• il y a 3 mois
Retour sur les premières joutes verbales au sommet de l'État entre Bill Clinton et les dirigeants d'Airbus en 1993. L'Amérique promet alors de défendre coûte que coûte son champion Boeing. Mais quelques décennies plus tard, le revirement est de taille. Airbus s'implante en fanfare sur le territoire américain, renversant tous les pronostics. Plongez au cœur de cette lutte industrielle et géopolitique et découvrez comment Airbus a su renverser la table malgré l'hostilité initiale.
Entretiens exclusifs, images rares, ce documentaire lève le voile sur les coulisses de cette rivalité hors-norme qui secoue l'économie mondiale depuis 50 ans.

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00:00Bienvenue au pays de la démesure.
00:06Ici, chaque avion coûte au bas mot 100 millions de dollars.
00:10Ici, chaque contrat se compte en milliards de dollars.
00:16C'est une industrie qui ne ressemble à aucune autre et qui n'a peut-être aucun équivalent dans le monde.
00:21Ici, le temps suspend son vol.
00:24Il faut au moins 10 ans et 10 milliards pour lancer un nouvel avion.
00:29Il ne faut rien lâcher.
00:31C'est une course de fond.
00:34Ici, tous les coups sont permis pour emporter un marché.
00:38Ce n'est pas une concurrence comme les autres.
00:41C'est un combat très rude.
00:44Ça n'a jamais été au pays des bisounours. Ni avant, ni présent, ni après.
00:49C'est un monde où même les chefs d'État n'hésitent pas à endosser leurs costumes de VRP pour remplir les carnets de commande.
00:55De la conquête du ciel à celle du monde.
00:58Boeing Airbus.
01:00L'histoire de deux continents qui s'affrontent depuis près d'un demi-siècle
01:03pour se partager aujourd'hui un fabuleux marché de 150 milliards de dollars.
01:08Voyage au cœur d'un duel où rien n'était écrit d'avance.
01:25...
01:511969.
01:53Sur la côte ouest américaine.
01:56Le monde découvre le plus gros avion civil jamais construit.
01:59Le Boeing 747.
02:01Il peut transporter jusqu'à 600 passagers.
02:04Il va faire la fortune du géant de Seattle pendant près de 50 ans
02:07en lui assurant une suprématie sans partage.
02:12Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le ciel appartient à l'Amérique.
02:17Trois compagnies dominent le marché du transport aérien.
02:20La première, le Colonel Douglas, l'Oukide et le numéro 1, Boeing.
02:25A l'époque, son best-seller, le 707,
02:28est le premier avion capable de traverser l'Atlantique d'une seule traite.
02:32La mondialisation est en marche.
02:37Boeing, c'est l'Amérique.
02:39Le premier avion de tourisme.
02:41Les forteresses volantes de la seconde guerre mondiale.
02:44Les B-52 et leurs tonnes de bombes déversées sur le Vietnam.
02:47L'avion des présidents américains, Air Force One,
02:49aujourd'hui comme hier, a toujours été un Boeing.
02:53Même le général de Gaulle, lorsqu'il doit traverser l'Atlantique, n'a pas le choix.
02:57Il voyage à bord d'un Boeing 707 baptisé, pour ne pas perdre la face,
03:01Château de Versailles.
03:07Mais le monde change.
03:09Déjà, près de 400 millions de voyageurs prennent l'avion.
03:12L'Europe, après le charbon et l'acier, se cherche un grand dessin industriel.
03:19Il s'agissait aussi de savoir si l'Europe allait pouvoir tout simplement exister
03:24dans la révolution des transports aériens
03:28qui avait commencé à prendre son essor au début des années 60
03:34avec l'arrivée des premiers avions à réaction de transport
03:38à long ou à très long rayon d'action.
03:42Les industriels européens qui ont eu quelques aventures nationales
03:47de faible ampleur, ont soit le choix de devenir des sous-traitants des Etats-Unis,
03:55de l'industrie américaine, soit de s'unir entre eux
03:59pour des programmes qui répondent au marché.
04:06Pour résister à l'hégémonie américaine, l'Union européenne fait la force.
04:10La France et l'Allemagne s'associent pour un projet improbable.
04:13Réunir tout leur savoir-faire pour concevoir un avion capable de rivaliser avec les Américains.
04:19Nom de code, Airbus.
04:24Ce n'était pas une stratégie de développement, c'était une posture de défense.
04:28Ils défendaient leur bien.
04:30Toutes les compagnies d'Airbus avaient des programmes commerciaux
04:33et tous ont été progressivement détruits par la puissance des Etats-Unis.
04:38Pour gagner ce pari, tout le monde s'y met.
04:41Chaque Etat à l'initiative de ce projet doit y apporter sa contribution, pierre par pierre.
04:47Dans cet audacieux mécano, tout le monde s'y retrouve.
04:51Les ailes en Angleterre, la queue en Hollande, le fuselage en Allemagne et l'assemblage final à Toulouse.
04:57Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
05:00Outre-Atlantique, Boeing-Rican.
05:03La première attitude qu'a Boeing dans les premiers temps d'Airbus, je dirais, c'est l'arrogance.
05:10Je veux dire par là, oh, mais ces Européens, Français, Anglais, Allemands,
05:17faire un avion ensemble, techniquement ça va pas marcher, ça va être un chameau.
05:21Il y en a qui calculent en pouces, il y en a qui calculent en centimètres.
05:25Ils ont oublié une chose, c'est qu'on avait fait Concorde et qu'on est allé au bout avec les Anglais.
05:29Les ingénieurs d'Airbus décident d'attaquer Boeing sur le marché des moyens courriers.
05:34Ce nouvel avion européen est baptisé A300.
05:37Contrairement à Boeing, il est capable de transporter 300 passagers avec deux réacteurs.
05:42Quand la concurrence, on utilise trois ou quatre.
05:45Lors du premier roulage Airbus, avant le premier vol, j'étais aux commandes et on a roulé face au Concorde.
05:53Devant les autorités, les hommes politiques, la terre entière était là.
05:58Et puis toute l'aérospatiale.
06:00Et donc on roule face au Concorde.
06:02C'était nous quand même le premier vol.
06:04Enfin, à la veille du premier vol, le Concorde volait déjà.
06:08Et à la fin du flonflon, quand on a mis le frein de parking,
06:14on a vu toute la foule qui se dirigeait vers le Concorde.
