SanJorge Production : Emission

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00:00Et bien bonjour, nous sommes toujours à l'Institut des Libertés, et alors aujourd'hui je reçois
00:15Mathieu Boccotte pour son livre « Le totalitarisme sans le goulag » et je vais demander l'indulgence
00:22du jury parce que nous sortons de table et je crains que le Sicilien n'ait pas...
00:27un Sicilien n'ait été un peu trop robuste.
00:31Non, il était inspirant, ça va très bien se passer.
00:33Ça va très bien se passer, vous me rassurez.
00:35Alors, avant de commencer à en être sérieux, je voudrais vous raconter comment j'ai découvert
00:41Boccotte, c'est ma chère fille qui, je crois dans l'été il y a trois ans à peu près,
00:46m'a dit « il faut que tu lises un livre qui était sur le multiculturalisme ».
00:49« Le multiculturalisme comme religion politique » qui est sorti en 2016.
00:532016, donc ça devait être dans l'été 2016 ou 2017.
00:56Donc je lis ça, je trouve ça très très très très bien, on réussit à prendre contact
00:59avec vous, je vous interview par l'intermédiaire de Zoom, et donc ça se passe bien, la tournée
01:06a plus de 100 000, elle continue encore à enregistrer des vues cette émission, donc
01:09c'était très bien.
01:10Et alors, je voulais vous raconter que dans le fond il y avait, ensuite j'ai lu les commentaires
01:15comme je le fais toujours, ça m'amuse toujours de voir ce que les gens pensent des émissions.
01:18Et alors on a quasiment totalisé les commentaires, c'était extraordinairement sympathique,
01:23en me disant « ah c'est sympa de voir un gars, un français qui est de là-bas et
01:26tout », donc curieusement j'ai ressenti que pour les français, les québécois, c'était
01:30pas comme les suisses ou les belges qui parlent français, c'était un peu quelque chose
01:35de plus proche qu'eux.
01:36Bien sûr, vous savez le nom qu'on vous donne chez nous, on vous appelle les cousins.
01:39Et il y a une formule pour parler des français au Québec qui existait encore et qui existe
01:43encore aujourd'hui, un peu moins qu'avant, on vous appelle les français de France.
01:46Donc autrement dit, nous sommes les français d'Amérique, vous êtes les français de France,
01:50et le général de Gaulle en 67, quand il vient faire son « Vive le Québec libre »,
01:53a cette formule en parlant des français de part et d'autre de l'Atlantique.
01:57Donc il y a un lien vital, il y a un lien…
01:59Je les sentis dans les commentaires des gens.
02:02Ah ben j'en suis heureux.
02:03Et donc je trouvais ça très sympathique, ils étaient très élogieux tous, mais il
02:05y en a un qui m'a paru particulièrement intéressant, c'est qu'il y avait un gars
02:09qui a fait un commentaire très très court qui m'a dit « oulala, celui-là il me donne
02:13mal à la tête ». Donc vous voyez, ce que je veux dire par là, c'est que vous avez
02:19une pensée qui est extraordinairement riche et tout, mais de temps en temps, vous devez
02:22avoir des gens qui vous disent « dites, vous pourriez pas penser un peu moins ? » Vous
02:25savez, c'était comme l'empereur d'Autriche qui disait à Mozart qu'il y avait trop
02:28de notes dans son truc, je me demande si de temps en temps on vous dit pas que vous avez
02:31trop de notes.
02:32Alors on me note, j'ai l'impression que certains amis me disent quelquefois la blague
02:34« trop de notes Mathieu, trop de notes », mais bon, cela dit, je le vois comme un compliment.
02:37On a vraiment l'impression que vous avez trop d'idées et que ça veut tout sortir
02:41à la fois, mais ça c'est pas grave, c'est un très gros compliment que je vous fais.
02:44Alors, on va parler de ce livre qui est très intéressant.
02:48Et dans le fond, ce que vous faites, c'est que vous dites que dans la gauche, enfin dans
02:56l'esprit de gauche, il y a ce que Revelle appelait une tentation totalitaire.
03:00Et d'ailleurs, vous êtes très près de Revelle parce que vous avez les mêmes ennemis.
03:04Vous écrivez pas de la même façon, mais vous écrivez sur les mêmes personnes, et
03:08de façon à peu près aussi critique que le faisait Revelle.
03:11C'est l'insuition, la tentation totalitaire, c'est le livre de Revelle, et je crois que
03:15c'est une intuition, la formule, on peut même la pousser plus loin que de la pousser
03:18Revelle, vu que le contexte n'est plus le même.
03:21Pour moi, la tentation totalitaire, elle est consubstantielle à la modernité.
03:24La modernité, c'est émancipation, c'est émancipation de la figure d'un individu,
03:28tout ça, c'est encadrement du pouvoir, très bien, mais c'est aussi la prétention à
03:33décrocher le paradis du ciel et à le réaliser sur Terre.
03:36Mais ça, c'est plutôt la Révolution Française, parce que la Révolution Américaine, c'était
03:40ou qui était la fille de la Révolution Anglaise de 1689, la Révolution Américaine, c'était
03:45un peu, on sait qu'on est coupable, donc on va essayer de bâtir un système de gouvernement
03:49qui empêchera le gouvernement de martyriser les citoyens.
03:51Vous avez tout à fait raison, mais 1793 va finalement trouver, va inspirer au-delà
03:56des frontières françaises.
03:57Tout à fait, c'est de faire un homme nouveau.
03:59Oui, exactement, et on est là.
04:00Le principe de l'homme nouveau, c'est l'homme délivré du mal.
04:02Parce que dans l'esprit du progressisme, 1793 et sa suite, le mal n'est pas dans le
04:08cœur de l'homme.
04:09Ce que disait Saint-Étienne.
04:10Le mal est dans une structure sociale identifiée, donc ça peut être le capitalisme.
04:12C'est Rousseau, ça ?
04:13Oui, aussi.
04:14Rousseau, de ce point de vue, annonce la Révolution, mais ne s'épuise pas chez ses
04:19mauvais héritiers.
04:20Il y a un Rousseau plus intéressant à lire que celui dont on a hérité.
04:23Mais ça, c'est une autre question.
04:24Mais je pense qu'il y a cette idée qu'il est possible d'avoir une société délivrée
04:28du mal.
04:29Parce que le mal, il est soit dans le capitalisme, soit…
04:31Donc, il ne croit pas au péché originel.
04:33Exactement.
04:34C'est la seule distinction que j'accepte entre la gauche et la droite.
04:37La vraie distinction, c'est le péché originel au sens métaphorique.
04:40Est-ce que le mal est dans le cœur de l'homme ou il est dans une structure sociale ?
04:43Si on accepte l'idée que le mal est dans le cœur de l'homme, donc c'est une créature
04:46imparfaite, quelquefois grandiose, souvent terrifiante, la plupart du temps médiocre
04:51et capable d'une beauté ordinaire.
04:52Si on prend l'homme comme ça, on sait qu'il n'y a pas de société parfaite possible
04:57parce qu'inévitablement, le matériau de base est imparfait.
04:59Les progressistes, au fond d'eux-mêmes, n'acceptent pas ça.
05:02Ils disent que si on fait sauter l'institution productrice du mal, donc le capitalisme, la bourgeoisie,
05:07l'hétéropatriarcat, la nation, l'hétéro cisgenre, le blanc triarcat, nouvelle formule,
05:13et bien si on fait tomber ça, désormais, il est possible d'avoir une révélation
05:16dans l'histoire entre l'avant et l'après et la société délivrée du mal arrive.
05:20Bon.
05:20Ce qui implique quand même de raser tout le monde antérieur et ceux qui y demeurent
05:24fidèles et ceux qui croient qu'ils n'étaient pas intégralement mauvais.
05:27Donc ça, pour moi, le point… la modernité est plus religieuse qu'on ne le dit.
05:31Mais c'est une religion.
05:32Je crois.
05:32À tout le moins, elle porte une dimension religieuse.
05:34Et ça, le totalitarisme, qu'est-ce que c'est finalement ?
