Après une troisième journée à nouveau éprouvante, avec le récit des enquêteurs des viols subis par Gisèle Pélicot, la septuagénaire va prendre la parole. C'est la première fois qu'elle s'exprimera dans ce procès qu'elle a souhaité public.
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00:00Dites-elle, Pénicaud, j'aurai 72 ans au mois de décembre.
00:03Et la première chose qu'elle dit, c'est qu'elle veut rendre hommage au lieutenant de police
00:07qui a investigué sur le fichier informatique de son ex-mari.
00:11Il m'a sauvé la vie, dit-elle.
00:14Et ça, c'est un moment très fort et je y reviendrai après
00:16parce que c'est comme ça qu'elle va découvrir les faits.
00:19Tout démarre en fait le 19 septembre 2020.
00:23Monsieur Pénicaud, c'est ainsi qu'elle l'appelle, va le chercher en gare d'Avignon.
00:27Il se met à pleurer et lui dit, j'ai fait une bêtise, je me suis fait surprendre
00:30au centre commercial en train de photographier sous les jupes des femmes.
00:33C'est le premier caillou et c'est le premier fil que vont tirer les enquêteurs.
00:37Monsieur Pénicaud, dit-elle, n'a jamais eu de geste déplacé
00:40ni de mot obscène en 50 ans de mariage.
00:42Et je m'imagine pas à ce moment-là ce qui va se passer après.
00:45Et quelques semaines plus tard, la police rappelle cette femme
00:48et lui demande de venir au commissariat le 2 novembre.
00:51Elle ne sait pas ce qui va se passer.
00:53Elle perd du poids, elle commence à comprendre qu'il y ait...
00:56Le 2 novembre, elle arrive et elle se dit, elle dit à la barre,
01:00je ne soupçonnais pas que ce serait mon dernier petit déjeuner.
01:02Avec Monsieur Pénicaud, c'est très intéressant la manière dont elle appelle cet homme.
01:06Et quand on arrive au commissariat, dit-elle, elle est conduite dans le bureau d'un policier
01:10qui va lui montrer des fichiers.
01:12Il lui dit, le policier, il lui dit, je vais vous montrer des choses qui ne vont pas vous plaire.
01:15Exactement, je vais vous montrer des choses qui ne vont pas vous plaire.
01:18Elle, elle découvre, elle ne se reconnaît pas.
01:21Elle découvre des scènes de viol, elle est dans son lit, inerte, endormie
01:25et on est en train de me violer, raconte-t-elle.
01:28Je suis en état de choc.
01:30Le choc est immense.
01:31Je n'ai qu'une envie, c'est de me réfugier chez moi.
01:33Mon monde s'écroule, tout s'effondre.
01:35Et elle dit, on était un couple fusionnel avec nos sept petits enfants.
01:40J'ai du mal à accepter les photos que je viens voir, les photos, les vidéos.
01:43C'est un moment, évidemment, où sa vie va basculer.
01:48Vous le disiez, elle s'adresse aussi au policier en même temps en disant,
01:52ils m'ont sauvé la vie.
01:53Oui, ils lui ont sauvé la vie parce que s'il n'avait pas investigué sur ces fichiers,
01:56il n'aurait pas vu qu'au-delà des photos dans le centre commercial,
02:00ce premier fil, il y avait ces dix années, ces dix années d'horreur
02:04où effectivement, l'enquête démontre que ce monsieur a fait prendre des médicaments
02:10à son insu à cette femme et invitait chez lui des personnes
02:14en vue de commettre des scènes de viol qu'en plus, il filmait.
02:18Donc en fait, on est dans le crescendo de l'horreur.
02:21Je poursuis le récit de cette femme.
02:23À ce moment-là, quand je vois ces vidéos, j'ai envie de disparaître,
02:26mais je vais devoir annoncer à mes enfants, c'est une autre épreuve,
02:28que leur père est en garde à vue.
