00:57:43par l'office marocain
00:57:44qui est l'équivalent
00:57:45si vous voulez
00:57:46de notre pôle emploi
00:57:47de personnes
00:57:48qui ont véritablement
00:57:49des compétences
00:57:50parce que
00:57:51un des problèmes
00:57:52de ce type
00:57:53de détournement
00:57:54c'est le fait
00:57:55qu'il n'y a pas
00:57:56vraiment des compétences agricoles
00:57:57Oui parce que
00:57:58pour qu'on comprenne bien
00:57:59cette plateforme
00:58:00avant elle était gérée
00:58:01par le ministère du travail
00:58:02et qui justement
00:58:03arrivait à déceler
00:58:04des potentielles escroqueries
00:58:05depuis que c'est
00:58:06le ministère de l'intérieur
00:58:07qui gère ça
00:58:08il y a beaucoup
00:58:09moins de contrôle
00:58:10de terrain
00:58:11et il y a beaucoup plus
00:58:12de fraude
00:58:13qu'est-ce que vous en pensez ?
00:58:14Non je pense
00:58:15que ce n'est pas ça
00:58:16le sujet
00:58:17d'abord il n'est pas certain
00:58:18Il n'y a pas plus
00:58:19il y a plus de gens
00:58:20qui sont passés
00:58:21Non il y a plus de contrôles
00:58:22Il y a plus de contrôles
00:58:23qu'au moment
00:58:24où il y a eu ce problème
00:58:25si vous voulez
00:58:26que dans d'autres activités
00:58:27criminelles
00:58:28si vous voulez
00:58:29le contrôle fait émerger
00:58:30la chose
00:58:31et vous pouvez dire
00:58:32que peut-être
00:58:33qu'il n'y avait pas
00:58:34suffisamment de contrôle
00:58:35donc du coup
00:58:36on avait moins
00:58:37de révélations
00:58:38de ce type de problème
00:58:39et le problème
00:58:40de ces affaires
00:58:41c'est d'arriver
00:58:42à faire la démonstration
00:58:43parce qu'en soi
00:58:44je ne peux pas
00:58:45soupçonner un patron
00:58:46d'être a priori
00:58:47un esclavagiste
00:58:48et ce n'est pas
00:58:49parce qu'il met
00:58:50des documents
00:58:51dans la plateforme
00:58:52qu'il est naturellement
00:58:53un esclavagiste
00:58:54ça se contrôle
00:58:55ça se fait in vivo
00:58:56et c'est ce qui a été fait
00:58:57c'est ce qui est montré
00:58:58dans le documentaire
00:58:59Alors j'aimerais qu'on parle
00:59:00aussi de la responsabilité
00:59:01parce qu'on le voit
00:59:02dans le reportage
00:59:03quand des saisonniers
00:59:04maltraités portent plainte
00:59:05c'est la société prestataire
00:59:06de main d'oeuvre
00:59:07qui est condamnée
00:59:08jamais le propriétaire
00:59:09de la vigne
00:59:10l'exploitant de la vigne
00:59:11pourquoi ?
00:59:12Je pense que ça c'est
00:59:13un problème avec
00:59:14le ministère de la justice
00:59:15Mais ça vous choque ?
00:59:16Oui, qu'il faut interroger
00:59:17sur le sujet
00:59:18mais il faut arriver
00:59:19à remonter la chaîne
00:59:20et à voir quelle est
00:59:21la responsabilité en matière
00:59:22je dirais de pénalité
00:59:23elle ne peut pas être
00:59:24donnée a priori
00:59:25il faut la démontrer
00:59:26est-ce qu'il savait ?
00:59:27Est-ce qu'il ne savait pas ?
00:59:28C'est des choses complexes
00:59:29Alors faudrait vous faire
00:59:30écouter un propriétaire
00:59:31de vigne
00:59:32qui fait du champagne
00:59:33des sans-papiers
00:59:34ont été exploités
00:59:35sur sa parcelle
00:59:36on a voulu lui demander
00:59:37ce qu'il en pensait
00:59:38et on l'a filmé
00:59:39en caméra cachée
00:59:40je vous propose
00:59:41qu'on écoute
00:59:42Bonjour monsieur
00:59:43S'il reconnaît bien
00:59:44son terrain
00:59:45il affirme que ce n'est pas
00:59:46lui qui employait
00:59:47la main d'oeuvre
00:59:48C'est ce qui m'a pensé
00:59:49mais après moi
00:59:50je ne suis pas
00:59:51déjà pas un prestataire
00:59:52parce que je n'ai pas
00:59:53les moyens de loader
00:59:54je n'ai pas les moyens
00:59:55de tout ça
00:59:56Mais après
00:59:57si effectivement
00:59:58vous vous êtes passé
00:59:59par un prestataire
01:00:00qui est passé par
01:00:01des prestataires malhonnêtes
01:00:02c'est quand même
01:00:03vos parcelles
01:00:04C'est pas mon problème
01:00:05c'est pas à moi
01:00:06de gérer tout ça
01:00:07Qu'est-ce que vous en pensez ?
