Comparution immédiate _ juger vite juger mieux

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Un coup de couteau pour une insulte, un tabassage pour un coup de klaxon… Près de 800 cas de violence gratuite sont déclarés chaque jour en France. En 2017, les chiffres ont atteint des records. Pour juger les faits les plus graves, les magistrats disposent d’une procédure d’urgence : la comparution immédiate. À Nîmes, leur nombre a augmenté de 35% entre 2016 et 2017. Elle permet de juger les auteurs dans la foulée de leur garde-à-vue, parfois le jour même. Des audiences où prévenus et victimes se retrouvent face à face, dans l’émotion encore vive des faits. Exceptionnellement, nous avons pu poser nos caméras au Tribunal de Nîmes, et assister à ces procès.
Un tabassage pour un coup de klaxon… La victime, un jeune homme de 26 ans, a été rouée de coups de barre de fer. Mécanicien, il n’est pas sûr de retrouver l’usage d’une de ses mains. Cet acte d’une rare violence, la juge Christine Ruellan, l’a surnommée “L’affaire Orange Mécanique”. Si la victime est encore en vie, c’est grâce à l’intervention courageuse d’un pompier. “J’ai vu la haine dans leur regard, jamais, je n’avais vu un tel déferlement de violence. Si je n’étais pas intervenu, ils auraient fini par tuer ce pauvre jeune.” témoigne-t-il à la barre. Dans la salle d’audience, Lorraine Dorlhac, Procureur de la République, a écouté avec attention les parties présentes. Lors du procès, où elle représente les intérêts de la société, elle rappelle que « ce sont des faits qui pourraient arriver à n’importe lequel d’entre nous puisque dans notre société, ce sont les honnêtes gens doivent faire profil bas. » Lors de ses réquisitions, elle va demander des sanctions exemplaires à l’encontre des deux agresseurs…
En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Elles seraient 250 000 victimes de violences conjugales. Moins de 15% osent porter plainte. Jeanne est l’une d’elles. Son mari, jusqu’alors inconnu des services de justice, l’a séquestrée, humiliée et frappée une nuit entière. La jeune femme, ce qui est rarissime, a eu le courage de venir l’affronter devant les juges. Résistera-t-elle aux excuses de son mari, qui aux dires de son avocate “l’aime. L’aime mal, mais l’aime malgré tout” ?
Enfin, nous avons suivi le parcours judiciaire d’un jeune délinquant depuis sa garde à vue jusqu’à son jugement. Dans une station service, il a asséné un coup de couteau à un ancien collègue pour dit-il “se défendre après une insulte”. Au cours de l’audition, les gendarmes vont découvrir que la victime n’en est peut-être pas une… Comment la Procureur Lorraine Dorlhac et la Juge Christine Ruellan vont-elles appliquer la loi dans cette affaire complexe ?
À Nîmes, cette délinquance importante et les condamnations qui en résultent ont un impact direct sur le taux de surpopulation carcérale. À la maison d’arrêt, elle atteint + 230%. “Avec près de 100 matelas par terre” déplore Florence Sylvestre, Juge d’Application des Peines.
À ses côtés, nous avons rencontré Léa, 26 ans, toxicomane, c

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00:00...
00:10Bruits de la rue.
00:11...
00:15Bruits de la rue.
00:17...
00:19Veuillez vous lever.
00:21...
00:22Bonjour à toutes et à tous. L'audience est ouverte.
00:24Vous pouvez vous asseoir.
00:26...
00:28Alors, messieurs, on vous reproche d'avoir exercé volontairement
00:32des violences ayant entraîné 45 jours d'incapacité totale de travail.
00:3845 jours d'incapacité totale de travail.
00:42Les faits ont eu lieu, donc, en milieu d'après-midi,
00:45après un incident, je dirais, malheureusement banal,
00:49entre automobilistes, à propos d'un refus de priorité.
00:55L'agression a été particulièrement violente.
01:01C'était il y a deux jours.
01:03Étant donné la gravité des faits,
01:05les prévenus sont jugés dans la foulée de leur garde à vue.
01:09La victime, assise au premier rang, est à peine remise.
01:18Poignardée pour une insulte.
01:20Vous visiez quel endroit de son corps en lui donnant un coup de couteau ?
01:24Il est parti comme ça, je voulais pas le tuer.
01:29Ou encore battue, puis séquestrée par un mari jaloux.
01:36Et c'est parce qu'elle va prétexter de devoir aller au travail
01:38qu'elle peut s'échapper, parce qu'elle s'échappe.
01:41C'est ça, la réalité.
01:42Elle s'échappe de cette nuit d'enfer.
01:44Des faits graves, tous passibles de peines lourdes.
01:48Pour les juger rapidement, il existe une procédure d'urgence.
01:52La comparution immédiate.
01:54Les prévenus risquent jusqu'à dix ans de prison ferme.
01:58Exceptionnellement,
02:02nous avons pu filmer ces procès à chaud,
02:06dans les arènes judiciaires de Nîmes.
02:14Bien, messieurs, nous en venons aux faits.
02:18Il est 16h20, la victime, qui a 26 ans, rentre de son travail.
02:23Il est au volant de son véhicule polo et constate, dans Nîmes,
02:28qu'un véhicule Clio arrive vite sur sa gauche
02:31et s'apprête à lui griller la priorité.
02:37Il le klaxonne.
02:38Les deux chauffeurs descendent de leur véhicule.
02:41Ils se disputent verbalement.
02:44Une scène a priori banale.
02:47Les deux hommes remontent dans leur véhicule
02:53et se suivent sur une trentaine de mètres.
03:00Arrêtés à un feu, l'un des prévenus aperçoit alors la victime
03:05rentrer dans son immeuble.
03:08Logiquement, l'incident aurait dû en rester là.
03:12C'est du moins ce que croyait la victime, sauf que...
03:16Et là, je donne lecture de son audition.
03:20Je suis ressortie par le hall d'entrée pour aller faire mes courses à pieds.
03:25Et au moment où je suis arrivée dans le hall,
03:28je suis tombée nez à nez avec un individu, un grand black,
03:31et il a crié à un autre individu qui était devant la résidence.
03:35Et j'ai compris qu'il s'agissait du conducteur de la voiture
03:39qui avait été arrêté.
03:40Le conducteur de la voiture avec qui j'avais eu un souci.
03:44Il a sorti une arme de poing de devant son pantalon.
03:48Arme de poing, je pense, 9 mm.
03:50Et il a dit, si tu bouges, t'es mort.
03:53De là, le black a sorti un genre de canne de bois.
03:57J'ai eu le temps de taper le 17, mais rien de plus.