05:39C'est le fondamentalisme religieux de la modernité, c'est-à-dire une société parfaite
05:43et intégralement contrôlée, parce qu'il y a toujours cette idée que la société
05:46pourrait être intégralement planifiée à partir, sinon, d'une idée centrale.
05:51À tout le moins, il serait possible de planifier la société, donc la circulation des idées,
05:56la circulation des pensées, mais aussi le contrôle des arrières-pensées,
05:59ça, je pense qu'on en est rendu là aujourd'hui, le contrôle des interactions sociales,
06:02et le système d'éducation, de ce point de vue, est enregistré…
06:05Mais attendez, je vous arrête une seconde là, parce que c'est intéressant, si vous vous dites…
06:09c'est même passionnant, mais comment, si les gens devenaient parfaits et si le mal
06:13était sorti d'eux ou qu'il n'était plus dans le monde, pourquoi continuer à les contrôler ?
06:17Ah ben voilà, parce que toujours, ils peuvent chuter.
06:20Ah ben donc, c'est qu'il y a une possibilité de mal.
06:22Alors, il y a le fait que le monde d'hier…
06:24parce qu'il y a cette idée que le monde d'hier travaille encore le monde d'aujourd'hui.
06:29C'est pour ça que le progressisme se pense souvent comme une technique de désherbage.
06:32C'est-à-dire, on a la société encadrée.
06:35Voyez de quelle manière ils parlent de leurs adversaires, d'ailleurs.
06:37Libération de la parole haineuse.
06:40Donc, autrement dit, il y aurait une parole haineuse qui dormirait dans la société,
06:43et qui se réveillerait si on lui en donne l'occasion.
06:45Ou, droite décomplexée.
06:47La seule droite légitime est la droite complexée.
06:50C'est elle qui honte d'elle-même.
06:51Et bien sûr, et dans cette idée, voilà pourquoi une seule personne dans l'espace public qui dit
06:55le contraire de l'orthodoxie du discours dominant,
06:58une seule personne peut faire dérégler tout le système.
07:01Pourquoi ?
07:02Parce que cette personne peut alors faire réveiller, justement, les sentiments refoulés,
07:06contrôlés par, justement, le discours qui contrôle la pensée,
07:11les commissaires politiques de notre temps, les commissaires idéologiques.
07:14Donc, une seule personne peut faire dérégler le système
07:17parce qu'on dirait que ce type-là dit des choses qui pourraient réveiller des passions
07:19qu'on croyait avoir refoulées.
07:21Et là, le système peut se dérégler.
07:22De là, toutes les lois aujourd'hui sur la haine.
07:24De là, la volonté de toujours contrôler l'espace public.
07:27Et on arrive toujours à la même chose, mais...
07:30Si...
07:32Pour qu'on puisse vraiment contrôler les gens,
07:35ça veut dire qu'il faut contrôler leur langage.
07:38Il faut contrôler le logos.
07:40Oui, tu as fait raison.
07:41Orwell a quand même compris l'essentiel avec la novlangue.
07:43Merci.
07:44C'est-à-dire que dès que quelqu'un parle en dehors des mots acceptés,
07:47on le repère et on l'envoie dans un camp immédiatement.
07:49La langue devient un moyen de repèrement.
07:52C'est le premier moment, je pense,
07:54c'est le premier système de repérage.
07:55On le voit aujourd'hui.
07:57Moi, les formules dans le régime génèrent,
07:59ce que j'appelle le régime diversitaire,
08:01génèrent des formules qu'on est obligé de répéter
08:04pour demeurer dans le périmètre de la pensée acceptée.
08:06Par exemple, une assez récente aujourd'hui, c'est...
08:09Un homme peut être enceinte.
08:11Alors, pourquoi je reviens sur cette...
08:13Parce qu'on sait, depuis la nuit des temps et jusqu'à la fin des temps,
08:16que sur le plan biologique, ce n'est pas possible.
08:18C'est faux.
08:19Mais aujourd'hui, il faut dire qu'un homme peut être enceinte
08:21parce que c'est le point d'aboutissement de la théorie du genre.
08:24Celui qui le conteste...
08:25Alors, en ce moment, ce n'est pas encore, une fois pour toutes,
08:27établi comme nouvelle vérité.
08:28Il y a encore le commun des mortels qui trouve ça étonnant comme idée.
08:31Mais dans les milieux progressistes,
08:33c'est une espèce de vérité qui se construit.
08:34Rappelez-vous, j'en parle dans le livre...
08:36Moi, c'est un moment marquant, 2022,
08:38la querelle du planning familial qui dit
08:40« Nous savons, nous, qu'un homme peut être enceinte. »
08:42Et là, la ministre de l'égalité entre les sexes, Mme Rohm,
08:45dit « Ceux qui sont en désaccord sont transphobes
08:46et font le jeu de l'extrême droite. »
08:48Donc, on nous force à répéter des slogans
08:50pour témoigner de notre adhésion
08:52et le contrôle du langage est au cœur de cela.
08:54Donc, ce que vous dites, c'est que dans le fond,
08:57pour...
08:58Une fois qu'une tyrannie comme celle-là
09:00se cherche à se mettre en place, en quelque sorte,
09:02il faut absolument qu'on reconnaît les siens
09:06à ceux qui acceptent de mentir en sachant qu'ils mentent.
09:08Oui, je pense que ce que vous dites est absolument essentiel
09:10et vous avez peut-être lu Miloche.
09:12C'est cela, Miloche ?
09:13Il faut que je le commente.
09:14C'est génial.
09:15Je ne l'ai pas lu, vous en parlez très bien.
09:16La pensée captive, c'est...
09:17Il n'y a pas un de mes livres où je n'ai pas cité Miloche
09:19et la pensée captive.
09:20Il y a écrit d'autres choses,
09:21mais la pensée captive,
09:22parce qu'il manque le mécanisme propre aux intellectuels
09:23en régime idéocratique,
09:24c'est qu'ils disent une chose et ils savent...
09:27Moi, je dis tout le temps,
09:28en privé ou en public,
09:29c'est normal de ne pas dire exactement la même chose.
09:31On dit en privé plus qu'on dit en public.
09:33Mais on n'est pas censé dire en public
09:35le contraire de ce qu'on dit en privé.
09:37Or, que dit Miloche ?
09:39Il dit que la technique de survie des intellectuels
09:41en régime idéocratique,
09:42c'est d'apprendre à dire le contraire de ce qu'on pense
09:45le plus souvent possible.
09:46Et ça, on le voit,
09:47l'utilisation des mots,
09:48l'utilisation des mots jugés scandaleux.
09:50Si vous trébuchez en employant une formule
09:53que vous n'avez pas le droit d'utiliser,
09:54eh bien, vous serez condamnés aux marges sociales,
09:57vous serez infréquentabilisés.
09:59Donc là, il faut savoir.
10:00Et le problème, c'est que des mots nouveaux
10:02apparaissent quelques fois
10:03qu'on a le droit d'utiliser ou non.
10:05Là, il y a toute la formule.
10:06Il y a un qui décide.
10:07Alors moi, je ne crois pas à l'existence d'un qui.
10:09C'est-à-dire que moi...
10:11Je pense que c'est l'idéologie.
10:13S'il fallait identifier le facteur social dominant
10:18dans le régime politique propre à la modernité,
10:21je crois que c'est l'idéologie.
10:23Et à un certain moment donné,
10:24l'idéologie fixée par les instituts,
10:26le nouveau clergé qui est l'université,
10:28les médias,
10:29le système de production de la légitimité idéologique.
10:31Disons ça comme ça.
10:32Donc c'est pas un qui, c'est pas quelqu'un.
10:34Il n'y a pas la cellule dominante du grand complot.
10:36Évidemment que ça ne fonctionne pas comme ça.
10:38C'est simplement une tendance qui évolue
10:40portée par la logique des avant-gardes.
10:42Parce que qu'est-ce qui est au cœur du progressisme ?
10:44Il y a toujours l'idée qu'il faut toujours que ça change.
10:46Les avant-gardes indiquent le sens de l'histoire.