06:18Alors on était plutôt déçus.
06:20Et je suis sorti sur l'échelle et le directeur d'usine qui était un ami à moi, Bernard Dufour,
06:26est venu me trouver et m'a dit, Bernard, qu'est-ce qu'on va faire avec ta grosse vache ?
06:32Il reste maintenant à transformer cette grosse vache en une vache à lait
06:36pour les quatre états européens qui ont financé cette aventure à fond perdu.
06:40Le défi est d'autant plus difficile à relever que la concurrence plane de succès en succès.
06:46Le Boeing 747 est en service depuis deux ans.
06:49Il fascine toutes les compagnies aériennes, y compris en Europe.
06:54Air France est même l'une des premières à acquérir le très gros porteur de Boeing.
07:00En ce début des années 70, Airbus ne pèse pas lourd aux yeux de Boeing,
07:04bien trop occupé sur un autre front, américain celui-ci.
07:11Boeing était beaucoup plus préoccupé par la bataille que se livraient
07:14Douglas et Lockheed sur le marché des trimoteurs.
07:17Alors ils se sont dit, ne nous mêlons surtout pas de ça.
07:20De toute manière, il y aura un gagnant et un perdant, et cela ne peut que nous arranger.
07:24Quant à la 300, il marchera peut-être, et si c'est le cas, nous ferons mieux.
07:31Je pense que la 300 avait un bel avenir devant lui,
07:37et que Boeing ne l'a pas suffisamment pris au sérieux.
07:48Et quand, après les essais en vol de la 300, quand la 300 a été certifiée,
07:53on n'avait plus rien à faire.
07:57J'ai décidé à l'époque, avec l'accord bien sûr de Bettei, d'aller faire les vendeurs.
08:02Et donc on s'est baladés dans le monde entier,
08:05et à partir de ce moment-là, on a baladé l'avion,
08:08on l'a amené en Amérique du Sud, au salon de Sao Paulo,
08:12on a fait beaucoup de choses, et on a rencontré les compagnies aériennes.
08:17Et curieusement, on était plus crus des compagnies aériennes,
08:21parce qu'on était des ingénieurs, des pilotes,
08:25qu'un commerçant qui, a priori, vend sa Kaamelott.
08:30Nous, on ne vendait pas la Kaamelott, on disait que notre avion était le meilleur,
08:34et qu'on expliquait pourquoi.
08:42Le continent américain est la chasse gardée de Boeing.
08:45Airbus choisit des chemins de traverse.
08:48Il mise sur l'Inde et l'Asie pour ses premières campagnes commerciales.
08:52Cette stratégie se révélera payante lorsque ces pays émergeront.
09:02Les carnets de commandes restent désespérément vides.
09:05Même les transporteurs européens hésitent à s'engager.
09:10En 1974, Airbus n'a vendu que quatre appareils.
09:14L'ambition européenne a pris un sérieux coup dans l'aile.
09:19Il faut reconnaître que l'aviation européenne avait très mauvaise réputation.
09:25Très mauvaise réputation parce qu'il n'y avait pas d'après-vente.
09:29L'après-vente, c'est pas ce que c'était.
09:31Et dans les calculs financiers que l'on faisait sur l'amortissement de l'avion,
09:35on ne comptait pas un sou d'après-vente.
09:37L'après-vente, c'était payé par le client, c'est bien connu.
09:40Une page de l'histoire d'Airbus se tourne.
09:43Fini le temps des ingénieurs.
09:45Place au capitaine d'industrie, l'œil rivé sur les marchés à conquérir et les défis à relever.
09:50Un énarque de 46 ans arrive aux commandes.
09:53Bernard Latière, un redoutable négociateur.
09:56Il a la réputation de pouvoir vendre du pétrole au pays de l'OPEP.
10:00À peine arrivé, le nouveau patron doit sauver un contrat.
10:03Six heures et demie, le téléphone sonne.
10:08Et une voix à l'accent de gendarme alors.
10:11Vraiment, un gendarme.
10:13Il me dit, ici le service du chiffre du ministère des Affaires étrangères.
10:19L'ambassadeur a délit.
10:21Il a téléphoné, il a téléxé pour dire que l'affaire était foutue,
10:27si vous n'y allez pas tout de suite, parce que les armiques qui en sont revenus
10:30et le quid avait mis, je crois, 6 millions de dollars sur la table pour enlever le coup.
10:35Bon ben, j'ai aussi fait venir Betteye à Paris
10:39et 36 heures après, on était là-bas.
10:44Alors j'ai eu deux coups de chance.
10:47Le premier, c'était de pouvoir dire au maréchal Lal,
10:54écoutez, je vous remercie d'être dur comme ça avec nous,
10:58parce que vous me permettez d'être dans mon pays natal le jour de mon anniversaire.
11:03C'était vrai. C'était vrai.
11:06Et on va déjeuner dans un hôtel d'État.
11:08Et alors le hasard a voulu que la table à côté, il y avait les 15 mètres de Boeing
11:12et la table à gauche, il y avait les 18 mètres de Lockheed.
11:15Et lorsqu'à la fin du déjeuner, ils ont vu arriver un gâteau d'anniversaire
11:19et le staff d'Indiana Airlines se levait en chantant Happy Birthday to you, Bonnard,
11:23ils ont dit, ça sent le roussi.
11:27Mais Airbus n'a toujours pas résolu son problème numéro un,
11:30doubler Boeing sur son territoire.
11:33Il fallait conquérir le monde.
11:35Et conquérir le monde, ça passe par les États-Unis.
11:38Il fallait surclasser, comme on dit, en passant de la classe Éco la première,
11:43il fallait surclasser Boeing.
11:45C'est-à-dire que si Boeing envoyait pour la dernière visite son directeur commercial,
11:49c'est ce qu'il faisait normalement, c'était d'ailleurs son boulot,
11:52Airbus Industrial envoyait le président.
11:56Pour forcer la porte du continent américain,
11:58Pour forcer la porte du continent américain,
12:00Airbus tente un coup de poker.
12:04L'ancien astronaute Frank Borman, devenu PDG de la compagnie Eastern Airlines,
12:08doit renouveler sa flotte vieillissante.
12:10Bernard Latière lui fait une proposition qui ne se refuse pas.