01:00:08Un exploitant
01:00:09peut se défausser
01:00:10comme ça
01:00:11derrière sa société
01:00:12de prestataire
01:00:13et dire
01:00:14je ne sais pas
01:00:15je ne sais pas
01:00:16je ne sais pas
01:00:17un prestataire
01:00:18à dire
01:00:19je ne sais pas
01:00:20ce n'est pas moi
01:00:21Je ne connais pas
01:00:22le cas précis
01:00:23il faudrait voir
01:00:24dans quelles conditions
01:00:25il a appelé le prestataire
01:00:26et qu'est-ce qu'il voyait
01:00:27Il fait appel à une société
01:00:28comme beaucoup
01:00:29de gens dans le secteur
01:00:30pour une main d'oeuvre
01:00:31bon marché
01:00:32Lui il dit
01:00:33comme dans l'audiovisuel
01:00:34on peut faire appel
01:00:35à des prestataires
01:00:36Mais est-ce qu'il n'est pas
01:00:37responsable quand même
01:00:38de la façon
01:00:39dont les salariés
01:00:40sont traités ?
01:00:41Le donneur d'ordre
01:00:42ne vérifie pas toujours
01:00:43les conditions
01:00:44d'exécution
01:00:45Est-ce que ça
01:00:46est vrai ?
01:00:47Quand on entend
01:00:48ce propriétaire
01:00:49ce qui est frappant
01:00:50c'est qu'il assume
01:00:51totalement le fait
01:00:52qu'on lui dit
01:00:53il le sait même
01:00:54que des travailleurs
01:00:55ont été totalement exploités
01:00:56sur sa parcelle
01:00:57et il dit
01:00:58ce n'est pas mon problème
01:00:59et lui il tire bénéfice
01:01:00de la récolte
01:01:01du vin
01:01:02il va vendre
01:01:03des bouteilles de vin
01:01:04Ce n'est pas ce qu'il vous dit
01:01:05il dit
01:01:06vous m'apprenez cela
01:01:07et ce n'est pas mon problème
01:01:08Il le savait
01:01:09il était au courant
01:01:10parce que l'affaire
01:01:11a été médiatisée
01:01:12Il le savait
01:01:13La question c'est de savoir
01:01:14s'il le savait
01:01:15C'est ça la vraie question
01:01:16Mais une fois qu'il le sait
01:01:17est-ce qu'on peut dire
01:01:18bon finalement
01:01:19ce n'est pas mon problème
01:01:20Est-ce que le propriétaire
01:01:21n'a pas un devoir
01:01:22de s'inquiéter
01:01:23de la façon dont ses salariés
01:01:24sont traités ?
01:01:25Chacun est responsable
01:01:26de pouvoir dénoncer
01:01:27des crimes
01:01:28des délits
01:01:29qu'il regarde
01:01:30Tout ça
01:01:31ça fait partie
01:01:32de la responsabilité
01:01:33de chacun
01:01:34Il est clair
01:01:35que l'individualisme
01:01:36collectif
01:01:37peut ne pas amener
01:01:38à ce que des dénonciations
01:01:39soient faites en temps utile
01:01:40Merci beaucoup
01:01:41Didier Leschi
01:01:42d'avoir accepté
01:01:43cette interview
01:01:44Merci d'avoir suivi
01:01:45ce nouveau numéro
01:01:46de Complément d'Enquête
01:01:47Ce soir à la rédaction en chef
01:01:48c'était Emmanuel Gagné
01:01:49Séverine Lebrun
01:01:50Laura Aguirre de Carcer
01:01:51Julien-Paul Simon
01:01:52à la préparation des plateaux
01:01:53Anthony Forestier
01:01:54à leur réalisation
01:01:55Tout de suite
01:01:56c'est Nous les Européens
01:01:57présenté par Eleonore Gay
01:01:58Excellente fin de soirée
01:01:59à tous sur France 2