10:49Et là, qu'est-ce que c'est ?
10:50Aujourd'hui, on le voit sur toutes les questions liées à la diversité.
10:52Le régime diversitaire dit
10:54voilà ce que vous devez accepter désormais
10:56si vous voulez être dans le périmètre de la respectabilité.
10:58Vous ne l'acceptez pas,
10:59vous allez dériver à droite.
11:00Et si vous dérivez trop longtemps,
11:01vous dériverez à l'extrême droite.
11:03Alors, venons-en.
11:05Justement parce que toute la première partie de votre livre,
11:08c'est sur qui détermine qui est à l'extrême droite et qui ne le détermine pas.
11:12Parce qu'apparemment, c'est un très gros péché d'être à l'extrême droite.
11:15Et donc, il est très difficile de se remettre.
11:18Mais ça fait des années,
11:20moi, je ne sais pas trop ce que je suis,
11:21mais ça fait des années qu'on me dit que je suis à l'extrême droite.
11:24Ce que je ne comprends pas très bien.
11:25Parce que je suis dans le fond un bon vieux libéral à la burque
11:28ou voilà, comme vous savez, Roger Scranton.
11:32Donc, moi, je suis un type plutôt...
11:35Ce qui se passe, un phénomène curieux,
11:37c'est qu'en bon libéral que je suis,
11:39je pense que le vote est important.
11:42La majorité qui gouverne, c'est important et tout.
11:44Or, d'après tout ce que je vois chez ces gens-là,
11:47ils se méfient profondément du vote.
11:48Ils se méfient profondément de la...
11:50Donc, on retrouve le vieux problème des communistes,
11:54c'est qu'eux, ils sont l'avant-garde du prolétariat
11:56et qu'il faut empêcher les autres de parler ou de s'exprimer.
11:59Donc, c'est quand même un machin qui est profondément antidémocratique.
12:01Ah, bien sûr.
12:02En fait, il y a cette idée des avant-gardes éclairés.
12:04L'avant-garde éclairée, elle fonctionne à la révélation religieuse,
12:10mais qui se prend pour science.
12:11Marx disait du marxisme qu'il s'agissait de l'énigme décryptée de l'histoire.
12:15Et le marxisme se croyait science.
12:18Et ça, on se retrouve avec des avant-gardes éclairées qui savent.
12:21Et le peuple, vous noterez, aujourd'hui, c'est assez particulier,
12:24la seule manière dont on parle du peuple en politique,
12:26c'est de manière péjorative avec le concept de populisme.
12:29Et on se méfie plus que tout d'une technique de consultation populaire,
12:33de production de la volonté populaire, c'est le référendum.
12:36Parce que le référendum consiste en fait à remettre...
12:39Alors, plus encore qu'il y a le référendum, dont on se méfie,
12:42parce que le peuple, en votant, peut faire dévier le cours de l'histoire, le Brexit.
12:46Mais plus encore, le référendum d'initiative populaire,
12:48je crois que c'est une cause qui vous est chère,
12:50parce que là, ça remet au peuple,
12:52ou à tout le moins aux franges organisées dans la population,
12:55de fixer l'agenda politique.
12:57Fixer l'agenda.
12:57Or, l'agenda doit être fixé par ceux qu'on pourrait appeler les théologiens de l'histoire.
13:01Ceux qui savent quel est le sens de l'histoire,
13:04et qui savent quelle est la régression.
13:05Parce que quelle est la pire chose qui puisse arriver pour un progressiste, dans leur esprit,
13:08c'est revenir en arrière.
13:10Revenir en arrière, ça, c'est ce qu'on doit jamais faire.
13:12Alors, il me semble, quand on a vécu, par exemple, le XXe siècle,
13:14on sait, quand on pense à l'Union soviétique, que revenir en arrière,
13:17c'était... à tout le moins, il fallait faire ça pour...
13:19Ou l'Europe !
13:20Oui, bien sûr !
13:20Ah ben, ça, ben, oh ben, que je surnomme le RSS, quelques fois.
13:24Alors, on ne peut pas revenir en arrière.
13:25En fait, l'Europe doit toujours aller plus loin.
13:27Et si elle s'immobilise, c'est déjà qu'elle trébuche.
13:31Donc, elle doit toujours aller plus loin.
13:32C'est le vélo, c'est ce que disait Delors, je crois.
13:33Si on cesse d'avancer, on tombe en vélo.
13:35Et Delors, qui soit dit en passant,
13:37je comprends, moi, je ne suis pas un homme de gauche.
13:39Quand il y a l'hommage d'un homme qui vient de mourir,
13:41je me contente de me taire si je ne participe pas à l'hommage.
13:43Mais, bon, là, les jours ont passé, les semaines ont passé,
13:47qu'il nous soit permis de rappeler, sans que ça soit salir la mémoire de Delors,
13:52qu'il a dit, au moment de Maestricht,
13:53ceux qui s'opposent au traité devraient quitter la politique.
13:55Donc, là, qu'est-ce qu'il disait?
13:57C'est que si vous n'êtes pas d'accord avec cette nouvelle étape historique,
14:00qui est le socazie fédéral,
14:03parce que c'est ainsi que se pensaient les partisans de Maestricht,
14:05eh bien, vous n'êtes plus autorisés dans le périmètre de la vie démocratique.
14:08On peut accepter que vous vous présentiez aux élections,
14:10mais vous êtes une force rétrograde, réactionnaire,
14:13et contre lequel nous devrons nous imperméabiliser.
14:16C'est le principe du condom sanitaire.
14:17C'est exactement ça.
14:18Mais ce que disait Hayek quand il parlait de la présomption fatale,
14:21c'est qu'on en a eu des présomptions fatales
14:23qui nous ont amené de désastre en désastre avec des machins éclairés.
14:26Le seul pays en Europe qui n'a pas eu de guerre depuis très longtemps,
14:30je crois que ça doit être la Suisse,
14:31où il n'y a personne qui connaît le nom d'un politicien suisse,
14:34sauf vous, bien entendu, quelques-uns.
14:37Non, mais ce que je veux dire par là,
14:38c'est que cette présomption qu'ils ont de penser qu'ils détiennent la vérité,
14:42c'est déjà extraordinaire.
14:44Parce que moi, qui étais dans les marchés financiers toute ma vie,
14:47chaque fois que j'ai dit je sais,
14:48je savais avec certitude que j'allais prendre une claque.
14:52Si j'étais sûr de quelque chose,
14:53c'est que je savais que j'allais m'amasser une gamelle.
14:56Donc, ils n'ont aucune espèce de modestie vis-à-vis de leur façon de penser.
15:00Je poserais la chose autrement.
15:02Moi, je dirais que je crois savoir à peu près quelque chose.
15:06Je suis convaincu de certaines choses.
15:08Mais au même moment où j'en suis convaincu,
15:09et j'en suis vraiment convaincu,
15:10la preuve en est que j'essaie d'en convaincre les autres.
15:12Je sais qu'il y a un type devant moi
15:14qui est convaincu lui aussi, tout autant que moi,
15:16mais convaincu du contraire.
15:18Ça, c'est le point de départ, je crois,
15:20du libéralisme politique bien compris.
15:22Donc, qu'est-ce que c'est une démocratie libérale bien comprise ?
15:24C'est un système qui fait en sorte qu'aucune vérité partielle
15:28ne s'institutionnalise pour devenir la vérité totale.
15:30Et ne devienne tyrannique.
15:31Exactement.
15:32Vérité totale et définitive.
15:33Et définitive.
15:34Donc, il faut un mécanisme pour faire en sorte que
15:36tous les principes qui nous sont soumis soient perpétuellement discutés.
15:40Or, le progressisme comme philosophie,
15:43le régime diversitaire comme régime nous fait basculer.
15:46Maintenant, face à la démocratie libérale telle qu'il la réinterprète,
15:50c'est un sens d'une histoire fixée.
15:51Donc, c'est l'utopie post-nationale,
15:53c'est le multiculturalisme,
15:54c'est la déconstruction des identités.