04:00J'ai reçu un coup de canne directement sur le front
04:03et mon téléphone est tombé au sol.
04:04Je me suis mise en boule, en position de survie.
04:07J'ai reçu plusieurs coups de canne au niveau de la tête,
04:10les mains, le bras, le dos.
04:12À un moment, la canne s'est cassée.
04:14Je dépose plainte, mais je crois que je vais devoir déménager.
04:16J'ai très peur.
04:19Le rapport des urgences relate un doigt sectionné,
04:24une fracture ouverte et des contusions sur l'ensemble du corps.
04:28Et à chaque fois, il me pointait avec l'arme.
04:30La victime, un jeune mécanicien,
04:33pourrait ne pas retrouver l'usage de sa main.
04:35Et c'était la même voiture que lors de l'incident sur la route.
04:39Sa survie, il la doit à ce pompier.
04:43Ce pompier, nous avons son procès-verbal d'audition
04:47dont je vais donner lecture.
04:50J'effectuais ma tournée pour les calendriers de la nouvelle année
04:52dans le quartier Notre-Dame.
04:54J'étais seule, car ce n'est pas un quartier en théorie difficile.
04:59Soudain, il entend des cris.
05:01Il se rue vers l'immeuble, s'interpose,
05:04se retrouve braqué à son tour
05:06avant de mettre en fuite les agresseurs.
05:09Très choqué, il s'est porté parti civil.
05:13J'ai vu la haine dans leurs regards.
05:15Jamais j'avais vu un tel déferlement de violence.
05:18Et il rajoutera, je suis sûre que s'ils n'étaient pas intervenus,
05:22ils auraient fini par tuer ce pauvre jeune.
05:27Les deux prévenus sont jeunes aussi, 23 et 24 ans.
05:31Ils reconnaissent l'agression, mais pas sa préméditation.
05:35Il nie s'être rendu dans l'immeuble de la victime
05:39pour y mener une expédition punitive.
05:42Je suis allé récupérer mon ami.
05:44J'ai dit que je m'étais pris la tête avec une personne, je faisais la grimace.
05:47Qu'avez-vous proposé de faire ?
05:49Rien. Il m'a tout simplement suivi bêtement.
05:52Et vous, monsieur, le but, c'était quoi ?
05:55J'ai vu sur son visage qu'il y avait un problème.
05:58Je sais que quand il y a un problème...
06:00Ca se voit ?
06:01Ca s'arrêtait.
06:02Qu'est-ce que vous vouliez faire ?
06:06C'était quoi, l'idée ?
06:08De voir la victime.
06:09De voir la victime.
06:11Pourquoi vouliez-vous voir la victime ?
06:14S'expliquer sur les faits qui se sont passés juste avant.
06:17S'expliquer sur les faits qui se sont passés juste avant.
06:20Mais pourquoi ?
06:22L'incident était clos.
06:23A ce moment-là, vous le voyez très énervé.
06:27Vous ne vous dites pas, 30 secondes,
06:29que d'aller voir la victime, ça peut dégénérer ?
06:34Pour préparer leur défense,
06:36les prévenus vont faire valoir un droit,
06:39peu invoqué lors d'une comparution immédiate.
06:42Le renvoi de leur procès.
06:45Ils n'ont pas à se justifier.
06:47Le tribunal est obligé de l'accepter.
06:50Vous voulez un délai ?
06:52Vous aussi, vous voulez un délai ?
06:54OK.
06:55Bon, eh ben, c'est...
06:58OK.
07:01Afin d'éviter toute intimidation ou représailles,
07:05les deux hommes sont maintenus en détention.
07:07Dans un mois,
07:09ils se retrouveront de nouveau face aux juges et à leurs victimes.
07:21Cette violence physique, gratuite,
07:24semble se banaliser.
07:28Plus de 1 600 cas sont déclarés chaque jour en France.
07:35Des faits qui se produisent souvent en pleine journée,
07:39dans des lieux publics.
07:43Comme cette station-service du centre-ville.
07:47Il y a trois heures, deux hommes s'y sont disputés.
07:50L'un d'eux a reçu un coup de couteau à quelques centimètres du coeur.
07:57Le suspect, âgé de 30 ans et père de deux enfants.
08:05On y va ?
08:06Il a été placé en garde à vue.
08:10Oui, asseyez-vous là.
08:12Les enquêteurs disposent d'un élément précieux.
08:17On va les regarder.
08:20Deux caméras de vidéosurveillance
08:23filment en permanence la station-service.
08:25La voiture du mis en cause.
08:27On y voit le suspect garé.
08:30Il semble attendre quelque chose.
08:33Lorsque la victime, à gauche, s'approche de lui,
08:39s'en suit une discussion animée.
08:44On va les regarder.
08:45Je sais, j'ai vu.
08:46Je suis en train de discuter. Je ne m'énerve pas.
08:53Le suspect s'apprête à monter dans sa voiture.
08:56Quand la victime revient vers lui et l'empoigne,
09:00elle l'entraîne à l'arrière de la station,
09:03à l'abri des regards et des caméras.
09:09Viens, on s'explique.
09:14Là, ça va pendant 15 secondes.
09:16Il n'y a plus rien.
09:18Laissez-moi garder le couteau.
09:21Il a insisté pour se battre. Je l'ai pris avec moi.
09:24D'accord.
09:25Je vais essayer de lui faire fuir.
09:28Après, j'ai vu qu'il m'a envoyé un croche-patte
09:31avec une patate.
09:32Voilà.
09:34Il est parti. Il était touché.
09:36Votre intention, c'était de le blesser ?
09:39Non. Je n'ai pas envie de me retrouver sur le carreau
09:42et de laisser mes enfants comme ça.
09:44Je ne voulais pas les faire mal.
09:47Je ne voulais pas les faire mal.
09:49La victime va au-devant de l'agresseur.
09:52Oui.
09:53C'est lui qui va au contact
09:55et le traîne à l'arrière de la station de lavage.
09:58Il en pointe par le col et le traîne derrière.
10:02Il y a une responsabilité quelque part.
10:05Après, le coup de couteau...
10:07Le coup de couteau pour une dispute, c'est un peu cher payé.
10:11Voilà.
10:12Dans la salle d'à côté...
10:15OK.
10:16...la victime, un homme de 26 ans,
10:19sort tout juste de l'hôpital.
10:23Ça va ?
10:24Ouais.
10:25Vous avez eu la chance, quand même.
10:29Parce que là, à l'endroit du coup de couteau,
10:32le médecin m'a dit qu'il y a une artère pas très loin.
10:35Si le couteau est un peu plus long,
10:37vous pouvez faire une hémorragie interne.