02:31Elle appelle un membre de sa famille, son gendre,
02:33et elle lui demande de rester auprès de sa fille.
02:35Et quand elle annonce à sa fille que son père l'a fait violer,
02:39c'est exactement les termes exacts,
02:42elle dit, j'entends ma fille hurler comme une bête.
02:44J'appelle mes deux autres fils pour leur dire,
02:47et mes enfants sont très inquiets pour moi.
02:48Cette femme, elle a ce courage immense aujourd'hui
02:51de faire face d'abord à cet homme et aux 50 autres.
02:54Et surtout, elle va poser des mots sur l'innommable, sur l'indicible.
02:58Et son avocat expliquait qu'elle va vivre en différé pour la première fois
03:02ce qu'elle a vécu pendant dix ans.
03:03Elle n'en avait pas conscience.
03:05Aujourd'hui, elle doit poser des mots dessus.
03:06Vous disiez combattive.
03:08On sait qu'elle voulait répondre désière en réalité
03:10à ce qu'elle a entendu devant la cour.
03:13Les questions, les insinuations même de certains avocats de la défense,
03:17des accusés qui ont interrogé hier,
03:21est-ce que ça n'était pas le couple Pellicot un couple Libertin ?
03:24Il y a un avocat qui demande si vraiment,
03:26elle a pu ne se rendre compte de rien pendant dix ans.
03:29Comment affirmer qu'elle était inconsciente ?
03:31Ça, c'était insupportable à entendre.
03:32Pour elle, c'était insupportable à entendre.
03:34Elle voulait désirer répondre et ses avocats lui ont dit,
03:36non, attendez, c'est demain, donc c'est aujourd'hui.
03:38C'est exactement ce qu'a expliqué Mélanie Bertrand.
03:39Elle trépignait dans le boxe,
03:41enfin pas dans le boxe, sur les bancs des partis civils.
03:43Elle avait envie.
03:45Mais ses avocats essayaient de la tempérer en lui disant,
03:47c'est demain votre tour, aujourd'hui, on y est.
03:49Elle fait face.
03:50Effectivement, les questions, elles ont été posées.
03:52Elles ne sont pas confortables.
03:53Est-ce qu'elle était consciente ?
03:55Est-ce que c'est possible ?
03:57Est-ce que c'est crédible qu'elle ait été violée à son insu ?
04:00C'est tout le cœur de l'interrogation de ce procès.
04:04Évidemment que ce n'est pas confortable d'avoir ces questions-là.
04:06Mais aujourd'hui, c'est son tour.
04:08Et aujourd'hui, on peut au moins souligner le courage de cette femme de faire face.
04:12Elle a accepté d'être filmée.
04:14Elle a accepté une audience publique.
04:16Et ça, je pense que ça va permettre de faire progresser la vérité judiciaire.
04:19Mais elle a accepté tout ça parce que ses avocats le disent.
04:21Elle n'a à avoir honte de rien.
04:24Elle n'est responsable de rien dans cette affaire.
04:26Non, elle n'est responsable de rien.
04:27Mais imaginez quand même que c'est difficile de faire face à l'opinion publique.
04:31Un nom qu'on va porter.
04:32Elle est en instance de divorce avec cet homme.
04:35Elle ne veut plus porter ce nom, évidemment.
04:36Elle a été violée à son insu pendant plus de dix ans par plus de 50 inconnus.
04:42On parle jusqu'à 200 viols.
04:44Oui, mais retenue dans la cour d'assises, il y a 50 accusés en plus de son ex-mari.
04:48C'est colossal.
04:50Alors, elle a ce courage immense.
04:51Et aujourd'hui, tous les mots qu'elle posera sur ce qu'elle a pu vivre
04:55sans en être consciente pendant la durée.
04:57Mais elle a dû faire un travail psychologique pour mettre les mots dessus.
05:00C'est vital.