15:56Et si vous ne participez pas à ce mouvement
15:58au rythme où ce mouvement est fixé par les avant-gardes,
16:01dès lors, vous basculez dans la réaction.
16:04Quelle est la différence entre ça et l'évangile communiste ?
16:08À l'échelle de l'histoire, je pense qu'on est dans la succession.
16:10On est dans la succession.
16:11Donc, ce que vous avez dit dans votre livre que j'ai trouvé très fort,
16:13c'est que dans le fond, le type d'extrême droite,
16:15c'est le type qui a toujours été, par exemple, contre le marxisme ou le communisme.
16:20S'il a toujours été contre,
16:22c'est qu'il n'a jamais rien compris et qu'on ne peut pas lui faire confiance.
16:24Mais par contre, s'il a été marxiste et qu'il change d'idée,
16:28à ce moment-là, il est crédible.
16:29Il faut avoir été de gauche pour avoir le droit d'une plus haine de gauche.
16:32Voilà.
16:33Non, non.
16:33De condamner les erreurs de la gauche d'abord.
16:35Oui, exactement.
16:35On ne peut critiquer la gauche, en fait, que de l'intérieur.
16:38Il faut y avoir participé pour avoir le droit ensuite de la critiquer.
16:41Pascal Bruckner, un homme que j'estime vraiment,
16:44un esprit de qualité.
16:45À part ailleurs, cette confession,
16:47parce qu'il raconte son parcours d'intellectuel de gauche
16:48dans un livre qui s'appelle « Un bon fils ».
16:50Il ne raconte pas que ça, d'ailleurs, dans ce livre-là,
16:51mais il raconte, dans un segment,
16:53il dit « J'étais un penseur de gauche et je ne m'intéressais qu'à ce que disait la gauche.
16:57La droite ne m'intéressait pas.
16:58Ce qui m'intéressait, c'est quand la gauche prend conscience de ses propres erreurs.
17:01Donc, la gauche prétend monopoliser la pensée légitime et intéressante.
17:05Et autrement dit, il faut adhérer à ses principes
17:08pour avoir le droit ensuite de les critiquer.
17:10Qui n'adhère pas à ses principes ?
17:12Qui, dès le début, dit « Je suis anticommuniste pour telle, telle, telle raison ? »
17:15Qui, dès le début, dit « Je suis antimulticulturaliste pour telle, telle, telle raison ? »
17:19Qui dit « Je suis anti-théorie du genre pour telle, telle, telle raison ? »
17:21Celui-là n'est pas invité dans la discussion
17:23parce qu'il n'a pas commis la condition première de la discussion,
17:26c'est-à-dire donner raison à l'adversaire
17:29pour ensuite lui donner tort dans les détails.
17:31Et qu'est-ce que la pensée de gauche, souvent ?
17:32— Ce qui vous amène à toujours perdre. — Mais bien sûr !
17:34— C'est-à-dire, si vous laissez, si vous tombez,
17:36si vous acceptez leurs principes,
17:38ils vont vous défaire, bataille après bataille.
17:41— La plupart du temps, la droite dite « classique »,
17:43celle qui se fait une fierté de l'être,
17:45juste une gauche 15 minutes en retard.
17:47Ou c'est une gauche pâle, ou c'est une gauche avec une calculatrice.
17:49Donc globalement, ils acceptent, ils disent finalement, aux progressistes,
17:53« Laissez-nous marcher dans votre direction, mais à notre rythme.
17:56Ne nous brusquez pas, ne nous humiliez pas.
17:58Nous vous rallierons, mais 15 minutes plus tard. »
18:01Mais celui qui dit « En l'instant, moi, je vais aller dans une autre direction. »
18:03Non, non, moi, je pense que vous avez tort, fondamentalement.
18:06— Celui-là... — Ça, c'est Thatcher.
18:08Moi, j'ai vécu en Angleterre pendant les années Thatcher.
18:10Et ce qui s'est passé, qui était fascinant,
18:12c'est que le débat se passait toujours sur le terrain fait par la gauche,
18:16accepté par la gauche.
18:18Puis Mme Thatcher, elle a dit « Pas du tout,
18:19maintenant, il va se passer sur mon terrain, moi. »
18:21Elle a changé le lieu du débat.
18:22— Et j'ajouterais, c'est plus encore Sojournistin.
18:25Parce que Sojournistin ne se contente pas
18:27de dire « Le communisme a échoué, mais aurait pu réussir. »
18:30Il dit « Non, il était condamné à la base,
18:32et à la base, il était perverti. »
18:34Ça, c'est terrible.
18:35Parce que pour ceux qui acceptent...
18:37Parce qu'il faut comprendre, pour une bonne partie des intellectuels,
18:40une bonne partie de leur vie consiste à adapter leur discours
18:43pour corriger leurs erreurs de jeunesse.
18:45Or, moi, je pense, de ce point de vue,
18:48il faut relire ces auteurs souvent oubliés,
18:51qui ont eu des intuitions juste très jeunes,
18:52mais qui, pour cela, se sont condamnés à la marge, quelquefois.
18:55— Mais vous en citez un ?
18:57C'est Roger Scruton, là, qui a... — Bien sûr.
18:58Lui, il a pris très rapidement.
19:00— Ah oui, comment il s'est fait flinguer par le Statesman, c'était absurde.
19:03Ah, mais en fait, ça, c'est le point presque final de sa vie.
19:05Puisque, on va le raconter en un instant, c'est bouleversant.
19:08Scruton, à la fin de sa vie, était un penseur conservateur respecté.
19:11On lui avait confié une commission sur l'architecture,
19:13parce que Scruton était hanté par l'idée
19:15que la beauté appartenait seulement au passé, dans l'architecture.
19:18Donc, qu'est-ce qu'on a fait hier qui va être beau,
19:20aujourd'hui, on ne fait que des centres commerciaux dégueulasses.
19:22Donc, il dit qu'il faut être capable, dans le monde qui est le nôtre,
19:24de produire de la beauté.
19:25Il s'intéressait à l'architecture pour ça.
19:27Le type du Statesman fait une interview pour le flinguer ouvertement,
19:31mais c'est assez gênant, parce que le gars prend des phrases de Scruton,
19:34il les détache, il les décontextualise,
19:36il les recontextualise ensuite dans le contexte de Scruton est très méchant,
19:39voyez la preuve, voilà la phrase que j'ai réussi à avoir de lui.
19:42Au final, il produit un faux.
19:43Il produit un faux.
19:45Mais il est tellement fier de lui,
19:47qu'il, publiquement, je pense qu'il y a une photo qu'il met sur Twitter,
19:50on le voit avec une bouteille de champagne,
19:51on dit « Regardez, j'ai flingué ».
19:51Mais il a été flingué par la couronne britannique,
19:53il a perdu sa commission.
19:54Mais oui, voilà, il flingue, c'est parce qu'il flingue Scruton.
19:58Et là, il voit sa champagne.
19:59Tout le monde, exactement.
20:00Et là, tout le monde largue Scruton,
20:01mais on est devant, c'est proche,
20:03des ministres, ceux qui l'accompagnaient politiquement le larguent.
20:06Et là, finalement, on se rend compte qu'on est devant un faux.
20:08Est-ce que tous ceux qui l'ont condamné le réhabilitent ?
20:10Non, pas vraiment.
20:11Il ne s'excuse pas.
20:12Ce qui se passe, cela dit,
20:14c'est qu'il est réhabilité implicitement.
20:15Mais ce qu'il y a de plus beau chez Scruton, moi, ça m'a bouleversé,
20:18c'est, il se découvre condamné par un cancer,
20:21quelque part en 2019, de mémoire, je pense,
20:24quand il était au Brésil.
20:25Et puis, il écrit un dernier texte.
20:26Ce n'est pas un texte de ressentiment,
20:28c'est un texte sous le signe de la gratitude.
20:29Il dit, oui, j'aurais pu en vouloir à ci, ça, ça.
20:31Mais au final, cette vie était formidable.
20:34J'ai pu avoir des liens sensés.