10:40Hier, vous êtes avec un ami dans votre véhicule
10:44et vous allez mettre de l'essence.
10:46Lui est déjà sur place ?
10:48Lui était déjà sur place. Il allait partir.
10:51J'ai pris un coup de couteau.
10:53J'ai pris un coup de couteau dans la tuile, pour lui.
10:57...
10:59Un élément va compliquer l'affaire
11:02et jeter le doute sur l'image de victime innocente du jeune homme.
11:06...
11:07A priori, vous vous connaissez ?
11:09Vous le connaissez du quartier, c'est ça, de longtemps ?
11:13Ouais, de longtemps.
11:14D'accord.
11:15L'enquête, pour l'instant, montre qu'il semblerait
11:18que vous ayez un différent.
11:20Pour moi, c'est futile, quoi.
11:23Vous auriez insulté sa mère...
11:25Voilà, de fils de...
11:28Et que lui, il vous cherche pour vous voir, quoi.
11:31C'est ça, il veut rendre des comptes.
11:33...
11:34On a parlé, et du coup, on s'est changé.
11:37Qui a mis le 1er coup ?
11:40Je sais pas, je m'en rappelle plus.
11:42On va signer la plainte. C'est bon pour moi.
11:45...
11:46Je vous raccompagne ?
11:48Derrière les barreaux,
11:51le père de famille a encore du mal à comprendre
11:54comment il en est arrivé là.
12:21Oh...
12:31Dans 2 jours,
12:32il sera jugé en comparution immédiate.
12:35En attendant,
12:36il dormira en prison,
12:38loin de sa famille.
12:41...
12:42...
12:43...
12:44...
12:45...
12:47...
12:48...
12:49...
12:50Ce matin, un mois après les faits,
12:53le procès de la violente agression
12:55pour un refus de priorité s'ouvre pour de bon.
12:58Les 2 prévenus seront jugés avant ce soir.
13:01...
13:02Lorène Dorlach, procureure,
13:05va requérir contre eux.
13:07...
13:08...
13:09...
13:10...
13:12C'est un dossier particulier, oui, quand même,
13:15car heureusement, ça n'arrive pas tous les jours.
13:18En revanche, le mécanisme,
13:20si je peux employer ce terme,
13:22est assez fréquent, malheureusement, à Nîmes.
13:26C'est-à-dire que pour un mauvais regard,
13:28un mauvais coup de klaxon ou une mauvaise réflexion,
13:32ça peut rapidement déraper.
13:34Les enjeux sont importants car on va requérir une peine lourde.
13:38Il y aura une certaine émotion dans la salle d'audience
13:42avec la victime qui ne veut pas apparaître
13:45à la barre de la partie civile.
13:47Oui, ça fait toujours quelque chose
13:50quand on arrive là tout de suite après les faits.
13:53Il y a une certaine émotion, c'est assez chargé.
13:56...
13:57L'affaire a fait la une de la presse locale.
14:00...
14:02...
14:03...
14:04Le public est venu nombreux.
14:06...
14:07...
14:09...
14:10...
14:11...
14:12...
14:13...
14:15...
14:16Dans la foule, la victime à peine remise
14:19préfère rester anonyme.
14:21...
14:22...
14:24...
14:25Le pompier, quant à lui, va témoigner.
14:28...
14:29...
14:30...
14:32...
14:33Veuillez vous lever.
14:35...
14:36...
14:37Cette fois, les deux prévenus ne peuvent plus reculer.
14:42...
14:43Bonjour, messieurs.
14:45...
14:46...
14:48Comment vont-ils tenter d'expliquer leur violence ?
14:51C'est tout l'enjeu du procès.
14:53...
14:54Première étape pour Christine Ruelan, la juge.
14:57Retracer leur passé, jalonné de drame.
15:01...
15:02Vous avez parlé d'une petite soeur ?
15:04Que j'ai perdue.
15:05A quel âge, dans quelles circonstances ?
15:07Dans un accident de voiture, elle avait 14 ans.
15:11C'était quand ?
15:12Il y a 4 ans.
15:13Quand on reprend votre parcours...
15:16Effectivement, dans ces années-là, vous aviez 17, 18 ans.
15:20C'est l'année, dites-vous, de votre bac pro-comptat.
15:26Mais c'est aussi les années où vous commencez
15:30à vous confronter à la justice.
15:33Arrêté pour vol, puis blessure grave sur un policier,
15:37il passe deux mois en prison.
15:39A sa sortie, il devient papa et se range, affirme-t-il.
15:43Aujourd'hui surveillant dans un collège,
15:46il donne aussi bénévolement des cours de boxe
15:49dans une association.
15:50Vous entraînez des enfants de quel âge ?
15:52De 10 à 14 ans.
15:53De 10 à 14 ans.
15:55Redites-nous, combien de fois par semaine ?
15:573 fois par semaine.
15:583 fois par semaine.
15:59Vous savez quand même un petit peu faire.
16:01Oui.
16:03Il est indiqué que vous faites figure de référence
16:07pour nombre de jeunes du quartier.
16:09Qu'est-ce que vous en pensez ?
16:10Je suis pas l'idole, mais on me reconnaît souvent.
16:13Il entraîne les enfants à la boxe.
16:15S'il est surveillant, c'est pas vraiment une figure.
16:19Mais les enfants, là-bas, ils m'aiment bien.
16:21Alors pourquoi vous vous retrouvez dans cette affaire, monsieur ?
16:24Les enfants, qu'est-ce qu'ils vont penser de vous ?
16:26Leur idole, alors ?
16:27Ce sera plutôt leur idole.
16:32OK.
16:33L'autre prévenu, qui était armé,
16:35a quant à lui perdu son père à l'âge de 14 ans.
16:39Vous êtes célibataire sans enfant.
16:41Vous avez expliqué que vous aviez eu
16:43une rupture affective très douloureuse il y a un an.
16:46Je vous cite.
16:47J'ai complètement perdu les pédales.
16:49Je suis devenu alcoolique, drogué, dépressif.
16:51C'est vrai.
16:52Il m'arrive de temps en temps qu'on le chauffe du bas
16:57pour noyer ma tristesse.
16:59Je bois, je bois, je bois et je fume.
17:02Les prévenus cherchent-ils à minimiser leurs responsabilités ?
17:07Dans quelles mesures leurs accidents de vie
17:09ont-ils conditionné leur passage à l'acte ?
17:12Voilà ce qu'en disent les psychiatres.
17:15L'expert relève une impulsivité sous-jacente marquée.
17:19Relève également une difficulté à supporter les frustrations.