12:14Ça devait m'avenir du fait que mon père était concessionnaire d'automobiles, vous savez,
12:18on vous prête la Rolls pour le week-end et puis vous l'achetez le lundi.
12:21J'ai failli être foutu à la porte par le conseil de surveillance d'ailleurs,
12:24on leur a prêté quatre avions pour six mois gratuitement.
12:27Ce qui était prendre un risque énorme parce qu'on leur prêtait des avions neufs
12:30et quand ils ont volé, ça ne vaut pas le même prix,
12:33ça tournait autour de 150 à 200 millions de dollars, le risque qu'on prenait.
12:37Mais je savais que lui de son côté, il en prenait un,
12:40parce qu'il fallait qu'il forme une centaine d'équipages.
12:52Entre Airbus et Boeing, la guerre vient de commencer.
12:55Aux États-Unis, les représailles ne se font pas attendre.
12:58Immédiatement, Airbus fait l'objet d'une violente campagne de dénigrement.
13:02Les autorités sanitaires américaines entrent dans la danse.
13:07Ils ont mis les avions au sol parce que les hôtesses de l'air avaient des boutons.
13:11Elles prenaient des boutons dans l'Airbus, des boutons sur la figure.
13:18Mais d'où venaient-ils ?
13:20Qu'est-ce qui pouvait bien provoquer ça dans l'A300 ?
13:24Je suis parti avec un médecin d'Air France qui est venu avec moi
13:30et qui très vite a vu le poteau rose,
13:33les gilets de sauvetage qu'Histerne avait mis avaient de la peinture rouge
13:39et les hôtesses enfilaient le gilet pour faire la démonstration.
13:43Elles attrapaient des boutons.
13:46Nous avons compris que l'A300 n'y était pour rien.
13:50Mais c'est bel et bien dans l'A300 que c'est arrivé.
13:56Le conflit se transporte à Washington, au Congrès américain.
13:59Les parlementaires dressent un violent réquisitoire contre Airbus.
14:02L'affrontement entre les deux constructeurs vient de prendre une nouvelle dimension, politique.
14:12Je déplore simplement qu'une de nos compagnies aériennes ait seul privilège
14:16d'utiliser 4 Airbus gratuitement pendant une période de 6 mois.
14:21Ceci constitue une aide financière déloyale vis-à-vis de la concurrence.
14:25Malgré la pression du Congrès, Frank Borman persiste et signe.
14:29Il achète ferme 32 Airbus A300.
14:32Nous sommes contents des moteurs, des composants et de tous les systèmes.
14:37Nous souhaitons en acheter d'autres car nous sommes persuadés
14:40que c'est l'avion qui sera le plus demandé dans sa catégorie jusqu'à la fin du siècle.
14:47Les avions ont été bradés.
14:50Eastern Airlines, qui était au bord de la faillite, les a obtenus pour presque rien.
14:58Airbus n'a pas cherché à gagner de l'argent sur cette opération.
15:01C'était une vente à perte.
15:05C'était surtout la première référence américaine.
15:08Les japonais, qui ne nous parlaient même pas parce qu'ils ne recevaient pas,
15:13ont commencé à ouvrir la porte.
15:15Et on a eu deux contrats qui ont suivi au Japon.
15:18Les gens nous disaient tranquillement, si vous n'avez pas eu de référence américaine...
15:22Cette fois-ci, c'est au tour de Boeing de faire une crise d'urticaire.
15:25Dans les bureaux de Seattle, ses ingénieurs planchent sur un nouveau projet.
15:29Un Airbus Killer.
15:32Le 26 septembre 1981, le Boeing 767 pointe son nez.
15:37La ressemblance avec l'Airbus A300 est troublante.
15:40Le rapport de force a changé.
15:42Désormais, les deux constructeurs s'observent et se copient.
15:49Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers.
15:52Et surtout, ne jamais prendre les concurrents à la légère.
15:57A-t-on été arrogant ?
16:00Sans doute.
16:01Et une partie de mon travail, lorsque j'ai pris la direction de Boeing,
16:05a consisté à les secouer.
16:07Et à leur dire, vous ne pouvez pas rester sur vos acquis.
16:10Réveillez-vous, innovez !
16:13Airbus rend coup pour coup.
16:15Au 767, il oppose un nouvel appareil, l'A310.
16:19Leur compétition ressemble maintenant à une partie de ping-pong
16:22dans laquelle chacun veut prendre l'avantage.
16:26Comme nous allons continuer de vendre,
16:27comme de surcroît nous avons lancé un nouveau modèle de A310
16:30dont nous avons déjà placé une soixantaine d'avions,
16:32et en Europe, et auprès d'une grande compagnie américaine,
16:35Eastern, qui a des options,
16:37cela veut dire que, pour la première fois, je crois,
16:40dans l'histoire européenne depuis l'âge du jet,
16:42on va atteindre une entreprise de dimension de taille américaine
16:45et pas de la taille artisanale qui était jusqu'à présent la taille européenne.
16:50Fantasme ou prémonition ?
16:51Au salon du Bourget, les dirigeants d'Airbus se sentent poussés des ailes.
16:55Bien, en ce qui concerne le concurrent américain, le 767,
16:58il est très clair que nous avons réussi à vendre l'Airbus A310
17:03contre le 767 dans des compagnies qui ne sauraient en aucun cas
17:08être suspectées de préférences européennes.
17:11Donc, eh bien, dans les 10 ou 15 années à venir, il y aura bagarre.
17:18La bagarre devient une guerre totale le 14 février 1987,
17:22lorsque ce jour-là, Toulouse attire tous les regards.
17:26Pour la première fois, Airbus vole la vedette à Boeing.
17:292000 invités, des chefs de gouvernement, mais aussi 36 compagnies clientes
17:33assistent à une cérémonie hors du commun.
17:40Telle une rockstar, le nouveau moyen courrier d'Airbus, l'A320, fait son entrée en scène.
18:00Jean Pierson, nouveau patron d'Airbus, a le privilège d'accompagner Lady Di,
18:04ma reine de l'appareil, au cours d'une mise en scène à faire palir d'envie Boeing.
18:19Au même moment, Washington ouvre les hostilités.
18:22La Maison Blanche menace l'Europe de sanctions financières
18:25si les gouvernements français et allemands continuent à subventionner Airbus.
18:29Airbus est un succès et poursuivra.
