Depuis que le Parti socialiste a renoncé à censurer François Bayrou, les accusations de Jean-Luc Mélenchon à l'égard des socialistes fusent. Mais qui prend encore au sérieux les menaces du chef de file de La France insoumise à gauche ? Les explications de notre journaliste Antoine Oberdorff.
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00:00Vous êtes des traîtres, vous êtes des traîtres, vous êtes des traîtres.
00:03C'est net, c'est sans bavure, ça ne va pas chercher dans le détail.
00:09Comme les accusations de l'insoumis Hugo Bernalicis,
00:12qui visait les socialistes après leur décision de doter la France d'un budget
00:17et donc par conséquent de renoncer à censurer François Bayrou.
00:20Alors depuis lundi et la décision du bureau national du Parti socialiste
00:24de ne pas censurer François Bayrou, les anathèmes pleuvent,
00:27les accusations fusent sur les réseaux sociaux
00:29et elles deviennent très souvent, dans la bouche de Jean-Luc Mélenchon,
00:32des menaces de représailles à l'endroit des socialistes.
00:34Le vote de la non-censure par le PS consomme son ralliement au gouvernement Bayrou
00:39à trancher le chef insoumis dans une note de blog insinuant par là
00:44que les troupes d'Olivier Faure seraient entrées dans une forme de soutien
00:48sans participation qui ne dirait pas son nom avec le gouvernement de François Bayrou
00:52et des figures telles que Gérald Darmanin ou Bruno Retailleau.
00:55Pour Jean-Luc Mélenchon, les choses sont claires.
00:57Le NFP, cette alliance électorale née à la faveur des législatives de juillet dernier,
01:02est réduit d'un parti.
01:04Le premier niveau d'analyse est assez simple.
01:06Tous ceux qui ne veulent pas envoyer valser le gouvernement Bayrou à la moindre occasion
01:09se placent de facto en dehors du périmètre de l'alliance de la gauche
01:13et avis aux écologistes et aux communistes
01:16qui y rechigneraient au moment de voter la censure.
01:18Le deuxième niveau d'analyse, en revanche,
01:20concerne plus directement la stratégie du tribun insoumis.
01:23Tous ceux qui se refusent à servir son agenda d'une présidentielle anticipée
01:27auront à subir des représailles lors des prochaines échéances électorales,
01:32qu'il s'agisse d'élections législatives anticipées en cas d'éventuelle dissolution
01:35ou lors des élections municipales de 2026.
01:37Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
01:39Tôt ou tard, Jean-Luc Mélenchon promet de châtier
01:43tous les élus du Nouveau Front Populaire hostiles à la censure,
01:46tous ces agents de la stabilisation du système, de la stabilisation du pays en réalité,
01:51qui permettent à Emmanuel Macron de demeurer à l'Élysée
01:54jusqu'au terme de son mandat en 2027.
01:56Donc pour dire les choses directement,
01:58il faut s'attendre à du gros rouge qui tâche à gauche dans les semaines à venir,
02:01des accusations toutes plus grossières les unes que les autres.
02:04En tout cas, tant que le Parti socialiste décidera et choisira de s'inscrire
02:09dans une approche qui est celle d'un parti de gouvernement
02:10et continuera donc de négocier des avancées et des compromis
02:14avec le gouvernement de François Bayrou.
02:15La dramatisation va atteindre des niveaux jamais observés
02:18depuis les élections européennes.
02:19Et il y a fort à parier pour que l'on voit par exemple des visuels
02:22avec Marine Le Pen d'un côté, Olivier Faure de l'autre,
02:25unis artificiellement par les Insoumis, par les liens donc de la non-censure.
02:30Mais il y a un problème, comme un léger souci dans cette guérilla
02:33menée par Jean-Luc Mélenchon sur fond de gauchers réconciliables.
02:36Les menaces du triple candidat à l'élection présidentielle sont-elles encore crédibles ?
02:40On peut répondre sans risquer de trop se tromper que non.
02:43La force de dissuasion de Jean-Luc Mélenchon est en train de fondre comme neige au soleil.
02:48Elle n'est plus celle de l'homme des 22% à l'élection présidentielle de 2022.
02:53Pourquoi ces menaces sont moins crédibles qu'hier ou par exemple au moment de la NUPES ?
02:57Et bien tout simplement parce que par deux fois dans la période récente,
03:00la stratégie de la France insoumise a été désavouée.
03:02Elle a perdu d'abord lors des législatives partielles dans l'ISER,
03:06puis encore tout dernièrement avec l'échec de Louis Boyard
03:10de rallier l'hôtel de ville de Villeneuve-Saint-Georges au municipal partiel.
03:13Dans ces deux cas, un réflexe du « tout sauf LFI » s'est manifesté,
03:17une sorte de front du rejet de la stratégie de radicalité de Jean-Luc Mélenchon,
03:22qui a parfois conduit des électeurs d'extrême droite à préférer des candidats macronistes
03:27plutôt que d'ouvrir la voie d'une victoire possible à un insoumis.
03:30Devant cette évidence électorale, Jean-Luc Mélenchon est bien obligé d'en prendre acte.
03:34Il écrit « la méthode du front républicain d'hier a été reproduite au service d'un front réactionnaire ».
03:40Autrement dit, il y a désormais un front républicain
03:43qui est susceptible de se manifester et de jouer contre la France insoumise.
03:47Peu à peu, les rugissements de Jean-Luc Mélenchon sont en train d'apparaître pour ce qu'ils sont.
03:51Ceux d'un tigre de papier qui n'est en réalité pas certain de pouvoir coller aux ambitions
03:56qui sont les siennes pour les municipales de 2026,
03:59a-t-il seulement les reins suffisamment solides pour engager la guerre des gauches qu'il prétend mener ?
04:04Lors d'hypothétiques législatives anticipées ou lors des municipales,
04:07la France insoumise pourra bien sûr briller par sa capacité de misance en présentant des listes partout.
04:11Mais peuvent-ils l'emporter ? Rien n'est moins sûr.
04:14Et puis surtout, à ce petit jeu dangereux,
04:15le patron des sénateurs socialistes a invité les insoumis à faire preuve de prudence.
04:20« Si nous mettons des grands élus territoriaux face à eux, » a-t-il dit,
04:23« le groupe insoumis pourrait très vite en revenir à son étiage de 2017, c'est-à-dire 17 députés. »
04:28Un nombre insuffisant évidemment pour résenter d'émotions de censure
04:31et exister à la somme nationale comme existe aujourd'hui le groupe insoumis fort de plus de 70 membres.
04:37Vous l'aurez compris, la vérité est que personne,
04:39pas même Jean-Luc Mélenchon, n'a durablement intérêt à déclarer la guerre des gauches.
04:43Derrière les effets de manche et les intimidations réciproques,
04:45chacun sait en réalité ce qu'il a à perdre au moment où l'extrême droite est au plus haut
04:50et où le potentiel électoral de la gauche réunie n'a jamais dépassé, dans la période récente, 30%.
04:55Jean-Luc Mélenchon peut donc dire que le NFP est amputé d'un parti.
04:58Ce que l'on peut dire, c'est que le NFP est provisoirement mort,
05:01il demeure à l'état de zombie et renaîtra vraisemblablement par nécessité électorale.