17:23Il a indiqué que cette difficulté de gestion des émotions
17:26pourrait être susceptible de générer des passages à l'acte.
17:28Et vous, monsieur ?
17:30Monsieur apparaît plus préoccupé par son devenir
17:33que celui de la victime.
17:34Il existe une sorte de froideur affective
17:36qui nous interpelle fortement.
17:38Qu'en pensez-vous de cette conclusion ?
17:40Je pense que la conclusion est véridique.
17:43Et je me fais du souci
17:46quant aux deux victimes.
17:48Autant que pour moi.
17:50Et sur la nécessité absolue d'une prise en charge ?
17:57Oui, j'aurais dû le faire bien avant.
18:00Malheureusement, il a fallu qu'il se passe ce drame
18:02pour en prendre conscience et pour emboîter le pas.
18:04J'aurais dû le faire bien avant.
18:06La tactique de la défense apparaît.
18:10Les prévenus seraient victimes de leur passé.
18:15...
18:19Est-ce que vous êtes en état de parler ?
18:22Vous venez à la barre ?
18:24...
18:27Le témoignage du pompier qui a mis fin au tabassage
18:30après avoir été braqué et violemment menacé
18:33va enrayer la stratégie de l'avocat des prévenus.
18:37J'ai essayé de les calmer,
18:39de leur dire de partir,
18:41qu'il fallait arrêter de taper,
18:43que cet homme allait mourir.
18:45S'ils n'arrêtaient pas les coups,
18:48il allait mourir.
18:50Monsieur m'a toujours mis en joue.
18:52Je m'avançais vers lui.
18:54Il me disait recule, je vais te buter.
18:56Recule, je vais te buter.
18:59Sous notre habit,
19:01nous sommes des hommes avec des cœurs.
19:05Ce jour-là,
19:07c'est la première fois de ma vie
19:09que j'ai eu peur de mourir.
19:11Quand je suis intervenu ce jour-là,
19:13c'était pour porter secours.
19:16Parce que mon engagement en tant que pompier,
19:18c'est porter secours.
19:20La protection des biens et des personnes.
19:22...
19:24Moi, j'aimerais vous poser une question.
19:27Monsieur, parlez au tribunal.
19:30Pardon, pardon.
19:32La petite soeur de monsieur
19:34est décédée dans un accident de voiture.
19:36...
19:38Son papa est décédé d'un cancer.
19:41Je pense que les pompiers
19:43sont intervenus ce jour-là.
19:45Comme on intervient tous les jours.
19:47Aujourd'hui, je ne suis plus moi-même.
19:49Je disais à ma femme,
19:52il y a quelques jours,
19:54...
19:57J'ai l'impression d'être mort
19:59et d'être un mort vivant.
20:01Je me dis des fois,
20:03mais quand est-ce que ça va s'arrêter, tout ça ?
20:06D'accord.
20:08Tout ça, comme il l'espère,
20:10devrait s'arrêter bientôt.
20:12Plus exactement, après les plaidoiries.
20:14A commencer par celle
20:17de l'avocat des victimes.
20:19...
20:21Vous pouvez vous asseoir.
20:23...
20:25...
20:27Je donne la parole à la partie civile.
20:30...
20:32Oui, madame le président,
20:34cette violence
20:36gratuite,
20:38disproportionnée,
20:41dont on n'arrive pas à comprendre
20:43à quoi elle sert, si ce n'est qu'on ne supporte
20:45aucune frustration, mais que, de suite,
20:47on blesse pour blesser,
20:49on humilie pour humilier,
20:52on détruit pour détruire.
20:54On détruit pour détruire.
20:56Et on ne supporte rien.
20:58On ne supporte pas un regard dans la rue.
21:00Je plaide pour quelqu'un
21:02qui est scalpé.
21:05Enlèvement des peaux sur les mains,
21:07deux fractures de ses auriculaires.
21:09Et vous avez vu le certificat d'hospitalisation
21:11des victimes d'une machine agricole ?
21:13C'est-à-dire que tellement qu'il est broyé,
21:16tellement que c'est spectaculaire
21:18les blessures qu'il a sur lui,
21:20il n'y a pas un médecin qui croit
21:23que c'est bon.
21:25Voilà pour qui je plaide.
21:27...
21:30La procureure va demander
21:32une peine précise au tribunal.
21:34Dans ce type de dossier,
21:36le code pénal prévoit 3 ans de prison maximum,
21:3810 en cas d'infirmité permanente
21:41de la victime.
21:43...
21:45Madame le président, mesdames du tribunal,
21:47une émotion palpable, ça, c'est certain.
21:49Je rejoins la partie civile.
21:52Parce que c'est des faits
21:55qui pourraient effectivement arriver
21:57à n'importe lequel d'entre nous, ici, dans cette salle.
21:59Puisque notre société actuelle
22:01fonctionne malheureusement
22:03dans un principe inversé, c'est-à-dire
22:06que les honnêtes gens doivent faire profit bas,
22:08s'écraser face à une situation
22:10pour éviter
22:12d'être exposées à un risque
22:14pour un prétexte tout à fait futile.
22:17Donc la sanction pour moi qui s'impose,
22:19c'est une réponse ferme.
22:21Un quantum de 5 ans
22:24d'emprisonnement avec un maintien en détention.
22:26La prise de conscience par l'enfermement
22:28avec le dispositif,
22:30en tout cas, de soins qui existent
22:32au sein des établissements pénitentiaires.
22:35...
22:37Le tribunal vous remercie, madame le procureur.
22:39...
22:41L'avocat des prévenus,
22:43commis d'office,
22:46a peu de marge de manoeuvre.
22:48Madame la présidente, mesdames du tribunal,
22:50vous avez à juger aujourd'hui
22:52l'action de ces deux garçons,
22:55jeunes garçons,
22:57qui ont commis l'innommable.
22:59Mais pour autant, je suis là pour assurer leur défense.
23:01Nous ne sommes pas devant la cour d'assises.
23:03Je tiens à le rappeler.
23:06Il n'y a pas mort d'hommes dans ce dossier,
23:08j'ai cru, en temps de réquisition,
23:10équivalent à celle que nous entendons
23:12parfois devant des juridictions
23:14d'autre nature,
23:17et pour certaines, criminelles.
23:19Ce dossier est un drame
23:21pour l'ensemble des victimes,
23:23mais se dire que parce que c'est de la violence gratuite,
23:25il faut cet exemple,
23:27il faut les bannir pendant un certain nombre d'années.
23:30C'est mettre à néant
23:32les éléments de profil positif
23:34que ceux-là ont essayé
23:36difficilement de mettre en oeuvre.
