Nucléaire: l'Ukraine teste les lignes rouges de la Russie

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L'incursion ukrainienne se poursuit dans la région de Koursk en Russie, où Kiev affirme contrôler près de 1 000 kilomètres carrés. Une première dans l’histoire sur le sol d’une puissance dotée de l’arme nucléaire, comme l'explique notre journaliste Jean-Dominique Merchet.

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Transcript
00:00Pour la Russie, c'est un défi, et pour les Occidentaux, ça pourrait quand même être un.
00:10Le lundi 12 août, nous sommes au septième jour de l'opération ukrainienne.
00:17Cette incursion sur le territoire de la Fédération de Russie dans l'oblaste de Kursk.
00:22Et il semble, d'après les informations toujours assez parcellaires que l'on a,
00:27que la situation est relativement stabilisée.
00:29C'est-à-dire que depuis mardi dernier, lorsque l'opération s'est déclenchée
00:33à la grande surprise générale, les forces armées ukrainiennes
00:37ont pénétré sur quelques dizaines de kilomètres dans la profondeur de la Russie
00:41et contrôleraient aujourd'hui environ 500 kilomètres carrés.
00:45C'est très peu en termes de superficie.
00:49500 kilomètres carrés, c'est 2% de la superficie de la région de Kursk.
00:54Donc il ne s'agit pas d'une invasion, d'une action à grande échelle.
00:57C'est d'une certaine manière la réponse du berger à la bergère
01:01après que la Russie ait envahi près de 20% du territoire de l'Ukraine.
01:08Donc aujourd'hui, la situation sur le front,
01:10après ce qu'on comprend, ça ne bouge plus beaucoup.
01:13Les Russes ont visiblement réussi à stopper l'offensive
01:17ou alors l'offensive s'est arrêtée d'elle-même
01:19parce qu'il y a des problèmes logistiques,
01:21parce qu'il y a des problèmes de munitions, des problèmes de blessés.
01:24On ne sait pas trop.
01:25Ce qu'on sait, c'est que les Russes ont envoyé des renforts dans la région
01:28bloqués cette incursion.
01:33Il y a quelque chose de remarquable dans cette opération.
01:35C'est la première fois qu'une armée étrangère
01:38prend le contrôle d'une toute petite partie,
01:40mais d'une partie quand même,
01:42d'un État qui est un État doté d'armées nucléaires.
01:45Et ça, c'est quelque chose qu'on n'avait jamais vu.
01:48C'est comme si le Mexique prenait une petite partie des États-Unis.
01:53Donc ça, c'est une nouveauté.
01:54On n'avait jamais vu ça comme ça.
01:56Ça veut dire que la dissuasion nucléaire,
01:58le fait de posséder l'arme atomique,
02:00c'est le cas de la Russie évidemment,
02:01ne lui garantit pas absolument ce que les stratèges appellent
02:05la sanctuarisation de son territoire.
02:08La sanctuarisation, ça veut dire que le territoire national
02:11d'une puissance dotée de l'arme nucléaire
02:13est une sorte de sanctuaire inviolable.
02:16On ne peut pas pénétrer dessus de manière militaire pour l'envahir
02:20parce que jusqu'à présent, on considérait que l'arme atomique,
02:23l'arme nucléaire empêchait les autres pays de le faire.
02:26Depuis mardi dernier, on voit que ce n'est plus le cas.
02:29Ça ne veut pas dire que tout l'ordre international,
02:32toutes les théories de la dissuasion nucléaire sont obsolètes.
02:35Pas du tout.
02:36C'est simplement un fait nouveau qu'il faudra rendre le temps
02:39d'analyser, voir les conséquences.
02:41Il ne s'agit pas d'affoler les gens en disant que nous sommes
02:44à la veille d'une guerre nucléaire ou quoi que ce soit.
02:46Ce n'est absolument pas ça.
02:48C'est simplement qu'on pensait qu'il y avait des lignes rouges
02:50et que cette ligne rouge, notamment l'inviolabilité du territoire
02:54de la Fédération Russie, n'existe pas vraiment.
02:57Et que la dissuasion nucléaire n'a pas empêché l'Ukraine
03:01de prendre le contrôle temporairement d'une petite partie.
03:04Ça, on ne sait pas parce que ça, c'est toujours en cours
03:07du territoire de la Fédération Russie.
03:09C'est un fait nouveau.
03:09Il va falloir l'analyser tranquillement, voir les conséquences.
03:12Mais c'était quelque chose qu'il fallait absolument, à mon avis, pointer.
03:15Ce qui a été fait une fois, en l'occurrence par l'Ukraine
03:22sur le territoire de la Russie, on pourrait craindre
03:25que ça se refasse une seconde fois, une troisième fois,
03:28cette fois-ci, pourquoi pas, par la Russie sur un de ses voisins.
03:31La grande crainte que tous les États-majors,
03:33tous les dirigeants politiques occidentaux ont,
03:36ce serait que la Russie, à l'abri de sa dissuasion nucléaire,
03:40cette fois-ci, décide une opération du type de ce que l'Ukraine
03:44est en train de faire dans la région de Koursk,
03:46par exemple en Estonie, par exemple dans la zone frontalière
03:51de la Lituanie et de la Pologne, pas quelque chose de massif,
03:54non, non, quelque chose sur quelques centaines de kilomètres carrés,
03:58en disant mais on va rester là, on n'ira pas plus loin,
04:01mais on va prendre des gages territoriaux sur un État voisin.
04:04Grande différence, c'est que ces États voisins,
04:07l'Estonie, la Pologne, la Lituanie, la Roumanie,
04:09sont des pays membres de l'OTAN.
04:11C'est une agression, en principe, protégée par la garantie américaine,
04:16c'est-à-dire la garantie de la dissuasion nucléaire américaine
04:19et, accessoirement, française ou britannique.
04:21Ça changerait un peu la donne.
04:22Mais on rentre vraiment dans quelque chose qu'on n'avait pas anticipé.
04:26On n'avait jamais vu le territoire d'une puissance nucléaire
04:29envahie par son voisin.
04:30Ça, c'est un fait et surtout, son voisin qui, lui, n'a pas l'arme nucléaire,
04:34elle ne fait pas partie de l'alliance nucléaire.
04:36Pour la Russie, c'est un défi et pour les Occidentaux,
04:39ça pourrait être un défi.
04:41Sous-titrage Société Radio-Canada

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