20:36Donc, au terme d'une vie marquée souvent
20:39par une volonté explicite de le marginaliser,
20:42de le stigmatiser, de l'infréquentabiliser.
20:44Mais au final, il dit, cette existence vaut la peine
20:46d'être vécue et d'être transmise.
20:48C'est un texte sous le signe de la gratitude.
20:49C'est un texte magnifique de Scruton.
20:52Il y en a eu beaucoup, comme ça,
20:53des gens qui ont été martyrisés.
20:54Je me souviens de la façon dont on a essayé
20:55de ridiculiser Solzhenitsyn au début.
20:58Ça a été affreux.
20:59Et je me souviens, vous n'étiez pas là, j'imagine,
21:01mais quand Solzhenitsyn était
21:04dans une réunion à la télévision,
21:06et il y avait Jean Daniel,
21:07vous connaissez l'histoire.
21:08Je connais la vidéo, oui.
21:09Vous connaissez la vidéo.
21:10C'est absolument extraordinaire.
21:11Jean Daniel qui explique qu'ils avaient été
21:12tous les deux dans la résistance toute leur vie.
21:14Et vous vous disiez, non, mais pauvre Jean Daniel.
21:16C'était un moment, parce que c'était affreux,
21:18parce que Jean Daniel était presque condescendant
21:22vis-à-vis de vous avez lutté toute votre vie contre le...
21:26Mais moi aussi, mais moi, j'ai un niveau de compréhension
21:28supérieur au vôtre.
21:29Mais ils ont présenté Solzhenitsyn, finalement,
21:31comme une intelligence de rustre.
21:32Alors que finalement, quand on lit l'archipel du Goulag,
21:35et pas seulement, il y a une intuition philosophique
21:37assez exceptionnelle sur les mécanismes totalitaires
21:40de la modernité.
21:41Le Chanel Vaud, c'est un bouquin incroyable, ça.
21:43Mais non, je me rappelle, en fait,
21:44la condescendance autour de Solzhenitsyn est finalement...
21:47C'est une autre façon de marginaliser les autres.
21:49C'est-à-dire un type qui pense puissamment,
21:51on dit, dans le fond, il sent des pieds, quoi.
21:54Il y a un mot nouveau pour utiliser ça, c'est un polémiste.
21:56Donc, un polémiste est toujours de droite.
21:59J'ai jamais rencontré un polémiste de gauche de ma vie.
22:01Mais parce qu'ils ont pas de talent.
22:02Ce qu'on nous dit, en fait, c'est que le véritable intellectuel
22:04est de gauche, et vous, vous écrivez à droite,
22:06vous écrivez des livres à droite.
22:08Enfin, on vous dit que vous êtes de droite,
22:09donc apparemment, vous l'êtes.
22:10Vous accumulez des livres, une oeuvre,
22:12mais ça sera jamais rien d'autre qu'une oeuvre de polémiste.
22:15Le terme est fascinant.
22:16Parce que le polémiste, c'est quoi?
22:17C'est quelqu'un qui cherche la querelle pour la querelle,
22:19qui fait son miel d'une querelle artificielle
22:21sans laquelle il ne pourrait pas vivre.
22:23Donc on n'est pas devant une véritable pensée.
22:25Aron...
22:26Le terme était pas le même à l'époque,
22:27mais on présentait Aron comme ça.
22:29Aron disait finalement,
22:30bon, c'est de l'intellectuel au service de la bourgeoisie,
22:32c'est pas une pensée très sérieuse, Raymond Aron.
22:34C'est pas à la hauteur, Raymond Aron.
22:35Des gens qui disaient ça,
22:36des espèces de figures périphériques
22:38de la gauche intellectuelle
22:40qui, à l'époque, se prenaient pour de grands penseurs,
22:42aujourd'hui, c'est même pas des...
22:43On les oublie même dans les notes de bas de page.
22:45Bon, alors qu'Aron, à ce que j'en sais,
22:47a surnagé, a survécu.
22:49Survécu, c'est tout à fait étonnant.
22:51Et il y a cette espèce de mépris
22:53que vous mentionnez aussi très bien,
22:55en particulier dans la dernière partie de votre livre,
22:58pour, dans le fond,
23:00surtout la dernière page d'ailleurs,
23:02celui pour lequel j'ai une affection toute particulière,
23:05si j'ose dire, celui qui rote, qui pète,
23:07qui est content, qui est content d'être là,
23:09qui est content de bouffer,
23:10content d'être avec une jolie femme.
23:12Vous savez, c'est tout ce qui fait le charme de la vie.
23:14Mais bien sûr !
23:15Et ces gars-là, finalement,
23:17d'abord, ils ont pas d'humour,
23:19et ensuite, ils nous font des vies emmerdantes comme tout.
23:21Et cette espèce de façon qu'on avait en France
23:23de vivre une vie un peu rablaisienne,
23:26tout ça, tout ce que j'ai à en dire,
23:28c'est complètement étranger,
23:30et une mine de rablais.
23:31Vous avez tout à fait raison.
23:33C'est incroyable, on peut pas être plus loin de rablais
23:35que ces gars-là.
23:36C'est quand même pas des gens à qui on s'amuse.
23:39Et il y a une formule,
23:40je sais pas si vous avez souvenir du film Le Nom de la Rose,
23:43avec Sean Connery, Justin Slater et quelques autres,
23:46et il y a une scène absolument remarquable
23:48avec le vénérable Yorg,
23:49autour de la question du rire chez Aristote.
23:52Et Guillaume,
23:55le frère Guillaume qui est joué par Sean Connery,
23:57parle de l'importance du rire dans la comédie,
23:59et là, il y a le vénérable Yorg
24:00qui est le moine terrifiant aux yeux absents.
24:02On sait que c'est le méchant assez rapidement.
24:06Le Christ n'a jamais ri.
24:08Oui, j'ai.
24:09Le rire d'un dieu.
24:13Pour moi, c'est un intellectuel progressiste par excellence.
24:15On ne rit pas de ces choses-là.
24:17Comment?
24:18Et on le voit concrètement aujourd'hui.
24:20Imaginez une séance de formation en diversité dans une entreprise.
24:23Les séances aujourd'hui de rééducation idéologique
24:26imposées à tant et tant de travailleurs
24:28des deux côtés de l'Atlantique,
24:29où on va leur apprendre, par exemple,
24:31la théorie du racisme systémique,
24:32on va leur apprendre comment un homme peut être enceinte,
24:34on va leur apprendre le fait que le racisme ne peut qu'être blanc
24:38et le racisme anti-blanc est inimaginable.
24:40Tout ce discours-là.
24:41Et là, imaginez, vous avez une séance.
24:43Globalement, 2 plus 2 égale 5.
24:45Et là, vous êtes dans cette séance.
24:48Si vous avez le malheur soit de bailler ou de rire.
24:51J'imagine, moi, le formateur,
24:53militant aux cheveux bleus,
24:55convaincu qu'un homme peut être enceinte,
24:57il vous dit ça.
24:58Vous n'êtes pas au courant.
24:59Moi, je passe ma vie là-dedans.
25:00Vous aussi.
25:01Vous avez un gars, il est normal.
25:02Il réussit bien sa vie.
25:03Il est heureux dans sa vie.
25:04Il a sa séance de rééducation obligatoire.
25:06Déjà, la rééducation obligatoire.
25:09Bien sûr, mais le type aux cheveux bleus,
25:11il appelle ça des formations.
25:12Et là, le type aux cheveux bleus, vous savez,
25:14un homme peut être enceinte.
25:15Le gars n'était pas au courant de cette phobie-là.
25:17Il part à rire.
25:18Quand même, il ne faut pas exagérer.
25:19Ce n'est pas un mauvais diable.
25:20Le gars, il se dit, oui, il faut être ouvert aux gens différents.
25:23Je comprends ça.
25:24Je suis un garçon tolérant.
25:25Un homme peut être enceinte.
25:26Vous allez loin.
25:27Et il part à rire.
25:28Mais ce rire peut le conduire aux enfers.
25:30Absolument.
25:34Monsieur, pourquoi êtes-vous transphobe ?
25:37Je ne suis pas transphobe.