18:32Et il n'y a pas de bataille, il y a une agression,
18:35ou une éventuelle agression américaine, totalement infondée,
18:38sur des arguments de parfaite mauvaise foi,
18:41et qui ne sont pas de nature à influencer le moins du monde,
18:44les Européens en général, les Français en particulier,
18:47car ils n'ont à cet égard aucun complexe.
18:50Les avances renforcées, c'est-à-dire la mise en scène,
18:54Les avances remboursables que nous donnons à notre industrie sont peu de choses,
18:58à côté des aides considérables, publiques,
19:01qu'au titre des programmes militaires, les Américains donnent à leur industrie aéronautique civile.
19:06Au cœur de ce conflit s'affrontent deux visions de l'économie de marché,
19:10mais avec de part et d'autre un même objectif,
19:13soutenir une industrie nationale et souveraine, la construction aéronautique.
19:18Je pense que la différence majeure entre Airbus et nous,
19:21c'est que lorsque nous lançons un nouvel avion, c'est Boeing qui investit.
19:24Nous le payons intégralement.
19:27Du point de vue américain, l'aide qu'a reçue Airbus à ses débuts
19:30a permis d'écarter beaucoup de risques liés à ce secteur.
19:33Au lieu d'emprunter de l'argent ou de puiser dans nos fonds propres pour le financer,
19:37comme le font les constructeurs américains,
19:40Airbus a reçu l'argent directement du gouvernement.
19:44C'était un prêt remboursable, mais seulement en cas de succès commercial.
19:48Donc, du point de vue américain, c'était l'option risque zéro.
19:57Mobilisé par son combat contre l'Union soviétique,
20:00Ronald Reagan ne va pas plus loin dans ses menaces.
20:03Le président américain ne peut pas se mettre l'Europe à dos.
20:10Paradoxalement, à cette époque, Boeing ne rencontrait aucune difficulté.
20:15Il bénéficiait des commandes militaires de Reagan.
20:19Aux yeux de Boeing, comme de ceux du gouvernement américain, c'était un avertissement.
20:27Après ce tir de sommation, des négociations s'engagent.
20:30En 1992, Européens et Américains finissent par s'entendre sur le financement de leur industrie.
20:38Cet accord sur l'industrie aéronautique avait une grande importance pour l'Europe
20:43parce qu'il légitimait les subventions dont bénéficiait Airbus.
20:51Du côté américain, l'accord stipulait que Boeing ne pouvait pas bénéficier
20:55de la part du ministère de la Défense ou de la NASA
20:58d'aides supérieures à 6% des coûts de développement.
21:03C'est un accord qui est toujours valable aujourd'hui.
21:07La trêve est de courte durée.
21:10Moins d'un an après les accords de 1992,
21:13Bill Clinton, fraîchement élu à la Maison-Blanche, se rend chez Boeing.
21:19Dans un discours d'une rare violence,
21:22il dénonce les avances remboursables dont bénéficie Airbus.
21:37Sans état d'âme, Bill Clinton vient de remettre en cause
21:40l'accord passé entre les États-Unis et l'Europe.
21:43Mieux, il porte pour le moment le nom du premier président de l'Union Européenne,
21:48le président de l'Union Européenne,
21:50qui, en 1993, a décidé de réformer l'Aérodrome de l'Aérodrome,
21:54qui, en 1999, a décidé de réformer l'Aérodrome,
21:57qui, en 1999, a décidé de réformer l'Aérodrome,
22:00et qui, en 1999, a décidé de réformer l'Aérodrome,
22:04Mieux, il porte plainte contre Airbus pour concurrence déloyale.
22:08C'est désormais à l'Organisation mondiale du commerce de trancher le litige.
22:12En réalité, il s'agit d'un coup de billard à trois bandes.
22:18Boeing venait d'annoncer d'importants licenciements
22:21qui, à mon sens, étaient liés à la crise que traversait le transport aérien.
22:27Clinton a utilisé cette situation pour s'en prendre aux Européens
22:32et déclaré que les difficultés de Boeing
22:35étaient liées à une concurrence déloyale de l'Europe.
22:43On prend les mêmes et on recommence.
22:46Les arguments des uns et des autres ne varient guère sur la question.
22:50Les subventions américaines sont incontestables.
22:53Nous avons estimé, nous ne sommes pas sûrs d'être arrivés au bout du calcul,
22:58sans prendre en compte ce que j'appellerais les bénéfices
23:03d'un fantastique marché militaire intérieur.
23:07Nous arrivons, ces dix dernières années, à 23 milliards de dollars.
23:11Ce lien entre nos activités civiles et militaires
23:14fait partie de l'ADN de Boeing.
23:17Le premier contrat qu'a emporté Bill Boeing
23:20était pour construire un avion destiné à entraîner la marine américaine.
23:24Tout au long de notre histoire,
23:26cette combinaison du civil et du militaire
23:29nous a permis de faire face aux crises cycliques
23:32que traverse l'industrie aéronautique.
23:35Après avoir joué un rôle majeur pendant la Seconde Guerre mondiale,
23:40nous avons inventé l'aviation moderne
23:43avec de nouveaux avions comme nos bombardiers B-47 ou B-52,
23:48de nouvelles ailes
23:51et l'utilisation de moteurs à réaction
23:54qui ont abouti à la naissance d'une nouvelle génération d'avions commerciaux.
24:00N'oublions pas que l'intervention des gouvernements dans l'industrie aérospatiale,
24:06que ça vous plaise ou non,
24:08est une chose courante partout dans le monde.
24:12C'est le cas en Russie, en Chine, en Europe,
24:16tout comme aux États-Unis.
24:18Ils ont juste différentes formes de soutien gouvernementaux.
24:23À mon avis, nous pourrions dépenser notre argent
24:26autrement mieux qu'auprès d'avocats de part et d'autre de l'Atlantique.
24:31Mais s'il faut le faire,
24:33je suis prêt à continuer pendant encore quelques rounds.
24:40Pendant les affaires, les affaires continuent.
24:43L'A320 séduit un nombre croissant de compagnies aériennes par sa modernité.
24:48Pour la première fois, le constructeur européen fait la différence
24:52non pas sur les ristournes qu'il peut offrir,
24:54mais sur ses avancées technologiques.
