Viols de Mazan: l'interview en intégrale de l'avocat de la plaignante, Stéphane Babonneau

  • il y a 2 semaines
Le procès des viols de Mazan s'est ouvert ce lundi à Avignon en public, selon le souhait de la principale victime, Gisèle Pélicot, 72 ans. À la barre des accusés, son mari, Dominique, accusé d'avoir drogué son épouse et fait appel à des dizaines d'inconnus pour la violer pendant dix ans

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Transcript
00:00— Bonsoir Maître Babonneau. Et donc ce que l'on retient de cette journée, outre le défilé des co-accusés à la barre, c'est qu'il y aura bel et bien une publicité des débats.
00:08Pas du hiclo. Ils seront publics. — Oui, c'était le souhait de notre cliente de pouvoir permettre à ce procès de se passer de manière publique,
00:21parce qu'elle a été victime de faits qui se sont passés justement de manière dissimulée, de faits qui ont été rendus possibles précisément
00:30par la dissimulation extrême pendant près d'une dizaine d'années de ce dont elle était victime. Et aujourd'hui, elle estime qu'il est nécessaire
00:38que tout le monde sache ce qui s'est passé dans cette maison, dans cette ville, et que la justice puisse être rendue aussi de manière publique,
00:47parce qu'il y a véritablement dans un procès une dimension d'ouverture sur la société. Et ma cliente souhaite qu'à travers ce qui lui est arrivé,
00:57il y ait une diffusion aussi large que possible de ce que représente la soumission chimique, des symptômes de cette soumission chimique,
01:06pour que si une personne est amenée à voir ou à entendre son histoire et qu'elle exprime et qu'elle éprouve, qu'elle rencontre les mêmes symptômes,
01:14il puisse naître un questionnement. Et aussi une manière de permettre aux victimes d'agressions sexuelles, qu'elles soient, de se rendre compte
01:24qu'il faut parler, qu'il ne faut pas avoir honte, et que de manière générale, le processus judiciaire doit permettre justement à tout un chacun
01:36de trouver dans ce procès des réponses peut-être aux questions qu'il se posent.
01:41– Comment votre cliente Gisèle Pellicot, qui a 72 ans aujourd'hui, qui, rappelons-le, a découvert les faits en 2020,
01:50comment a-t-elle vécu cette première journée de procès ? Elle est très entourée par sa famille, par ses enfants, par sa fille, qui a écrit un livre.
01:57Elle était d'ailleurs venue s'en expliquer sur le plateau de l'AFM Seury, mais j'imagine que c'était quand même particulièrement éprouvant.
02:06– C'était éprouvant, bien sûr, mais elle était très concentrée. Et même si ça n'est que le début, il y avait évidemment une appréhension majeure
02:16à l'idée de se retrouver face aux personnes qui l'ont agressée, à plus de cinquantaine à cinquantaine de personnes qui l'ont agressée,
02:23de se retrouver dans cette salle pour la première fois avec eux. Évidemment, une crainte de ses propres réactions, est-ce qu'elle pourrait faire face ?
02:31Et la réalité, c'est qu'elle a fait face parce qu'elle s'est préparée, parce qu'elle était très entourée par sa famille.
02:37C'est une famille qui a traversé véritablement l'inconcevable, qui s'est retrouvée et qui aujourd'hui fait front.
02:45Et ça, c'est un point aussi qui doit être souligné. On peut trouver, effectivement, dans les liens que l'on a avec ses proches,
02:52la force de faire face et de trouver aussi les uns dans les autres la ressource pour pouvoir se présenter dans un cadre comme celui-ci,
03:02qui est un cadre absolument inimaginable.
03:05– Bien sûr, Maître Babonneau. Il y a 50 co-accusés qui vont tous défiler à la barre, qui vont raconter ce qui s'est passé.
03:11Parlons de la question directe, mais tout a été gardé, tout a été filmé.
03:16Est-ce que ça veut dire qu'il y aura visionnage aussi de ce qui s'est passé, de la soumission ?
03:25– Ce procès, effectivement, présente la caractéristique très particulière.
03:30Dans les faits d'agressions sexuelles et de viols, très souvent, il y a cette discussion autour de la preuve.
03:35Le fait qu'on dise qu'il n'y a pas de preuve, puisque c'est la parole de l'un contre la parole de l'autre.
03:39Ici, dans ce dossier, il y a ce particularisme qu'il y a des enregistrements des actes commis par chacun des accusés.
03:46Il y a des débats, selon certains, sur ce qu'il y a dans ces vidéos et ce qu'on doit voir et ce qu'on doit comprendre.
03:54Donc oui, il y aura très probablement, dans le cadre de ce procès, des visionnages en tant que de besoin
04:01de certaines vidéos qui ont été tournées de ces actes de viol, afin de permettre à la cour aussi,
04:07puisqu'il faut oublier qu'à la fin, c'est évidemment un jugement qui est rendu par une cour,
04:13d'avoir les outils et les éléments pour se faire une opinion et pouvoir prononcer une décision,
04:19nous l'espérons, de culpabilité, au regard notamment de certaines de ces vidéos.
04:24– Parce que ces hommes qui ont été recrutés en ligne par le mari de Gisèle pour commettre ces viols,
04:31ils sont ici de tous les milieux sociaux, on l'a dit, il y a un pompier, un maçon, un jardinier, un journaliste, un militaire.
04:38Certains disent en fait qu'ils ne pensaient pas violer Gisèle, ils pensaient qu'elle était consentante,
04:46qu'ils participaient à une sorte de jeu érotique. Est-ce que cette défense, elle tient la route ?
04:54– Pour nous, c'est évidemment une défense qui est inaudible,
04:56mais chacun aura la possibilité de développer son point de vue.
05:00Je pense que ce que ce dossier montre, ça parle quand même au-delà,
05:06et comme vous l'avez indiqué, du profil très varié des personnes qui sont aujourd'hui accusées,
05:11ça parle un peu de l'état de notre société, parce qu'aujourd'hui,
05:17on a plus de risques, évidemment, de se retrouver dans cette situation quand on est une femme que quand on est un homme.
05:22Les agressions sexuelles touchent les hommes, les femmes, y compris sous soumission chimique,
05:26mais dans de telles proportions, de trouver un nombre qui dépasse, comme on l'a dit,
05:30on est sur une cinquantaine et même au-delà,
05:32puisqu'il faut aussi rappeler que certaines personnes n'ont pas été identifiées.
05:35On dit souvent qu'on est sur une cinquantaine, mais en réalité,
05:38on est sur un nombre bien plus important parce qu'il y a des gens qui n'ont pas été identifiés,
05:41et qui aujourd'hui sont encore libres, n'ont jamais été inquiétés,
05:44parce que malheureusement, il n'a pas été possible, d'après les éléments dont on disposait, de les identifier.
05:49Mais quand on est une femme, on est effectivement exposé à pouvoir être la victime de ce type de faits dans de telles proportions,
05:55et je pense que c'est aussi la volonté de ma cliente, à travers l'ouverture de ce procès au public,
06:00que chacun puisse réfléchir au traitement qu'on réserve aux femmes,
06:04puisque tout le monde a des femmes, on a tous des mères, des sœurs, des filles, des amis,
06:10et l'une des questions qui se posent, c'est comment est-ce que chacun de ces accusés n'a pas pu voir dans ma cliente,
06:17tout simplement un être humain et une femme ?
06:20– Merci Maître Bobono.

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