25:38Mais un homme peut être enceinte.
25:39Vous allez loin, Jérémie.
25:40Non, non.
25:41Pourquoi vous êtes ça ?
25:42OK.
25:43Je n'étais pas au courant.
25:44Et là, vous voyez les mécanismes de persécution juridique.
25:48Il peut perdre son emploi.
25:49Ou alors, il peut être bloqué dans toute promotion.
25:51Ou au travail, tout simplement,
25:52il peut désormais être le pesticidaire.
25:53S'il rêvait en Corée du Nord,
25:54il peut rêver autre chose.
25:55C'est qu'il y a un pauvre gars
25:56qui était avec le dictateur actuel en Corée du Nord
25:58qui s'était endormi au premier rang.
25:59Il a été fusillé.
26:00Oui.
26:02On n'a pas besoin de Corée du Nord pour ça.
26:03Dans mon livre précédent,
26:04La Révolution racialiste,
26:05je racontais comment dans la séquence
26:07qui a suivi l'été 2020 aux États-Unis,
26:10il y a une séquence justement de rééducation diversitaire.
26:13Et quelqu'un s'endort, je crois, de mémoire.
26:16J'espère ne pas me tromper dans le détail,
26:17mais s'endort pendant la séance.
26:19Je pense que c'était d'ailleurs par visioconférence.
26:21On est en pleine COVID.
26:22Et là, s'endormir en pleine séance de rééducation.
26:25Mais la personne était dénoncée pour s'être endormie.
26:27Donc, rire ou s'endormir ou bailler
26:31pendant la séquence de rééducation diversitaire en entreprise.
26:34Je ne parle pas ici de choses qui sont périphériques.
26:36Le nombre de gens qui subissent de telles formations aujourd'hui,
26:39c'est incroyable.
26:40Mais si vous riez, si vous baillez,
26:42si vous vous endormez, on va vous le faire payer.
26:45Parce que ça veut dire que vous n'êtes pas dans l'extase
26:47par rapport au dogme qui se présente à nous
26:49comme une révélation nouvelle.
26:51C'est très curieux.
26:52Alors, vous parlez donc…
26:54Parlez-nous maintenant un petit peu
26:55de la façon dont on exclut les gens de toute vie civilisée
26:59après les avoir excommuniés.
27:01Les moyens qu'on utilise pour les mettre à l'écart
27:05qui vont de leur perte d'emploi jusqu'à des procès.
27:10Bien sûr. Il y a la perte d'emploi.
27:11Ça, c'est très réel en passant.
27:13Il y a la déchéance de droits civiques aujourd'hui en Europe.
27:15Moi, je trouve que le cas de Nigel Farage est très intéressant.
27:18Nigel Farage, figure importante du Brexit.
27:20Je dirais même père spirituel du Brexit,
27:22si on me permet la formule.
27:25Exactement.
27:26C'est la preuve que les hommes font l'histoire.
27:28Farage est chassé de sa banque,
27:30on lui dit parce que vous êtes un mauvais client.
27:32Et la formule va jusqu'à…
27:35C'est assez particulier.
27:36C'est même repris par la BBC.
27:37Nigel Farage chassé car mauvais client.
27:39Et là, le type qui a fait ça a été maladroit.
27:42Normalement, ces gens-là ont le bon sens
27:43de ne pas se confesser publiquement,
27:45mais ils racontent et disent « Oui, en fait, on l'a viré »
27:47parce qu'il y avait des positions idéologiques absolument indéfendables.
27:49Et il est donc viré de sa banque.
27:52Et là, c'est révélé publiquement.
27:54Et là, pour cela, il va être réintégré,
27:55parce qu'en Grande-Bretagne,
27:56même le Premier ministre, Richie Sounac,
27:57dit « Je m'excuse, mais il ne peut pas avoir de délit d'opinion. »
28:00Mais des cas comme ça,
28:02où quelqu'un qui, parce qu'il pense mal,
28:04va avoir son compte bancaire fermé,
28:05qui, parce qu'il pense mal…
28:07Ah ben, je devine.
28:09Qui, parce qu'il pense mal,
28:11va se faire interdire de conférence,
28:13qui, parce qu'il pense mal,
28:14va perdre son emploi,
28:15qui, parce qu'il pense mal…
28:16N'est plus publié.
28:17N'est plus publié.
28:18Ou va être frappé d'interdit professionnel.
28:20Tout ça, et puis ça peut aller encore plus loin,
28:22soit en passant en France, là-dessus.
28:24Dieu sait que j'aime la France,
28:25mais c'est loin en matière de liberté d'expression.
28:27C'est un peu trop original pour moi.
28:29Alors, le fait est qu'il y a un prix à payer
28:32pour être étiqueté de sale manière par le système.
28:35C'est-à-dire que si vous n'acceptez pas
28:38le Nouvel Évangile, en quelque sorte,
28:41vous avez droit au bûcher, quoi.
28:43Oui, alors, sur ça, j'ai dit « sans le goulag ».
28:45C'est dans le titre.
28:46C'est important, parce que notre système,
28:48pour l'instant et pour longtemps,
28:49je crois, fait l'économie de la persécution physique.
28:51Et c'est une bonne chose.
28:52Bien qu'indirectement.
28:53Bien qu'indirectement.
28:54Pensez, par exemple, aux milices antifas.
28:57Les antifas, lorsqu'ils décident d'interdire un événement.
28:59Puis voyez ensuite comment c'est raconté par les médias.
29:01Les antifas arrivent, ils attaquent un événement,
29:04le service d'ordre,
29:05normalement trois bonhommes
29:06cherchent à contenir les antifas,
29:07en disant « cette conférence peut se tenir ».
29:09Et c'est raconté par les médias
29:10une altercation entre des militants d'extrême droite
29:13et des antifas.
29:14Mais honnêtement, c'est pas ce qui s'est passé.
29:16Les antifas ont agressé,
29:17le service d'ordre a cherché à les contenir
29:19pour permettre à la conférence,
29:20qui est permise, à ce que j'en sais juridiquement,
29:22de se tenir.
29:23Mais ça nous est raconté comme si l'agresseur
29:25c'était le service d'ordre.
29:26C'est exceptionnel.
29:27Et de ce point de vue, les antifas, pour moi,
29:29c'est une forme de milice répressive.
29:30Mais c'est pas la même chose
29:31que le même procès qu'on fait à la police
29:32en disant que la police, c'est toujours elle qui attaque
29:34et qu'elle miséra qu'elle...
29:35Ah mais bien sûr.
29:36Donc, il y a...
29:37Dans ça, ce qui est intéressant,
29:40c'est que vous avez cette espèce de condamnation
29:42sans tribunal qui est faite de gars qui pensent pas bien,
29:45mais de ceux qui sont chargés de faire respecter la loi
29:48qui, encore aujourd'hui, est valable jusqu'à demain,
29:51jusqu'à ce qu'elle change.
29:52Eux, ils sont toujours accusés d'agression
29:55s'ils ont respecté la loi.
29:56Mais c'est l'inversion de la légitimité.
29:57C'est-à-dire qu'on enlève toute légitimité républicaine
30:01aux forces de l'ordre, à l'armée, etc.,
30:03parce que c'est une façon d'imposer le Nouvel Évangile.
30:05Mais bien sûr.
30:06En fait, c'est l'inversion de la légitimité.
30:07C'est que, fondamentalement,
30:08alors, à ce qu'on en sait,
30:10c'est la formule qu'il y a...
30:11Enfin, on le savait depuis Hobbes.
30:12On l'a eu, la confirmation de Weber.
30:14L'État est le monopole de la violence légitime.
30:16Sur quoi repose la puissance de l'État ?
30:18C'est ce que disait Hobbes.
30:19C'est la peur de la mort violente
30:20qui habite chacun d'entre nous.
30:21Et d'ailleurs, il faut confier à l'autorité
30:23la responsabilité d'éviter, justement,
30:25la possibilité de la mort violente.
30:26Bon.
30:27Ce qu'on voit aujourd'hui,
30:28c'est qu'il y a une délégitimation
30:29des forces de l'ordre légitimes.