24:57C'est ça la grande innovation qu'Airbus a apportée à travers l'A320,
25:01qui a d'un seul coup ringardisé les avions qui n'offraient pas ces systèmes experts,
25:08permettant d'assurer que l'avion restait en permanence dans son domaine de vol,
25:12indépendamment même du comportement des pilotes.
25:19Le succès de l'A320 ouvre un nouvel horizon à Airbus.
25:22La perspective de dépasser un jour Boeing.
25:25Deux décennies après sa création,
25:27le constructeur européen est devenu incontournable.
25:32L'A320 marque sans aucun doute l'entrée d'Airbus dans la cour des grands.
25:38Tout est une affaire de volume.
25:40Construire une dizaine d'avions, c'est bien.
25:42Mais les construire par centaines vous permet de réduire vos coûts de fabrication.
25:47À l'époque de l'A300, c'était un par mois,
25:50ce qui est négligeable en termes de puissance industrielle.
25:54Lorsque vous atteignez la centaine,
25:56comme Airbus l'a fait à la fin des années 90 avec l'A320,
26:00vous avez une marge de manœuvre pour fixer vos prix,
26:03qui est beaucoup plus importante.
26:05Vous êtes plus compétitif.
26:09Pour autant, Boeing est loin d'avoir perdu toute son arrogance.
26:13Réponse du berger à la bergère,
26:15il fête la sortie de son 1000e 747.
26:18Le message est clair.
26:20Vous êtes bien loin de pouvoir faire mieux que nous.
26:25Notre activité est faite de cycles longs.
26:29Le laps de temps qui s'écoule entre la décision de construire un nouvel avion
26:33et son arrivée sur le marché peut être de 5 à 10 ans.
26:39Une fois que ces produits sont introduits sur le marché,
26:42leur durée de vie peut atteindre des décennies.
26:45Nous travaillons sur le long terme
26:47et toutes les décisions que nous pouvons prendre sont capitales.
26:50Les investissements de départ sont considérables.
26:53Il ne faut pas se rater.
26:55C'est qu'en faisant les bons paris ou les bons choix technologiques
26:58que l'on peut espérer avoir des bénéfices qui s'étaleront sur des décennies.
27:04Construire des avions rentables est une obsession pour Boeing comme pour Airbus.
27:08Le constructeur européen tente sa chance sur le créneau des longs courriers.
27:12Avec l'A340, il espère décrocher le pactole.
27:15Mais Boeing a un coup d'avance.
27:17Il prépare un appareil révolutionnaire de 350 places.
27:21Du sur mesure, entièrement conçu de manière digitale
27:24et avec le concours de 8 compagnies aériennes.
27:28J'ai pu inventer un avion
27:30qui devait être plus performant qu'un A330 ou un A340.
27:40Nous sommes partis d'une feuille blanche
27:43avec la possibilité de créer un super avion.
27:47Il ne s'agissait pas de faire de ce modèle un Airbus Killer,
27:55mais de proposer un avion qui réponde au mieux aux besoins des clients.
28:02C'était exaltant et nous avons pu le faire.
28:05Mais ce n'est seulement qu'en 1992
28:09que Boeing a décidé ce que j'appellerais la vraie compétition,
28:13c'est-à-dire je vais lancer des bons avions.
28:16Et ils ont lancé le 777 qui est un magnifique avion,
28:20qui est un magnifique programme.
28:22Et là, c'est la vraie compétition
28:24parce qu'à ce moment-là, vous répondez un avion par un autre avion.
28:30Mais trop gros, trop gourmand en carburant,
28:32l'A340, ce quadri-réacteur long-courrier,
28:35est la première erreur stratégique d'Airbus.
28:37Dans ce cas, la sanction des clients, même les plus fidèles, est sans appel.
28:44On arrive assez vite à la conclusion
28:47que pour ce qui concerne Air France et compte tenu de son réseau,
28:51le meilleur avion pour nous dans le futur est le 777-300ER
28:55et non pas le 340-600.
28:57Et une fois que cette décision a été prise,
29:01longuement mûrie à travers une série de réunions,
29:04énormément d'études,
29:06que ce choix s'impose pour moi à l'évidence,
29:12je demande à rencontrer l'actionnaire commun d'Airbus et d'Air France,
29:18qui est le gouvernement,
29:20et je demande un rendez-vous au Premier ministre, Lionel Jospin,
29:22pour lui expliquer ce qu'est mon foi
29:25et ce que je m'apprête à annoncer.
29:27Je crois savoir que Lionel Jospin lui a dit naturellement
29:31« Je regrette votre décision,
29:34mais si vous pensez que c'est l'intérêt de la compagnie, faites-le. »
29:37Avec le recul, nous ne nous sommes pas trompés,
29:42puisqu'on est maintenant en 2015
29:45et on voit bien que la 340-600 n'est plus produite, n'est plus vendue.
29:50Aujourd'hui, Air France-KLM a la deuxième flotte de 777 dans le monde.
29:58Air France seule a la troisième flotte de 777 dans le monde.
30:04Et savez-vous comment on appelle le 777 à l'intérieur de la France ?
30:08Cache-machine.
30:10Airbus rebondit en Asie.
30:12La mondialisation des marchés a au moins cet avantage.
30:15Elle offre plusieurs terrains de chasse
30:17où Airbus peut espérer planter ses drapeaux.
30:19Le nombre d'avions, c'est fonction de la croissance du trafic aérien.
30:23Vous n'y êtes pour rien dans le nombre d'avions commandés.
30:27C'est la croissance du marché qui fait ça.
30:30On voit bien que les zones Europes sont en déclin.
30:32C'est la zone Asiatique qui prend la relève.
30:35Mais ce qui compte, c'est si vous avez votre produit
30:39qui est connu dans tous les pays de la zone en question,
30:43tous les pays en question vont vous commander l'avion.
30:49À la fin des années 90,
30:51Airbus a réussi à étendre sa toile sur les cinq continents.
30:54Il est présent en Chine, à Singapour, au Vietnam, en Inde,
30:58au Brésil, en Australie, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient et en Europe.
31:02Seule la Grande-Bretagne résiste.
31:05Mais un avion à 100 millions de dollars ne se vend pas comme des savonnettes.
31:09Les négociations sont longues et pleines de rebondissements.
31:12En 1996, le patron d'US Airways, Steve Wolf,
31:16un client acquis à Airbus, veut renouveler sa flotte.