23:38Je demande à votre tribunal
23:41de ne pas céder à la pression
23:43ou à la vindicte populaire.
23:45Je demande à votre tribunal
23:47d'éviter le répressif à tout va,
23:49mais de remettre en route
23:52la réinsertion.
23:54Le tribunal vous remercie,
23:56monsieur veut vous relever.
23:58Avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense
24:00que n'aurait pas dit votre avocat ?
24:03Oui. Les dires de la victime pour moi,
24:05ils ont été très durs à entendre.
24:07Je prends encore une fois conscience
24:09des actes que j'ai commis,
24:11et je m'en excuse
24:14et j'en ai honte.
24:16D'accord.
24:19L'audience reprendra vers 14h30.
24:2720 minutes plus tard.
24:31L'audience est reprise.
24:33Vous pouvez vous asseoir.
24:36Le tribunal,
24:39après en avoir délibéré,
24:41vous déclare coupable
24:43des faits qui vous sont reprochés.
24:45Le tribunal, en conséquence,
24:47vous condamne
24:49à une peine
24:52de 5 ans d'emprisonnement
24:54en ordonnant
24:56votre maintien en détention.
24:581 an sur 6 mis à l'épreuve,
25:00donc 4 ans fermes
25:03et 1 an sur 6 mis à l'épreuve.
25:05Vous écoutez, monsieur ?
25:07Avec obligation de soins
25:09pour tous les deux,
25:11de surcroît pour vous, monsieur...
25:14Le tribunal vous interdit
25:16d'exercer une activité
25:18impliquant un contact habituel
25:21avec les mineurs, donc de 2 ans.
25:23Voilà. Vous pouvez faire appel
25:25dans un délai de 10 jours
25:27si vous ne le devez pas satisfaire.
25:29Merci.
25:32En prison pendant 5 ans ?
25:34Je vous donne un exemple, monsieur.
25:36...
25:38...
25:40...
25:42La rapidité du jugement
25:45devrait aider les victimes
25:47à tourner la page.
25:49Oublier ces inconnus
25:51qui sont violemment entrés
25:53dans leur vie.
25:56Une reconstruction
25:58également difficile lorsque les victimes
26:00connaissent bien, voire très bien
26:02leur agresseur.
26:04...
26:07...
26:09225 000 femmes subiraient chaque année
26:11des violences conjugales.
26:13Rares sont celles
26:15qui brisent le silence.
26:17Seule une sur cinq
26:20a le courage
26:22de déposer plainte.
26:24...
26:26...
26:28...
26:31Jeanne, 43 ans,
26:33est l'une d'elles.
26:35...
26:37Ce soir de décembre,
26:39où son mari jaloux est devenu fou,
26:41elle ne l'oubliera jamais.
26:44...
26:46Jacques non plus.
26:48...
26:50Ca va ?
26:52...
26:55Comment tu vas, toi ?
26:57Demain, tu commences à quelle heure ?
26:59Tu finis à quelle heure ?
27:01Avant le drame,
27:03le retraité était juste son gentil voisin.
27:06Désormais, il est l'homme
27:08qui a sauvé la vie.
27:10Ce jour-là,
27:12il est 8h du matin
27:14quand il reçoit l'appel effrayé
27:16d'une amie chez qui Jeanne vient de se réfugier.
27:19Vous savez, c'était un dimanche matin,
27:21j'étais encore couché,
27:23et puis une voisine
27:25voulait absolument
27:27que Jeanne...
27:30Mais je ne savais pas la raison.
27:32Donc j'y suis allé
27:34et là, j'ai découvert,
27:36vu Jeanne,
27:38et là, pendant 30 secondes,
27:40je ne pouvais pas réagir.
27:43J'étais inconscient,
27:45vu son état, parce qu'il fallait voir.
27:47C'était atroce.
27:49Pour dire que c'était atroce.
27:51...
27:54Il découvre Jeanne
27:56complètement défigurée.
27:58Il la confie aux pompiers,
28:00puis appelle les gendarmes.
28:02C'était il y a 2 mois.
28:05...
28:31Une heure plus tard,
28:33Une heure plus tard, le mari est placé en garde à vue.
28:39Voilà.
28:41Dès le début de son audition, l'homme évoque une banale
28:44histoire de jalousie.
28:47Des appels et des messages d'ex que chacun aurait trouvés
28:50dans le téléphone de l'autre.
28:54Bref, des torts partagés et aucune intention de faire mal.
28:59Vous savez pourquoi vous êtes là, monsieur?
29:10Vous êtes énervé, vous avez fait quoi?
29:24Vous avez tapé sur votre chambre parce que la chambre était
29:26un peu sombre et vous n'avez pas fait exprès.
29:29Pas exprès de faire dans le visage.
29:31Vous n'avez pas fait exprès de lui taper dans le visage.
29:33Vous l'avez vu ce matin, Jeanne?
29:35Vous vous êtes réveillé, vous l'avez vu?
29:38Ça, c'est votre femme.
29:40D'accord, ça, c'est dans l'état qu'elle était ce matin.
29:43Parce qu'elle a quand même un oeuf sur le front.
29:44Elle a quand même l'oeil ouvert noir, le visage complètement
29:47tuméfié, elle est gonflée sur le côté.
29:49Elle a les lèvres cassées, enfin.
29:54Tu peux le voir de plus près?
29:59Ça, si vous me dites que vous ne l'avez pas fait exprès,
30:02je ne crois pas, d'accord?
30:07Le rapport médical ne fait mention d'aucune trace de coups
30:10sur le corps. Toutes sont concentrées sur le visage.
30:16Jeanne affirme que son mari a ensuite tenté de l'étouffer
30:18sous un plaid, puis l'a séquestré toute la nuit.
30:23Pourquoi vous avez fermé la porte à clé à chaque fois,
30:24la porte de la chambre?
30:25Vous l'avez fermé à clé?
30:28L'homme reste évasif.
30:41Les gendarmes vont l'interroger toute la journée.
30:44Vous vous souvenez de lui avoir dit j'ai tué?
30:48Vous n'avez jamais dit ça?
30:54Obtenir des aveux clairs est important pour les enquêteurs.
30:59Mais aussi et surtout pour les victimes.
31:08Nous, on travaille surtout pour les victimes.
31:10C'est toujours bien pour une victime que l'auteur reconnaisse
31:13les faits, reconnaisse ce qu'il a fait.
31:14Ça l'aide à se reconstruire, ça l'aide à avancer.
31:17S'il part sur le principe que ce n'est pas de sa faute,
31:19qu'il n'a pas fait exprès, la victime, elle, ça ne l'aidera pas.