30:31Ensuite, on va me poser la question,
30:33mais il n'arrive jamais que la police dérape ?
30:34Bien sûr qu'il arrive que la police dérape.
30:35Toutes les institutions dérapent.
30:36La meilleure comme la pire.
30:37Et il peut y avoir des cas où ça se passe mal.
30:39C'est parce qu'on a pêché en original.
30:40Oui.
30:41Exactement.
30:42On y revient.
30:43Vous avez tout à fait raison.
30:44Or, le fait est que l'État, la police,
30:46on suppose toujours qu'elle dérape
30:48en toutes circonstances.
30:49Et ceux qui attaquent la police
30:51ne sont jamais considérés
30:52comme ayant dérapé de leur côté.
30:53Ils la provoquent, ils l'attaquent,
30:55ils cherchent à pousser ça jusqu'aux extrêmes.
30:57Et dès lors qu'ils reçoivent la contre-attaque,
30:59souvent parce que les policiers ont été agressés,
31:02on présente les policiers
31:03comme une forme de milice de répression fasciste.
31:05Et ça, je pense que c'est important de le noter,
31:07c'est même fondamental.
31:09Dans l'esprit de la gauche antifa,
31:11donc les antifas, c'est pas tout le régime.
31:13C'est la milice répressive,
31:15on pourrait dire inavouée du régime.
31:17Eh bien, Watoumon, une frange du régime.
31:19Eh bien, lorsque les antifas frappent
31:22dans les circonstances,
31:23eux, leur violence est toujours jugée comme légitime.
31:25On le voit d'ailleurs dans le nom qu'on leur donne.
31:27Antifa, antifasciste.
31:28Mais le fait est que le fascisme,
31:30je suis contre, vous êtes contre,
31:32on est tous contre.
31:33Quand on regarde les antifas,
31:34quelle est leur définition du fascisme ?
31:36Leur définition du fascisme,
31:37c'est tout ce qui n'est pas
31:39dans l'idéologie de la gauche radicale,
31:41c'est du fascisme.
31:42Et ça nous ramène...
31:43L'antifascisme, dans les années 30,
31:44qu'est-ce que c'est ?
31:45C'est pas le fait d'être contre le fascisme.
31:46C'est la stratégie de Moscou
31:48à l'époque des communistes
31:49pour assimiler au fascisme
31:51tous ceux qui s'opposent au communisme.
31:52De la même manière, aujourd'hui,
31:53tous ceux qui...
31:54Donc on revient à la même chose,
31:55c'est quiconque est anticommuniste n'est pas recevant.
32:00Le fascisme, dans ses dernières évolutions,
32:01finit par être d'extrême droite.
32:02Et quel est le rêve des antifas ?
32:04Je l'évoquais rapidement.
32:05Pour eux, fondamentalement,
32:06ils rêvent au chaos.
32:07Ils rêvent du moment
32:08où la situation nous échappe,
32:10déborde des institutions,
32:12pousse à la crise,
32:13et dès lors,
32:14et dès lors,
32:15le monde pourrait,
32:16dans ce moment chaotique,
32:17un ordre, le leur,
32:18pourrait surgir.
32:19Je pense que c'est non seulement
32:20le rêve des antifas,
32:21c'est le rêve d'une partie
32:22de la gauche radicale
32:23qui tourne autour...
32:24Mais on a vu ça à Portland.
32:25Ah bien bien sûr !
32:26On a vu ça à Portland,
32:27ils ont fait une espèce
32:28de république...
32:29Autogérée,
32:30une forme de soviète,
32:31de soviète de Portland.
32:32Et puis au bout de 5 minutes,
32:33tout le monde se tapait dessus
32:34parce qu'il fallait
32:35qu'il y en ait des armes,
32:36pas d'armes,
32:37qu'ils faisaient la police.
32:38Mais bien sûr,
32:39on a une société organisée,
32:40une société où il y a
32:41une autorité légitime,
32:42où il y a des cadres
32:43qui sont fixés,
32:44et ensuite,
32:45on fout la paix aux gens.
32:46Ça, c'est globalement...
32:47C'est le truc de...
32:48Comment il s'appelle ?
32:49Peterson.
32:50Jordan Peterson.
32:51Jordan Peterson,
32:52il n'arrête pas de dire ça.
32:53Il dit,
32:55parce que ça,
32:56c'est mon côté libéral
32:57dans tous les sens du terme.
32:58Il y a une hiérarchie,
32:59oui, évidemment,
33:00dans tout ordre social.
33:01Il y a une autorité légitime,
33:02mais ensuite,
33:03on fout la paix aux gens.
33:04Le paradoxe
33:05de nos progressistes
33:06les plus radicaux,
33:07c'est qu'officiellement,
33:08ils contestent
33:09l'autorité,
33:10mais au même moment,
33:11ils veulent se mêler
33:12de l'avis de tout le monde
33:13jusque dans les moindres détails.
33:14Et ça nous ramène
33:15à la question du langage
33:16dont on parlait.
33:17Il y a un instant,
33:18si vous dites un mot de trop,
33:19vous pouvez être congédié.
33:20Donc moi, je suis partisan
33:22légitime,
33:23contestable,
33:24mais identifié.
33:25Et ensuite,
33:26on fout la paix aux gens.
33:27Mais eux disent,
33:28non, non, non,
33:29c'est l'égalité,
33:30c'est l'autogestion.
33:31En fait,
33:32c'est une société
33:33qui serait,
33:34en tant que telle,
33:35si démocratique
33:36qu'elle n'aurait pas besoin
33:37de principes d'autorité
33:38fixés même en éducation.
33:39Mais inversement,
33:40on va contrôler
33:41jusqu'à votre intimité.
33:42On va contrôler
33:43jusqu'à vos propos.
33:44En Écosse,
33:45on fait une loi
33:46pour interdire les propos haineux
33:47à la maison.
33:48Et ça, pour moi,
33:49c'est quand même le délire
33:50pour interdire les produits
33:51haineux à la maison.
33:52Donc, vous avez votre fils
33:53ou votre fille
33:54qui va vous dénoncer
33:55à qui ?
33:56Mais voilà.
33:57Et là, c'est comment ?
33:58À qui ?
33:59C'est ce qui s'était passé
34:00en Union soviétique ?
34:01Oui, bien sûr.
34:02En fait, la loi écossaise,
34:03c'est ce qu'on a répondu.
34:04Qui ?
34:05Alors là,
34:06je n'ai pas le détail
34:07du mécanisme en terme,
34:08mais il y a les mécanismes
34:09juridiques qui ont été faits.
34:10Mais on arrive au point central,
34:11c'est la délation.
34:12Moi, je présente le scénario
34:13ainsi quand je parle
34:14de cette loi-là.
34:15Vous êtes à la maison,
34:16vous recevez,
34:17je ne sais pas,
34:18vos petits-enfants.
34:19Vous faites une blague.
34:20Vos petits-enfants,
34:21votre petit-fils, par exemple,
34:22votre nouvelle copine
34:23est un peu plus à gauche,
34:24cela dit.
34:25Une fille charmante,
34:26un peu plus à gauche.
34:27Comme tous les gens de gauche,
34:28dès qu'on n'est pas d'accord avec eux,
34:29ils prennent ça pour des propos haineux.
34:30Bon.
34:31Eh bien, cette personne
34:32pourrait, dans notre logique,
34:34aller vous dénoncer aux autorités
34:35en disant,
34:36j'ai entendu autour de cette table
34:37des propos haineux.
34:38Donc là,
34:39est-ce qu'on comprend bien
34:40ce dont il est question ?
34:41C'est qu'il n'y a plus
34:42de sanctuarisation du domicile.
34:43Il n'y a plus de sanctuarisation.
34:44Autrement,
34:45ça,
34:46il y a un cap qui a été franchi
34:47avec une telle loi
34:48qui est appelée à se généraliser.
34:49Ensuite,
34:50il ne faut pas se tromper.
34:51Moi, c'est pour ça
34:52que je vois l'Occident
34:53de manière assez unifiée
34:54dans la dynamique idéologique
34:55qu'il traverse.