31:19Jean Pierson, alors PDG d'Airbus, n'hésite pas à payer de sa personne.
31:23On me demande de venir à Washington.
31:26Pour rencontrer Steve Wolf et en me disant
31:29« Bon, tout est négocié, il faut faire un peu de cinéma, un chèque-Inde,
31:35et puis ça y est, c'est vendu. »
31:37Bien.
31:39Donc réunion le matin, dans le bureau de Steve Wolf,
31:43on est en tête-à-tête, tous les deux,
31:45et Steve Wolf me met un papier avec 25 points.
31:49Surprise !
31:51Je ne vous dis pas ce que mes troupes ont entendu quand je suis ressorti,
31:55mais bon.
31:57Alors, il y avait 25 points, alors je prends connaissance,
32:01et assez rapidement, je dis « Bon, ça, tous ces points-là, on va dire oui.
32:08Ces points-là, on va négocier un peu, mais bon, on va négocier. »
32:14Et puis là, c'était les baisses de prix, alors là...
32:18Et à ce moment-là, j'étais dans une période
32:22médicalement de cure d'amégrissement,
32:25et je me suis levé, j'avais un costume qui n'était pas adapté à mon amégrissement,
32:32et je me suis levé, j'ai tombé la ceinture,
32:35et j'ai dit « Voilà, je ne peux plus. Fin de négociation. »
32:41Il a rigolé, il a éclaté de rire, il a appelé sa secrétaire,
32:45j'ai eu juste le temps de remonter parce qu'il ne fallait pas...
32:48Et on a bu le champagne, et c'était fait.
32:50Jamais déculottée n'a été aussi payante.
32:53400 avions, la plus grosse commande de l'histoire de l'aviation civile.
32:57Airbus commence à se voir en haut de l'affiche,
33:00et pourquoi pas un jour au-dessus de Boeing.
33:03Aux États-Unis, le retour de bâton ne se fait pas attendre.
33:07En 1997, Boeing dégaine l'arme financière.
33:11Il met 13 milliards de dollars sur la table pour racheter son principal concurrent,
33:16McDonnell Douglas, très présent sur le marché militaire.
33:19Phil Condit pilote l'opération.
33:43Avec cette fusion, il s'agissait pour nous
33:46de construire une société plus forte financièrement.
33:51L'objectif n'était pas de concurrencer Airbus ou de l'étouffer,
33:55mais de consolider notre capacité d'initiative et de résistance au marché.
34:02La commission européenne, convaincue qu'il s'agit d'une manœuvre pour étouffer Airbus,
34:06s'invite dans la partie.
34:08La flotte aérienne, dans les mains dépendant de Boeing,
34:13va passer de 60 à 80 % et que c'est manifestement une tentative d'étouffement d'Airbus.
34:18Ah ben nous, on est allés les emmerder un peu à Bruxelles.
34:22Sans surprise, l'Europe menace de mettre son veto à la fusion Boeing-McDonnell Douglas.
34:27La politique vient à nouveau se mêler au conflit.
34:44Bruxelles exige une concession majeure de Boeing.
34:47Renoncer au juteux contrat d'exclusivité passé avec quelques compagnies américaines.
34:52Boeing, en dernière minute, a proposé de renoncer au juteux contrat d'exclusivité
35:00passé avec quelques compagnies américaines.
35:03Et nous avons dit qu'on allait renoncer.
35:08Boeing, en dernière minute, a proposé ou accepté le remède qu'on cherchait en vain depuis des semaines,
35:17c'est-à-dire sur le point des contrats de longue durée et d'exclusivité.
35:22Et donc je peux constater avec satisfaction que sur ce point-là, la commission a eu gain de cause.
35:29Airbus et Boeing sont désormais seuls en piste.
35:32Mais l'avantage reste à l'avionneur américain.
35:35En cette fin de 20ème siècle, Boeing pèse 58 milliards de dollars,
35:40quand Airbus annonce un chiffre d'affaires de plus de 24 milliards.
35:44Paradoxe de l'histoire, en 1999, Airbus annonce pour la première fois avoir vendu plus d'avions civils que Boeing.
35:51Face aux Etats-Unis, l'Europe riposte.
35:54Pour peser dans la balance, elle exige de ses industries aéronautiques civiles et militaires qu'elles se regroupent elles aussi.
36:01S'il n'y a que trois sociétés dans le monde qui fabriquent des hélicoptères,
36:05s'il n'y a que trois sociétés dans le monde qui fabriquent des lanceurs spatiaux, des satellites et autres, nous serons de cela.
36:13La société EADS regroupe désormais les activités aéronautiques d'Airbus,
36:18du fabricant de missiles Matra, de la fusée Ariane et de l'allemand Daza,
36:22constructeur de l'avion de chasse européen Eurofighter.
36:25Signe de l'enjeu de cet accord, il est ratifié par les chefs de gouvernement français et allemands en personne.
36:31Ce nouveau conglomérat pèse 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit moitié moins que Boeing.
36:42A l'occasion de son baptême, EADS s'offre un joli cadeau, le lancement du plus gros avion jamais imaginé.
36:48Nom de code A3XX, plus connu aujourd'hui sous le nom d'A380.
36:53Capacité jusqu'à 800 passagers.
36:55L'investissement nécessaire est à la hauteur du gigantisme de ce projet, 11 milliards d'euros.
37:00Objectif, tailler en pièces le monopole du Boeing 747.
37:07De son côté, le constructeur américain fait un autre pari, le Dreamliner,
37:12son nouvel avion de 200 à 300 places entièrement construit en matériaux composites,
37:17donc plus léger et moins gourmand.
37:19Nous avons une analyse qui est basée sur l'expérience et l'évolution de nos ventes,
37:27qui fait que nous pensons que les très gros porteurs 747-8 à A380
37:35ont un marché limité dans les 20 ans qui viennent de 540 avions.
37:40540 avions sur 38 000 qui seront vendus.
37:4438 000 qui seront vendus.
37:46C'est donc un marché peu important.
37:50Dans 20 ans, on aura plus d'une centaine de villes qui seront des mégacités.
37:56Il faudra bien les alimenter avec des avions plus gros.
37:59La Chine, par exemple, va exploser dans son trafic international
38:03et vous verrez que l'A380 la trouvera toute sa place.