31:22Forcément, ça nous enquitine et le magistrat,
31:24je pense que ça peut l'agacer quand les faits sont concrets,
31:28quand on a des vraies constatations qui prouvent que les faits sont là,
31:31qu'on ne peut pas dire que c'est quelqu'un d'autre.
31:34Je pense que ça peut l'agacer que lui essaye de minimiser ça
31:40en plaidant sa cause.
31:44Jeanne a porté plainte.
31:48Elle est prête à aller jusqu'à la barre.
31:54Le lendemain des faits.
31:56Allez.
31:58Le mari est présenté au procureur de permanence.
32:02Seuls 15% des affaires de violence conjugale
32:05sont jugées en comparution immédiate.
32:08Elles concernent les cas les plus graves.
32:11La décision dépend de cet entretien.
32:18C'est la première fois.
32:22Votre femme, elle dit que c'est la deuxième fois,
32:24mais que la dernière fois, elle n'a pas déposé plainte.
32:27C'était il y a une semaine.
32:36Bon, vous n'êtes pas poursuivis pour ces faits là.
32:38C'est juste qu'elle l'a dit, donc je vous en parle.
32:41Vous êtes poursuivis pour cela.
32:43Cela, vous les reconnaissez.
32:44Six jours d'incapacité totale de travail.
32:47C'est un médecin légiste qui a dit qu'il y avait six jours.
32:52C'est beaucoup.
32:52Habituellement, dans ce type de dossier,
32:55le nombre de jours d'incapacité totale de travail
32:58excède rarement deux jours.
33:03Qu'est-ce que ça vous inspire, ces photos là ?
33:07Qu'est-ce que vous en dites ?
33:12Ça fait mal ?
33:14Pas vous, hein ?
33:16Pas vous, ça ne vous fait pas mal à vous ?
33:20Ah, ça fait mal ?
33:21Donc, compte tenu de la gravité des faits,
33:23moi, je souhaite que vous soyez jugés en comparution immédiate.
33:27Par ailleurs, l'homme n'a pas de possibilité d'hébergement.
33:30Reporter son procès serait prendre le risque qu'il disparaisse dans la nature.
33:36Il sera donc jugé le lendemain, après une nuit en prison.
33:51Une fois par semaine, la juge Christine Ruelan, 59 ans,
34:01est affectée aux comparutions immédiates.
34:07Bonjour, monsieur.
34:10Bonjour, monsieur, vous avez passé un bon week-end ?
34:12Très bon week-end.
34:13Ouais, en forme ?
34:14On a fait la moyenne. Et vous, vous allez bien ?
34:16Et de bonne humeur ?
34:17Toujours, madame.
34:19Encore de bonne humeur.
34:24Je récupère cet horrible dossier et je l'amène dans mon bureau.
34:28Eh bien, à plus.
34:29Bonne journée.
34:30Merci.
34:33La juge a moins de 24 heures.
34:37C'est gentil, merci, madame, pour éplucher les dossiers.
34:49Eh bien, y a qu'à.
34:54La difficulté est de juger vite, sans commettre d'erreur.
35:01C'est suffisant, une journée, pour préparer six à sept dossiers ?
35:04Il faut. Il y a la nuit, s'il faut, ou le petit matin.
35:11S'il faut, c'est incontournable.
35:14Bien juger ses dossiers, quels qu'ils soient,
35:18demande une connaissance approfondie de toutes les pièces du dossier.
35:22C'est vraiment une condition essentielle à la bonne tenue de l'audience
35:27et donc au jugement le meilleur possible.
35:32D'autant qu'au tribunal, les affaires s'enchaînent à un rythme effréné.
35:37À Nîmes, le nombre de comparutions immédiates abondit de 35 % en un an.
35:44La juge préside six à sept affaires par jour.
35:51Des dossiers très différents, qui ont malgré tout un point commun.
35:57Les mises en cause ont tous une bonne excuse.
36:02Monsieur, vous vous levez, s'il vous plaît.
36:04Madame, je souhaite prendre la parole, parce que je me souviendrai.
36:09Je me rappelle que je me suis réveillé en garde à vue.
36:12Je me rappelle de rien, madame la juge.
36:15Comment il faut faire pour vous faire comprendre, monsieur ?
36:18Au bout de la cinquième condamnation, comme ça ?
36:21Là, j'ai bien compris, madame la juge.
36:22Bonjour, monsieur.
36:23Qu'est-ce que vous nous en dites, aujourd'hui, de ce geste ?
36:26Rien de nouveau, maintenant, tout va très bien dans nos familles.
36:29Pourquoi, grâce à vous ?
36:31Parce qu'il a fallu que je défonce la gueule à mon père
36:33pour qu'il arrête de taper sur toute ma famille.
36:35C'est peut-être pas le mieux, mais en attendant, c'est ce qui a marché.
36:38Je l'ai fait par besoin, et non en tant que criminel.
36:41Quelles sanctions on va prononcer pour que vous compreniez ?
36:44J'ai compris, j'en commencerai plus.
36:46Je regrette énormément.
36:52L'affaire suivante est celle de l'agression dans la station service.
36:56Un coup de couteau pour une insulte.
37:02Veuillez vous lever.
37:05Bonjour à toutes et à tous.
37:07L'audience est ouverte, vous pouvez vous asseoir.
37:12La juge, Christine Ruelan, a peu de temps pour apprécier le profil exact du prévenu.
37:17Bien, monsieur, on vous reproche d'avoir animé, exercé volontairement des violences
37:23ayant entraîné une incapacité totale de travail en l'espèce 3 jours
37:27avec l'usage d'une arme, et ce, en état de récidive légale.
37:32C'est la septième fois que cet homme compare devant des juges.
37:40Vous avez des problèmes psychologiques ?
37:45Des problèmes de violence ? Des problèmes de ce type-là ?
37:48Je vous pose la question, parce que votre casier judiciaire
37:53porte trace de plusieurs condamnations.
37:57Vous en portez facilement ?
37:59Non.
38:01Et là, le motif de cette dispute ?
38:08Vous avez insulté votre famille ?
38:10Pourquoi vous avez un couteau dans votre voiture ?
38:15C'est quoi le réflexe de le prendre dans votre poche quand vous allez le rejoindre ?
38:23Vous aviez peur ?
38:29Si vous aviez peur, monsieur, il y avait une autre solution plutôt que prendre le couteau.
38:33C'est peut-être partir avec votre voiture.
38:35Vous visiez quoi ? Quel endroit de son corps en lui donnant un coup de couteau ?
38:40Étant rappelé que ce coup de couteau, il arrive sous l'aisselle côté gauche.