34:56Quand une mauvaise idée
34:57arrive quelque part,
34:58on peut être certain
34:59qu'elle va frapper
35:00à la porte partout.
35:01Je suis tout à fait d'accord.
35:02Je crois, attendez,
35:03c'était Pareto qui disait
35:04qu'il y a des idées utiles
35:05et il y a des idées qui marchent.
35:07Et les pires,
35:08c'est des idées inutiles
35:09et qui ne marchent pas
35:10mais qui séduisent tout le monde.
35:11Oui, ça, c'est terrifiant.
35:12C'est là où on est en plein.
35:13Mme Besson est en prison.
35:14C'est là où on est en plein.
35:16Donc, encore une fois,
35:17ce livre,
35:18je l'ai lu.
35:19Et alors,
35:20je vais faire une remarque
35:21qui me...
35:22Je ne sais pas si j'ai raison de la faire
35:23mais je vais la faire quand même.
35:24Tiens,
35:25vous avez...
35:26J'aime beaucoup vos livres.
35:27J'aime beaucoup vos idées et tout.
35:28Vous avez une...
35:29Vous écrivez en français ?
35:30Oui, bien sûr.
35:31Bien sûr.
35:32Mais vous n'écrivez pas
35:33comme un français.
35:34Parce que je suis québécois.
35:35Vous êtes québécois.
35:36Non, mais vous avez une façon d'écrire
35:37qui me rappelle beaucoup...
35:38Je vais vous dire un autre truc.
35:39C'est celle de Jean-Paul II.
35:40C'est plutôt flatteur, je trouve.
35:41C'est-à-dire que moi,
35:42quand j'écris,
35:43j'ai une espèce de...
35:44J'ai été informé français.
35:45J'ai thèse, antithèse, satèse.
35:46Vous savez, j'ai...
35:47Et vous, vous écrivez
35:48dans une espèce de spirale
35:49qui monte,
35:50qui monte, qui monte,
35:51qui monte, qui monte.
35:52Et donc,
35:53on vous suit dans le raisonnement.
35:54Ça monte, ça monte comme ça.
35:55Ça tourne, ça monte, ça monte.
35:56Et à la fin,
35:57vous arrivez à la fin
35:58de ce que vous voulez.
35:59Mais c'est pas du tout
36:00un raisonnement binaire.
36:01Mais vous avez tout à fait raison.
36:02Sur le plan biographique,
36:03la structure d'éducation québécoise
36:04n'est pas la même qu'en France.
36:05Ça, c'est le problème.
36:06Ensuite, j'ai écrit...
36:07Vous avez beaucoup travaillé
36:08avec les types de l'Est ?
36:09Non, pas du tout.
36:10Vous avez lu sur le génocide ?
36:11Oui, bien sûr.
36:12Parce qu'ils ont un peu
36:13des raisonnements comme ça.
36:14Mais vous avez raison sur la question.
36:15En fait, ce que je fais,
36:16moi, c'est que j'essaie de suivre.
36:17Mais ça, c'est une méthode.
36:18En fait, on pourrait même
36:19ramener ça en France
36:20par Tocqueville.
36:22Il y a une citation de Tocqueville
36:23qui est inouïe.
36:24Je ne saurais trop l'apprécier.
36:25Sur la mort sociale.
36:26Sur la mort sociale,
36:27la page 160,
36:28c'est pas croyable.
36:29Moi, je pense que...
36:30Puis Dieu sait,
36:31si au terme de ma vie,
36:32j'ai fait une oeuvre
36:33qui peut être digne
36:34d'une note de votre page tardive,
36:35de la correspondance privée
36:36de Tocqueville,
36:37j'en serais heureux.
36:38Mais c'est quoi la méthode de Tocqueville
36:39si on peut l'avoir comme guide ?
36:40C'est qu'il prend
36:41une méthode,
36:42il prend une méthode
36:43et il prend une méthode
36:44et il prend une méthode
36:45et il prend une méthode
36:46et il prend une méthode
36:51et il prend une idée
36:52et il la suit
36:53jusque dans ses ultimes conséquences.
36:55Voilà.
36:56Un raisonnement circulaire comme ça.
36:57Exactement.
36:58Qui monte en spirale.
36:59Ça tourne, ça tourne.
37:00Puis un moment donné,
37:01on se rend compte
37:02qu'on déploie une idée
37:03jusqu'à ses ultimes conséquences.
37:04Et si on utilise cette méthode
37:05et c'est la mienne,
37:06j'en suis...
37:07Ah oui, oui.
37:08Je dirais pas que c'est systématique
37:09mais c'est comme ça
37:10que je fonctionne
37:11dans tous mes livres.
37:12Tout à fait.
37:13Je pense qu'il est possible
37:14de voir jusqu'où se déploie une idée
37:15et non pas dès lors
37:16d'être je ne sais quel devin
37:17mais de voir quelle sera
37:18la prochaine étape
37:22Et de ce point de vue,
37:23on se voit quelle sera
37:24la prochaine étape.
37:25Et là on nous dit
37:26mais t'exagères,
37:27tu vas trop loin,
37:28ça sera jamais comme ça.
37:29En un instant,
37:30si on se fie à la logique des idées,
37:31c'est là,
37:32à moins qu'on change de système.
37:33Mais tant qu'on est dans
37:34ce système idéologique,
37:35c'est là qu'on va aboutir.
37:36Et de ce point de vue,
37:37de ce point de vue,
37:38cette méthode a permis
37:39à Tocqueville d'anticiper
37:40sur deux siècles à peu près
37:41d'histoire humaine,
37:42ben il n'est pas...
37:43Essayons d'anticiper
37:44les 5-10 prochaines années,
37:45on sera déjà pas trop mauvais.
37:46C'est pour ça.
37:47Déjà quand on lit
37:48vos anciens écrits,
37:49on se rend compte
37:50que vous avez anticipé
37:51toute une série de choses.
37:52Mais moi,
37:53qui suis un praticien
37:54de l'écriture
37:55et puis d'essayer de comprendre
37:56ce qui se passe dans le monde,
37:57c'est une méthode d'écriture
37:58ou de réflexion
37:59que j'ai jamais utilisée.
38:00Et je trouve ça intéressant
38:01que je vais peut-être m'y mettre.
38:02On a chacun nos méthodes.
38:03Enfin je pense qu'on a chacun
38:04notre cerveau
38:05qui est structuré
38:06d'une telle manière.
38:07Et moi ça fonctionne
38:08à peu près comme ça.
38:09Je ne prétends pas
38:10que c'est la meilleure.
38:11Il y a d'excellentes manières
38:12de travailler
38:14Je cherche à la suivre
38:15jusqu'au bout.
38:16Vous allez à l'absurbum
38:17comme disaient les romans.
38:18C'est-à-dire jusqu'à l'absurde.
38:19Oui, mais le problème
38:20c'est que l'absurde
38:21est finalement quelquefois
38:22simplement après-demain.
38:23Ça arrive ?
38:24L'absurde d'aujourd'hui
38:25c'est la norme d'après-demain.
38:26Et on y revient
38:27à cette idée
38:28qu'un homme peut être enceinte.
38:29Voilà.
38:30Ben écoutez,
38:31je voulais vous remercier.
38:32J'ai trouvé ça passionnant.
38:33Je ne saurais trop
38:34vous recommander
38:35de lire ce livre.
38:36Mathieu Bockcôté
38:37a cette merveilleuse capacité
38:38d'être à cheval
38:39sur deux mondes.
38:40Le monde français
38:41de là-bas
38:42et le monde français d'ici.
38:43Et puis,
38:44je vous remercie
38:45de venir chez nous.
38:46Merci infiniment
38:47pour l'invitation.
38:48C'était passionnant.
38:49C'était très intéressant.
38:50Et puis honnêtement,
38:51ça doit aller
38:52dans l'étage supérieur
38:53de votre bibliothèque.
38:54Merci beaucoup.
38:55Merci beaucoup.
39:09Sous-titrage Société Radio-Canada