38:08Entre Airbus et Boeing, c'est une histoire d'ADN.
38:11L'Européen est un joueur de poker. Il aime les risques.
38:15L'Américain est un investisseur prudent, soucieux de ses actionnaires.
38:21Imaginez un match de football entre l'Europe et les États-Unis.
38:27L'une des équipes se présente en short avec une balle ronde et un filet
38:31et prétend frapper la balle uniquement avec les pieds.
38:34L'autre équipe arrive avec des casques, des épaulières et une drôle de balle
38:38et vous explique qu'il faut la lancer et la rattraper.
38:41Chaque équipe est convaincue que ses règles sont les bonnes.
38:47Au début des années 2000, la bataille change de front.
38:50L'arrivée sur le marché des compagnies low-cost et celles du golf,
38:54qui n'hésitent pas à acheter des avions par centaines,
38:56marquent un tournant dans l'histoire de l'aviation.
38:59Après le règne des ingénieurs, puis le temps des capitaines d'industrie,
39:03voici l'époque du client roi.
39:09Vous pouvez construire autant d'avions que vous le souhaitez,
39:12mais vous avez besoin de clients comme moi pour vendre ces avions
39:15et pour produire encore plus d'avions.
39:18Mais si vous n'avez pas d'acheteurs, c'est inutile de construire des nouveaux avions.
39:22La personne clé de toute cette chaîne est le client.
39:26Dans cette nouvelle ère, si le client est roi, le vendeur devient prince.
39:32Le pouvoir est passé entre leurs mains.
39:34Ce sont eux qui font le chiffre d'affaires,
39:36à l'image de John Lay, grand manitou des ventes d'Airbus.
39:40200 jours par an, il prospecte à travers le monde.
39:43En Inde, il tente de placer le futur de l'avion
39:46dans l'équipe de l'entreprise.
39:48Il s'inscrit dans l'équipe d'Airbus.
39:50200 jours par an, il prospecte à travers le monde.
39:53En Inde, il tente de placer le futur A380.
39:58Tu sais, il y a plus d'un milliard de personnes en Inde à l'heure actuelle.
40:01Et la classe moyenne ici est plus importante qu'en Europe ou aux Etats-Unis.
40:13Sa cible, 15 millions de voyageurs coincés dans les trains durant deux jours
40:17quand ils pourraient passer seulement deux heures en avion.
40:21Mon business, c'est de transporter des passagers.
40:24Et si vous pouvez rendre cela plus efficace à un coût inférieur,
40:27je pense que c'est plus intéressant qu'un avion plus petit.
40:31Et vous cherchez les mêmes tarifs que ceux du train ?
40:34Actuellement, au moins 30% des sièges sur chaque vol
40:37me reviennent au prix du train, voire en dessous.
40:43Eh bien, on a un problème.
40:45Un gars qui, vous démarrez, vous êtes pris dans le jeu.
40:50Et puis chaque campagne commerciale est un jeu.
40:53C'est qui ne gagne pas perd.
40:56Mais on est dans la lutte à mort.
40:58Tout est existentiel.
41:00Et ça l'est d'autant plus qu'il y a toujours la perte.
41:05La perte, c'est la perte.
41:07La perte, c'est la perte.
41:09La perte, c'est la perte.
41:11Et c'est d'autant plus qu'il y a toujours la perspective
41:16de pouvoir livrer une bataille décisive.
41:19Et s'il est une bataille décisive,
41:21c'est bien celle qu'Airbus et Boeing se livrent au début des années 2000
41:24sur un autre marché, celui de l'aviation militaire.
41:30L'une des raisons pour laquelle nous avons fusionné avec McDonnell Douglas
41:34était de renforcer nos capacités dans le domaine militaire
41:37en complément de l'aviation civile.
41:42L'objectif étant d'équilibrer ces deux secteurs.
41:48Ce fut une excellente décision car après le 11 septembre,
41:51l'aviation civile a traversé une crise sans précédent
41:54et nos activités militaires nous ont permis d'y faire face.
42:01Après le 11 septembre, l'armée américaine doit impérativement
42:05renouveler sa flotte d'avions ravitailleurs.
42:07Ces appareils permettent aux chasseurs de refaire le plein en cours d'une mission.
42:11Boeing est bien entendu sur les rangs,
42:13mais Airbus joue les troubles faites et s'invite à l'appel d'offres.
42:19Dans l'histoire des avions ravitailleurs,
42:25il y avait une concurrence entre le ravitailleur Airbus,
42:29basé sur le fuselage de l'A330,
42:33qui était un excellent avion,
42:38et celui de Boeing, basé sur le 767,
42:42qui était déjà un avion obsolète.
42:47C'est un contrat sans équivalent.
42:49179 appareils pour 35 milliards de dollars.
42:54Le feuilleton va durer près de 10 ans
42:56et impliquer plusieurs présidents de part et d'autre de l'Atlantique.
42:59Dans un premier temps, en 2003,
43:01l'appel d'offres est remporté sans surprise par Boeing.
43:04Mais il est cassé pour cause de corruption.
43:06Une responsable des achats de l'administration américaine
43:09a accepté de favoriser Boeing en échange d'un emploi chez l'avionneur américain.
43:15Airbus repart à l'attaque.
43:17Pour mettre toutes les chances de son côté,
43:19il s'associe avec l'équipementier américain Northrop Grumman
43:23et propose d'assembler les futurs avions ravitailleurs aux Etats-Unis.
43:28Le verdict tombe au mois de février 2008.
43:46Airbus gagnant aux Etats-Unis.
43:48La chambre des représentants ne l'entend pas de cette oreille.
43:57L'armée américaine se devait de choisir le meilleur avion.
44:01Et c'était l'Airbus.
44:03C'est pour ça qu'ils ont choisi l'Airbus.
44:06Mais le Congrès américain, qui finance l'armée, leur a dit
44:10que l'Airbus était le meilleur avion.
44:13Et l'Airbus a été le meilleur avion.
44:16L'airbus a été le meilleur avion.
44:19L'airbus a été le meilleur avion.
44:22L'airbus a été le meilleur avion.
44:25Le Congrès américain, qui finance l'armée, leur a dit
44:28si vous voulez de l'argent des contribuables américains,
44:31vous ne pouvez pas acheter l'avion ravitailleur d'Airbus.