38:45Il est parti comme ça, je ne voulais pas...
38:48Vous ne visiez pas ses parties comme ça ?
38:50Je ne voulais pas le tuer.
38:52Vous vous rendez compte qu'à quelques centimètres près, ça aurait pu être le drame ?
38:55Je sais.
38:57Et que ce ne serait pas dans cette salle-là que vous seriez jugée ?
39:06La victime ne s'est pas présentée à l'audience.
39:09La procureure représente les intérêts de la société.
39:13C'est elle qui porte l'accusation.
39:15Monsieur, vous pouvez vous asseoir.
39:17Nous allons entendre les réquisitions de madame le procureur de la République.
39:20Merci, madame le président, madame le tribunal.
39:23Dans cette affaire, le mobile restera bien flou.
39:25Des insultes, un problème de réputation, je n'en sais rien.
39:28La procédure n'en dit pas plus.
39:30Le flou de ce mobile sera malheureusement entretenu par l'absence de la victime aujourd'hui.
39:35Est-ce qu'elle n'est pas là par peur des représailles ?
39:38Tout est possible, c'est envisageable.
39:40Si le mobile est flou, en tout cas les faits, eux, sont clairs.
39:43Il reconnaît avoir fait usage de ce couteau et avoir planté, pour reprendre ses termes,
39:48un très mauvais choix, monsieur.
39:50Parce que c'est un choix que vous avez fait ce jour-là.
39:52Quelle est la sanction la plus adaptée, compte tenu du passé pénal qu'a déjà connu monsieur,
39:58qui est assez déconcertant ?
40:00Qu'est-ce qui fait qu'en sortant de ce tribunal, s'il sort libre,
40:03la situation ne va pas recommencer ?
40:06Je n'ai aucune garantie.
40:08C'est pourquoi je vais vous requérir la peine de 12 mois d'emprisonnement,
40:12dont 4 assortis d'insursis avec mise à l'épreuve,
40:15parce que quoi qu'il en soit, il y a beaucoup de violence à travers ce casier
40:18et je pense qu'une obligation de soins ne serait pas inutile.
40:22Et sur la partie ferme qu'il reste, je vous demande de la sortir d'un mandat de dépôt.
40:31Un mandat de dépôt, cela signifie un emprisonnement immédiat.
40:38Maître Touselier, commisse d'office, a un atout.
40:43Le prévenu est père de famille.
40:49Il a le soutien de sa compagne qui est présente sur l'audience.
40:52Ça fait 13 ans qu'ils sont ensemble.
40:54Ils ont deux enfants âgés de 9 ans et de 16 mois.
40:58Celui-ci, pour sortir un peu de sa oisiveté, a passé le permis de conduire,
41:04ce qui était une barrière pour trouver un emploi.
41:07Il a obtenu le permis de conduire et il a passé cette formation pour devenir cariste.
41:11Ils avaient ce projet avec sa compagne de partir dans le département d'Indre-et-Loire
41:17pour justement sortir des mauvaises fréquentations.
41:20C'est quelque chose qui peut aussi être apporté à son crédit.
41:23Concernant la partie ferme, je vous demande une peine tolérante
41:28et surtout qu'elle ne soit pas sortie d'un mandat de dépôt.
41:32Et je pense que M. le président ne serait pas opposé à une obligation de soins.
41:37L'affaire émise en délibéré, la décision sera rendue après la suspension d'audience.
41:42À Nîmes, près de 70% des prévenus jugés en comparution immédiate
41:47sont condamnés à une peine ferme et 9 sur 10 sont directement conduits en prison.
42:11L'audience est reprise, vous pouvez vous asseoir.
42:14Monsieur le tribunal vous déclare coupable des faits qui vous sont reprochés.
42:20Vous condamne en conséquence à une peine de 12 mois d'emprisonnement
42:27dont 6 mois sortis du sursis mis à l'épreuve avec obligation de travailler et obligation de soins.
42:34Le tribunal ne vous maintient pas en détention.
42:39Le tribunal a pris en considération le fait que la dernière condamnation remontait déjà un petit peu.
42:44Donc monsieur, c'est une marque de confiance que vous fait le tribunal.
42:51Vous ne trahissez pas cette confiance, on ne veut plus vous voir.
42:55Vous vous mobilisez sur votre vie personnelle, familiale et professionnelle.
43:01Ok, c'est entendu monsieur ?
43:09Au tribunal, les audiences se poursuivent.
43:26Bien vous pouvez vous asseoir, je donne la parole à madame le procureur de la république pour sa réquisition.
43:34L'affaire de Jeanne, la femme battue et la cinquième de la journée.
43:47Bien monsieur, vous venez vers le micro, le micro qui n'est pas à votre hauteur.
43:55Donc je vais vous demander de parler fort.
43:59S'agissant de la victime madame, vous n'avez pas d'avocat, il faut vous présenter toute seule.
44:06D'accord.
44:08Avec votre voisin qui vous a accompagné.
44:10D'accord madame.
44:12Jeanne est femme de ménage.
44:14Elle travaille 6 jours sur 7.
44:16Son mari a quitté Madagascar il y a un an pour la rejoindre.
44:20Sans emploi, il passe ses journées à la maison.
44:24La juge entre immédiatement dans le vif du sujet.
44:27Madame, votre épouse explique que le climat conjugal est difficile actuellement.
44:33Depuis quelques temps même.
44:35Elle explique que vous cherchez à l'isoler, à la couper des gens.
44:40Alors, est-ce que vous vous entendez bien avec votre femme ?
44:44Oui.
44:46Est-ce que vous ne seriez pas un peu jaloux ?
44:48Un peu.
44:50Vous avez peur qu'elle vous trompe avec d'autres hommes ?
44:53Oui.
44:55Quand elle avait le temps, elle sort avec moi.
44:57Oui, vous aimeriez qu'elle soit à la maison.
44:59Tout le temps.
45:01Elle travaille.
45:03Elle a un emploi à plein temps.
45:05Le samedi, elle ne travaille pas.
45:07Vous aimeriez qu'elle soit à la maison.
45:09Est-ce qu'elle a le droit de ne pas avoir envie de rester avec vous à la maison ?
45:14Oui.
45:15Oui, elle a le droit.
45:17Elle est partie toute la journée.
45:19Ce samedi-là, il le lui a refusé violemment.
45:25La juge cherche à déterminer s'il a pris conscience de l'enfer qu'il a fait vivre à sa femme.
45:33Vous vous êtes rendu compte qu'elle était dans cette position-là, à ce moment-là ?
45:37Et qu'elle souffrait ?
45:42Vous vous souvenez de ça, monsieur ?
45:44Non, je ne me souviens pas.
45:46Vous avez, oui ou non, cherché à lui arracher les yeux, monsieur ?
45:50Non.
45:51Non ?
45:54Non.
45:56Et enfermé dans sa chambre.
45:58Vous reconnaissez ça, l'avoir enfermée à clé dans sa chambre pour pas qu'elle puisse sortir ?
46:03Dans votre chambre ?
46:13Oui.
46:14Pourquoi, monsieur, enfermez-vous votre femme à clé dans la chambre, cette nuit de violence ?
46:26Pour l'empêcher de partir ?
46:30Pour avoir une totale domination sur elle ?
46:37Est-ce que vous vous mettez à sa place trois secondes ?
46:44Pour la première fois depuis les faits, le mari s'adresse à sa femme.
47:14Madame, est-ce que vous souhaitez vous exprimer ? Est-ce que vous êtes en mesure de vous exprimer ?
47:28Il est très rare que les femmes battues aillent jusqu'à la barre.
47:33Jeanne, elle, ne tremble pas.
47:38Qu'est-ce que vous en pensez de la réaction de votre mari aujourd'hui ?
47:41Je comprends quelque part parce qu'il n'a pas eu beaucoup d'affection dans sa vie.
47:49Il a souffert.
47:50Et je lui ai déjà dit auparavant qu'il faut qu'il voit un psy pour l'aider,
47:57pour qu'il essaie de comprendre la colère qu'il a envers les femmes.
48:03Je me suis trompée de mon choix.
48:05Donc ça arrive dans la vie.
48:07Donc je demande du divorce aujourd'hui pour mettre fin à cette relation malgré tout.
48:14Les regrets du prévenu et l'empathie de la victime tranchent avec la brutalité des actes jugés.
48:22Les apparences sont parfois trompeuses.
48:24C'est ce que va rappeler la procureure.
48:27Monsieur, aujourd'hui, il se présente comme un petit monsieur tout calme, tout gentil,
48:33qui présente des excuses vibrantes à sa femme.
48:39Mais ne vous méprenez pas, c'est pas du tout celui qui était dans la chambre avec madame ce soir-là.
48:46Pas du tout, c'est pas le même.
48:47Il l'enferme dans la chambre pour ne pas qu'elle sorte.
48:51Et il lui met une bassine pour qu'elle fasse ses besoins,
48:56pour pas qu'elle sorte toute la nuit.
48:59Et c'est parce qu'elle va prétexter de devoir aller au travail qu'elle peut s'échapper.
49:02Parce qu'elle s'échappe.
49:05C'est ça la réalité.
49:06Elle s'échappe de cette nuit d'enfer.
49:08C'est un homme qui considère que sa femme ne doit pas le samedi aller se promener dans Nîmes
49:14et doit rester à ses côtés à la maison.
49:17C'est un homme qui considère qu'elle ne doit pas avoir d'amis masculins.
49:21Et c'est un homme qui considère qu'en punition, il a le droit de la frapper,
49:25de l'enfermer dans sa chambre et de lui faire faire ses besoins dans une bassine.
49:29C'est cet homme-là que vous jugez aujourd'hui.
49:33Au vu de l'extrême gravité des faits,
49:35moi je vais vous requérir une peine à la hauteur de ce cas commis, monsieur, aujourd'hui.
49:41Et donc je vous requers une peine lourde.
49:43Je vous requers deux ans d'emprisonnement,
49:45dont un an assorti du sursiècle mis à l'épreuve,
49:48avec l'interdiction absolue d'entrer en contact avec madame et ce pendant trois ans.
49:55Et pour l'année de prison ferme que je vous requers,
49:58je vous requers le maintien en détention de monsieur.
50:06Une autre femme prend la parole.
50:08L'avocate du mari.
50:10Commise d'office, elle va plaider à un exceptionnel coup de colère.
50:15En premier lieu et avant toute chose, ce que monsieur a fait est inexcusable.
50:22Il n'y a aucune excuse à utiliser la force pour frapper sa femme ou toute autre personne.
50:30Quand il dit qu'il l'aime, il l'aime.
50:35Très mal.
50:36On est bien d'accord, mais il l'aime.
50:38Pourquoi tout à l'heure, depuis qu'il s'exprime, il dit je ne me rappelle pas ?
50:46Parce que ce n'est pas l'état normal de monsieur, cette nuit-là.
50:51C'est l'état de fureur.
50:54C'est l'absence totale de maîtrise de lui.
50:58Ce soir-là, il a explosé.
51:04Cette seule fois.
51:05Je pense que le ferme est disproportionné.
51:08Un sursi sur toute la peine me paraît plus adéquat.
51:12Prenez en considération que c'est une parenthèse.
51:17Une parenthèse dramatique.
51:19Je ne minimise en rien ce que madame a vécu.
51:22Que monsieur n'a pas d'occasier judiciaire.
51:27Que monsieur regrette profondément et aime madame.
51:33La décision sera rendue après la suspension d'audience.
51:37Les maris violents écopent une fois sur cinq de prison ferme.
51:42Dans plus de la moitié des cas, la peine est assortie d'un sursi total.
51:47Bien monsieur, le tribunal vous déclare coupable d'effet de violence sur votre épouse.
52:08Le tribunal vous condamne en conséquence à une peine de douze mois d'emprisonnement ferme.
52:19En prononçant votre maintien en détention.
52:23Ce qui signifie que vous allez partir immédiatement en prison pour une durée d'une année.
52:30Le tribunal ordonne par ailleurs à titre de peine complémentaire l'interdiction de séjour dans le gare.
52:39Le but c'est quoi monsieur ?
52:41C'est que vous n'ayez plus jamais aucun contact avec madame.
52:47Est-ce que c'est bien compris ?
52:53Jeanne n'a pas faibli.
52:55Merci madame.
52:58Si elle a tenu le coup, ce n'est pas seulement pour elle.
53:07J'ai une fille à charge, ma fille elle n'a plus de papa, je suis seule avec.
53:12Et puis si elle va me perdre à cause des bêtises des maris, c'est pas possible.
53:21Donc les résultats que je vois actuellement, je suis contente de ce qui lui arrive actuellement.
53:28Parce que ça mérite ce qu'il m'a fait.
53:32Comme la majorité des prévenus condamnés en comparution immédiate, le mari de Jeanne ne fera pas appel.
53:44Ce jour-là, cinq affaires sur sept se sont soldées par de la prison ferme.
53:51En 2017, plus de 40 000 personnes se sont retrouvées derrière les barreaux à la suite d'un jugement en comparution immédiate.

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