44:34Nous ne vous le permettrons pas.
44:40À Washington, les parlementaires réussissent six mois plus tard
44:43à faire requalifier l'appel d'offres
44:45et à le reporter après les élections présidentielles.
44:48La victoire d'Airbus a été de courte durée.
44:52L'élection de Barack Obama redistribue les cartes.
44:57La logique politique reprend ses droits.
45:15Airbus et Northrop Grumman étaient à 100 % républicains
45:19depuis les moteurs jusqu'à l'usine.
45:22Boeing était à 100 % démocrate.
45:25Les moteurs venaient du Connecticut, purement démocrate.
45:28Les avions, de Seattle, qui est évidemment un fièvre démocrate.
45:33En 2008, les démocrates ont balayé les républicains.
45:36Et c'est probablement le seul et unique facteur
45:39qui a provoqué ce brusque revirement.
45:42Il fallait absolument que cet avion soit politiquement correct.
45:46L'Europe rue dans les brancards.
45:49Ce sont des méthodes qui ne sont pas bonnes
45:51à l'endroit des alliés européens des États-Unis.
45:54Et ce sont des méthodes qui ne sont pas bonnes pour les États-Unis,
45:57qui est une grande nation, leader,
46:01avec laquelle nous sommes proches et amis,
46:04qui lutte contre le protectionnisme.
46:07Et s'ils veulent être entendus dans la lutte contre le protectionnisme,
46:12qui ne donne pas l'exemple du protectionnisme.
46:16Ce contrat-là avait été gagné value for money,
46:19comme on dit dans la langue de Shakespeare.
46:22Et je pense que ce qui s'est passé derrière, c'est qu'il y a des gens
46:25qui ont estimé, et le congrès américain, comme vous le savez,
46:28a la main sur les cordons de la bourse,
46:31que ça n'était pas présentable à l'opinion américaine,
46:34que l'armée américaine, qui se fournit chez Sodexo
46:37pour ce qui est du ravitaillement des casernes,
46:40qui est une grande entreprise française mondiale,
46:43ils ont probablement trouvé que ça allait trop loin
46:46pour ce qui concernait les avions-ravitailleurs.
46:49C'était Boeing contre Airbus.
46:52Et j'ai toujours dit à mes collègues, quand ils se plaignaient de Boeing,
46:55qui bataillait dur et tirait toutes les ficelles politiques possibles,
46:59que ferions-nous s'il y avait un énorme contrat à gagner en Europe
47:03et que Boeing, avec un produit fort,
47:06tentait de pénétrer notre marché ?
47:09Nous ferions tout, évidemment, pour gagner cette bataille.
47:17Il y a eu un appel d'offres.
47:19Cet appel d'offres, il était réel,
47:23il était intéressant,
47:26il était ouvert.
47:28La France est en train de s'équiper d'avions-ravitailleurs.
47:32Il n'y a pas eu d'appel d'offres.
47:35En perdant le contrat des avions-ravitailleurs,
47:38Airbus a réalisé qu'il devait jouer le jeu différemment aux États-Unis.
47:42Il avait besoin de plus de soutien
47:45et de s'intégrer plus profondément aux USA.
47:48Utiliser les investissements prévus pour les avions-ravitailleurs
47:52au profit d'une ligne d'assemblage de l'A320 en Alabama
47:56est un véritable pied de nez à l'histoire.
48:0112 ans après le début de l'affaire des avions-ravitailleurs,
48:05Airbus réussit enfin à devenir américain.
48:09Aujourd'hui, Airbus comme Boeing ont troqué leur nationalité d'origine
48:13contre une identité globale.
48:15Leur marché est mondial.
48:17Leurs usines sont appelées à suivre le même chemin.
48:20Est-ce que Tianjin et Mobile font partie de notre stratégie d'internationalisation ?
48:27Oui.
48:2810 ans auparavant, nous n'avions rien de tout ça.
48:31Il a fallu 10 ans pour se décider pour Tianjin.
48:34Cela fait 3 ans que nous avons décidé de construire une ligne d'assemblage à Mobile.
48:39Mais nous avions déjà eu des centres d'ingénierie
48:42et de gros contrats d'approvisionnement dans ces pays.
48:45Nous avons procédé étape par étape
48:48pour étendre notre empreinte internationale et industrielle.
48:54Boeing intervient dans le monde entier.
48:56Nous avons des dizaines de milliers de fournisseurs,
48:58certains aux États-Unis, beaucoup en Europe et en Asie.
49:01Nous travaillons tous dans une industrie mondialisée.
49:05Il faut être réaliste sur cette concurrence entre Boeing et Airbus.
49:10C'est de toute façon un duopole.
49:13À présent, les deux avionneurs se partagent la planète.
49:16Ils sont partout, parfois au même endroit.
49:19Ils se partagent les mêmes fournisseurs, les mêmes motoristes, les mêmes clients.
49:23Ils règnent sur un marché mondial dans une économie globalisée.
49:28Et quelle est la conséquence de ce duopole ?
49:31Pas de réelle innovation.
49:33Les avions se ressemblent.
49:35Les années, les décennies passent et ils sont tous pareils.
49:38Ce sont toujours des tubes avec des ailes.
49:41Pas d'ailes volantes, ni aucun autre engin volant, pas de capsule amovible.
49:45Il n'y a plus du tout d'innovation.
49:50La concurrence est bénéfique pour tout le monde.
49:53Les avions qui volent aujourd'hui sont beaucoup plus performants que jamais
49:58et nous en bénéficions tous.
50:00Mais qu'on le veuille ou non, savoir qui détient la plus grosse part du gâteau
50:05est une question capitale.
50:07C'est pour cela que ces pays vont continuer à s'affronter.
50:12Mais vous savez, cette concurrence acharnée au quotidien entre Boeing et Airbus
50:17est saine pour le marché, mais aussi pour les deux groupes.
50:21C'est la meilleure façon de nous protéger de l'entrée de nouveaux acteurs.
50:25Les Chinois, les Canadiens, les Brésiliens, les Russes.
50:32Airbus-Boeing. Leur intérêt commun est tout simplement colossal.
50:36Pour sanctuariser un pactole de 3000 milliards de dollars,
50:39le montant des commandes d'avions pour les 30 prochaines années,
50:43les adversaires d'hier sont devenus les meilleurs ennemis du monde.
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